LA VIOLENCE FAMILIALE
La vie quotidienne, comme nous venons de le voir, s’enrichir de toutes sortes de configurations qui prennent en compte le temps, l’espace et les relations avec les autres. Pourtant, il est un domaine des relations familiales qui, enfermé dans l’espace de la maison, a été longtemps tenu au secret le plus strict. Ne disait-on pas encore tout récemment : « ce sont des secrets de famille »?
Autant les bons coups des membres d’une famille sont fièrement exposés sur la place publique, autant les mauvais agissements, les infractions aux normes, les relations plus ou moins conformes aux valeurs sociales sont passés sous silence, cachés dans la maison, réglés entre membres de la famille. Ce sont les secrets de famille qui taisent les différentes formes de déviance : la violence familiale et conjugale, l’agression sexuelle, l’inceste ou toute autre forme de transgression des interdits sociaux liés à la vie de famille.
De la tolérance au refus
Il ne faut pas croire que le problème de la violence familiale est nouveau. Les sociologues ont tendance à affirmer que la violence n’est pas plus fréquente aujourd’hui que par le passé; c’est plutôt notre tolérance à son égard qui l’est moins (Propper, 1990).
Un sentiment d’insécurité
Si l’on jette un regard rétrospectif sur la violence dans les groupes humains, on peut dire que la société actuelle n’est pas plus violente que celles qui l’ont précédée. Depuis les années 1980, les courbes de la criminalité recensée au Canada plafonnent et ont entamé un mouvement de décroissance (Brodeur, 1994). Il y a moins d’homicides et de vols. La majorité des conflits se règlent au moyen du droit plus que par les poings. Par contre, les types de crime ont changé à la suite du quadrillage judiciaire de la vie privée. Le nombre d’agressions sexuelles et de voies de fait a doublé des années 1960 aux années 1990, puis il s’est stabilisé (Ouimet, 2003).
Étonnamment, le sentiment général dans la population est que la société civile est plus violente. Le sentiment d’insécurité a augmenté parallèlement à la visibilité accordée à la violence et aux agressions physiques. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cette apparente contradiction. La population est plus sensible aux phénomènes de violence et la société les combat davantage. IL y aune intensification de la dénonciation des délits d’agression survenant dans l’espace privé. La production des statistiques s’est aussi raffinée. Enfin, les médias contribuent à accorder une grande visibilité à la violence en rapportant de manière détaillée les événements violents, ce qui a un effet de dramatisation. L’information nominale, « monsieur X a été agressé dans le dépanneur situé à telle adresse », rend palpable une violence de proximité. Pourtant, si l’on observe l’histoire de l’humanité, les sociétés occidentales n’ont jamais été aussi pacifiques à l’intérieur de leurs frontières. C’est dans les productions cinématographiques, les émissions télévisuelles et les jeux électroniques que la violence et la résolution agressive des conflits interpersonnels sont omniprésentes.
Les deux volets de la violence parentale et de la violence conjugale sont interreliés, même si la compilation des statistiques et les interventions d’aide sont différenciées. Les mauvais traitements que subissent les enfants ne sont pas le fait du hasard dans la société. Ces situations sont plus fréquentes dans les familles où les mères subissent elles-mêmes de la violence systémique ou dans des familles monoparentales isolées et pauvres.
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