Une attitude directive
Un grand nombre de personnes assimilent une attitude directive à un comportement négatif. Elles confondent « directivité » et autorité. Ce type d’attitude fait souvent référence à une position de domination et d’agression. En effet, dans notre société, la « directivité » est, dans bien des cas, associée à des situations négatives et à des rapports hiérarchiques. Toutefois, avoir une attitude directive dans un contexte positif, aide, soutient et sécurise. Dans cette perspective, elle ne revêt pas un aspect dominateur et sert de moyen pour créer des « alliances ».
Elle vise essentiellement à permettre à la victime de consentir à agir pour elle-même, dans son intérêt et pour sa sécurité. Elle sert de repère dans la démarche angoissante de la femme battue. Elle lui permet de recevoir des messages qui soutiennent son refus de la violence et qui l’incite à abandonner une position de retrait et de passivité.
Par écrit on ne peut rendre compte du timbre de voix, mais voici néanmoins quelques exemples d’intervention directive :
Normaliser le vécu émotif
« Tu as parfaitement raison de te sentir en colère, tu n’as pas à te culpabiliser de penser à toi, c’est tout à fait normal. C’est impossible que tu n’aies rien de brisé en toi après cette douloureuse expérience de violence, donne-toi la permission de ressentir ce qui est cassé en toi. »
Sécuriser
« Il n’y a rien qui justifie la violence. Tu ne peux toi-même régler le problème d’alcoolisme de ton partenaire, la solution à cette difficulté lui appartient. Tu dois prendre du temps pour toi. »
Créer l’espoir
« Les avocat-e-s avec lesquel-le-s nous travaillons font régulièrement ces demandes de saisie de biens, explique-leur ce que tu veux. Tu as survécu à toutes ces violences, compte sur ses capacités personnelles pour affronter un nouveau départ. Tu peux apprivoiser la solitude et apprendre à t’aimer. »
Susciter la confiance en elle
« Fais confiance à ton jugement personnel. Si tu ne t’étais pas sauvée, il aurait employé ce couteau contre toi. Tu as fait preuve de beaucoup de force pour arriver à survivre dans ce contexte de violence, reconnais-toi ces capacités. Tu sais très bien comment il tente de te récupérer après ses pertes de contrôle, essaie maintenant de trouver des moyens pour te protéger contre ses manipulations. »
Inciter à agir
« Il faut que tu penses à te protéger, tu es sérieusement en danger. Tous les changements que tu pourrais faire ne suffiront jamais à mettre fin à la violence. S’il ne veut pas lui-même être aidé pour ses pertes de contrôle. Tu as le pouvoir de modifier la situation. »
Éviter la dépendance
« Les décisions t’appartiennent et c’est toi qui auras à vivre leurs conséquences. C’est effectivement tentant de chercher un protecteur, mais la protection la plus efficace passe par toi. Ta place en tant que personne est aussi importante que tes responsabilités parentales. »
Contre-discours
« La violence est un prix dangereux et trop élevé à payer pour maintenir la cellule familiale. Tout devient provocation pour l’agresseur qui a besoin de se « déresponsabiliser » de l’agression qu’il a commise. Essaie, pour toi, de savoir ce que tu vas vérifier en retournant avec lui. »
Mobiliser
« J’attends ton appel demain pour me faire savoir comment tu vas. Quand tu auras réalisé cette tâche, note bien par écrit comment tu as réussi cette action. Consens à n’accomplir qu’une étape à la fois et accepte de voir tes réussites. »
La « directivité » crée donc un climat propice à la mobilisation de la cliente. Elle respecte les choix de l’autre et, en aucun cas, elle ne vous amène à prendre de décision à la place de la femme violentée, ce qui relèverait alors de la domination et de l’autoritarisme. Face à une attitude positive et affirmative, la cliente se rend compte qu’elle est un individu à part entière, que vous croyez en ses capacités et respectez ses choix. Ce mode d’intervention augmente l’impact de l’entrevue de crise et assure l’efficacité de l’intervention.
La « directivité » est donc nécessaire en entrevue de situation de crise, dans ce contexte où les victimes fonctionnent de manière passive. Elles ne sont ni habituées à prendre des décisions, ni à faire des choix pour elles-mêmes. La « directivité » a pour but de les y encourager. Elles se sentent des plus démunies lorsqu’elles doivent réagir rapidement, elles cherchent les approbations et se placent bien souvent en position de prise en charge. Que vous ayez une attitude directive aide la victime à se mobiliser et à accepter de donner la priorité à sa survie personnelle. La « directivité » permet de prendre des positions claires contre la violence et de rejeter les motifs qui poussent la victime à se sentir responsable de la violence.
Rappelez-vous que les femmes battues construisent leur univers en fonction de l’agresseur. Elles restreignent leurs besoins personnels selon les règles qu’il établit. Elles ont douloureusement appris à ne prendre aucune initiative sans son autorisation. Leur marge de manœuvre se trouve donc des plus limitées; ce sont les agresseurs qui contrôlent tout, qui vérifient ce qu’elles font et qui donnent ou non une valeur aux actes qu’elles posent. Elles agissent ou réagissent en fonction de l’autre. Dans une certaine mesure, elles vivent par procuration. C’est pourquoi la « directivité » devient une stratégie essentielle lors de l’entrevue qui suit le choc de l’agression, et pourra même être maintenue dans une démarche à court terme. Elle permet de mobiliser la cliente en l’incitant clairement à se donner des permissions : parler de ce qu’elle vit, penser à elle, assurer sa protection, ressentir certaines émotions interdites jusqu’alors. Elle est une source d’énergie et d’espoir. Elle permet à l’intervenante et à la cliente de découvrir comment réagir à la violence et rentabilise l’énergie dont a fait preuve la femme battue en demandant de l’aide. Elle permet aussi de connaître réellement le degré du danger dans lequel se trouve la cliente.
Vous aurez donc un attitude directive afin d’aider la cliente à se centrer sur elle-même (ses émotions, ses besoins, sa sécurité). Vous vous en servirez également pour valider son vécu émotif, pour la sécuriser et créer l’espoir de mettre fin à la violence. De plus, vos contre-discours face à la violence lui permettront de nourrir la confiance en la « personne ressource » que vous représentez. Vous l’enjoindrez aussi de tout faire pour éviter une possible dépendance.
Ainsi la « directivité » va-t-elle permettre à la cliente de lutter contre son sentiment d’impuissance, et l’inciter à se privilégier dans ses choix. N’oubliez pas que votre attitude directive ira en diminuant au cours des entrevues – si vous continuez un contrat d’aide avec la cliente – et disparaîtra à court terme.
mercredi 31 août 2011
lundi 29 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 38e partie
«L’Universalisation »
La technique d’ «universalisation » permet à la cliente de constater qu’elle vit des émotions semblables aux personnes confrontées à un problème similaire : « Les femmes qui connaissent une expérience de violence conjugale éprouvent, dans la majorité des cas, un sentiment d’injustice et de colère. » Cette technique permet de briser l’isolement et assure à la cliente que sa situation ne relève pas de sa responsabilité personnelle. « La violence envers les femmes est très répandue, près d’une femme sur dix, au Canada, est victime des agressions de son conjoint. » Le problème est donc situé dans son contexte social. « La violence envers les femmes renforce le pouvoir des hommes dans notre société. C’est pourquoi le silence est si fréquent. »
Les techniques d’ « universalisation » doivent être employées à bon escient pour éviter de minimiser la situation vécue par la cliente et ne pas devancer la réflexion personnelle de celle-ci. Elles suivent généralement une verbalisation et en renforcent sa valeur.
Les techniques basées sur une analyse féministe et celles empruntées à « l’approche de court terme » appuient efficacement l’intervention. Ces moyens assurent une aide qui tient compte de la situation émotive de la cliente en crise et de ses besoins d’aide concrète. Ils appuient les différents rôles que vous devez assumer au cours de l’entrevue de crise.
Les diverses techniques décrites s’inscrivent dans un cadre précis d’intervenir et créent un contexte privilégié pour la femme violentée. En plus de ces connaissances spécifiques, vous avez des rôles précis à assumer comme thérapeute, comme intervenante et comme femme. Ces rôles permettent d’établir une relation de confiance dans un climat de solidarité.
La relation
La cliente est souvent méfiante envers les services d’aide. Elle craint d’être tenue responsable de sa situation de violence. Elle a peut-être déjà reçu une aide inadéquate de certains professionnels et redoute que vous lui disiez de quitter son conjoint. Il faut donc établir rapidement la relation et définir le type de service qu’elle est en droit de recevoir.
Elle doit sentir immédiatement que vous la respectez en tant qu’individu et que vous respectez la situation qu’elle vit. La façon dont vous la traiterez lui confirmera qu’elle n’est pas, à vos yeux, une personne sans valeur, une « non-personne », comme elle est habituée à se le faire entendre dire par l’agresseur. Votre attitude n’est en rien surprotectrice. Rappelez-vous que la surprotection confirme à l’autre son incapacité et vous confère le pouvoir du savoir et des décisions. Elle peut également signifier qu’entendre toute l’histoire des violences subies, avec ce qu’elle comporte d’horreur, vous met mal à l’aise.
Cet élément est important et il vaut la peine de s’y attarder quelque peu. En effet, au début de leur pratique auprès de cette clientèle, les intervenantes parlent beaucoup de leurs difficultés à recevoir le contenu émotif et factuel du vécu de violence des victimes. Certaines praticiennes ont exprimé la crainte qu’elles avaient d’ajouter à la douleur que vit déjà la cliente, en favorisant l’expression du vécu émotif. Au cours de divers enseignements dans le milieu de services sociaux et des services communautaires, nous avons constaté que cette réaction est associée à une sous-évaluation des capacités personnelles des femmes battues. De plus, la réception d’un tel contenu met en relief la vulnérabilité de l’intervenante comme femme et victime potentielle. Certains moyens sont alors employés par l’intervenante pour se protéger contre ce genre de contenu : elle parle beaucoup, amène les échanges sur le plan rationnel et factuel, maintient la victime dans ses rôles de mère et d’épouse, propose rapidement des solutions concrètes, intervient sur un mode interrogatif qui incite à des réponses courtes et rassemble un nombre considérable d’informations. Dans ce cas, lorsque les émotions de la cliente surgissent, il suffit alors, pour réduire leur expression, de les expliquer et de les analyser.
Mais, les femmes battues ressentent déjà tous ces malaises et vivent quotidiennement avec ces émotions. Le fait d’en parler ne les augmente pas, mais les rend simplement plus présentes, et les clientes peuvent enfin se permettre de les ressentir et de se réapproprier leurs pertes émotives. En facilitant l’expression des sentiments et en éclaircissant leur contenu, vous offrez à ces femmes la possibilité de vivre un certain apaisement de leur surcharge émotive. Elles peuvent également commencer à y voir plus clair et à faire des liens entre leurs diverses émotions. Avec l’appui qu’elles reçoivent, elles redonnent une juste valeur à ces sentiments, elles en atténuent certains, découvrant qu’ils sont générés et nourris par l’agresseur. Ce déblayage émotif doit être fait pour que la victime parvienne à se mobiliser dans des actions concrètes. Il ne faut pas oublier que la cliente est la mieux placée pour élaborer ses réactions à la violence.
La relation avec la victime se veut sans surprotection. Ce contexte lui permet d’exprimer ses douleurs – pour certaines femmes, ce sera la première fois. Ce climat facilite également la fin du silence sur certains types de violence : sexuelles, avec armes, etc. De plus, il n’est pas essentiel de lui demander des détails sur les formes de violence qu’elle a subies, elle le fera d’elle-même dès qu’elle se permettra d’exprimer son vécu émotif.
Vous l’inviterez donc à envisager un nouveau rapport. Vous êtes une « personne ressource », mais vous êtes aussi une femme qui a connu les mêmes apprentissages. Vous représentez un modèle. Pour cette raison, votre relation s’établit sur un mode affirmatif. Vous intervenez donc lorsqu’elle tient des propos dénigrants sur elle-même. Votre action met également fin à ses attitudes de victimisation et son propre comportement lui est révélé pour qu’elle y mette fin consciemment.
La relation se fait dans un climat qui aide la femme battue. La victime doit y retrouver un contexte de sécurité émotive et physique. Vous l’assurez que sa visite est confidentielle.
Finalement, la relation de dialogue sert de garantie à la démarche d’aide. La victime reçoit, dans un langage accessible, l’information basée sur un nouveau rapport, tendant à réduire l’inégalité et les zones de pouvoir.
La technique d’ «universalisation » permet à la cliente de constater qu’elle vit des émotions semblables aux personnes confrontées à un problème similaire : « Les femmes qui connaissent une expérience de violence conjugale éprouvent, dans la majorité des cas, un sentiment d’injustice et de colère. » Cette technique permet de briser l’isolement et assure à la cliente que sa situation ne relève pas de sa responsabilité personnelle. « La violence envers les femmes est très répandue, près d’une femme sur dix, au Canada, est victime des agressions de son conjoint. » Le problème est donc situé dans son contexte social. « La violence envers les femmes renforce le pouvoir des hommes dans notre société. C’est pourquoi le silence est si fréquent. »
Les techniques d’ « universalisation » doivent être employées à bon escient pour éviter de minimiser la situation vécue par la cliente et ne pas devancer la réflexion personnelle de celle-ci. Elles suivent généralement une verbalisation et en renforcent sa valeur.
Les techniques basées sur une analyse féministe et celles empruntées à « l’approche de court terme » appuient efficacement l’intervention. Ces moyens assurent une aide qui tient compte de la situation émotive de la cliente en crise et de ses besoins d’aide concrète. Ils appuient les différents rôles que vous devez assumer au cours de l’entrevue de crise.
Les diverses techniques décrites s’inscrivent dans un cadre précis d’intervenir et créent un contexte privilégié pour la femme violentée. En plus de ces connaissances spécifiques, vous avez des rôles précis à assumer comme thérapeute, comme intervenante et comme femme. Ces rôles permettent d’établir une relation de confiance dans un climat de solidarité.
La relation
La cliente est souvent méfiante envers les services d’aide. Elle craint d’être tenue responsable de sa situation de violence. Elle a peut-être déjà reçu une aide inadéquate de certains professionnels et redoute que vous lui disiez de quitter son conjoint. Il faut donc établir rapidement la relation et définir le type de service qu’elle est en droit de recevoir.
Elle doit sentir immédiatement que vous la respectez en tant qu’individu et que vous respectez la situation qu’elle vit. La façon dont vous la traiterez lui confirmera qu’elle n’est pas, à vos yeux, une personne sans valeur, une « non-personne », comme elle est habituée à se le faire entendre dire par l’agresseur. Votre attitude n’est en rien surprotectrice. Rappelez-vous que la surprotection confirme à l’autre son incapacité et vous confère le pouvoir du savoir et des décisions. Elle peut également signifier qu’entendre toute l’histoire des violences subies, avec ce qu’elle comporte d’horreur, vous met mal à l’aise.
Cet élément est important et il vaut la peine de s’y attarder quelque peu. En effet, au début de leur pratique auprès de cette clientèle, les intervenantes parlent beaucoup de leurs difficultés à recevoir le contenu émotif et factuel du vécu de violence des victimes. Certaines praticiennes ont exprimé la crainte qu’elles avaient d’ajouter à la douleur que vit déjà la cliente, en favorisant l’expression du vécu émotif. Au cours de divers enseignements dans le milieu de services sociaux et des services communautaires, nous avons constaté que cette réaction est associée à une sous-évaluation des capacités personnelles des femmes battues. De plus, la réception d’un tel contenu met en relief la vulnérabilité de l’intervenante comme femme et victime potentielle. Certains moyens sont alors employés par l’intervenante pour se protéger contre ce genre de contenu : elle parle beaucoup, amène les échanges sur le plan rationnel et factuel, maintient la victime dans ses rôles de mère et d’épouse, propose rapidement des solutions concrètes, intervient sur un mode interrogatif qui incite à des réponses courtes et rassemble un nombre considérable d’informations. Dans ce cas, lorsque les émotions de la cliente surgissent, il suffit alors, pour réduire leur expression, de les expliquer et de les analyser.
Mais, les femmes battues ressentent déjà tous ces malaises et vivent quotidiennement avec ces émotions. Le fait d’en parler ne les augmente pas, mais les rend simplement plus présentes, et les clientes peuvent enfin se permettre de les ressentir et de se réapproprier leurs pertes émotives. En facilitant l’expression des sentiments et en éclaircissant leur contenu, vous offrez à ces femmes la possibilité de vivre un certain apaisement de leur surcharge émotive. Elles peuvent également commencer à y voir plus clair et à faire des liens entre leurs diverses émotions. Avec l’appui qu’elles reçoivent, elles redonnent une juste valeur à ces sentiments, elles en atténuent certains, découvrant qu’ils sont générés et nourris par l’agresseur. Ce déblayage émotif doit être fait pour que la victime parvienne à se mobiliser dans des actions concrètes. Il ne faut pas oublier que la cliente est la mieux placée pour élaborer ses réactions à la violence.
La relation avec la victime se veut sans surprotection. Ce contexte lui permet d’exprimer ses douleurs – pour certaines femmes, ce sera la première fois. Ce climat facilite également la fin du silence sur certains types de violence : sexuelles, avec armes, etc. De plus, il n’est pas essentiel de lui demander des détails sur les formes de violence qu’elle a subies, elle le fera d’elle-même dès qu’elle se permettra d’exprimer son vécu émotif.
Vous l’inviterez donc à envisager un nouveau rapport. Vous êtes une « personne ressource », mais vous êtes aussi une femme qui a connu les mêmes apprentissages. Vous représentez un modèle. Pour cette raison, votre relation s’établit sur un mode affirmatif. Vous intervenez donc lorsqu’elle tient des propos dénigrants sur elle-même. Votre action met également fin à ses attitudes de victimisation et son propre comportement lui est révélé pour qu’elle y mette fin consciemment.
La relation se fait dans un climat qui aide la femme battue. La victime doit y retrouver un contexte de sécurité émotive et physique. Vous l’assurez que sa visite est confidentielle.
Finalement, la relation de dialogue sert de garantie à la démarche d’aide. La victime reçoit, dans un langage accessible, l’information basée sur un nouveau rapport, tendant à réduire l’inégalité et les zones de pouvoir.
samedi 27 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 37e partie
Le Partage des connaissances
Une des façons de lui donner du pouvoir est naturellement de lui faire partager vos connaissances. Sans bâtir l’entrevue uniquement sur une démarche rationnelle, il peut être sécurisant pour la cliente de comprendre certains aspects de la dynamique de la violence. Par exemple, il peut être positif d’examiner avec elle ce que sont le cycle et l’escalade de la violence, pour qu’elle puisse alors étudier ses réactions dans de telles circonstances et se déculpabiliser ainsi de sa manière de conduire le processus évolutif des ruptures.
Une femme battue disait : « Je suis contente de savoir comment se produit le cycle de la violence, je croyais que j’étais folle de ressentir de l’affection pour lui. » Une autre réagissait ainsi à l’explication des ruptures évolutives : « Je ne suis pas certaine de résister à un retour avec lui, mais, cette fois-ci, je sais ce que je veux et ce départ n’est pas inutile. »
Ce genre d’information soutient la cliente dans ses réactions. Vous pouvez en plus lui faire connaître vos hypothèses. Cette démarche permet à la femme battue de prendre une part active dans la relation d’aide et de vivre une expérience où le pouvoir, que donne le savoir, est partagé. La relation n’est pas celle où l’expert établit un diagnostic et fait un traitement. La cliente est ici partie prenante du processus; elle n’est pas considérée comme un malade, mais comme une personne qui a les capacités et le pouvoir de changer : « Ce que je crois, c’est que ta peur de la solitude est tellement grande que tu refuses d’examiner la relation de couple que tu vis actuellement, qu’en penses-tu? Peux-tu me dire ce que tu penses de cette idée qui me vient actuellement : pour te protéger de la douleur que tu as vécue au cours de ces différentes scènes de violence, tu enfermes tes émotions dans une boîte. »
Les Contre-discours
Afin de soutenir la cliente, il faut combattre les discours sur la victimisation. Elle a constamment reçu le message qu’elle était faible et sans valeur. L’intervenante féministe croit aux capacités des femmes. Les difficultés de la victime ne sont pas reliées à une pathologie, mais à un manque d’habileté à s’affirmer. De plus, en tant que femme et victime, elle ne s’accorde pas le droit de se donner la priorité. Les contre-discours vont donc renforcer les capacités de survie de la cliente face aux violences. Vous lui ferez constater qu’elle n’a pas appris à s’affirmer, mais que cela se développe et s’apprend. De plus, elle découvrira que cette difficulté n’est pas associée à un manque de capacités personnelles. « Si tu éprouves de la difficulté à dire non, ce n’est pas parce que tu en es incapable. Mais, en tant qu’ex-enfant battue et en tant que femme, tu n’as pas eu l’occasion de l’apprendre. Tu as tout à fait raison de vouloir penser à toi et d’exiger qu’on te respecte. »
Les contre-discours lui permettront de réduire ses propres préjugés contre la violence. Ils valideront ses besoins et les renforceront en lui donnant accès à une analyse différente de violence. Les contre-discours peuvent faire partie des « alliances », de l’ »universalisation » ou être utilisés dans diverses techniques de soutien. Ainsi confrontée à de nouveaux schèmes de référence, la cliente peut trouver les appuis indispensables pour rompre le cycle des agressions et l’aider à se mobiliser.
La femme violentée avance en se questionnant rationnellement. Elle ne peut engager aucune action concrète si elle ne modifie pas ses anciennes certitudes. Ces dernières maintiennent sa passivité et sa position de retrait. Elle devra développer d’autres valeurs pour consentir à s’accepter. En entrevue de crise, il est évident que ce processus d’évolution ne fait que s’amorcer. Il peut toutefois devenir, pour la cliente, un facteur décisif de changement.
Techniques associées à l’approche de « court terme »
En plus des techniques basées sur une analyse féministe, il peut être intéressant d’employer des techniques associées à l’approche de « court terme ». Trois techniques s’avèrent particulièrement intéressantes dans l’intervention auprès des femmes battues en situation de crise, soit, la « réassurance », l’encouragement des comportements dirigés vers l’action et la technique d’ « universalisation ».
La «Réassurance »
Il faut « réassurer » la cliente de ses forces et capacités personnelles. L’intervenante met en évidence les aptitudes et les ressources personnelles de la femme violentée. Elle reçoit donc des paroles qui lui confirment la confiance que vous avez en elle. « Tu as fait preuve de beaucoup d’imagination pour arriver à vivre avec ton peu de ressources financières. Cette capacité d’organisation te servira à nouveau, pour réaménager tes nouvelles conditions de vie. » Cette attitude suscite l’espoir et l’entourage à persévérer dans sa tâche de reconstruction. « Ta richesse émotive te guidera pour construire de nouvelles relations avec des amis. »
Ce type d’attitude rappelle à la cliente que la situation peut se modifier, à partir des capacités personnelles qu’elle concrétisera dans un nouvel engagement. La situation n’est pas considérée comme immuable ni la victime comme « incapable ». La notion de changement fait partie de la démarche d’espoir. « Il est possible de mettre fin à cette situation de violence, même si la démarche est longue et ardue, tu peux retrouver la liberté à laquelle tu as droit. »
La « réassurance » permet également d’atténuer certaines inquiétudes reliées à la situation de crise. « En éclaircissant certaines émotions et besoins, la confusion que tu éprouves diminuera peu à peu. »
Encourager les comportements dirigés vers la tâche
La femme battue en situation de crise a besoin de se mobiliser. Les tâches l’incitant à l’action lui permettent de lutter contre ses comportements de passivité. Le renforcement des comportements axés sur des tâches (des devoirs ou des exercices à faire) prennent donc une importance très grande lors de l’entrevue de crise. Ce type d’appui réduit le sentiment d’impuissance et d’incapacité. La cliente se voit soutenue dans ses capacités à agir et à réagir dans la situation critique. L’intervenante assure la cliente qu’elle peut reprendre du pouvoir dans sa vie et qu’elle est en mesure de décider pour elle-même.
Pour ce faire, vous soutenez et encouragez les initiatives et les efforts de la cliente pour qu’elle s’implique activement dans la résolution de ses difficultés. « C’est une excellente initiative que de vouloir appeler un-e avocat-e pour vérifier ta protection financière. Je peux te suggérer quelqu’un. » Dans le même ordre d’idée, vous soulignez ses réussites antérieures. « C’est une bonne idée de reprendre tes cours de comptabilité. Tu y réussissais bien et, de plus, cela te garantit une future autonomie financière. »
La valorisation des initiatives que prend la cliente la pousse à découvrir son potentiel personnel et à se voir dans une position d’autonomie. « Ta décision de refuser toute nouvelle manifestation de violence est totalement justifiée et va te permettre de faire des choix en tenant compte de tes propres besoins. »
Une des façons de lui donner du pouvoir est naturellement de lui faire partager vos connaissances. Sans bâtir l’entrevue uniquement sur une démarche rationnelle, il peut être sécurisant pour la cliente de comprendre certains aspects de la dynamique de la violence. Par exemple, il peut être positif d’examiner avec elle ce que sont le cycle et l’escalade de la violence, pour qu’elle puisse alors étudier ses réactions dans de telles circonstances et se déculpabiliser ainsi de sa manière de conduire le processus évolutif des ruptures.
Une femme battue disait : « Je suis contente de savoir comment se produit le cycle de la violence, je croyais que j’étais folle de ressentir de l’affection pour lui. » Une autre réagissait ainsi à l’explication des ruptures évolutives : « Je ne suis pas certaine de résister à un retour avec lui, mais, cette fois-ci, je sais ce que je veux et ce départ n’est pas inutile. »
Ce genre d’information soutient la cliente dans ses réactions. Vous pouvez en plus lui faire connaître vos hypothèses. Cette démarche permet à la femme battue de prendre une part active dans la relation d’aide et de vivre une expérience où le pouvoir, que donne le savoir, est partagé. La relation n’est pas celle où l’expert établit un diagnostic et fait un traitement. La cliente est ici partie prenante du processus; elle n’est pas considérée comme un malade, mais comme une personne qui a les capacités et le pouvoir de changer : « Ce que je crois, c’est que ta peur de la solitude est tellement grande que tu refuses d’examiner la relation de couple que tu vis actuellement, qu’en penses-tu? Peux-tu me dire ce que tu penses de cette idée qui me vient actuellement : pour te protéger de la douleur que tu as vécue au cours de ces différentes scènes de violence, tu enfermes tes émotions dans une boîte. »
Les Contre-discours
Afin de soutenir la cliente, il faut combattre les discours sur la victimisation. Elle a constamment reçu le message qu’elle était faible et sans valeur. L’intervenante féministe croit aux capacités des femmes. Les difficultés de la victime ne sont pas reliées à une pathologie, mais à un manque d’habileté à s’affirmer. De plus, en tant que femme et victime, elle ne s’accorde pas le droit de se donner la priorité. Les contre-discours vont donc renforcer les capacités de survie de la cliente face aux violences. Vous lui ferez constater qu’elle n’a pas appris à s’affirmer, mais que cela se développe et s’apprend. De plus, elle découvrira que cette difficulté n’est pas associée à un manque de capacités personnelles. « Si tu éprouves de la difficulté à dire non, ce n’est pas parce que tu en es incapable. Mais, en tant qu’ex-enfant battue et en tant que femme, tu n’as pas eu l’occasion de l’apprendre. Tu as tout à fait raison de vouloir penser à toi et d’exiger qu’on te respecte. »
Les contre-discours lui permettront de réduire ses propres préjugés contre la violence. Ils valideront ses besoins et les renforceront en lui donnant accès à une analyse différente de violence. Les contre-discours peuvent faire partie des « alliances », de l’ »universalisation » ou être utilisés dans diverses techniques de soutien. Ainsi confrontée à de nouveaux schèmes de référence, la cliente peut trouver les appuis indispensables pour rompre le cycle des agressions et l’aider à se mobiliser.
La femme violentée avance en se questionnant rationnellement. Elle ne peut engager aucune action concrète si elle ne modifie pas ses anciennes certitudes. Ces dernières maintiennent sa passivité et sa position de retrait. Elle devra développer d’autres valeurs pour consentir à s’accepter. En entrevue de crise, il est évident que ce processus d’évolution ne fait que s’amorcer. Il peut toutefois devenir, pour la cliente, un facteur décisif de changement.
Techniques associées à l’approche de « court terme »
En plus des techniques basées sur une analyse féministe, il peut être intéressant d’employer des techniques associées à l’approche de « court terme ». Trois techniques s’avèrent particulièrement intéressantes dans l’intervention auprès des femmes battues en situation de crise, soit, la « réassurance », l’encouragement des comportements dirigés vers l’action et la technique d’ « universalisation ».
La «Réassurance »
Il faut « réassurer » la cliente de ses forces et capacités personnelles. L’intervenante met en évidence les aptitudes et les ressources personnelles de la femme violentée. Elle reçoit donc des paroles qui lui confirment la confiance que vous avez en elle. « Tu as fait preuve de beaucoup d’imagination pour arriver à vivre avec ton peu de ressources financières. Cette capacité d’organisation te servira à nouveau, pour réaménager tes nouvelles conditions de vie. » Cette attitude suscite l’espoir et l’entourage à persévérer dans sa tâche de reconstruction. « Ta richesse émotive te guidera pour construire de nouvelles relations avec des amis. »
Ce type d’attitude rappelle à la cliente que la situation peut se modifier, à partir des capacités personnelles qu’elle concrétisera dans un nouvel engagement. La situation n’est pas considérée comme immuable ni la victime comme « incapable ». La notion de changement fait partie de la démarche d’espoir. « Il est possible de mettre fin à cette situation de violence, même si la démarche est longue et ardue, tu peux retrouver la liberté à laquelle tu as droit. »
La « réassurance » permet également d’atténuer certaines inquiétudes reliées à la situation de crise. « En éclaircissant certaines émotions et besoins, la confusion que tu éprouves diminuera peu à peu. »
Encourager les comportements dirigés vers la tâche
La femme battue en situation de crise a besoin de se mobiliser. Les tâches l’incitant à l’action lui permettent de lutter contre ses comportements de passivité. Le renforcement des comportements axés sur des tâches (des devoirs ou des exercices à faire) prennent donc une importance très grande lors de l’entrevue de crise. Ce type d’appui réduit le sentiment d’impuissance et d’incapacité. La cliente se voit soutenue dans ses capacités à agir et à réagir dans la situation critique. L’intervenante assure la cliente qu’elle peut reprendre du pouvoir dans sa vie et qu’elle est en mesure de décider pour elle-même.
Pour ce faire, vous soutenez et encouragez les initiatives et les efforts de la cliente pour qu’elle s’implique activement dans la résolution de ses difficultés. « C’est une excellente initiative que de vouloir appeler un-e avocat-e pour vérifier ta protection financière. Je peux te suggérer quelqu’un. » Dans le même ordre d’idée, vous soulignez ses réussites antérieures. « C’est une bonne idée de reprendre tes cours de comptabilité. Tu y réussissais bien et, de plus, cela te garantit une future autonomie financière. »
La valorisation des initiatives que prend la cliente la pousse à découvrir son potentiel personnel et à se voir dans une position d’autonomie. « Ta décision de refuser toute nouvelle manifestation de violence est totalement justifiée et va te permettre de faire des choix en tenant compte de tes propres besoins. »
jeudi 25 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 36e partie
Position contre la violence
Comme il a été mentionné, précédemment, l’intervention ne se fait pas dans un contexte neutre. La sécurité de la victime prédomine dans l’entrevue. Votre position contre la violence doit être claire pour qu’elle sache que vous ne remettez pas en question son expérience de victime. Il ne suffit pas de prendre position une fois dans l’entrevue pour que la femme battue soit sécurisée. Chaque fois qu’elle se rend responsable ou reprend à son compte le discours culpabilisant de l’agresseur, vous lui répétez que la violence est un mode inacceptable de fonctionnement. Ce discours risque d’être nouveau pour elle. Elle va probablement tenter de vous mettre à l’épreuve, en vous donnant une série d’informations qui renforcent, selon elle, sa responsabilité dans les scènes de violence.
Le soutien reçu dans la dénonciation de violence permet à la victime de se déculpabiliser et de donner un sens différent aux événements. Elle peut aussi se détendre et abaisser ses défenses puisqu’elle n’a pas à donner de justifications à sa situation. Il faut toutefois se rappeler que vous devez dénoncer les actes de violence mais ne pas attaquer l’agresseur en tant qu’individu : « Il a le droit d’être en colère, mais cela ne justifie pas qu’il ait recours à la violence. Même s’il regrette sa perte de contrôle, il n’a aucune excuse de t’avoir frappée. »
Les femmes violentées agressent parfois leurs enfants. Cette réalité ne doit pas modifier la dénonciation de la violence. Toute violence demeure inacceptable et le contexte de victimisation de la femme ne peut justifier sa propre violence. Vos messages peuvent tenir compte de cette situation : « Aucun être humain ne mérite d’être agressé. La violence est inacceptable, qu’elle soit faite envers un enfant ou envers un adulte. » Ces verbalisations peuvent l’aider à exprimer ses propres pertes de contrôle et l’assurer qu’il existe des moyens pour l’aider à résoudre ses difficultés.
La cliente sait donc à quoi s’attendre et se sent respectée comme individu à part entière. Elle sait que vous n’approuvez pas ses agressions envers ses enfants.
Conscientisation
Les femmes battues ont souvent intégré les stéréotypes féminins. Leur fonctionnement se base sur les règles sociales établies selon des rapports de domination. De plus, elles se sentent responsables et coupables de certaines réactions. Elles ne voient pas que les pressions sociales influencent de façon déterminante leurs réalisations personnelles. Ainsi, prennent-elles pour un problème individuel ce qui n’est qu’une conséquence des normes sociales existantes. Être victime de violence les rend honteuses et coupables, mais en réalité ce sont les conventions sociales qui définissent, dans notre société, les femmes battues et violées comme des provocatrices et des masochistes. Ce discours est naturellement repris par l’agresseur qui se sent approuvé par la société.
Une partie importante de ses sentiments de culpabilité et de honte est directement reliée aux pressions sociales. Le travail de conscientisation permet à la victime d’évaluer différemment les origines de ses émotions : « Tu te sens égoïste dès que tu penses à toi, car la règle qu’on exige des femmes, c’est de « s’oublier ». La majorité des femmes sont paralysées lorsque leur conjoint les agresse. On ne nous a jamais dit que le protecteur et le prince charmant pouvaient se transformer en agresseurs, alors quand cela arrive, on est stupéfaites ».
La femme battue est prise dans une « toile d’araignée ». La « toile sociale » qui la garde prisonnière, la maintient dans une position de dépendance au conjoint. Si elle dénonce le piège, elle provoque le maître des lieux et voit la toile se refermer sur elle. Chaque échelon social, juridique, économique de la toile contribue à la maintenir dans sa situation de dominée. Évidemment, les institutions diront que ce n’est pas la toile qui l’emprisonne, mais que c’est la femme elle-même qui tisse ce nid qu’elle aime.
Le travail de conscientisation permet de voir la place qu’occupe la domination des hommes sur les femmes et particulièrement celle de l’agresseur sur sa victime. La femme violentée reçoit donc une nouvelle analyse – non culpabilisante – de son problème, analyse qui ne caractérise pas ses difficultés comme étant d’ordre purement psychologique.
Comme il a été mentionné, précédemment, l’intervention ne se fait pas dans un contexte neutre. La sécurité de la victime prédomine dans l’entrevue. Votre position contre la violence doit être claire pour qu’elle sache que vous ne remettez pas en question son expérience de victime. Il ne suffit pas de prendre position une fois dans l’entrevue pour que la femme battue soit sécurisée. Chaque fois qu’elle se rend responsable ou reprend à son compte le discours culpabilisant de l’agresseur, vous lui répétez que la violence est un mode inacceptable de fonctionnement. Ce discours risque d’être nouveau pour elle. Elle va probablement tenter de vous mettre à l’épreuve, en vous donnant une série d’informations qui renforcent, selon elle, sa responsabilité dans les scènes de violence.
Le soutien reçu dans la dénonciation de violence permet à la victime de se déculpabiliser et de donner un sens différent aux événements. Elle peut aussi se détendre et abaisser ses défenses puisqu’elle n’a pas à donner de justifications à sa situation. Il faut toutefois se rappeler que vous devez dénoncer les actes de violence mais ne pas attaquer l’agresseur en tant qu’individu : « Il a le droit d’être en colère, mais cela ne justifie pas qu’il ait recours à la violence. Même s’il regrette sa perte de contrôle, il n’a aucune excuse de t’avoir frappée. »
Les femmes violentées agressent parfois leurs enfants. Cette réalité ne doit pas modifier la dénonciation de la violence. Toute violence demeure inacceptable et le contexte de victimisation de la femme ne peut justifier sa propre violence. Vos messages peuvent tenir compte de cette situation : « Aucun être humain ne mérite d’être agressé. La violence est inacceptable, qu’elle soit faite envers un enfant ou envers un adulte. » Ces verbalisations peuvent l’aider à exprimer ses propres pertes de contrôle et l’assurer qu’il existe des moyens pour l’aider à résoudre ses difficultés.
La cliente sait donc à quoi s’attendre et se sent respectée comme individu à part entière. Elle sait que vous n’approuvez pas ses agressions envers ses enfants.
Conscientisation
Les femmes battues ont souvent intégré les stéréotypes féminins. Leur fonctionnement se base sur les règles sociales établies selon des rapports de domination. De plus, elles se sentent responsables et coupables de certaines réactions. Elles ne voient pas que les pressions sociales influencent de façon déterminante leurs réalisations personnelles. Ainsi, prennent-elles pour un problème individuel ce qui n’est qu’une conséquence des normes sociales existantes. Être victime de violence les rend honteuses et coupables, mais en réalité ce sont les conventions sociales qui définissent, dans notre société, les femmes battues et violées comme des provocatrices et des masochistes. Ce discours est naturellement repris par l’agresseur qui se sent approuvé par la société.
Une partie importante de ses sentiments de culpabilité et de honte est directement reliée aux pressions sociales. Le travail de conscientisation permet à la victime d’évaluer différemment les origines de ses émotions : « Tu te sens égoïste dès que tu penses à toi, car la règle qu’on exige des femmes, c’est de « s’oublier ». La majorité des femmes sont paralysées lorsque leur conjoint les agresse. On ne nous a jamais dit que le protecteur et le prince charmant pouvaient se transformer en agresseurs, alors quand cela arrive, on est stupéfaites ».
La femme battue est prise dans une « toile d’araignée ». La « toile sociale » qui la garde prisonnière, la maintient dans une position de dépendance au conjoint. Si elle dénonce le piège, elle provoque le maître des lieux et voit la toile se refermer sur elle. Chaque échelon social, juridique, économique de la toile contribue à la maintenir dans sa situation de dominée. Évidemment, les institutions diront que ce n’est pas la toile qui l’emprisonne, mais que c’est la femme elle-même qui tisse ce nid qu’elle aime.
Le travail de conscientisation permet de voir la place qu’occupe la domination des hommes sur les femmes et particulièrement celle de l’agresseur sur sa victime. La femme violentée reçoit donc une nouvelle analyse – non culpabilisante – de son problème, analyse qui ne caractérise pas ses difficultés comme étant d’ordre purement psychologique.
mardi 23 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 35e partie
Les Techniques de soutien
Mobiliser une femme victime de violence et l’inciter à agir pour elle-même nécessite une intervention directive et active. Ce type d’action n’exclut en rien un contexte de soutien. Au contraire, les techniques d’aide doivent être nombreuses et variées. Une femme battue en situation de crise ne peut progresser que si elle se sent soutenue. Elle s’engagera dans des actions concrètes si elle reçoit de l’aide pour affronter l’angoisse de ses premiers changements.
