Le désir, c’est quoi au juste?
Au commencement était le désir…Nous sommes fondamentalement désirants. La création est le résultat du désir. L’œuvre est l’objet d’un désir.
Le désir est l’impulsion par laquelle l’être transforme le monde; il faut désirer pour créer : désirer créer, puis créer ensuite. « Le désir, dit Jean Lacrois, est la force primordiale qui est à la base de toutes choses. »
Ainsi, dialectiquement, le désir précède le sexe. Je ne suis littéralement sexué qu’à partir du moment où je veux confronter mon désir à la créature; jusque-là, ma sexualité est virtuelle.
Le désir est langage et communication. Il est trait d’union entre les êtres, un signal qui appelle une réponse. On ne désire pas le désir mais un être ou une chose. Désirer, c’est se dépasser.
L’élément créateur de dynamique du désir est fréquemment sous-évalué. Il l’est par deux écoles différentes : l’une occidentale et mystique, privilégiant le désir de Dieu, met au second plan et au second degré le désir humain dans sa relativité et son éphémère destination; l’autre, orientaliste, traite le désir en terme de péjoration et recherche comme Bien supr^me une certaine sagesse née de l’absence de désir. « La souffrance est désir et le désir souffrance », dit le texte sacré. L’ataraxie orientale, comme la recherhce hindoue du non-désir, est une position philosophique – en fleur de lotus – où tend à s’abîmer dans la contemplation de soi et l’écoute de ses viscères. C’est aussi une avitaminose, mais c’est d’abord, croyons-nous, une avitaminose mentale…
« Devant la face ensanglantée qu’a prise l’histoire de notre temps », il est difficile d’entériner cet esthétisme du non-désir qui est en sorte d’acceptation quiescente de la réalité historique. L’être humain ne progresse-t-il pas dans le sentiment aigu de son inadéquation? Contemporains d’un monde partagé et douloureux, ne sommes-nous pas condamnés à l’action, à l’angoisse, au désir?
Le désir nous paraît être cette dynamique qui nous pousse à ne point rester en l’état, à passer d’un acte à un autre acte et finalement à modifier le monde. C’est le désir qui émerge de l’énergie primordiale et c’est lui qui affronte la nature et qui la plie. Il faut aimer les grands désirants. Désirer, c’est vivre.
Le désir est aussi une gestion du temps. Le désir prend son temps même s’il le bouscule. Il interpose entre l’idée et l’acte une séquence, la sienne, où l’attente devient prélude. Ainsi le désir est espérance : l’attente expectative heureuse, est, comme le désir, relationnelle. On ne s’attend pas soi-même. Mais elle est angoisse, car le temps fuit et le contenu du temps n’est le même pour personne.
L’absence de désir objective une insuffisance du trait d’union qui relie l’être aux autres êtres ou aux évnénements et aux choses. Le désir absent retourne à soi-même dans l’appréhension désolée de la perspetive temporelle : le désert oriental intériorisé.
Se vouloir désirant, c’est s’accepter douloureux : la longue marche, mais également la création continue. Il n’y a pas de plaisir qu’un désir préalable n’ait patiemment invité.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire