Bien qu’on ne le nomme pas encore comme tel, la rupture du lien père-enfant à la suite d’une séparation constitue un problème social plus important qu’il ne le semble. En effet, certaines recherches établissent qu’en Europe et en Amérique du Nord, 50% des pères qui n’ont pas la garde légale de leurs enfants perdent le lien qui était établi avec eux (Furstenberg et al.; Kruk). Conséquemment, plusieurs enfants souffrent de cette absence de rapports avec leur père, ce qui constitue un facteur prédisposant à l’apparition de problèmes dans leur développement (Blankenhorn).
Les recherches sur les pères qui vivent cette situation sont récentes et elles ne sont pas légion, particulièrement celles qui portent sur les perceptions des pères (Dulac). Cet article traitera donc de divers enjeux concernant le lien père-enfant à la suite d’une séparation en mettant l’accent sur la façon dont les pères vivent cette épreuve. Pour illustrer des conclusions issues de la littérature et donner un point de vue plus sensible, deux pères séparés ont été interviewés et seront identifiés comme Antoine, 52 ans et Benoît, 32 ans. Pour donner un éclairage plus complet sur la problématique, nous aborderons le lien père-enfant précédant la séparation avant d’aborder le lien père-enfant avant la séparation constitue un facteur déterminant de la qualité du lien à la suite de la séparation (Hoffman). Les données seront illustrées et discutées à l’aide du modèle écologique.
1.Avant la séparation
Cette partie nous renseignera sur certains des facteurs qui teintent le lien du père avec ses enfants. En voici quelques-uns issus de la littérature et des entrevues réalisées avec les deux pères ci-haut identifiés.
Le père et l’éducation des enfants
La façon dont sont assumés les rôles et les responsabilités parentales influencent le lien père-enfant :
Décider quoi faire puis comment le faire, c’est deux choses sur lesquelles, les
gars, on n’a pas beaucoup le contrôle. Elles (les conjointes) ont tout pensé à
ça, puis c’est la même chose pour une partie de l’éducation des enfants, puis
comment les habiller, comment les nourrir. Ces affaires-là, ça devient un peu
secondaire pour moi (Benoît).
Également, le sentiment de compétence dans l’éducation des enfants a une incidence sur le rapport à l’enfant (Turcotte et al). Le récit d’Antoine indique qu’il se sentait plus ou moins compétent comme parent et qu’il percevait que sa conjointe estimait que sa présence était plus ou moins importante. D’ailleurs, une absence ou un certain détachement peut cacher un sentiment d’incompétence ou une impression d’une utilité plutôt instrumentale se limitant au rôle de pourvoyeur :
Je ne pensais pas que ce que je pouvais bien dire était important. L’important,Ce stéréotype tend à éviter le développement d’habiletés qui peuvent être perçues comme étant féminines, donc non compatibles avec son rôle. Les habiletés parentales peuvent sembler être l’apanage des femmes, une capacité innée de bien prendre soin d’un enfant :
c’était de leur apporter ce qu’il fallait. Un père, c’est quelqu’un qui peut
assurer la sécurité de sa famille, qui aime ses enfants puis sa femme, quelqu’un
qui est assez sage pour prévoir, qui peut se débrouiller dans une maison, qui
rentre l’argent (Antoine).
C’est sûr qu’au début, quand j’ai eu S (enfant), j’avais 25 ans, il y a un peu
d’incompétence, peut-être pas incompétence, un peu plus d’insécurité. Je n’ai
jamais joué la poupée quand j’étais jeune, changer des couches (Benoît).
De plus, l’adoption d’un style parental figure parmi les facteurs pouvant influencer les liens des pères avec leurs enfants avant et après la séparation :
Je n’ai pas été assez ouvert et tolérant. Si je voulais telle chose puis elle,
elle voulait d’autre chose, finalement elle trouvait une autre solution, puis
c’était magnifique. Sauf que moi, à ce moment-là, non, je ne marchais pas
là-dedans, je pouvais pas, je n’étais pas assez ouvert, c’est de valeur
(Antoine).
Cette réflexion illustre une rigidité dans la façon d’exercer l’autorité parentale. Toutefois, des qualités du père traditionnel sont utiles. Par exemple, le rôle de « faciliter le passage du monde de la famille à ce lui de la société » (Corneau).
C’est important pour moi de leur transmettre, de dire, il y a une manière de
fonctionner en société, il y a une manière de se comporter, puis il y a des
règles à suivre puis c’est pas tant contraignant puis on peut avoir aussi du
plaisir à l’intérieur de ces règles-là (…). (Benoît).
L’exercice d’un rôle parental fait appel à des habiletés pour remplir des tâches, mais aussi à des qualités dans la façon d’être et de communiquer
* à suivre *
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