Les techniques de soutien employées au cours de l’entrevue de crise sont de deux sortes : la première s’appuie sur une analyse féministe, la deuxième se situe dans le cadre de l’intervention planifiée à court terme.
Techniques s’appuyant sur une analyse féministe
Établir un contact dans une relation basée sur des principes féministes crée un climat de soutien particulièrement riche. La relation égalitaire permet un rapport nouveau pour la victime et tend à diminuer le contexte d’autorité dans lequel la femme battue fonctionne habituellement.
La Place du tutoiement
Au début de l’entrevue, vous utilisez le vouvoiement lorsque vous interpellez la cliente. Celle-ci doit se sentir respectée et accueillie comme une personne ayant une valeur personnelle. En employant trop tôt le tutoiement, vous créez un climat de familiarité dans lequel la cliente se sent réduite à un état d’infériorité. Vous renforcez alors sa position de victime.
Au cours de l’entrevue, lorsque le climat de confiance est établi, vous pouvez en augmenter l’intimité en demandant à la femme violentée, si elle accepte que l’une et l’autre, vous ayez recours au tutoiement. En passant au « tu », vous pouvez démystifier votre rôle et favoriser des alliances avec la cliente.
Toutefois, le tutoiement ne doit pas être systématique. En effet, certaines femmes battues se montrent méfiantes. Il est alors nécessaire de respecter le rythme de vos clientes en maintenant le vouvoiement.
L’emploi du tutoiement doit servir à créer un climat de solidarité et de confiance. Il vient renforcer votre intervention de soutien et consolider la relation qui débute avec la cliente.
Les Alliances
Il est très encourageant pour la femme violentée de sentir que vous pouvez comprendre de l’intérieur ce qu’elle vit ou ressent. Les alliances brisent la neutralité et crée une solidarité. La relation s’enrichit d’un échange basé sur une expérience commune et démystifie certains vécus. Elle se sent plus à l’aise. Les alliances ont pour but de valider le vécu de la cliente et de soutenir sa démarche. Cette technique rejoint un principe « d’universalisation ». Il ne s’agit pas de se citer en exemple et de reproduire les rapports de domination, mais de s’ajuster au rythme de la femme violentée et à son besoin de soutien. Une alliance qui anticiperait les verbalisations de la cliente minimiserait et atténuerait son vécu. Une alliance qui accompagne et renforce la valeur de l’expérience de la cliente lui procure un soutien pertinent.
Le premier type d’alliance se fait en fonction d’un vécu commun et tant qu’individu : « Moi, j’ai connu une situation de divorce, je sais à quel point c’est difficile. » « Comme toi, j’ai déjà pensé à un avortement, l’angoisse est grande et la décision est déchirante. » La personne ne se sent plus comme une exception, parce qu’elle a rencontré une autre femme qui a vécu une situation similaire dans toute son ampleur. Cette alliance faite au bon moment peut la sécuriser et l’inciter à poursuivre ses verbalisations. Elle lui confirme également la justesse de ses émotions qui peuvent être ressenties par d’autres personnes dans une même situation.
L’alliance se fait également en fonction des conditionnements communs reçus en tant que femme : « Comme à toi, on m’a enseigné qu’être une femme, c’était, avant tout être douce et ne pas faire de colère. » « Moi aussi j’ai appris qu’être une femme, c’est s’oublier et ne penser qu’aux autres. » Cette alliance situe les conditionnements. Elle permet à la cliente de reconnaître des réactions attribuables à ce qu’elle a intégré des stéréotypes féminins. Elle peut s’en distancier et identifier par la suite ce qui lui est propre.
L’intervenante et la cliente appartiennent au même groupe, elles font partie du même groupe d’opprimées dans la société. La violence rejoint une peur viscérale chez les femmes. Quelle femme n’a pas peur de sortir seule le soir ou de se retrouver seule dans un terrain de stationnement? La majorité des femmes ont intégré la menace collective du viol. Il y a donc des alliances possibles en fonction de l’appartenance à un même groupe : « Ce n’est pas un hasard si ce sont les femmes qui font l’objet des violences conjugales dans notre société. On nous demande de faire passer nos rôles de mère et d’épouse avant tout. »
Finalement, il y a l’alliance possible comme victime. Si vous avez connu différentes violences dans votre vie, le partage de ce vécu peut favoriser une alliance très efficace pour la cliente : « J’ai déjà été victime d’une agression dans la rue et cela m’a demandé des mois avant de dépasser cet événement, j’imagine à quel point la situation peut être encore plus pénible pour toi qui as connu cette violence dans le couple. » « J’ai déjà eu un partenaire violent, je sais très bien de quoi tu parles et ce que cela fait vivre. »
Les alliances peuvent donc faciliter la démarche pour la cliente et lui offrir une relation d’aide solidaire. Elles doivent toujours être employées dans le but de soutenir la cliente et de lui permettre d’avancer dans sa démarche. À aucun moment, cette position ne doit servir les intérêts de l’intervenante ni répondre à ses besoins personnels.
Mobiliser une femme victime de violence et l’inciter à agir pour elle-même nécessite une intervention directive et active. Ce type d’action n’exclut en rien un contexte de soutien. Au contraire, les techniques d’aide doivent être nombreuses et variées. Une femme battue en situation de crise ne peut progresser que si elle se sent soutenue. Elle s’engagera dans des actions concrètes si elle reçoit de l’aide pour affronter l’angoisse de ses premiers changements.
Les techniques de soutien employées au cours de l’entrevue de crise sont de deux sortes : la première s’appuie sur une analyse féministe, la deuxième se situe dans le cadre de l’intervention planifiée à court terme.
Techniques s’appuyant sur une analyse féministe
Établir un contact dans une relation basée sur des principes féministes crée un climat de soutien particulièrement riche. La relation égalitaire permet un rapport nouveau pour la victime et tend à diminuer le contexte d’autorité dans lequel la femme battue fonctionne habituellement.
La Place du tutoiement
Au début de l’entrevue, vous utilisez le vouvoiement lorsque vous interpellez la cliente. Celle-ci doit se sentir respectée et accueillie comme une personne ayant une valeur personnelle. En employant trop tôt le tutoiement, vous créez un climat de familiarité dans lequel la cliente se sent réduite à un état d’infériorité. Vous renforcez alors sa position de victime.
Au cours de l’entrevue, lorsque le climat de confiance est établi, vous pouvez en augmenter l’intimité en demandant à la femme violentée, si elle accepte que l’une et l’autre, vous ayez recours au tutoiement. En passant au « tu », vous pouvez démystifier votre rôle et favoriser des alliances avec la cliente.
Toutefois, le tutoiement ne doit pas être systématique. En effet, certaines femmes battues se montrent méfiantes. Il est alors nécessaire de respecter le rythme de vos clientes en maintenant le vouvoiement.
L’emploi du tutoiement doit servir à créer un climat de solidarité et de confiance. Il vient renforcer votre intervention de soutien et consolider la relation qui débute avec la cliente.
Les Alliances
Il est très encourageant pour la femme violentée de sentir que vous pouvez comprendre de l’intérieur ce qu’elle vit ou ressent. Les alliances brisent la neutralité et crée une solidarité. La relation s’enrichit d’un échange basé sur une expérience commune et démystifie certains vécus. Elle se sent plus à l’aise. Les alliances ont pour but de valider le vécu de la cliente et de soutenir sa démarche. Cette technique rejoint un principe « d’universalisation ». Il ne s’agit pas de se citer en exemple et de reproduire les rapports de domination, mais de s’ajuster au rythme de la femme violentée et à son besoin de soutien. Une alliance qui anticiperait les verbalisations de la cliente minimiserait et atténuerait son vécu. Une alliance qui accompagne et renforce la valeur de l’expérience de la cliente lui procure un soutien pertinent.
Le premier type d’alliance se fait en fonction d’un vécu commun et tant qu’individu : « Moi, j’ai connu une situation de divorce, je sais à quel point c’est difficile. » « Comme toi, j’ai déjà pensé à un avortement, l’angoisse est grande et la décision est déchirante. » La personne ne se sent plus comme une exception, parce qu’elle a rencontré une autre femme qui a vécu une situation similaire dans toute son ampleur. Cette alliance faite au bon moment peut la sécuriser et l’inciter à poursuivre ses verbalisations. Elle lui confirme également la justesse de ses émotions qui peuvent être ressenties par d’autres personnes dans une même situation.
L’alliance se fait également en fonction des conditionnements communs reçus en tant que femme : « Comme à toi, on m’a enseigné qu’être une femme, c’était, avant tout être douce et ne pas faire de colère. » « Moi aussi j’ai appris qu’être une femme, c’est s’oublier et ne penser qu’aux autres. » Cette alliance situe les conditionnements. Elle permet à la cliente de reconnaître des réactions attribuables à ce qu’elle a intégré des stéréotypes féminins. Elle peut s’en distancier et identifier par la suite ce qui lui est propre.
L’intervenante et la cliente appartiennent au même groupe, elles font partie du même groupe d’opprimées dans la société. La violence rejoint une peur viscérale chez les femmes. Quelle femme n’a pas peur de sortir seule le soir ou de se retrouver seule dans un terrain de stationnement? La majorité des femmes ont intégré la menace collective du viol. Il y a donc des alliances possibles en fonction de l’appartenance à un même groupe : « Ce n’est pas un hasard si ce sont les femmes qui font l’objet des violences conjugales dans notre société. On nous demande de faire passer nos rôles de mère et d’épouse avant tout. »
Finalement, il y a l’alliance possible comme victime. Si vous avez connu différentes violences dans votre vie, le partage de ce vécu peut favoriser une alliance très efficace pour la cliente : « J’ai déjà été victime d’une agression dans la rue et cela m’a demandé des mois avant de dépasser cet événement, j’imagine à quel point la situation peut être encore plus pénible pour toi qui as connu cette violence dans le couple. » « J’ai déjà eu un partenaire violent, je sais très bien de quoi tu parles et ce que cela fait vivre. »
Les alliances peuvent donc faciliter la démarche pour la cliente et lui offrir une relation d’aide solidaire. Elles doivent toujours être employées dans le but de soutenir la cliente et de lui permettre d’avancer dans sa démarche. À aucun moment, cette position ne doit servir les intérêts de l’intervenante ni répondre à ses besoins personnels.
samedi 20 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 34e partie
Les lieux
Comment peut-elle se sentir plus en sécurité dans la maison? Y a-t-il une pièce fermant à clé où elle pourrait se réfugier en cas de danger? Peut-elle modifier l’aménagement de la pièce où la violence se produit le plus souvent (la cuisine et la chambre à coucher), pour éviter, par exemple, d’être coincée entre les meubles? Les sorties de secours de la maison sont-elles utilisables? Les fenêtres, les portes brisées, peuvent-elles être réparées sous prétexte d’améliorer l’appartement ou la maison? Certains objets dangereux peuvent-ils être cachés? Vous analysez avec elle toutes les possibilités qu’elle envisage pour essayer de se sentir davantage en sécurité dans ces lieux. Une simple modification peut permettre à la victime de s’échapper quand elle est agressée.
L’aspect matériel
Il peut être sécurisant de préparer un éventuel départ grâce à certaines dispositions matérielles : prévoir, par exemple, un sac déposé chez une personne de confiance, ou dans un endroit précis de la maison; il doit contenir assez d’argent pour payer un taxi ou une nuit à l’hôtel, des documents comme le contrat de mariage, les certificats de naissance ou des reçus importants, un vêtement de rechange pour elle et les enfants.
Les ressources humaines
Les enfants assistent souvent aux scènes de violence. Parfois la victime ne répond pas aux agressions du conjoint de crainte que les enfants ne soient blessés. Que peut-elle discuter avec eux qui, de toute manière, se trouvent mêlés à cette violence : qu’ils se sauvent dans une pièce dès que les conflits éclatent, qu’ils se réfugient chez des voisins ou encore qu’ils sortent du domicile pour appeler les policiers etc. Y a-t-il des personnes autour d’elle qui pourraient l’aider : appeler la police dès qu’ils entendent des bruits, lui offrir de venir se réfugier chez eux quand se produisent des agressions, recevoir les enfants quand ils se présentent? Connaît-elle une personne avec laquelle elle peut parler, pour être soutenue, si la violence reprend? Savoir qui pourra l’aider est important pour assurer sa protection.
La Indices de l’escalade
La victime sait généralement bien comment fonctionne l’agresseur. Cela lui permet de prévoir toute escalade de violence et d’essayer de se protéger le plus rapidement possible. Vous essayez d’énumérer avec elle, les signes précurseurs d’une perte de contrôle afin qu’elle se prépare à agir rapidement et à fuir. Citons par exemple : l’état d’ébriété, les soirées, les fins de semaine, les menaces verbales, etc.
Les Ressources
La cliente doit être informée de principales ressources qu’elle peut utiliser en situation de crise. Peut-elle noter le numéro de téléphone de la police dans un endroit facile d’accès ou le mémoriser? De plus, elle doit connaître les services offerts par la police et l’aide à laquelle elle a droit. Le numéro des services de l’urgence sociale peut être également donné ainsi que celui des maisons d’hébergement. Vous lui précisez qu’elle peut être hébergée en tout temps dans les refuges pour femmes en difficulté (soit en appelant directement, soit en le demandant à la police, aux services sociaux ou médicaux). De plus, vous faites avec elle la liste des ressources disponibles dans son milieu, pour briser l’isolement : centre de loisirs, groupes populaires, groupes de femmes, organismes bénévoles, etc. Rappelez-lui que son isolement réduit sa marge de manœuvre et augmente le pouvoir de l’agresseur.
Dans le cas où elle accepte de poursuivre sa démarche de demande d’aide, vous fixez tout de suite avec elle la date de la prochaine rencontre, et ce à une date assez proche. Un contrat de douze rencontres sera négocié et vous établirez avec elle des objectifs précis afin qu’elle sache clairement le type de processus dans lequel elle s’engage.
S’il y a rupture de la relation conjugale
La femme violentée qui décide de ne pas retourner vivre avec son conjoint doit affronter un grand nombre de situations nouvelles. Elle a besoin de connaître plusieurs ressources qui lui soutiendront dans sa décision. Elle se sentira ambivalente et l’agresseur tentera un rapprochement avec elle, afin qu’elle change de décision. Puis, après quelques temps il emploiera de nouveau les menaces.
Certaines femmes battues décident de quitter l’agresseur pour un court laps de temps, afin de faire pression sur lui dans l’espoir qu’il modifiera ses comportements violents. D’autres femmes quittent leur partenaire dans le but de rompre définitivement. Dans tous les cas, il est important qu’elles déterminent ce qui motive leur départ et ce qu’elles désirent personnellement en optant pour cette décision, afin de réduire les risques de se retrouver devant un sentiment d’échec. Une fois de plus, il faut rassurer la victime sur son droit de changer d’avis. Lui rappeler cette possibilité permet à la cliente de ne pas vivre de culpabilité si elle modifie son choix et de sentir que vous la soutenez inconditionnellement.
Les diverses informations que vous donnez à la cliente doivent être précises, claires et pertinentes. Elles seront sûrement à réviser au fur à mesure. Toutefois, pour affronter sa nouvelle situation, la victime a besoin de recevoir, un certain nombre d’informations qui répondent à ses inquiétudes immédiates et éclairent ses choix. Des informations précises permettront à la cliente de se sentir rassurée. Elle saura, par exemple, qu’elle peut se protéger financièrement et obtenir la garde des enfants, sans engager des procédures de divorce. Il ne faut pas oublier qu’un départ n’est pas nécessairement définitif et qu’il peut être le début ou la poursuite du processus évolutif des ruptures.
Comment peut-elle se sentir plus en sécurité dans la maison? Y a-t-il une pièce fermant à clé où elle pourrait se réfugier en cas de danger? Peut-elle modifier l’aménagement de la pièce où la violence se produit le plus souvent (la cuisine et la chambre à coucher), pour éviter, par exemple, d’être coincée entre les meubles? Les sorties de secours de la maison sont-elles utilisables? Les fenêtres, les portes brisées, peuvent-elles être réparées sous prétexte d’améliorer l’appartement ou la maison? Certains objets dangereux peuvent-ils être cachés? Vous analysez avec elle toutes les possibilités qu’elle envisage pour essayer de se sentir davantage en sécurité dans ces lieux. Une simple modification peut permettre à la victime de s’échapper quand elle est agressée.
L’aspect matériel
Il peut être sécurisant de préparer un éventuel départ grâce à certaines dispositions matérielles : prévoir, par exemple, un sac déposé chez une personne de confiance, ou dans un endroit précis de la maison; il doit contenir assez d’argent pour payer un taxi ou une nuit à l’hôtel, des documents comme le contrat de mariage, les certificats de naissance ou des reçus importants, un vêtement de rechange pour elle et les enfants.
Les ressources humaines
Les enfants assistent souvent aux scènes de violence. Parfois la victime ne répond pas aux agressions du conjoint de crainte que les enfants ne soient blessés. Que peut-elle discuter avec eux qui, de toute manière, se trouvent mêlés à cette violence : qu’ils se sauvent dans une pièce dès que les conflits éclatent, qu’ils se réfugient chez des voisins ou encore qu’ils sortent du domicile pour appeler les policiers etc. Y a-t-il des personnes autour d’elle qui pourraient l’aider : appeler la police dès qu’ils entendent des bruits, lui offrir de venir se réfugier chez eux quand se produisent des agressions, recevoir les enfants quand ils se présentent? Connaît-elle une personne avec laquelle elle peut parler, pour être soutenue, si la violence reprend? Savoir qui pourra l’aider est important pour assurer sa protection.
La Indices de l’escalade
La victime sait généralement bien comment fonctionne l’agresseur. Cela lui permet de prévoir toute escalade de violence et d’essayer de se protéger le plus rapidement possible. Vous essayez d’énumérer avec elle, les signes précurseurs d’une perte de contrôle afin qu’elle se prépare à agir rapidement et à fuir. Citons par exemple : l’état d’ébriété, les soirées, les fins de semaine, les menaces verbales, etc.
Les Ressources
La cliente doit être informée de principales ressources qu’elle peut utiliser en situation de crise. Peut-elle noter le numéro de téléphone de la police dans un endroit facile d’accès ou le mémoriser? De plus, elle doit connaître les services offerts par la police et l’aide à laquelle elle a droit. Le numéro des services de l’urgence sociale peut être également donné ainsi que celui des maisons d’hébergement. Vous lui précisez qu’elle peut être hébergée en tout temps dans les refuges pour femmes en difficulté (soit en appelant directement, soit en le demandant à la police, aux services sociaux ou médicaux). De plus, vous faites avec elle la liste des ressources disponibles dans son milieu, pour briser l’isolement : centre de loisirs, groupes populaires, groupes de femmes, organismes bénévoles, etc. Rappelez-lui que son isolement réduit sa marge de manœuvre et augmente le pouvoir de l’agresseur.
Dans le cas où elle accepte de poursuivre sa démarche de demande d’aide, vous fixez tout de suite avec elle la date de la prochaine rencontre, et ce à une date assez proche. Un contrat de douze rencontres sera négocié et vous établirez avec elle des objectifs précis afin qu’elle sache clairement le type de processus dans lequel elle s’engage.
S’il y a rupture de la relation conjugale
La femme violentée qui décide de ne pas retourner vivre avec son conjoint doit affronter un grand nombre de situations nouvelles. Elle a besoin de connaître plusieurs ressources qui lui soutiendront dans sa décision. Elle se sentira ambivalente et l’agresseur tentera un rapprochement avec elle, afin qu’elle change de décision. Puis, après quelques temps il emploiera de nouveau les menaces.
