Il ne viendrait à l’esprit de personne, pour parodier G. Jones, qui, prêchant depuis toujours un sain régime de vie, de prendre pendant les vacances la résolution de négliger la médecine préventive. Mais dans notre désir de corriger nos mauvaises habitudes au cours de 2009, il est important d’examiner les deux côtés de la médaille, car la preuve est faite que la conduite d’une vie saine peut causer des ennuis épouvantables dans les vieux jours!
Nous évoquerons donc deux genres de tragédie découlant du mode de vie. D’abord celle de ce parent de 45 ans qui succombe à une crise cardiaque induite par l’athérosclérose alors que l’hérédité l’assurait de 80 années d’existence agréable. Un mode de vie générateur d’obésité, de diabète et d’hypertension fait frapper la mort des décennies trop tôt.
L’autre drame est du type du remplit les foyers pour malades chroniques. Des patients âgés, cloués au lit, incontinents, seuls, condamnés à fixer jour après jour les murs qui les entourent, certains ne sachant à peine où ils sont, ou pourquoi et comment ils y sont arrivés.
La médecine préventive est devenue une arme à deux tranchants. Chez certains, la discipline et la modération qu’elle implique évite des détériorations prématurées. Chez d’autres, hélas, une saine existence peut conduire au drame en ajoutant des années à la vie plutôt que de la vie aux années.
Mieux j’apprécie les vertus de la médecine préventive, mieux je comprends qu’il y a un temps pour combattre l’apparition des affections dégénératives…et un autre pour abandonner les précautions.
La question qui se pose clairement en 2009 est de savoir si l’on peut avoir le beurre et l’argent du beurre. Peut-on logiquement adopter une attitude plus sélective à l’égard de la médecine préventive? Un temps pour éviter l’athérosclérose et un temps pour dire « Au diable les problèmes du vieillissement! Le moment venu, je préfère mourir rapidement! ».
Un mode de vie exemplaire est de rigueur à l’adolescence et à l’âge moyen. Il exige un régime alimentaire équilibré par les hydrates de carbone et les fibres, ainsi que par une ingestion restreinte de graisses, de sucre et de sel. Il est alors impératif de dire non à la cigarette, aux drogues, aux excès en alcool et en médicaments, ainsi qu’à l’inactivité.
Mais la soixantaine passée, les sacrifices commencent à perdre leur sens et peuvent même être dangereux. Cela ne signifie pas qu’il faille gagner 50 kg en s’empiffrant, cesser tout exercice physique, et vider une bouteille de whisky par jour en fumant des cigares. Néanmoins, ayant échappé à une mort prématurée, on peut s’inspirer de l’écrivain français La Rochefoucauld, selon qui une protection de la santé par un régime excessivement rigoureux est en soi une maladie pénible!
Je doute fort que dans la soixantaine en notre siècle au lieu du XVIIe où il vécut, La Rochefoucauld craindrait les œufs et le jambon au déjeuner, ou qu’il s’encombrerait de scrupules devant des crêpes recouvertes de beurre et de sirop d’érable. De même irait-il allègrement dîner d’un verre de vin et d’une pâtisserie dans quelque bistro. Et je l’imagine sans peine, le soir venu, commandant de la viande avec des frites. Sans oublier la crème glacée au dessert!
En politique comme dans les placements c’est la chronologie, le choix du moment qui détermine le succès. La règle s’applique aussi en médecine. Supposons que les spécialistes soient fondés de clamer qu’une alimentation riche en graisses saturées et cholestérol provoque les crises cardiaques. N’est-il pas préférable de mourir de cela à 80 ans que de s’exposer aux sévices d’une vieillesse trop longue et peut-être d’un trépas aussi lent que douloureux?
J’ai revu récemment une octogénaire de nature inquiète que je connais depuis longtemps. Elle revenait d’un séjour de plusieurs mois en Floride, où elle avait consulté un médecin. Celui-ci, ayant diagnostiqué de l’hypertension et un taux élevé de cholestérol, avait prescrit un régime draconien.
Futilité que cela. Pesant 90kg depuis des années, cette femme ne modifierait sans doute en rien sa longévité en perdant quelques livres et en réduisant tant soit peu sa tension artérielle et son cholestérol.
Qu’aurait dû faire le médecin floridien? Omettre tout d’abord le test de cholestérol, et ensuite féliciter la dame pour la forme physique et mentale qui lui permettait encore de se rendre seule dans le sud en voiture à son âge. Elle était heureuse avant qu’il ne la tracasse avec son cholestérol. Et au lieu de lui faire sacrifier le fromage qu’elle aimait, il aurait dû lui dire « Profitez-en, Madame! ».
Ce n’est pas l’athérosclérose qui menace cette aimable vieille dame. Comme bien d’autres personnes de son âge, elle devait plutôt douter de l’opportunité de la médecine préventive à cette époque de sa vie. Et bon nombre d’entre elles concluront peut-être justement pour ces vacances : « Au diable la médecine préventive! Profitons plutôt du temps qui nous reste! ».
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