Certaines femmes battues décident de quitter l’agresseur pour un court laps de temps, afin de faire pression sur lui dans l’espoir qu’il modifiera ses comportements violents. D’autres femmes quittent leur partenaire dans le but de rompre définitivement. Dans tous les cas, il est important qu’elles déterminent ce qui motive leur départ et ce qu’elles désirent personnellement en optant pour cette décision, afin de réduire les risques de se retrouver devant un sentiment d’échec. Une fois de plus, il faut rassurer la victime sur son droit de changer d’avis. Lui rappeler cette possibilité permet à la cliente de ne pas vivre de culpabilité si elle modifie son choix et de sentir que vous la soutenez inconditionnellement.
Les diverses informations que vous donnez à la cliente doivent être précises, claires et pertinentes. Elles seront sûrement à réviser au fur à mesure. Toutefois, pour affronter sa nouvelle situation, la victime a besoin de recevoir, un certain nombre d’informations qui répondent à ses inquiétudes immédiates et éclairent ses choix. Des informations précises permettront à la cliente de se sentir rassurée. Elle saura, par exemple, qu’elle peut se protéger financièrement et obtenir la garde des enfants, sans engager des procédures de divorce. Il ne faut pas oublier qu’un départ n’est pas nécessairement définitif et qu’il peut être le début ou la poursuite du processus évolutif des ruptures.
jeudi 18 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 33e partie
S’il y a retour avec le conjoint
La femme battue qui décide de retourner avec l’agresseur prend une décision qu’en tant qu’intervenante vous pouvez parfois accepter difficilement, puisque vous connaissez les fortes probabilités d’une nouvelle agression. Mais votre intervention doit respecter ce choix. L’expérience qu’elle vient de vivre peut lui servir de tremplin dans ce processus évolutif des ruptures.
Faire ressortir les acquis
Il faut donc consolider les acquis de cette demande d’aide pour mieux préparer une éventuelle rupture. C’est dans ce contexte que vous situerez son retour. Vous envisagerez avec elle cette possibilité afin qu’elle sache ce qu’elle a vérifié et intégré dans l’acte qu’elle vient de réaliser, donc que son retour n’est pas une reddition. Elle retourne avec son conjoint pour vérifier certains points importants dans sa vie ou pour se confirmer qu’elle a fait tout ce qu’elle pouvait. Vous l’aidez à identifier ce qu’elle veut prouver par son retour. En faisant le bilan de ses motifs, elle fait une démarche plus rationnelle, elle prépare et établit son nouveau seuil de tolérance. Ainsi, si une nouvelle rupture se produit, elle y a réagira avec un moins grand sentiment d’échec et de culpabilité.
Donner l’information légale
Tout d’abord, les poursuites s’établissent en fonction des différentes juridictions.
Les poursuites privées et publiques se font à la Cour supérieure et aux Sessions de la paix. Les mesures de protection des enfants s’inscrivent au Tribunal de la jeunesse (au Québec, loi de la Protection de la jeunesse).
Lors des poursuites en Cours supérieure, deux actions peuvent être engagées pour protéger les intérêts de la femme battue, sans qu’elle soit obligée de demander le divorce – les mesures provisoires et les demandes à la Chambre intérimaire.
Les mesures principales demeurent la demande de séparation ou de divorce. Toutefois, des mesures provisoires peuvent être demandées en attendant toute décision concernant la séparation ou le divorce. Les mesures provisoires concernent : la garde des enfants (il y a encore témoignage des enfants), la demande de pension, l’usage du domicile, l’usage des meubles.
En attendant les mesures provisoires, à la Chambre intérimaire, il n’y a pas d’enquête, même sur la garde des enfants. Le dossier est présenté sur affidavit. Cette procédure est rapide. En effet, le délai maximum pour signifier à l’autre avocat est de cinq jours.
La saisie avant jugement se fait par voie purement administrative. La femme n’a pas à se présenter devant la Cour. Toutefois, elle doit avoir engagé une procédure maîtresse, c’est-à-dire une demande en séparation ou en divorce.
En plus de ces poursuites, l’intervention du Tribunal de la jeunesse peut assurer une ordonnance interdisant au parent violent d’avoir tout contact avec ses enfants.
Vous lui donnerez toute l’information légale et matérielle dont elle a besoin dans sa situation. Ces informations seront suffisamment élaborées pour qu’elle puisse bien comprendre ce qui correspond à sa situation. Elle pourra immédiatement les utiliser si elle le désire.
Il est également important de lui montrer l’intérêt d’un examen médical des blessures qu’elle a subies afin d’éviter de futures complications. Souvenez-vous que les femmes battues et leurs enfants se trouvent souvent en mauvaise santé.
Offrir un suivi
L’entrevue que vous venez de vivre avec cette cliente est d’autant plus importante qu’il est possible qu’elle refuse un suivi. Elle doit donc avoir reçu suffisamment d’informations et d’aide dans la première rencontre pour considérer que sa demande d’aide valait les risques qu’elle a pris. Si cette expérience s’est avérée satisfaisante, elle saura où aller chercher des appuis lors d’une récidive. Vous pouvez lui demander si elle accepte de vous redonner de ses nouvelles dans un délai fixe. Cette suggestion lui prouve que vous avez un intérêt pour elle et que vous vous préoccupez de l’évolution de sa situation. Si elle refuse, il ne vous reste qu’à l’assurer de votre disponibilité en cas de besoin.
Vous proposez également à la cliente de la rencontrer de nouveau afin de poursuivre la démarche. Si elle accepte, des conditions de sécurité doivent être établies pour minimiser les risques d’agression. Si le conjoint apprend qu’elle vous voit régulièrement cela peut la placer en situation de danger. Examinez avec elle à quel rythme vous pouvez la rencontrer et comment elle justifiera ses absences. Vous lui garantissez le respect de ses stratégies de protection. Est-il possible d’établir des contacts téléphoniques – appeler chez une amie ou une voisine qui fera les messages, la contacter uniquement à son travail, prévoir des appels réguliers où elle-même vous contactera, etc.
Établir un scénario de protection
Vous discuterez avec la cliente des risques de récidive. Pour assurer davantage sa sécurité, vous lui proposez d’élaborer, avec elle, un scénario de protection. Vous lui précisez qu’il ne s’agit pas d’élaborer un plan pour contrôler les agressions, mais de voir comment augmenter sa protection personnelle. Il faut trouver les moyens que peut se donner la femme battue pour réagir rapidement à chaque signe d’escalade de violence. Cette précision est importante car les femmes battues se sentent responsables des agressions de leur conjoint. Pour éviter un sentiment d’échec, le scénario de protection est donc présenté comme une simple tactique pour réduire les risques de blessures. Toutefois, ces précautions ne font pas disparaître les risques de violence et en peuvent assurer une protection complète, mais elles peuvent diminuer les risques de paralysie de la victime qui saura davantage se défendre face à une agression.
Ce type de fonctionnement permet à la victime de demeurer en alerte de ne pas donner complètement le pouvoir à l’agresseur. Elle augmente donc ses capacités de défense. Chaque scénario de protection s’établit selon les ressources dont dispose la femme victime de violence. Voici quelques données à vérifier.
La femme battue qui décide de retourner avec l’agresseur prend une décision qu’en tant qu’intervenante vous pouvez parfois accepter difficilement, puisque vous connaissez les fortes probabilités d’une nouvelle agression. Mais votre intervention doit respecter ce choix. L’expérience qu’elle vient de vivre peut lui servir de tremplin dans ce processus évolutif des ruptures.
Faire ressortir les acquis
Il faut donc consolider les acquis de cette demande d’aide pour mieux préparer une éventuelle rupture. C’est dans ce contexte que vous situerez son retour. Vous envisagerez avec elle cette possibilité afin qu’elle sache ce qu’elle a vérifié et intégré dans l’acte qu’elle vient de réaliser, donc que son retour n’est pas une reddition. Elle retourne avec son conjoint pour vérifier certains points importants dans sa vie ou pour se confirmer qu’elle a fait tout ce qu’elle pouvait. Vous l’aidez à identifier ce qu’elle veut prouver par son retour. En faisant le bilan de ses motifs, elle fait une démarche plus rationnelle, elle prépare et établit son nouveau seuil de tolérance. Ainsi, si une nouvelle rupture se produit, elle y a réagira avec un moins grand sentiment d’échec et de culpabilité.
Donner l’information légale
Tout d’abord, les poursuites s’établissent en fonction des différentes juridictions.
Les poursuites privées et publiques se font à la Cour supérieure et aux Sessions de la paix. Les mesures de protection des enfants s’inscrivent au Tribunal de la jeunesse (au Québec, loi de la Protection de la jeunesse).
Lors des poursuites en Cours supérieure, deux actions peuvent être engagées pour protéger les intérêts de la femme battue, sans qu’elle soit obligée de demander le divorce – les mesures provisoires et les demandes à la Chambre intérimaire.
Les mesures principales demeurent la demande de séparation ou de divorce. Toutefois, des mesures provisoires peuvent être demandées en attendant toute décision concernant la séparation ou le divorce. Les mesures provisoires concernent : la garde des enfants (il y a encore témoignage des enfants), la demande de pension, l’usage du domicile, l’usage des meubles.
En attendant les mesures provisoires, à la Chambre intérimaire, il n’y a pas d’enquête, même sur la garde des enfants. Le dossier est présenté sur affidavit. Cette procédure est rapide. En effet, le délai maximum pour signifier à l’autre avocat est de cinq jours.
La saisie avant jugement se fait par voie purement administrative. La femme n’a pas à se présenter devant la Cour. Toutefois, elle doit avoir engagé une procédure maîtresse, c’est-à-dire une demande en séparation ou en divorce.
En plus de ces poursuites, l’intervention du Tribunal de la jeunesse peut assurer une ordonnance interdisant au parent violent d’avoir tout contact avec ses enfants.
Vous lui donnerez toute l’information légale et matérielle dont elle a besoin dans sa situation. Ces informations seront suffisamment élaborées pour qu’elle puisse bien comprendre ce qui correspond à sa situation. Elle pourra immédiatement les utiliser si elle le désire.
Il est également important de lui montrer l’intérêt d’un examen médical des blessures qu’elle a subies afin d’éviter de futures complications. Souvenez-vous que les femmes battues et leurs enfants se trouvent souvent en mauvaise santé.
Offrir un suivi
L’entrevue que vous venez de vivre avec cette cliente est d’autant plus importante qu’il est possible qu’elle refuse un suivi. Elle doit donc avoir reçu suffisamment d’informations et d’aide dans la première rencontre pour considérer que sa demande d’aide valait les risques qu’elle a pris. Si cette expérience s’est avérée satisfaisante, elle saura où aller chercher des appuis lors d’une récidive. Vous pouvez lui demander si elle accepte de vous redonner de ses nouvelles dans un délai fixe. Cette suggestion lui prouve que vous avez un intérêt pour elle et que vous vous préoccupez de l’évolution de sa situation. Si elle refuse, il ne vous reste qu’à l’assurer de votre disponibilité en cas de besoin.
Vous proposez également à la cliente de la rencontrer de nouveau afin de poursuivre la démarche. Si elle accepte, des conditions de sécurité doivent être établies pour minimiser les risques d’agression. Si le conjoint apprend qu’elle vous voit régulièrement cela peut la placer en situation de danger. Examinez avec elle à quel rythme vous pouvez la rencontrer et comment elle justifiera ses absences. Vous lui garantissez le respect de ses stratégies de protection. Est-il possible d’établir des contacts téléphoniques – appeler chez une amie ou une voisine qui fera les messages, la contacter uniquement à son travail, prévoir des appels réguliers où elle-même vous contactera, etc.
Établir un scénario de protection
Vous discuterez avec la cliente des risques de récidive. Pour assurer davantage sa sécurité, vous lui proposez d’élaborer, avec elle, un scénario de protection. Vous lui précisez qu’il ne s’agit pas d’élaborer un plan pour contrôler les agressions, mais de voir comment augmenter sa protection personnelle. Il faut trouver les moyens que peut se donner la femme battue pour réagir rapidement à chaque signe d’escalade de violence. Cette précision est importante car les femmes battues se sentent responsables des agressions de leur conjoint. Pour éviter un sentiment d’échec, le scénario de protection est donc présenté comme une simple tactique pour réduire les risques de blessures. Toutefois, ces précautions ne font pas disparaître les risques de violence et en peuvent assurer une protection complète, mais elles peuvent diminuer les risques de paralysie de la victime qui saura davantage se défendre face à une agression.
Ce type de fonctionnement permet à la victime de demeurer en alerte de ne pas donner complètement le pouvoir à l’agresseur. Elle augmente donc ses capacités de défense. Chaque scénario de protection s’établit selon les ressources dont dispose la femme victime de violence. Voici quelques données à vérifier.
lundi 15 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 32e partie
Des moyens pour soutenir la démarche
Employer la relaxation
Il suffit parfois d’un exercice de relaxation pour que la femme violentée approfondisse son vécu émotif. Par exemple : elle éprouve une émotion qu’elle ne peut nommer et qui se manifeste par des larmes ou des tremblements, vous aurez alors recours à un exercice de relaxation pour l’aider à laisser surgir son émotion, pour la technique de relaxation. Une séance de cette technique suffit bien souvent pour en provoquer l’explosion. Dans certains cas, il faut compléter cet exercice par un support verbal. Vous résumez alors le contenu exprimé au cours de l’entrevue qui a provoqué cette émotion. Elle parvient ainsi à la ressentir davantage. Les techniques de « support » et de valorisation de ses émotions favorisent la poursuite de la démarche.
Se servir du jeu du miroir
Parfois les femmes battues éprouvent des difficultés à s’exprimer et se montrent peu loquaces. Certaines ne parviennent même pas à parler. Comme vous connaissez les émotions les plus fréquentes chez ces femmes en situation de crise, vous allez faire l’exercice du miroir. Vous expliquez à la cliente que vous allez être son « miroir » et vous parlez à la première personne. En disant « je », vous faites comme si vous viviez ses propres émotions, vous lui reflétez son image, mais empreinte de ses émotions. Puis, vous lui demandez de vous dire, par un signe de la tête, si elle se reconnaît dans ce que vous exprimez. Dans bien des cas, elle se laisse submerger par les émotions exprimées, et accède ainsi à ses blessures émotives.
Lorsqu’elle vous fait signe qu’elle ne se reconnaît pas dans une émotion exprimée, vous l’invitez à vous l’expliquer en détail. De cette façon, elle précise son contenu émotif et commence à exprimer ce qu’elle-même ressent. Elle entre donc tranquillement en contact avec son émotion, elle la nomme, l’identifie et la précise. L’amorce vient de se faire. Si cela s’avère nécessaire, vous maintenez le même processus pour aborder d’autres émotions qui peuvent se manifester chez elle par des messages non verbaux.
Respectez la zone personnelle
Toute personne a besoin d’un espace vital pour se sentir bien. La distance physique que chaque individu établit en présence d’un autre représente cette zone personnelle. La femme battue a connu une invasion violente de sa zone personnelle par l’agresseur qui, bien souvent, a attenté à son intégrité physique. Il est important de respecter la zone personnelle de la cliente lorsque vos établissez une relation d’aide avec elle pour qu’elle se sente à l’aise et respectée dans la situation difficile qu’elle vit.
Il faut être certaine qu’elle peut recevoir un geste de réconfort avant de le faire. Certaines femmes battues, comme bien d’autres personnes d’ailleurs, n’aiment pas être touchées. Parfois, un réconfort physique donné trop rapidement peut contribuer à créer une relation où la cliente se sent consolée, mais non accompagnée pour vivre ses anxiétés et trouver ses propres solutions. Ces règles élémentaires prennent toute leur importance lorsque la cliente ne possède rien en tant qu’individu, pas même un espace vital.
S’utiliser comme « baromètre »
En situation de crise, les émotions se vivent de façon intensive. Vous devez être très attentive aux manifestations verbales et non verbales de la cliente. Comme un « baromètre », vous devez être consciente des variations du rythme de prise de conscience de la cliente, pour faciliter l’expression de son vécu émotif. Vous devez donc respecter certains points essentiels, garder le silence aux moments opportuns pour permettre à la femme violentée de vivre ses difficultés et de les affronter, lui donner l’assurance de ses capacités personnelles – en tant qu’individu et non en tant que mère et épouse - , lui apporter une brève information pour atténuer son inquiétude et lui faire percevoir le climat émotif dans lequel elle vit.
Cette attention donnée aux différents stades par lesquels passe la femme battue renforce l’efficacité de l’entrevue de crise, puisque chaque acquisition, si minime soit-elle, peut être un facteur décisif à tout acte de reprise en charge de sa vie.
Tous ces moyens sont employés pour abaisser les tensions liées au vécu émotif. À partir du moment où ces tensions s’atténuent, vous observez divers changements : l’agitation de la client diminue, sa respiration est moins rapide ou moins saccadée, elle parle moins vite, l’expression de son visage se modifie, ses pleurs sont moins nombreux et le déroulement de la rencontre devient plus rationnel. Elle commence à évaluer ses possibilités de choix et leurs conséquences et à examiner comment elle pourrait concrétiser ses décisions. Elle est donc prête à aborder la deuxième étape de l’entrevue de crise, celle de l’action et de la décision.
Favoriser une crise de décision et offrir de l’aide concrète
Quand les tensions émotives sont réduites, la femme battue doit prendre une décision concernant le maintien ou non de la relation de couple. Il est essentiel de la prévenir qu’elle sera peut-être amenée à revenir sur ses premières décisions, afin de lui éviter, le cas échéant, de se sentir en situation d’échec. Il est préférable de l’informer qu’en période de crise, elle se sentira ambivalente et que toute modification de ses choix fait partie de la démarche de réflexion. Savoir cela permet à la cliente de réduire ses exigences envers elle-même et l’aide à accepter l’idée que le problème sera long à régler.
De façon générale, les femmes battues connaissent peu leurs droits et les ressources existantes. Elles ont donc besoin d’informations sur ces sujets. Pour prendre une première décision, la cliente doit évaluer les risques qu’elle court. Dans cette deuxième partie de l’entrevue, des stratégies de protection devront être établies, que la femme battue quitte ou non son conjoint. De toute manière, ce dernier tentera de récupérer sa victime et il risque de la menacer et/ou de l’agresser de nouveau.
Employer la relaxation
Il suffit parfois d’un exercice de relaxation pour que la femme violentée approfondisse son vécu émotif. Par exemple : elle éprouve une émotion qu’elle ne peut nommer et qui se manifeste par des larmes ou des tremblements, vous aurez alors recours à un exercice de relaxation pour l’aider à laisser surgir son émotion, pour la technique de relaxation. Une séance de cette technique suffit bien souvent pour en provoquer l’explosion. Dans certains cas, il faut compléter cet exercice par un support verbal. Vous résumez alors le contenu exprimé au cours de l’entrevue qui a provoqué cette émotion. Elle parvient ainsi à la ressentir davantage. Les techniques de « support » et de valorisation de ses émotions favorisent la poursuite de la démarche.
Se servir du jeu du miroir
Parfois les femmes battues éprouvent des difficultés à s’exprimer et se montrent peu loquaces. Certaines ne parviennent même pas à parler. Comme vous connaissez les émotions les plus fréquentes chez ces femmes en situation de crise, vous allez faire l’exercice du miroir. Vous expliquez à la cliente que vous allez être son « miroir » et vous parlez à la première personne. En disant « je », vous faites comme si vous viviez ses propres émotions, vous lui reflétez son image, mais empreinte de ses émotions. Puis, vous lui demandez de vous dire, par un signe de la tête, si elle se reconnaît dans ce que vous exprimez. Dans bien des cas, elle se laisse submerger par les émotions exprimées, et accède ainsi à ses blessures émotives.
Lorsqu’elle vous fait signe qu’elle ne se reconnaît pas dans une émotion exprimée, vous l’invitez à vous l’expliquer en détail. De cette façon, elle précise son contenu émotif et commence à exprimer ce qu’elle-même ressent. Elle entre donc tranquillement en contact avec son émotion, elle la nomme, l’identifie et la précise. L’amorce vient de se faire. Si cela s’avère nécessaire, vous maintenez le même processus pour aborder d’autres émotions qui peuvent se manifester chez elle par des messages non verbaux.
Respectez la zone personnelle
Toute personne a besoin d’un espace vital pour se sentir bien. La distance physique que chaque individu établit en présence d’un autre représente cette zone personnelle. La femme battue a connu une invasion violente de sa zone personnelle par l’agresseur qui, bien souvent, a attenté à son intégrité physique. Il est important de respecter la zone personnelle de la cliente lorsque vos établissez une relation d’aide avec elle pour qu’elle se sente à l’aise et respectée dans la situation difficile qu’elle vit.
Il faut être certaine qu’elle peut recevoir un geste de réconfort avant de le faire. Certaines femmes battues, comme bien d’autres personnes d’ailleurs, n’aiment pas être touchées. Parfois, un réconfort physique donné trop rapidement peut contribuer à créer une relation où la cliente se sent consolée, mais non accompagnée pour vivre ses anxiétés et trouver ses propres solutions. Ces règles élémentaires prennent toute leur importance lorsque la cliente ne possède rien en tant qu’individu, pas même un espace vital.
S’utiliser comme « baromètre »
En situation de crise, les émotions se vivent de façon intensive. Vous devez être très attentive aux manifestations verbales et non verbales de la cliente. Comme un « baromètre », vous devez être consciente des variations du rythme de prise de conscience de la cliente, pour faciliter l’expression de son vécu émotif. Vous devez donc respecter certains points essentiels, garder le silence aux moments opportuns pour permettre à la femme violentée de vivre ses difficultés et de les affronter, lui donner l’assurance de ses capacités personnelles – en tant qu’individu et non en tant que mère et épouse - , lui apporter une brève information pour atténuer son inquiétude et lui faire percevoir le climat émotif dans lequel elle vit.
Cette attention donnée aux différents stades par lesquels passe la femme battue renforce l’efficacité de l’entrevue de crise, puisque chaque acquisition, si minime soit-elle, peut être un facteur décisif à tout acte de reprise en charge de sa vie.
Tous ces moyens sont employés pour abaisser les tensions liées au vécu émotif. À partir du moment où ces tensions s’atténuent, vous observez divers changements : l’agitation de la client diminue, sa respiration est moins rapide ou moins saccadée, elle parle moins vite, l’expression de son visage se modifie, ses pleurs sont moins nombreux et le déroulement de la rencontre devient plus rationnel. Elle commence à évaluer ses possibilités de choix et leurs conséquences et à examiner comment elle pourrait concrétiser ses décisions. Elle est donc prête à aborder la deuxième étape de l’entrevue de crise, celle de l’action et de la décision.
Favoriser une crise de décision et offrir de l’aide concrète
Quand les tensions émotives sont réduites, la femme battue doit prendre une décision concernant le maintien ou non de la relation de couple. Il est essentiel de la prévenir qu’elle sera peut-être amenée à revenir sur ses premières décisions, afin de lui éviter, le cas échéant, de se sentir en situation d’échec. Il est préférable de l’informer qu’en période de crise, elle se sentira ambivalente et que toute modification de ses choix fait partie de la démarche de réflexion. Savoir cela permet à la cliente de réduire ses exigences envers elle-même et l’aide à accepter l’idée que le problème sera long à régler.
De façon générale, les femmes battues connaissent peu leurs droits et les ressources existantes. Elles ont donc besoin d’informations sur ces sujets. Pour prendre une première décision, la cliente doit évaluer les risques qu’elle court. Dans cette deuxième partie de l’entrevue, des stratégies de protection devront être établies, que la femme battue quitte ou non son conjoint. De toute manière, ce dernier tentera de récupérer sa victime et il risque de la menacer et/ou de l’agresser de nouveau.
samedi 13 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 31e partie
L’Aliénation
L’agresseur joue avec sa victime : il ridiculise et tourne tout ce qu’elle dit et fait en dérision. Par son pouvoir absolu, il établit des règles et des normes d’appréciation qu’il modifie à son gré. La femme maltraitée n’a plus de point de repère pour se situer. Elle ne reçoit jamais de jugement sincère de l’autre. Comme elle tente de s’ajuster aux règles de l’agresseur pour réduire les frustrations de ce dernier et éviter qu’elles ne dégénèrent en violence, elle se retrouve alors dans une position constante d’aliénation. Ball et Wyman notent que cette situation discrédite les émotions et crée chez les femmes une impression de folie. En ce sens, il est important de ne jamais minimiser les sentiments qu’expriment les femmes.
Quels que soient les sentiments qu’exprime la cliente, vous devez les valider et en permettre l’expression. Vous donnez du support à celle qui éprouve de la difficulté à verbaliser ses émotions, en lui mentionnant que certains sentiments se retrouvent souvent chez les femmes battues. Ce type d’intervention permet parfois à la cliente de croire en la justesse de ses émotions.
Vous faciliterez l’évolution de la femme en situation de crise en suscitant l’expression de ces six émotions dont l’enchevêtrement et la confusion augmentent son inconfort et son déséquilibre momentané. L’atténuation des tensions ne peut se faire sans un travail sur le vécu émotif. C’est uniquement après cette étape que la cliente peut engager des actions concrètes et prendre une décision. Au cours de l’entrevue elle doit d’ailleurs être informée de cette étape, afin d’être sécurisée dans sa recherche d’une solution. Elle sait alors que son état de déséquilibre n’est que passager et qu’elle parviendra à une perception plus rationnelle, lorsqu’elle aura eu le temps de partager et d’éclaircir ses émotions. L’accompagnement du vécu que le support soit essentiel, il ne faut pas hésiter à toucher directement les sentiments présents et à mettre en évidence ceux qui ne sont pas clairement identifiés.
En intervenant sur le vécu émotif, vous constatez que la femme violentée parle souvent de l’agresseur, des enfants, de la situation de violence, mais que, dans bien des cas, elle éprouve une certaine pudeur à parler d’elle-même. Régulièrement vous reprenez le contenu de ses verbalisations en l’amenant à se centrer sur elle-même. Vous lui dites par exemple : « tu parles beaucoup des peurs des enfants, toi aussi, tu dois en ressentir de très grandes. Peux-tu essayer de «te connecter » avec ces émotions? Tu racontes toute une gamme d’événements de violence, ils ont dû te faire vivre des sentiments pénibles, non? »
Vous ne niez pas ses préoccupations immédiates, mais vous vous servez de ces informations comme « portes d’entrée » pour faciliter son implication personnelle. Cela aide la victime à parler progressivement de ses propres émotions et à les explorer de plus en plus profondément. Vous permettez à la cliente de les préciser et de les démêler. Elle apprivoise ainsi certains sentiments qui lui font peur.
Elle a survécu aux différentes violences en se censurant sur le plan émotif. Elle exprime parfois cette réaction de la façon suivante : « Depuis le temps que la situation dure, cela ne me fait plus rien. » N’hésitez pas à lui faire prendre conscience de cette règle de survie. Lui donner la confirmation qu’elle se protège de cette manière et qu’elle craint la douleur si elle « se connecte » avec ses émotions, lui permet de reconnaître l’existence de ses sentiments et de s’autoriser à les découvrir.
L’insistance que vous mettez à approfondir son vécu émotif crée un climat qui incite la femme battue à diminuer ses tensions en parlant de ses sentiments et en les vivant. Elle sent que vous êtes à son écoute et préoccupée par ce qu’elle vit. Progressivement, elle éclaircit ses diverses émotions et se les réapproprie. Cette première démarche représente une étape importante pour la femme battue qui a évolué dans un contexte où ses sentiments étaient ridiculisés, niés et exploités par l’agresseur.
Nommer les pertes personnelles
Les émotions peuvent être également abordées par le biais des pertes personnelles. Dans cette expérience de violence, la victime a perdu une partie de son estime de soi et de son autonomie, son intégrité psychologique et physique, ses idéaux personnels et familiaux, etc. En nommant ces pertes, la femme violentée peut identifier le vécu émotif qui leur est associé. Quelquefois, la peur de devoir abandonner un rêve traduit la peur de l’échec d’une vie : « Il m’est plus difficile d’abandonner mon rêve du couple et de la famille que d’affronter la peur de la solitude. » Cette perte fait surgir des émotions. Exploiter ces sentiments permet alors de rendre la démarche plus tangible et, dans certains cas, crée un contexte moins défensif.
Rappelez-vous que les blessures physiques peuvent permettre d’aborder les blessures émotives : « Ce qui est cassé en toi, les cicatrices que ton cœur porte douloureusement, etc… » Ces images aident à reconnaître les pertes émotives à leur accorder toute l’importance qu’elles prennent dans la vie d’une personne victime de violence.
Refléter les mécanismes de défense
Après avoir répertorié certaines émotions, la cliente, comme tous les être humains, se protège contre ses peurs par des mécanismes de défense. Elle redoute certains constats et appréhende certaines prises de conscience. La peur de l’inconnu et la peur de perdre le peu qu’elle possède l’amènent à vouloir éviter ce qui la menace dans son équilibre précaire. Elle tente donc de fuir et/ou de nier certaines émotions ou réalités.
Le but de l’entrevue de crise n’est pas de l’aider à rétablir l’équilibre antérieur. Cela ne suffirait pas à atténuer les difficultés vécues. Une nouvelle crise est probablement à envisager à plus ou moins brève échéance, si la victime ne profite pas de cette occasion pour modifier sa stratégie de fonctionnement. Elle vit une mobilisation importante pendant la crise, et il est donc urgent qu’elle se serve de cette expérience pour découvrir de nouvelles possibilités et réaliser le prix qu’elle paie sur le plan émotif pour maintenir la situation habituelle.
Les mécanismes de défense peuvent servir de signal à la cliente pour identifier ce qui la menace. Vous la mettez face aux mécanismes de défense que vous observez chez elle, en la soutenant afin qu’elle découvre ce qui fait l’objet de telles mesures de protection. De cette façon, elle pourra mieux évaluer ses choix : « Tu as déjà mentionné avoir pensé au suicide mais tu dis ne jamais ressentir de peine après les agressions. Même si tu nies les sentiments que tu éprouves, tes idées suicidaires te rappellent que tes sentiments sont bien là. Peux-tu essayer de trouver contre quelle douleur te protège cette négation? »
Décomposer et analyser ses schémas de fonctionnement lui permet d’approfondir ses sentiments. La démarche de la cliente risque alors de s’enrichir davantage puisqu’elle a accès à ses propres émotions.
Valider les émotions
Identifier et vivre les émotions qui sont liées à une situation de violence représente une démarche angoissante pour la femme violentée. Cette expérience est d’autant plus difficile qu’un grand nombre de victimes les font taire depuis un certain temps. Elles ont conscience de leurs émotions, mais elles se demandent si elles sont normales et justifiées. Parfois, elles essaient même de les atténuer pour éviter le désarroi. Vous devez donc soutenir fortement la cliente.
Vous lui dites que les émotions qu’elle exprime sont valables, afin qu’elle admette qu’elle a le droit de les vivre et de les libérer. Ainsi va-t-elle à la fois les apprivoiser et les explorer. Lui donner l’assurance que ses sentiments sont justes donnera confiance à la victime et la poussera à s’exprimer. Il en est de même des opinions qu’elle émet. Les reconnaître comme justifiées et pertinentes redonne confiance à la femme battue. Elle avance avec plus d’assurance et prend davantage de risques.
Identifier les explications qui la maintiennent dans une position de victime
La femme battue a tendance à trouver des raisons qui expliqueraient la violence de son conjoint : il est alcoolique, il est stressé ou malade, etc. Elle donne des justifications pour expliquer ce qu’elle vit et pour tenter de maintenir son équilibre personnel et celui du couple. Ces justifications lui servent de moyen pour survivre. Il faut les identifier et aider la cliente à les reconnaître pour pouvoir les approfondir avec elle par la suite. Vous devez donc découvrir, avec elle, leurs significations, distinguer celles qui servent l’agresseur, reconnaître celles qui la protègent contre ses peurs de changements et, finalement, mettre le doigt sur celles qui la maintiennent dans les stéréotypes féminins de dépendance et de passivité.
Dès que vous connaissez la logique de ses explications, il devient plus facile de situer l’ensemble du fonctionnement de la cliente et d’évaluer les mécanismes qu’emploiera l’agresseur pour provoquer la période de rémission. Vous êtes alors capable d’accompagner concrètement cette femme dans sa démarche puisque vous pouvez intervenir directement sur les explications qu’elle donne pour survivre.
En conclusion, travailler les principaux points de la situation personnelle de la victime nécessite donc une intervention centrée sur la cliente. L’exploration de ses sentiments et de son fonctionnement permet à cette dernière d’abaisser ses tensions émotives. Différents moyens peuvent être employés pour soutenir ce type de démarche.
L’agresseur joue avec sa victime : il ridiculise et tourne tout ce qu’elle dit et fait en dérision. Par son pouvoir absolu, il établit des règles et des normes d’appréciation qu’il modifie à son gré. La femme maltraitée n’a plus de point de repère pour se situer. Elle ne reçoit jamais de jugement sincère de l’autre. Comme elle tente de s’ajuster aux règles de l’agresseur pour réduire les frustrations de ce dernier et éviter qu’elles ne dégénèrent en violence, elle se retrouve alors dans une position constante d’aliénation. Ball et Wyman notent que cette situation discrédite les émotions et crée chez les femmes une impression de folie. En ce sens, il est important de ne jamais minimiser les sentiments qu’expriment les femmes.
Quels que soient les sentiments qu’exprime la cliente, vous devez les valider et en permettre l’expression. Vous donnez du support à celle qui éprouve de la difficulté à verbaliser ses émotions, en lui mentionnant que certains sentiments se retrouvent souvent chez les femmes battues. Ce type d’intervention permet parfois à la cliente de croire en la justesse de ses émotions.
Vous faciliterez l’évolution de la femme en situation de crise en suscitant l’expression de ces six émotions dont l’enchevêtrement et la confusion augmentent son inconfort et son déséquilibre momentané. L’atténuation des tensions ne peut se faire sans un travail sur le vécu émotif. C’est uniquement après cette étape que la cliente peut engager des actions concrètes et prendre une décision. Au cours de l’entrevue elle doit d’ailleurs être informée de cette étape, afin d’être sécurisée dans sa recherche d’une solution. Elle sait alors que son état de déséquilibre n’est que passager et qu’elle parviendra à une perception plus rationnelle, lorsqu’elle aura eu le temps de partager et d’éclaircir ses émotions. L’accompagnement du vécu que le support soit essentiel, il ne faut pas hésiter à toucher directement les sentiments présents et à mettre en évidence ceux qui ne sont pas clairement identifiés.
En intervenant sur le vécu émotif, vous constatez que la femme violentée parle souvent de l’agresseur, des enfants, de la situation de violence, mais que, dans bien des cas, elle éprouve une certaine pudeur à parler d’elle-même. Régulièrement vous reprenez le contenu de ses verbalisations en l’amenant à se centrer sur elle-même. Vous lui dites par exemple : « tu parles beaucoup des peurs des enfants, toi aussi, tu dois en ressentir de très grandes. Peux-tu essayer de «te connecter » avec ces émotions? Tu racontes toute une gamme d’événements de violence, ils ont dû te faire vivre des sentiments pénibles, non? »
Vous ne niez pas ses préoccupations immédiates, mais vous vous servez de ces informations comme « portes d’entrée » pour faciliter son implication personnelle. Cela aide la victime à parler progressivement de ses propres émotions et à les explorer de plus en plus profondément. Vous permettez à la cliente de les préciser et de les démêler. Elle apprivoise ainsi certains sentiments qui lui font peur.
Elle a survécu aux différentes violences en se censurant sur le plan émotif. Elle exprime parfois cette réaction de la façon suivante : « Depuis le temps que la situation dure, cela ne me fait plus rien. » N’hésitez pas à lui faire prendre conscience de cette règle de survie. Lui donner la confirmation qu’elle se protège de cette manière et qu’elle craint la douleur si elle « se connecte » avec ses émotions, lui permet de reconnaître l’existence de ses sentiments et de s’autoriser à les découvrir.
L’insistance que vous mettez à approfondir son vécu émotif crée un climat qui incite la femme battue à diminuer ses tensions en parlant de ses sentiments et en les vivant. Elle sent que vous êtes à son écoute et préoccupée par ce qu’elle vit. Progressivement, elle éclaircit ses diverses émotions et se les réapproprie. Cette première démarche représente une étape importante pour la femme battue qui a évolué dans un contexte où ses sentiments étaient ridiculisés, niés et exploités par l’agresseur.
Nommer les pertes personnelles
Les émotions peuvent être également abordées par le biais des pertes personnelles. Dans cette expérience de violence, la victime a perdu une partie de son estime de soi et de son autonomie, son intégrité psychologique et physique, ses idéaux personnels et familiaux, etc. En nommant ces pertes, la femme violentée peut identifier le vécu émotif qui leur est associé. Quelquefois, la peur de devoir abandonner un rêve traduit la peur de l’échec d’une vie : « Il m’est plus difficile d’abandonner mon rêve du couple et de la famille que d’affronter la peur de la solitude. » Cette perte fait surgir des émotions. Exploiter ces sentiments permet alors de rendre la démarche plus tangible et, dans certains cas, crée un contexte moins défensif.
Rappelez-vous que les blessures physiques peuvent permettre d’aborder les blessures émotives : « Ce qui est cassé en toi, les cicatrices que ton cœur porte douloureusement, etc… » Ces images aident à reconnaître les pertes émotives à leur accorder toute l’importance qu’elles prennent dans la vie d’une personne victime de violence.
Refléter les mécanismes de défense
Après avoir répertorié certaines émotions, la cliente, comme tous les être humains, se protège contre ses peurs par des mécanismes de défense. Elle redoute certains constats et appréhende certaines prises de conscience. La peur de l’inconnu et la peur de perdre le peu qu’elle possède l’amènent à vouloir éviter ce qui la menace dans son équilibre précaire. Elle tente donc de fuir et/ou de nier certaines émotions ou réalités.
Le but de l’entrevue de crise n’est pas de l’aider à rétablir l’équilibre antérieur. Cela ne suffirait pas à atténuer les difficultés vécues. Une nouvelle crise est probablement à envisager à plus ou moins brève échéance, si la victime ne profite pas de cette occasion pour modifier sa stratégie de fonctionnement. Elle vit une mobilisation importante pendant la crise, et il est donc urgent qu’elle se serve de cette expérience pour découvrir de nouvelles possibilités et réaliser le prix qu’elle paie sur le plan émotif pour maintenir la situation habituelle.
Les mécanismes de défense peuvent servir de signal à la cliente pour identifier ce qui la menace. Vous la mettez face aux mécanismes de défense que vous observez chez elle, en la soutenant afin qu’elle découvre ce qui fait l’objet de telles mesures de protection. De cette façon, elle pourra mieux évaluer ses choix : « Tu as déjà mentionné avoir pensé au suicide mais tu dis ne jamais ressentir de peine après les agressions. Même si tu nies les sentiments que tu éprouves, tes idées suicidaires te rappellent que tes sentiments sont bien là. Peux-tu essayer de trouver contre quelle douleur te protège cette négation? »
Décomposer et analyser ses schémas de fonctionnement lui permet d’approfondir ses sentiments. La démarche de la cliente risque alors de s’enrichir davantage puisqu’elle a accès à ses propres émotions.
Valider les émotions
Identifier et vivre les émotions qui sont liées à une situation de violence représente une démarche angoissante pour la femme violentée. Cette expérience est d’autant plus difficile qu’un grand nombre de victimes les font taire depuis un certain temps. Elles ont conscience de leurs émotions, mais elles se demandent si elles sont normales et justifiées. Parfois, elles essaient même de les atténuer pour éviter le désarroi. Vous devez donc soutenir fortement la cliente.
Vous lui dites que les émotions qu’elle exprime sont valables, afin qu’elle admette qu’elle a le droit de les vivre et de les libérer. Ainsi va-t-elle à la fois les apprivoiser et les explorer. Lui donner l’assurance que ses sentiments sont justes donnera confiance à la victime et la poussera à s’exprimer. Il en est de même des opinions qu’elle émet. Les reconnaître comme justifiées et pertinentes redonne confiance à la femme battue. Elle avance avec plus d’assurance et prend davantage de risques.
Identifier les explications qui la maintiennent dans une position de victime
La femme battue a tendance à trouver des raisons qui expliqueraient la violence de son conjoint : il est alcoolique, il est stressé ou malade, etc. Elle donne des justifications pour expliquer ce qu’elle vit et pour tenter de maintenir son équilibre personnel et celui du couple. Ces justifications lui servent de moyen pour survivre. Il faut les identifier et aider la cliente à les reconnaître pour pouvoir les approfondir avec elle par la suite. Vous devez donc découvrir, avec elle, leurs significations, distinguer celles qui servent l’agresseur, reconnaître celles qui la protègent contre ses peurs de changements et, finalement, mettre le doigt sur celles qui la maintiennent dans les stéréotypes féminins de dépendance et de passivité.
Dès que vous connaissez la logique de ses explications, il devient plus facile de situer l’ensemble du fonctionnement de la cliente et d’évaluer les mécanismes qu’emploiera l’agresseur pour provoquer la période de rémission. Vous êtes alors capable d’accompagner concrètement cette femme dans sa démarche puisque vous pouvez intervenir directement sur les explications qu’elle donne pour survivre.
En conclusion, travailler les principaux points de la situation personnelle de la victime nécessite donc une intervention centrée sur la cliente. L’exploration de ses sentiments et de son fonctionnement permet à cette dernière d’abaisser ses tensions émotives. Différents moyens peuvent être employés pour soutenir ce type de démarche.
LIVRE - L'ANGOISSE DU DÉSIR DANS LA RELATION CONJUGALE
Ce livre propose d'aider la personne dans son travail de transformation, en direction de : d'exercer un contrôle sur son vécu, de vivre une sexualité épanouissante et de maintenir un bon équilibre entre intimité et autonomie.
Bonne lecture
Prix : CAD$25
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mercredi 10 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 30e partie
La peur
La femme battue se sent paralysée par ses peurs. Elle doit les identifier et les affronter. Pour cela, elle a besoin de recevoir des appuis concrets. Il ne suffit pas d’en parler pour que ces peurs disparaissent. Des actions doivent être entreprises pour réduire les risques de danger et apprivoiser ces peurs. Il faut l’informer des protections juridiques auxquelles elle a droit. Sans entrer dans les détails, un minimum d’information peut contribuer à diminuer certaines angoisses.
Les différentes peurs feront l’objet d’une écoute attentive. La cliente doit bien les identifier pour parvenir à les affronter. En plus de la peur d’être agressée, elle éprouve les craintes suivantes : peur de la solitude, de perdre les enfants, de ne pouvoir survivre financièrement, de ne pas être autonome et finalement de retourner avec l’agresseur sans que les conditions ne soient changées. Toutes ces peurs prennent une grande place et la freinent dans sa volonté de changement. Vous l’aiderez à identifier ces craintes et ces appréhensions.
Le travail sur ces différentes peurs aide la victime à identifier ses propres face au changement. Certaines peurs lui servent à maintenir l’équilibre connu jusqu’alors. La peur de la solitude, par exemple, l’empêche de remettre en question l’existence actuelle de son couple. Il en est de même pour la peur de l’autonomie.
Il ne faut pas oublier que la femme battue sort d’une situation de prise en charge. Elle n’a donc pas confiance en ses capacités et cela nourrit ses peurs. Elle a peu d’occasions d’expérimenter ses capacités d’agir en dehors de la relation contrôlée par l’agresseur. Finalement, comme toutes les femmes, elle a fait l’apprentissage des stéréotypes féminins qui renforcent les sentiments de peur. Certaines alliances et « universalisations » peuvent l’aider à affronter ses réactions de peur.
La Culpabilité
La culpabilité est un sentiment lourd et envahissant qui occupe une place importante dans le vécu émotif de la femme battue et la freine dans ses demandes d’aide. Elle se sent coupable, et du fait que les conflits dégénèrent en violence, et de l’échec du couple : elle considère qu’elle a failli à son devoir d’assurer le confort affectif de sa famille.
Vous devez convaincre la victime que vous ne la croyez ni responsable ni coupable des actes violents de son conjoint; en outre, vous l’aiderez à se défaire de ces sentiments que sa position de victime et son degré d’intégration des stéréotypes féminins amplifient.
Vous lui demanderez d’identifier les raisons de sa culpabilité : pourquoi serait-elle responsable d’un geste violent commis par un autre? La relation de couple s’instaure entre deux individus, pourquoi donc devrait-elle en porter seule l’échec? Comment peut-elle répondre aux besoins émotifs d’un adulte, lui-même incapable de les exprimer? Vous dénoncerez ce qui ne relève pas de sa responsabilité et l’aiderez à faire le point sur l’origine de ces situations culpabilisantes pour elle.
Le seul moment de l’intervention où vous explorez le passé de la cliente se situe lorsqu’elle parle de son sentiment constant de culpabilité. Vous lui demandez alors si, enfant, elle a été battue ou si elle a vu sa mère subir de mauvais traitements. Elle pourra faire le lien avec cet héritage de victimisation qui lui a appris à se sentir coupable des actes des agresseurs.
La Colère
La colère fait partie, pour un bon nombre de femmes, des sentiments interdits. Il est associé à l’agression et à des comportements masculins. Pour bien des clientes, la colère représente un danger : elle est tellement grande qu’elles craignent de perdre le contrôle en l’exprimant. « Si j’accepte de laisser monter ma colère, je vais le tuer. » Toutes les victimes de violence ressentent de la colère. Toutefois, certaines l’occultent et la retournent contre elles. Elles vivent alors un état dépressif. Au moment de l’entrevue reliée au choc de l’agression, certaines femmes expriment ouvertement leur colère. Avant que la victime ne rationalise ce sentiment ou qu’elle ne l’étouffe, il faut en favoriser l’expression. La femme battue ressentira une libération importante si elle peut exprimer sa colère.
Dès que la colère se manifeste, vous en reconnaissez la valeur positive. Vous lui dites qu’il s’agit d’une émotion juste, valable et pertinente, et qu’elle est tout à fait en droit d’éprouver ce sentiment, que vous renforcez afin d’en favoriser l’expression.
N’oubliez pas que la tristesse peut être une porte d’entrée intéressante pour faire surgir le sentiment de la colère. À partir de la tristesse, la cliente identifie les pertes ou les frustrations qui ont généré cette émotion. Vous insistez sur ces sentiments de pertes et frustrations afin de permettre à la femme violentée de ressentir différemment l’événement auquel elle se réfère. La colère éclate souvent à ce moment.
La femme battue se sent paralysée par ses peurs. Elle doit les identifier et les affronter. Pour cela, elle a besoin de recevoir des appuis concrets. Il ne suffit pas d’en parler pour que ces peurs disparaissent. Des actions doivent être entreprises pour réduire les risques de danger et apprivoiser ces peurs. Il faut l’informer des protections juridiques auxquelles elle a droit. Sans entrer dans les détails, un minimum d’information peut contribuer à diminuer certaines angoisses.
Les différentes peurs feront l’objet d’une écoute attentive. La cliente doit bien les identifier pour parvenir à les affronter. En plus de la peur d’être agressée, elle éprouve les craintes suivantes : peur de la solitude, de perdre les enfants, de ne pouvoir survivre financièrement, de ne pas être autonome et finalement de retourner avec l’agresseur sans que les conditions ne soient changées. Toutes ces peurs prennent une grande place et la freinent dans sa volonté de changement. Vous l’aiderez à identifier ces craintes et ces appréhensions.
Le travail sur ces différentes peurs aide la victime à identifier ses propres face au changement. Certaines peurs lui servent à maintenir l’équilibre connu jusqu’alors. La peur de la solitude, par exemple, l’empêche de remettre en question l’existence actuelle de son couple. Il en est de même pour la peur de l’autonomie.
Il ne faut pas oublier que la femme battue sort d’une situation de prise en charge. Elle n’a donc pas confiance en ses capacités et cela nourrit ses peurs. Elle a peu d’occasions d’expérimenter ses capacités d’agir en dehors de la relation contrôlée par l’agresseur. Finalement, comme toutes les femmes, elle a fait l’apprentissage des stéréotypes féminins qui renforcent les sentiments de peur. Certaines alliances et « universalisations » peuvent l’aider à affronter ses réactions de peur.
La Culpabilité
La culpabilité est un sentiment lourd et envahissant qui occupe une place importante dans le vécu émotif de la femme battue et la freine dans ses demandes d’aide. Elle se sent coupable, et du fait que les conflits dégénèrent en violence, et de l’échec du couple : elle considère qu’elle a failli à son devoir d’assurer le confort affectif de sa famille.
Vous devez convaincre la victime que vous ne la croyez ni responsable ni coupable des actes violents de son conjoint; en outre, vous l’aiderez à se défaire de ces sentiments que sa position de victime et son degré d’intégration des stéréotypes féminins amplifient.
Vous lui demanderez d’identifier les raisons de sa culpabilité : pourquoi serait-elle responsable d’un geste violent commis par un autre? La relation de couple s’instaure entre deux individus, pourquoi donc devrait-elle en porter seule l’échec? Comment peut-elle répondre aux besoins émotifs d’un adulte, lui-même incapable de les exprimer? Vous dénoncerez ce qui ne relève pas de sa responsabilité et l’aiderez à faire le point sur l’origine de ces situations culpabilisantes pour elle.
Le seul moment de l’intervention où vous explorez le passé de la cliente se situe lorsqu’elle parle de son sentiment constant de culpabilité. Vous lui demandez alors si, enfant, elle a été battue ou si elle a vu sa mère subir de mauvais traitements. Elle pourra faire le lien avec cet héritage de victimisation qui lui a appris à se sentir coupable des actes des agresseurs.
La Colère
La colère fait partie, pour un bon nombre de femmes, des sentiments interdits. Il est associé à l’agression et à des comportements masculins. Pour bien des clientes, la colère représente un danger : elle est tellement grande qu’elles craignent de perdre le contrôle en l’exprimant. « Si j’accepte de laisser monter ma colère, je vais le tuer. » Toutes les victimes de violence ressentent de la colère. Toutefois, certaines l’occultent et la retournent contre elles. Elles vivent alors un état dépressif. Au moment de l’entrevue reliée au choc de l’agression, certaines femmes expriment ouvertement leur colère. Avant que la victime ne rationalise ce sentiment ou qu’elle ne l’étouffe, il faut en favoriser l’expression. La femme battue ressentira une libération importante si elle peut exprimer sa colère.
Dès que la colère se manifeste, vous en reconnaissez la valeur positive. Vous lui dites qu’il s’agit d’une émotion juste, valable et pertinente, et qu’elle est tout à fait en droit d’éprouver ce sentiment, que vous renforcez afin d’en favoriser l’expression.
N’oubliez pas que la tristesse peut être une porte d’entrée intéressante pour faire surgir le sentiment de la colère. À partir de la tristesse, la cliente identifie les pertes ou les frustrations qui ont généré cette émotion. Vous insistez sur ces sentiments de pertes et frustrations afin de permettre à la femme violentée de ressentir différemment l’événement auquel elle se réfère. La colère éclate souvent à ce moment.
dimanche 7 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 29e partie
Entrevue en situation de crise
Le contenu de ce chapitre traite seulement de l’entrevue en situation de crise. Cette entrevue, réalisée immédiatement après une agression, représente une démarche cruciale pour la cliente qui mobilise toutes ses énergies pour demander de l’aide. Elle est dans un état de choc. Elle se sent submergée par les émotions et par le danger qui la menace. Sa demande consiste donc en un appel au secours et elle en attend beaucoup. Elle a besoin d’une aide concrète pour se protéger, et aussi pour retrouver un état d’équilibre.
La cliente ne fera peut-être que cette demande d’aide-là. Ce qu’elle en retirera peut avoir un effet important sur sa mobilisation. L’expérience est donc vitale pour elle. L’intervention doit être appropriée, pertinente et efficace. En situation de crise, la cliente se présente comme une personne encore plus vulnérable, ce qui renforce l’impact de l’intervention. En tant qu’intervenante, vous ne pouvez pas vous permettre de faire d’erreurs, compte tenu de la vulnérabilité de la victime et du pouvoir qu’elle vous concède.
La femme battue en situation de crise ne peut souffrir de délai. Sa situation d’urgence nécessite une aide immédiate. Elle ne peut plus fonctionner à un tel niveau de tension, et tentera donc de trouver un soulagement immédiat. La solution pour laquelle elle optera risque d’avoir des conséquences sérieuses sur sa vie et sur sa sécurité.
Toutefois, cet appel à un nouvel équilibre crée une situation propice au changement. La mobilisation occasionnée par la situation de crise peut permettre à la clientèle d’amorcer des changements importants qui auraient nécessité, en d’autre temps, une longue démarche. Il faut donc utiliser cette énergie pour mobiliser la victime et l’inciter à agir selon son intérêt. Si cette énergie n’est pas immédiatement récupérée de façon positive, la cliente reprendra ses mécanismes de fonctionnement habituels. Le conjoint peut également amorcer une rémission qui occasionnerait des pertes considérables pour la femme ne négociant pas de nouvelles conditions de retour. Dans ce cas, elle risquerait d’attendre la crise suivante pour agir de nouveau, avec tout ce que cela représente de danger pour elle.
Bien qu’elle veuille modifier sa position de victime, elle craint d’abandonner ce qui composait son univers jusqu’alors et redoute que, sans respect pour son cheminement, vous exigiez d’elle qu’elle quitte son conjoint. Votre position sur la violence et sur l’aide que vous offrez doit être précisée clairement. Elle a besoin d’être rassurée sur le pouvoir qu’elle a face à ses décisions et sur celui qui lui revient dans la démarche suggérée.
L’entrevue de crise se fait seule avec la cliente. Si celle-ci se présente à l’urgence, elle passera directement du bureau du médecin l’entrevue dans la salle de consultation pour éviter d’éveiller les soupçons de l’agresseur. Si l’agresseur accompagne la victime et qu’il désire une entrevue, il sera reçu par un collègue. L’intervenant répondra à ses inquiétudes et incitera le client à verbaliser ses difficultés personnelles. La situation de violence ne sera pas abordée avant que la victime n’ait pris de décision, afin d’éviter une récidive de violence. Cette façon d’intervenir est présentée comme un processus régulier d’évaluation des demandes. Un minimum de sécurité est alors assuré à la victime. Elle reçoit l’assurance que tout ce qui se dira au cours de l’entrevue restera confidentiel. La cliente sera, naturellement, acceptée dans sa réalité et dans son vécu émotif. Ses paroles ne seront pas mises en doute. Elle n’a aucun intérêt à inventer son vécu de victime. L’entrevue ou l’appel téléphonique d’une femme en situation de crise a pour but de soulager ses tensions émotives et de répondre à ses besoins d’aide concrète. Pour ce faire, nous aborderons, dans ce chapitre, les objectifs précis de l’entrevue de crise. Les deux étapes de cette entrevue seront décrites ainsi que les rôles de l’intervenante. Voyons maintenant les objectifs spécifiques de l’entrevue en situation de crise.
Objectifs de l’entrevue de crise
Les objectifs de l’entrevue se réalisent en deux temps distincts; ils sont basés sur le besoin que la cliente a de retrouver un équilibre émotif et de recevoir de l’aide concrète; ils visent essentiellement à libérer et à abaisser les tensions émotives de celle-ci et à favoriser sa mobilisation.
Il est facile, pour l’intervenante, de tomber dans le piège d’une aide uniquement concrète. Ce type d’intervention valorise son sentiment d’efficacité, mais la femme battue se retrouve face à un éventail de démarches et de ressources qu’elle n’est pas forcément en mesure d’effectuer. D’une part, émotivement, elle n’a pas suffisamment apprivoisé ses peurs et ses angoisses pour affronter des situations inconnues et, d’autre part, ces différentes directives ne permettent pas à la cliente d’établir des priorités selon ses besoins réels.
Pour faciliter cette démarche, vous l’aiderez à se centrer en abordant avec elle, les principaux aspects de sa situation personnelle et vous utiliserez des moyens efficaces pour la soutenir. Elle doit parvenir à nommer ses inquiétudes, à identifier ses émotions et à reconnaître ses pertes personnelles. Elle prendra conscience de la manière dont ses mécanismes de défense la protègent contre certaines émotions difficiles à assumer. Elle découvrira que ses émotions sont fondées et légitimes. Finalement, elle tentera de reconnaître les justifications qu’elle se donne, dans sa position de victime. Voyons rapidement quels sont les principaux points à travailler au cours de cette entrevue.
Les Principaux Points à travailler
Répondre aux premières inquiétudes
Répondre aux premières inquiétudes de la femme violentée sera votre préoccupation de base. En tout premier lieu, elle doit trouver une réponse à ses principales peurs. Il est impensable de demander à la personne en crise de parler d’elle-même si elle redoute que l’agresseur n’entre dans la pièce ou si elle craint pour la sécurité de ses enfants laissés à la maison. Elle a besoin d’être rassurée. Parfois une information sur la sécurité des lieux suffit à alléger ses craintes. Si c’est nécessaire, une intervention d’urgence sera faite pour garantir la sécurité des enfants : aviser les services de la Protection de la jeunesse en sa présence et l’assurer de leur intervention ; demander l’aide des services policiers pour qu’ils interviennent. Dans les milieux ruraux, il peut être indispensable d’interrompre l’entrevue pour agir immédiatement auprès des enfants, si vous êtes la seule intervenante disponible.
La garantie de la sécurité physique est importante et il est essentiel d’en tenir compte. Lorsque la victime se sauve du domicile, elle cherche un lieu sûr où elle sera écoutée. Une fois cette demande élémentaire comblée, vous pouvez intervenir pour aider la victime à se centrer sur elle.
Préciser les sentiments
En situation de crise, la femme violentée se trouve souvent dans un état de confusion. Elle est totalement désemparée parce qu’elle ne sait plus comment réagir devant ce qu’elle vit et ressent. De plus, elle appréhende de se retrouver en face de quelqu’un qu’elle ne connaît pas. Elle est préoccupée par l’urgence d’agir pour elle-même et pour ses enfants (généralement, ils partent avec leur mère). Elle ne parvient pas à contrôler les émotions contradictoires qu’elle éprouve (colère et tristesse, haine et amour) et ses désirs sont également ambivalents. Elle veut partir, mais ne veut pas perdre son partenaire.
Votre intervention a pour but d’aider la femme battue à « se connecter » avec sa douleur émotive. Certaines femmes verbalisent pour la première fois les émotions reliées à une agression, elles ont donc besoin d’en parler en détail et en profondeur. Il faut prendre le temps d’explorer ce vécu puisqu’un grand nombre des défenses de la cliente tombent au moment de la crise. Elle censure moins ce qu’elle vit. Le moment est donc privilégié pour ouvrir une première « porte ».
Lors de cette entrevue, les sentiments qu’éprouvent les femmes battues rejoignent les six émotions-types, identifiées par Resnick. Elles sont amplifiées par la situation de crise.
L’impuissance
L’impuissance se vit à son paroxysme. La femme violentée est dépassée par la situation, elle n’entrevoit plus de solutions. Elle en a cherché, en vain. Elle a besoin d’exprimer ce sentiment d’impuissance, ce désir de tout abandonner et de ne plus être en état de siège. Vous lui rappelez, en temps opportun, qu’elle a tout essayé, qu’elle a investi beaucoup d’énergie pour que la violence cesse. Elle n’a rien à se reprocher. Vous exprimez clairement que les problèmes de violence appartiennent à l’agresseur.
Dans les positions que vous prenez, il est important de dénoncer les actes de violence et non l’agresseur. Elle éprouve encore des sentiments positifs envers lui. Il a ses qualités et le diminuer revient à dire à la victime que le fait d’aimer un tel homme est une preuve de manque de jugement, ce dont elle s’accuse déjà. Une telle position met la femme battue sur la défensive et elle reprendra rapidement toutes ses justifications pour le protéger. Voici quelques exemples qui dénoncent la violence sans s’attaquer à l’individu comme tel : « Ses pertes de contrôle sont inacceptables, les agressions commises restent injustifiables, il est entièrement responsable de la violence qu’il emploie. »
La Honte
Les femmes battues ont honte de se voir comme des victimes de violence conjugale. Elles se jugent très sévèrement et se punissent de leurs réactions de survie. Ne pas être parvenues à mettre fin à la violence les rend honteuses. De plus elles se sentent couvertes d’opprobre d’avoir subi et, en partie, enduré cette violence, en restant passives et en retrait. La tolérance dont elles ont fait preuve nourrit leur propre sentiment d’ignominie. Certaines violences sont ressenties comme étant plus déshonorantes que d’autres : les agressions sexuelles, les humiliations en public, par exemple. Parfois elles ont même été contraintes, sous la menace et par la violence, de commettre des actes dont elles ont honte : inceste, prostitution, vol, etc.
La femme battue apprendra que ce sentiment qu’elle ressent sert de moyen de contrôle à l’agresseur et garantit son silence. L’agresseur entretient cette humiliation en rendant sa victime responsable et en la dénigrant. Ainsi, la victime s’isole, ce qui contribue à augmenter le pouvoir de l’agresseur et l’effet destructeur de sa violence.
Une bonne partie de la honte des femmes violentées peut être réduite quand elles peuvent identifier qui, autour d’elle, tire profit de cette émotion : qui l’entretient et à quelle fin?
Le contenu de ce chapitre traite seulement de l’entrevue en situation de crise. Cette entrevue, réalisée immédiatement après une agression, représente une démarche cruciale pour la cliente qui mobilise toutes ses énergies pour demander de l’aide. Elle est dans un état de choc. Elle se sent submergée par les émotions et par le danger qui la menace. Sa demande consiste donc en un appel au secours et elle en attend beaucoup. Elle a besoin d’une aide concrète pour se protéger, et aussi pour retrouver un état d’équilibre.
La cliente ne fera peut-être que cette demande d’aide-là. Ce qu’elle en retirera peut avoir un effet important sur sa mobilisation. L’expérience est donc vitale pour elle. L’intervention doit être appropriée, pertinente et efficace. En situation de crise, la cliente se présente comme une personne encore plus vulnérable, ce qui renforce l’impact de l’intervention. En tant qu’intervenante, vous ne pouvez pas vous permettre de faire d’erreurs, compte tenu de la vulnérabilité de la victime et du pouvoir qu’elle vous concède.
La femme battue en situation de crise ne peut souffrir de délai. Sa situation d’urgence nécessite une aide immédiate. Elle ne peut plus fonctionner à un tel niveau de tension, et tentera donc de trouver un soulagement immédiat. La solution pour laquelle elle optera risque d’avoir des conséquences sérieuses sur sa vie et sur sa sécurité.
Toutefois, cet appel à un nouvel équilibre crée une situation propice au changement. La mobilisation occasionnée par la situation de crise peut permettre à la clientèle d’amorcer des changements importants qui auraient nécessité, en d’autre temps, une longue démarche. Il faut donc utiliser cette énergie pour mobiliser la victime et l’inciter à agir selon son intérêt. Si cette énergie n’est pas immédiatement récupérée de façon positive, la cliente reprendra ses mécanismes de fonctionnement habituels. Le conjoint peut également amorcer une rémission qui occasionnerait des pertes considérables pour la femme ne négociant pas de nouvelles conditions de retour. Dans ce cas, elle risquerait d’attendre la crise suivante pour agir de nouveau, avec tout ce que cela représente de danger pour elle.
Bien qu’elle veuille modifier sa position de victime, elle craint d’abandonner ce qui composait son univers jusqu’alors et redoute que, sans respect pour son cheminement, vous exigiez d’elle qu’elle quitte son conjoint. Votre position sur la violence et sur l’aide que vous offrez doit être précisée clairement. Elle a besoin d’être rassurée sur le pouvoir qu’elle a face à ses décisions et sur celui qui lui revient dans la démarche suggérée.
L’entrevue de crise se fait seule avec la cliente. Si celle-ci se présente à l’urgence, elle passera directement du bureau du médecin l’entrevue dans la salle de consultation pour éviter d’éveiller les soupçons de l’agresseur. Si l’agresseur accompagne la victime et qu’il désire une entrevue, il sera reçu par un collègue. L’intervenant répondra à ses inquiétudes et incitera le client à verbaliser ses difficultés personnelles. La situation de violence ne sera pas abordée avant que la victime n’ait pris de décision, afin d’éviter une récidive de violence. Cette façon d’intervenir est présentée comme un processus régulier d’évaluation des demandes. Un minimum de sécurité est alors assuré à la victime. Elle reçoit l’assurance que tout ce qui se dira au cours de l’entrevue restera confidentiel. La cliente sera, naturellement, acceptée dans sa réalité et dans son vécu émotif. Ses paroles ne seront pas mises en doute. Elle n’a aucun intérêt à inventer son vécu de victime. L’entrevue ou l’appel téléphonique d’une femme en situation de crise a pour but de soulager ses tensions émotives et de répondre à ses besoins d’aide concrète. Pour ce faire, nous aborderons, dans ce chapitre, les objectifs précis de l’entrevue de crise. Les deux étapes de cette entrevue seront décrites ainsi que les rôles de l’intervenante. Voyons maintenant les objectifs spécifiques de l’entrevue en situation de crise.
Objectifs de l’entrevue de crise
Les objectifs de l’entrevue se réalisent en deux temps distincts; ils sont basés sur le besoin que la cliente a de retrouver un équilibre émotif et de recevoir de l’aide concrète; ils visent essentiellement à libérer et à abaisser les tensions émotives de celle-ci et à favoriser sa mobilisation.
Il est facile, pour l’intervenante, de tomber dans le piège d’une aide uniquement concrète. Ce type d’intervention valorise son sentiment d’efficacité, mais la femme battue se retrouve face à un éventail de démarches et de ressources qu’elle n’est pas forcément en mesure d’effectuer. D’une part, émotivement, elle n’a pas suffisamment apprivoisé ses peurs et ses angoisses pour affronter des situations inconnues et, d’autre part, ces différentes directives ne permettent pas à la cliente d’établir des priorités selon ses besoins réels.
Pour faciliter cette démarche, vous l’aiderez à se centrer en abordant avec elle, les principaux aspects de sa situation personnelle et vous utiliserez des moyens efficaces pour la soutenir. Elle doit parvenir à nommer ses inquiétudes, à identifier ses émotions et à reconnaître ses pertes personnelles. Elle prendra conscience de la manière dont ses mécanismes de défense la protègent contre certaines émotions difficiles à assumer. Elle découvrira que ses émotions sont fondées et légitimes. Finalement, elle tentera de reconnaître les justifications qu’elle se donne, dans sa position de victime. Voyons rapidement quels sont les principaux points à travailler au cours de cette entrevue.
Les Principaux Points à travailler
Répondre aux premières inquiétudes
Répondre aux premières inquiétudes de la femme violentée sera votre préoccupation de base. En tout premier lieu, elle doit trouver une réponse à ses principales peurs. Il est impensable de demander à la personne en crise de parler d’elle-même si elle redoute que l’agresseur n’entre dans la pièce ou si elle craint pour la sécurité de ses enfants laissés à la maison. Elle a besoin d’être rassurée. Parfois une information sur la sécurité des lieux suffit à alléger ses craintes. Si c’est nécessaire, une intervention d’urgence sera faite pour garantir la sécurité des enfants : aviser les services de la Protection de la jeunesse en sa présence et l’assurer de leur intervention ; demander l’aide des services policiers pour qu’ils interviennent. Dans les milieux ruraux, il peut être indispensable d’interrompre l’entrevue pour agir immédiatement auprès des enfants, si vous êtes la seule intervenante disponible.
La garantie de la sécurité physique est importante et il est essentiel d’en tenir compte. Lorsque la victime se sauve du domicile, elle cherche un lieu sûr où elle sera écoutée. Une fois cette demande élémentaire comblée, vous pouvez intervenir pour aider la victime à se centrer sur elle.
Préciser les sentiments
En situation de crise, la femme violentée se trouve souvent dans un état de confusion. Elle est totalement désemparée parce qu’elle ne sait plus comment réagir devant ce qu’elle vit et ressent. De plus, elle appréhende de se retrouver en face de quelqu’un qu’elle ne connaît pas. Elle est préoccupée par l’urgence d’agir pour elle-même et pour ses enfants (généralement, ils partent avec leur mère). Elle ne parvient pas à contrôler les émotions contradictoires qu’elle éprouve (colère et tristesse, haine et amour) et ses désirs sont également ambivalents. Elle veut partir, mais ne veut pas perdre son partenaire.
Votre intervention a pour but d’aider la femme battue à « se connecter » avec sa douleur émotive. Certaines femmes verbalisent pour la première fois les émotions reliées à une agression, elles ont donc besoin d’en parler en détail et en profondeur. Il faut prendre le temps d’explorer ce vécu puisqu’un grand nombre des défenses de la cliente tombent au moment de la crise. Elle censure moins ce qu’elle vit. Le moment est donc privilégié pour ouvrir une première « porte ».
Lors de cette entrevue, les sentiments qu’éprouvent les femmes battues rejoignent les six émotions-types, identifiées par Resnick. Elles sont amplifiées par la situation de crise.
L’impuissance
L’impuissance se vit à son paroxysme. La femme violentée est dépassée par la situation, elle n’entrevoit plus de solutions. Elle en a cherché, en vain. Elle a besoin d’exprimer ce sentiment d’impuissance, ce désir de tout abandonner et de ne plus être en état de siège. Vous lui rappelez, en temps opportun, qu’elle a tout essayé, qu’elle a investi beaucoup d’énergie pour que la violence cesse. Elle n’a rien à se reprocher. Vous exprimez clairement que les problèmes de violence appartiennent à l’agresseur.
Dans les positions que vous prenez, il est important de dénoncer les actes de violence et non l’agresseur. Elle éprouve encore des sentiments positifs envers lui. Il a ses qualités et le diminuer revient à dire à la victime que le fait d’aimer un tel homme est une preuve de manque de jugement, ce dont elle s’accuse déjà. Une telle position met la femme battue sur la défensive et elle reprendra rapidement toutes ses justifications pour le protéger. Voici quelques exemples qui dénoncent la violence sans s’attaquer à l’individu comme tel : « Ses pertes de contrôle sont inacceptables, les agressions commises restent injustifiables, il est entièrement responsable de la violence qu’il emploie. »
La Honte
Les femmes battues ont honte de se voir comme des victimes de violence conjugale. Elles se jugent très sévèrement et se punissent de leurs réactions de survie. Ne pas être parvenues à mettre fin à la violence les rend honteuses. De plus elles se sentent couvertes d’opprobre d’avoir subi et, en partie, enduré cette violence, en restant passives et en retrait. La tolérance dont elles ont fait preuve nourrit leur propre sentiment d’ignominie. Certaines violences sont ressenties comme étant plus déshonorantes que d’autres : les agressions sexuelles, les humiliations en public, par exemple. Parfois elles ont même été contraintes, sous la menace et par la violence, de commettre des actes dont elles ont honte : inceste, prostitution, vol, etc.
La femme battue apprendra que ce sentiment qu’elle ressent sert de moyen de contrôle à l’agresseur et garantit son silence. L’agresseur entretient cette humiliation en rendant sa victime responsable et en la dénigrant. Ainsi, la victime s’isole, ce qui contribue à augmenter le pouvoir de l’agresseur et l’effet destructeur de sa violence.
Une bonne partie de la honte des femmes violentées peut être réduite quand elles peuvent identifier qui, autour d’elle, tire profit de cette émotion : qui l’entretient et à quelle fin?
samedi 6 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 28e partie
De façon générale, l’homme abusif répond aux normes du stéréotype traditionnel. Il a des attentes élevées envers sa partenaire qui doit le combler sur le plan affectif et répondre à ses besoins. Il s’attend donc à dominer la relation conjugale et la violence est perçue comme un moyen de contrôler sa vie, sa partenaire et la cellule familiale.
jeudi 4 août 2011
VIOLENCE FAMILIALE 27e partie
Escalade de la violence
La première étape de la violence est subtile et fait l’objet de beaucoup de raffinement. C’est l’agression psychologique. Elle consiste à atteindre directement l’estime de soi de la victime. L’agresseur ridiculise les réalisations de la victime. Il ignore sa présence, il ne porte pas attention à ce qu’elle dit et ne tient aucunement compte de ce qu’elle ressent. Il sème le doute lorsqu’elle émet une opinion. Il prend en charge certaines fonctions, prétendant qu’elle n’a pas les capacités de les remplir – il gère le budget familial, il contacte des organismes sociaux, ou encore il assure l’animation des conversations avec des amis ou des personnes extérieures au réseau familial. L’agresseur rit dès que la victime prend une initiative, amenuisant ainsi l’action réalisée. Il compare les réalisations de sa partenaire à celles d’autres personnes qui font figure d’autorité dans le domaine. Il corrige ou commence chaque action, geste ou réalisation de sa victime. Un tel fonctionnement n’apparaît pas comme une évidence de violence pour la partenaire, mais son effet est dévastateur. La victime se juge alors comme une personne étant incompétente dans plusieurs domaines, et craint de s’opposer à son partenaire.
Puis, la violence verbale s’installe. Elle renforce l’agression psychologique et augmente l’intensité du mépris. L’agresseur dénigre directement la victime. Il lui parle de son corps en employant des comparaisons offensantes. Il lui donne des surnoms qui la ridiculise. Il minimise l’importance de leurs rapports sexuels en comparant la victime à une prostituée. Il associe les comportements de sa conjointe à ceux d’une malade mentale. Il profère des menaces d’agression, d’homicide ou de suicide. Il crée un climat d’anxiété en décrivant les violences qu’il désire lui faire. Il la ridiculise en présence d’autres personnes. Il crie, lui parle fort en se tenant très près d’elle, il émet parfois des sons bruyants en s’approchant près de son oreille. Il se contredit et accuse l’autre de sa propre incohérence.
Ensuite, la violence physique commence. L’agresseur serre fort le bras de sa victime. Parfois, il utilise la forme du jeu pour contrôler physiquement l’autre (l’étouffer, la gifler, la mordiller, etc). Il lui tire les cheveux, la pince, la secoue, la pousse. Il continue en la frappant, la main ouverte. Par la suite, il emploie les poings, les pieds. Il a recours a des objets pour blesser : des allumettes, des couteaux, des bâtons, des fusils. Finalement, il cause des blessures permanentes. Il faut considérer les assauts sexuels, comme des blessures physiques – l’agresseur exige des rapports sexuels répétés, commet des assauts sexuels après une agression physique, oblige la victime à avoir des relations sexuelles avec d’autres adultes ou avec les enfants, la contraint à la prostitution.
Cette escalade se termine par l’homicide ou le suicide. Au Canada, de 1981 à 1985, 261 femmes ont été tuées par leur mari et 57 hommes ont été tués par leur conjointe. Dans certaines situations, il y aura meurtre de tous les membres de la famille et suicide de l’agresseur. Ces drames familiaux cachent une longue histoire de violence conjugale et familiale et sont en fait la résultante de l’escalade de violence : violence psychologique – violence verbale – agression physique et / ou sexuelle – homicide.
Voyons maintenant de quelle façon les victimes rompent la relation de violence.
Les ruptures
Le cycle de violence s’interrompt lorsqu’il y a rupture de la relation de couple. Le déséquilibre se produit, l’agresseur perd son objet d’agression et la victime se retire du rapport de domination. Pfouts a déjà classifié les différentes catégories de ruptures. Pour éviter de juger les apprentissages d’autonomie et les choix de la femme violentée, il est essentiel que vous connaissiez bien le processus de rupture. La femme battue met fin à la relation de couple pour que la violence cesse. Ce geste demeure, dans bien des cas, un geste d’espoir, un moyen pour inciter l’agresseur à changer ses comportements.
Une forte proportion de la clientèle des femmes violentées fonctionnent par ruptures évolutives. Chaque départ est une expérience qui lui sert à apprivoiser différentes facettes de l’économie. Ce type de rupture est un moyen pour acquérir la confiance en soi, découvrir les ressources existantes, éloigner le seuil des peurs (argent, société, solitude, monoparentalité, etc) et apprendre qu’il est possible de survivre sans la présence du conjoint. Le nombre de ces ruptures dépend des zones de dépendance de la victime. Évidemment, plus une femme dépend de son partenaire pour assurer sa vie (économique, affective), moins elle connaît son potentiel personnel. Elle doute donc plus qu’une autre de ses capacités pour combler ses besoins et ceux de ses enfants (la majorité des femmes battues quittent le domicile familial avec leurs enfants). Ainsi, la femme battue, qui avance selon un processus de ruptures évolutives, fait généralement partie du groupe suivant de victimes : elles ont une faible estime de soi, sont isolées, méconnaissent les ressources, ont peu de chance de se trouver un emploi, craignent la solitude, ont des difficultés financières, ont bien intégré les stéréotypes féminins et redoutent les nouvelles agressions de leur conjoint qui les pourchassent. Les étapes à passer sont nombreuses et ne peuvent être franchies en une seule fois. Telle est la situation d’un grand nombre de femmes battues.
Malheureusement, la femme battue ne perçoit pas ce processus de rupture comme une démarche évolutive. Elle vit un sentiment d’échec chaque fois qu’elle reprend la vie commune avec l’agresseur. Elle évalue son retour comme la preuve de son incapacité. Elle ne comptabilise pas ses acquisitions ni les découvertes qu’elle a faites lors de son départ. Cette analyse de la rupture peut avoir comme effet d’accroître la tolérance de la femme envers les agressions futures. Elle constate qu’elle n’a pas réussi à maintenir la séparation du couple et hésitera encore plus, avant de mettre fin à nouveau à la relation. L’insécurité de se retrouver seule est maintenant alimentée par la certitude qu’elle ne pourra jamais en finir avec son vécu de victime. Elle prendra donc encore plus de temps pour remettre en question sa vie auprès de l’agresseur.
De plus, l’agresseur met tout en œuvre pour confirmer l’échec de la victime lors de la reprise de l’union. Le retour renforce sa position. Il peut abuser physiquement de sa victime puisqu’elle lui revient de toute façon. Il a la preuve qu’elle ne peut se passer de lui et qu’elle n’a pas la capacité de s’auto-suffire. Cette confirmation de son pouvoir sur sa victime teintera dorénavant les diverses formes de violence et accentuera les violences verbales et psychologiques. L’agresseur s’attaquera directement à l’insécurité de la femme et renforcera son sentiment d’incapacité. Il étendra les zones de dépendance de la victime. Sous prétexte de prendre soin d’elle, il réduira ses secteurs d’autonomie. Par exemple, il contrôlera davantage les finances de la famille et incitera sa partenaire à demeurer à la maison, en affirmant qu’il assumera complètement le rôle de pourvoyeur. Ce contexte renforce son pouvoir et isole davantage la victime.
L’entourage immédiat de la femme battue porte également un justement sévère sur les retours de cette dernière. Ils lui retireront leur aide puisque, selon eux, leurs efforts ne sont pas récompensés. Celle-ci sait qu’elle perd des alliés lorsqu’elle met fin à la séparation conjugale. Son isolement risque donc de s’accroître et sa tolérance aux violences deviendra d’autant plus grande. Le jugement de ses proches, ajouté à celui qu’elle porte sur elle-même, renforce sa position de victime et nourrit son sentiment d’incapacité.
Ce jugement de désapprobation se retrouve également chez les professionnels. Ils interprètent les retours comme l’échec de leur intervention. Les femmes battues y sont sensibles. Elles perçoivent bien le désaveu des intervenantes face à leur retour à la vie de couple. Certaines femmes, par exemple, quittent la maison d’hébergement le soir ou la nuit, pour retourner avec leur conjoint sans en avoir informé les animatrices. Ou encore, elles retournent avec l’agresseur quand l’intervenante s’est absentée quelques jours. Les femmes ont senti que leur choix ne serait pas respecté et elles redoutent la désapprobation des professionnels. Il faut donc se poser la question suivante : qu’adviendra-t-il de cette femme lorsqu’elle devra chercher à nouveau de l’aide? Osera-t-elle se présenter encore devant les mêmes personnes? Sera-t-elle jugée lorsqu’elle demandera à nouveau de l’aide? (« Je vous l’avais bien dit! »)
Il est donc essentiel que vous saisissiez bien le processus évolutif des ruptures. Il est impératif d’utiliser ce geste de la victime pour l’aider à faire des acquisitions. La victime doit se sentir libre de faire ses choix. L’informer des remises en question qu’elle vivra sous peu fait partie de l’accompagnement. Vous la renseignerez sur le fait que les ruptures constituent un cheminement et un moyen de reprendre confiance en soi. Cette technique de prévision évite que la victime ne porte un jugement sévère sur elle-même. De plus, ce type d’intervention vous permet de demeurer attentive au rythme de la cliente. Finalement, cela vous permet de vous distancier du cheminement personnel de la femme battue. En comprenant clairement l’aspect positif des ruptures sans considérer que vous avez échoué dans l’intervention. Vous accepterez alors le pouvoir de décision des femmes et leur droit de cheminer à leur propre rythme.
Il faut bien avouer qu’il n’est pas facile de voir une victime retourner avec l’agresseur, quand on sait qu’il y aura récidive et aggravation des violences à cette occasion. Toutefois, vouloir modifier le rythme d’évolution de la victime ne fait que ralentir sa démarche personnelle et place cette dernière dans une relation de domination. Assurément l’intervention devient alors une forme de violence psychologique envers la cliente. Elle se perçoit comme un être de peu de valeur qui n’est même pas en mesure de prendre ses propres décisions.
L’expérience de rupture doit donc permettre à la victime d’obtenir les informations dont elle a besoin, le support nécessaire pour cheminer dans un climat propice, et une qualité d’accompagnement lui permettant de tirer profit de ses acquisitions.
Le deuxième type de rupture est celui qui correspond au départ fait à contrecoeur. Les femmes qui répondent à ce type de cheminement quittent le foyer conjugal après plusieurs années de vie commune. Elles vivent leur première rupture. Toutefois, elle sera définitive. En effet, elles ne reviennent pas sur leur décision. Ces femmes ont un certain âge et n’ont généralement plus de jeunes enfants. Leurs enfants sont plutôt à l’âge de l’adolescence. Ils joueront d’ailleurs, dans bien des cas, un rôle important dans la séparation. En effet, ils menacent de quitter le domicile familial si la situation de violence ne change pas. Cette menace renforce la peur d’avoir tout échoué, que ressent la femme violentée : sa vie de couple et son rôle parental. Elle va donc choisir les enfants puisque l’agresseur refuse de modifier sa position. L’attitude de protection qu’adoptent les adolescents constitue une autre pression. En effet, les jeunes protègent leur mère contre l’agresseur et ils commencent à avoir des altercations avec ce dernier, mettant ainsi en danger leur sécurité. La femme violentée craint alors davantage pour ses enfants que pour elle-même. Une fois de plus, elle pensera en premier aux enfants et envisagera une séparation pour contrecarrer ce nouveau danger. Les adolescents peuvent aussi adopter des comportements violents pour combler leurs besoins. Ainsi, ils ou elles agresseront leur mère. À ce moment, le constat d’échec et de perte devient très lourd et le départ du domicile familial apparaît comme l’unique moyen de survie. Ces avertissements et ces façons d’agir des enfants motivent la femme battue à rompre la relation conjugale.
Cette femme a longuement attendu avant de prendre sa décision. Ses nombreuses demandes d’aide lui ont permis d’atténuer sa culpabilité. En effet, elle a tout essayé pour sauver sa famille et maintenir sa relation de couple. Elle a entrepris de nombreuses démarches pour essayer de mettre fin à la violence : rencontres avec des psychiatres, avec l’Association des alcooliques anonymes, visites de médecins, etc. Elle a le sentiment d’avoir tout tenté en vain. Elle ne se sent pas responsable des actes de l’agresseur puisqu’elle a fait tout ce qui lui semblait nécessaire. De plus, l’âge des enfants et l’autonomie qu’ils commencent à manifester lui permettent de se sentir plus en sécurité quand elle prend sa décision. Elle part donc en ayant assumé, tel qu’elle le concevait, son rôle d’épouse et de mère. C’est donc à contrecoeur qu’elle met fin à la relation.
La dernière catégorie de rupture concerne un nombre plus restreint de femmes. La rupture rapide s’effectue principalement chez les femmes qui ont une bonne estime d’elle-même, de l’argent, des amis, un emploi, et facilement accès à des ressources. L’absence d’un passé de violence chez la femme est un autre facteur déterminant. Les femmes qui répondent à plusieurs de ces critères parviennent à réagir dès que l’agression se produit. Elles ne se questionnent pas sur le rôle qu’elles ont joué dans cette situation. Elles savent identifier la position de victime et elles ne se chargent pas de la responsabilité des pertes de contrôle de leur partenaire. Pour elles, le premier geste physique violent devient donc la limite de l’escalade de la violence.
La relation de couple se termine immédiatement après la première agression. Ces femmes garderont des séquelles de cette expérience de violence, mais elles possèdent les armes nécessaires pour demander de l’aide et pour trouver les moyens de soigner les pertes qu’elles ont subies au cours de cette épreuve.
Il est donc important de s’appuyer sur ces notions de base pour bien cerner la problématique des femmes violentées, avant d’intervenir. Des informations théoriques doivent soutenir les actions entreprises. Le lien entre la théorie et la pratique se retrouvera tout au long de la démarche. La première action définie sera l’intervention en situation de crise, c’est-à-dire l’entrevue consécutive au choc de l’agression.
La première étape de la violence est subtile et fait l’objet de beaucoup de raffinement. C’est l’agression psychologique. Elle consiste à atteindre directement l’estime de soi de la victime. L’agresseur ridiculise les réalisations de la victime. Il ignore sa présence, il ne porte pas attention à ce qu’elle dit et ne tient aucunement compte de ce qu’elle ressent. Il sème le doute lorsqu’elle émet une opinion. Il prend en charge certaines fonctions, prétendant qu’elle n’a pas les capacités de les remplir – il gère le budget familial, il contacte des organismes sociaux, ou encore il assure l’animation des conversations avec des amis ou des personnes extérieures au réseau familial. L’agresseur rit dès que la victime prend une initiative, amenuisant ainsi l’action réalisée. Il compare les réalisations de sa partenaire à celles d’autres personnes qui font figure d’autorité dans le domaine. Il corrige ou commence chaque action, geste ou réalisation de sa victime. Un tel fonctionnement n’apparaît pas comme une évidence de violence pour la partenaire, mais son effet est dévastateur. La victime se juge alors comme une personne étant incompétente dans plusieurs domaines, et craint de s’opposer à son partenaire.
Puis, la violence verbale s’installe. Elle renforce l’agression psychologique et augmente l’intensité du mépris. L’agresseur dénigre directement la victime. Il lui parle de son corps en employant des comparaisons offensantes. Il lui donne des surnoms qui la ridiculise. Il minimise l’importance de leurs rapports sexuels en comparant la victime à une prostituée. Il associe les comportements de sa conjointe à ceux d’une malade mentale. Il profère des menaces d’agression, d’homicide ou de suicide. Il crée un climat d’anxiété en décrivant les violences qu’il désire lui faire. Il la ridiculise en présence d’autres personnes. Il crie, lui parle fort en se tenant très près d’elle, il émet parfois des sons bruyants en s’approchant près de son oreille. Il se contredit et accuse l’autre de sa propre incohérence.
Ensuite, la violence physique commence. L’agresseur serre fort le bras de sa victime. Parfois, il utilise la forme du jeu pour contrôler physiquement l’autre (l’étouffer, la gifler, la mordiller, etc). Il lui tire les cheveux, la pince, la secoue, la pousse. Il continue en la frappant, la main ouverte. Par la suite, il emploie les poings, les pieds. Il a recours a des objets pour blesser : des allumettes, des couteaux, des bâtons, des fusils. Finalement, il cause des blessures permanentes. Il faut considérer les assauts sexuels, comme des blessures physiques – l’agresseur exige des rapports sexuels répétés, commet des assauts sexuels après une agression physique, oblige la victime à avoir des relations sexuelles avec d’autres adultes ou avec les enfants, la contraint à la prostitution.
Cette escalade se termine par l’homicide ou le suicide. Au Canada, de 1981 à 1985, 261 femmes ont été tuées par leur mari et 57 hommes ont été tués par leur conjointe. Dans certaines situations, il y aura meurtre de tous les membres de la famille et suicide de l’agresseur. Ces drames familiaux cachent une longue histoire de violence conjugale et familiale et sont en fait la résultante de l’escalade de violence : violence psychologique – violence verbale – agression physique et / ou sexuelle – homicide.
Voyons maintenant de quelle façon les victimes rompent la relation de violence.
Les ruptures
Le cycle de violence s’interrompt lorsqu’il y a rupture de la relation de couple. Le déséquilibre se produit, l’agresseur perd son objet d’agression et la victime se retire du rapport de domination. Pfouts a déjà classifié les différentes catégories de ruptures. Pour éviter de juger les apprentissages d’autonomie et les choix de la femme violentée, il est essentiel que vous connaissiez bien le processus de rupture. La femme battue met fin à la relation de couple pour que la violence cesse. Ce geste demeure, dans bien des cas, un geste d’espoir, un moyen pour inciter l’agresseur à changer ses comportements.
Une forte proportion de la clientèle des femmes violentées fonctionnent par ruptures évolutives. Chaque départ est une expérience qui lui sert à apprivoiser différentes facettes de l’économie. Ce type de rupture est un moyen pour acquérir la confiance en soi, découvrir les ressources existantes, éloigner le seuil des peurs (argent, société, solitude, monoparentalité, etc) et apprendre qu’il est possible de survivre sans la présence du conjoint. Le nombre de ces ruptures dépend des zones de dépendance de la victime. Évidemment, plus une femme dépend de son partenaire pour assurer sa vie (économique, affective), moins elle connaît son potentiel personnel. Elle doute donc plus qu’une autre de ses capacités pour combler ses besoins et ceux de ses enfants (la majorité des femmes battues quittent le domicile familial avec leurs enfants). Ainsi, la femme battue, qui avance selon un processus de ruptures évolutives, fait généralement partie du groupe suivant de victimes : elles ont une faible estime de soi, sont isolées, méconnaissent les ressources, ont peu de chance de se trouver un emploi, craignent la solitude, ont des difficultés financières, ont bien intégré les stéréotypes féminins et redoutent les nouvelles agressions de leur conjoint qui les pourchassent. Les étapes à passer sont nombreuses et ne peuvent être franchies en une seule fois. Telle est la situation d’un grand nombre de femmes battues.
Malheureusement, la femme battue ne perçoit pas ce processus de rupture comme une démarche évolutive. Elle vit un sentiment d’échec chaque fois qu’elle reprend la vie commune avec l’agresseur. Elle évalue son retour comme la preuve de son incapacité. Elle ne comptabilise pas ses acquisitions ni les découvertes qu’elle a faites lors de son départ. Cette analyse de la rupture peut avoir comme effet d’accroître la tolérance de la femme envers les agressions futures. Elle constate qu’elle n’a pas réussi à maintenir la séparation du couple et hésitera encore plus, avant de mettre fin à nouveau à la relation. L’insécurité de se retrouver seule est maintenant alimentée par la certitude qu’elle ne pourra jamais en finir avec son vécu de victime. Elle prendra donc encore plus de temps pour remettre en question sa vie auprès de l’agresseur.
De plus, l’agresseur met tout en œuvre pour confirmer l’échec de la victime lors de la reprise de l’union. Le retour renforce sa position. Il peut abuser physiquement de sa victime puisqu’elle lui revient de toute façon. Il a la preuve qu’elle ne peut se passer de lui et qu’elle n’a pas la capacité de s’auto-suffire. Cette confirmation de son pouvoir sur sa victime teintera dorénavant les diverses formes de violence et accentuera les violences verbales et psychologiques. L’agresseur s’attaquera directement à l’insécurité de la femme et renforcera son sentiment d’incapacité. Il étendra les zones de dépendance de la victime. Sous prétexte de prendre soin d’elle, il réduira ses secteurs d’autonomie. Par exemple, il contrôlera davantage les finances de la famille et incitera sa partenaire à demeurer à la maison, en affirmant qu’il assumera complètement le rôle de pourvoyeur. Ce contexte renforce son pouvoir et isole davantage la victime.
L’entourage immédiat de la femme battue porte également un justement sévère sur les retours de cette dernière. Ils lui retireront leur aide puisque, selon eux, leurs efforts ne sont pas récompensés. Celle-ci sait qu’elle perd des alliés lorsqu’elle met fin à la séparation conjugale. Son isolement risque donc de s’accroître et sa tolérance aux violences deviendra d’autant plus grande. Le jugement de ses proches, ajouté à celui qu’elle porte sur elle-même, renforce sa position de victime et nourrit son sentiment d’incapacité.
Ce jugement de désapprobation se retrouve également chez les professionnels. Ils interprètent les retours comme l’échec de leur intervention. Les femmes battues y sont sensibles. Elles perçoivent bien le désaveu des intervenantes face à leur retour à la vie de couple. Certaines femmes, par exemple, quittent la maison d’hébergement le soir ou la nuit, pour retourner avec leur conjoint sans en avoir informé les animatrices. Ou encore, elles retournent avec l’agresseur quand l’intervenante s’est absentée quelques jours. Les femmes ont senti que leur choix ne serait pas respecté et elles redoutent la désapprobation des professionnels. Il faut donc se poser la question suivante : qu’adviendra-t-il de cette femme lorsqu’elle devra chercher à nouveau de l’aide? Osera-t-elle se présenter encore devant les mêmes personnes? Sera-t-elle jugée lorsqu’elle demandera à nouveau de l’aide? (« Je vous l’avais bien dit! »)
Il est donc essentiel que vous saisissiez bien le processus évolutif des ruptures. Il est impératif d’utiliser ce geste de la victime pour l’aider à faire des acquisitions. La victime doit se sentir libre de faire ses choix. L’informer des remises en question qu’elle vivra sous peu fait partie de l’accompagnement. Vous la renseignerez sur le fait que les ruptures constituent un cheminement et un moyen de reprendre confiance en soi. Cette technique de prévision évite que la victime ne porte un jugement sévère sur elle-même. De plus, ce type d’intervention vous permet de demeurer attentive au rythme de la cliente. Finalement, cela vous permet de vous distancier du cheminement personnel de la femme battue. En comprenant clairement l’aspect positif des ruptures sans considérer que vous avez échoué dans l’intervention. Vous accepterez alors le pouvoir de décision des femmes et leur droit de cheminer à leur propre rythme.
Il faut bien avouer qu’il n’est pas facile de voir une victime retourner avec l’agresseur, quand on sait qu’il y aura récidive et aggravation des violences à cette occasion. Toutefois, vouloir modifier le rythme d’évolution de la victime ne fait que ralentir sa démarche personnelle et place cette dernière dans une relation de domination. Assurément l’intervention devient alors une forme de violence psychologique envers la cliente. Elle se perçoit comme un être de peu de valeur qui n’est même pas en mesure de prendre ses propres décisions.
L’expérience de rupture doit donc permettre à la victime d’obtenir les informations dont elle a besoin, le support nécessaire pour cheminer dans un climat propice, et une qualité d’accompagnement lui permettant de tirer profit de ses acquisitions.
Le deuxième type de rupture est celui qui correspond au départ fait à contrecoeur. Les femmes qui répondent à ce type de cheminement quittent le foyer conjugal après plusieurs années de vie commune. Elles vivent leur première rupture. Toutefois, elle sera définitive. En effet, elles ne reviennent pas sur leur décision. Ces femmes ont un certain âge et n’ont généralement plus de jeunes enfants. Leurs enfants sont plutôt à l’âge de l’adolescence. Ils joueront d’ailleurs, dans bien des cas, un rôle important dans la séparation. En effet, ils menacent de quitter le domicile familial si la situation de violence ne change pas. Cette menace renforce la peur d’avoir tout échoué, que ressent la femme violentée : sa vie de couple et son rôle parental. Elle va donc choisir les enfants puisque l’agresseur refuse de modifier sa position. L’attitude de protection qu’adoptent les adolescents constitue une autre pression. En effet, les jeunes protègent leur mère contre l’agresseur et ils commencent à avoir des altercations avec ce dernier, mettant ainsi en danger leur sécurité. La femme violentée craint alors davantage pour ses enfants que pour elle-même. Une fois de plus, elle pensera en premier aux enfants et envisagera une séparation pour contrecarrer ce nouveau danger. Les adolescents peuvent aussi adopter des comportements violents pour combler leurs besoins. Ainsi, ils ou elles agresseront leur mère. À ce moment, le constat d’échec et de perte devient très lourd et le départ du domicile familial apparaît comme l’unique moyen de survie. Ces avertissements et ces façons d’agir des enfants motivent la femme battue à rompre la relation conjugale.
Cette femme a longuement attendu avant de prendre sa décision. Ses nombreuses demandes d’aide lui ont permis d’atténuer sa culpabilité. En effet, elle a tout essayé pour sauver sa famille et maintenir sa relation de couple. Elle a entrepris de nombreuses démarches pour essayer de mettre fin à la violence : rencontres avec des psychiatres, avec l’Association des alcooliques anonymes, visites de médecins, etc. Elle a le sentiment d’avoir tout tenté en vain. Elle ne se sent pas responsable des actes de l’agresseur puisqu’elle a fait tout ce qui lui semblait nécessaire. De plus, l’âge des enfants et l’autonomie qu’ils commencent à manifester lui permettent de se sentir plus en sécurité quand elle prend sa décision. Elle part donc en ayant assumé, tel qu’elle le concevait, son rôle d’épouse et de mère. C’est donc à contrecoeur qu’elle met fin à la relation.
La dernière catégorie de rupture concerne un nombre plus restreint de femmes. La rupture rapide s’effectue principalement chez les femmes qui ont une bonne estime d’elle-même, de l’argent, des amis, un emploi, et facilement accès à des ressources. L’absence d’un passé de violence chez la femme est un autre facteur déterminant. Les femmes qui répondent à plusieurs de ces critères parviennent à réagir dès que l’agression se produit. Elles ne se questionnent pas sur le rôle qu’elles ont joué dans cette situation. Elles savent identifier la position de victime et elles ne se chargent pas de la responsabilité des pertes de contrôle de leur partenaire. Pour elles, le premier geste physique violent devient donc la limite de l’escalade de la violence.
La relation de couple se termine immédiatement après la première agression. Ces femmes garderont des séquelles de cette expérience de violence, mais elles possèdent les armes nécessaires pour demander de l’aide et pour trouver les moyens de soigner les pertes qu’elles ont subies au cours de cette épreuve.
Il est donc important de s’appuyer sur ces notions de base pour bien cerner la problématique des femmes violentées, avant d’intervenir. Des informations théoriques doivent soutenir les actions entreprises. Le lien entre la théorie et la pratique se retrouvera tout au long de la démarche. La première action définie sera l’intervention en situation de crise, c’est-à-dire l’entrevue consécutive au choc de l’agression.
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