Les Différentes formes de violence
En racontant les événements qu’elle a connus et les motifs qui l’amènent à demander de l’aide, la cliente nommera les diverses formes de brutalité qu’elle a subies. Sans distinguer clairement les catégories de violence (verbale, psychologique, physique), elle exprimera son vécu de victime. Le fait de retracer ses expériences d’agression aide la femme battue à dresser un tableau plus clair de sa situation. En effet, elle peut reconnaître l’ensemble des agressions et mieux voir l’escalade de la violence. Sa perception morcelée des événements s’atténue. Ce regard favorise en elle une prise de conscience l’aidant à identifier sa position de victime.
Votre dénonciation de la violence « renforce » le cheminement de la cliente vers l’acceptation de la réalité que représente la violence dans sa vie. Vous nommerez les différentes formes de brutalité qu’un agresseur manifeste envers sa victime, afin que la cliente puisse identifier celles qu’elle a connues. De plus, vos « réassurerez » la victime sur l’unique responsabilité de l’agresseur face à ses pertes de victime sur l’unique responsabilité de l’agresseur face à ses pertes de contrôle. Comme individu, la victime a aussi des difficultés personnelles et des comportements qui peuvent être répréhensibles. Toutefois, il n’y a rien qui justifie la violence. Le geste d’agression appartient à la personne qui commet l’acte de brutalité. Il faut donc bien différencier le conflit conjugal du geste de violence. Il est évident que la relation de couple est conflictuelle, mais la violence est un problème supplémentaire qui n’est ni acceptable, ni justifié. La victime n’est donc aucunement responsable de la perte de contrôle de l’agresseur, peu importe les circonstances qui ont précédé la scène de violence.
Pour que la cliente se sente soutenue dans l’identification de sa situation de victime, vous répertoriez avec elle les diverses formes de violence. Vous soulèverez l’aspect destructeur de la violence psychologique minant l’estime et la confiance en soi. Vous reprendrez certaines paroles qui illustrent la violence psychologique, citerez des exemples qu’elle a elle-même apportés et qui rejoignent cette forme de violence. Elle associera à ces exemples ce qu’elle a ressenti lors de ces agressions.
Vous échangerez aussi sur les gestes utilisés par l’agresseur pour la maltraiter – et resituerez ces gestes comme étant l’amorce des violences physiques qui s’installent, s’intensifient et se rapprochent de plus en plus dans le temps. Les incidents de violence peuvent être éloignés les uns des autres, mais cela fait partie d’un continuum. Il est donc de ne pas isoler chaque événement et de l’expliquer par un facteur déclenchant. Sans dramatiser, il est essentiel de bien décrire la progression de la violence et son effet d’entraînement. Vous situerez les autres agressions physiques : gifler, frapper à main ouverte, avec les poings, les pieds. Par la suite, vous montrerez la progression de la violence qui s’est manifestée par l’utilisation d’objets : bâton, couteau, allumettes, fusil. La violence sexuelle sera également dénoncée comme moyen ultime pour abaisser et soumettre la victime : les relations sexuelles sous la contrainte, par exemple, les relations sexuelles exigées de la victime après de mauvais traitement, la présence d’une arme sous l’oreiller ou le lit, les échanges de partenaire, la sodomie, la pénétration avec des objets, etc.
Finalement les risques d’homicide seront reconnus. La peur que ressent la victime d’être tuée n’est pas le résultat de ses fantaisies. Vous confirmerez à la cliente l’importance de faire confiance à ses « signaux d’alarme ». Vous l’inciterez à parler des moyens de protection qu’elle a adoptés pour assurer sa sécurité, et vous essayerez d’évaluer ensemble la possibilité de les renforcer.
Dès que la cliente reconnaît sa position de victime, elle peut se mobiliser et prendre des moyens pour se protéger. Se faire confirmer qu’elle est victime de violence l’aide parfois à penser à elle-même et à veiller à sa protection. Dans certains cas, elle devient consciente du danger qu’elle court et de l’urgence d’agir. En effet, une femme battue, qui est submergée par son sentiment d’impuissance, ne se mobilise même plus pour sa survie et perd la notion du danger. Qu’une personne dénonce ce danger peut la remobiliser et même générer une situation de crise où la victime retrouvera ses énergies.
Cette démarche d’identification du vécu de violence aide la femme battue à changer sa perception des conflits familiaux.
Les Discours sociaux culpabilisants
Le silence de la victime est souvent associé à la peur qu’elle a des jugements sociaux. La femme battue craint d’être perçue comme étant responsable de sa situation. Il est également humiliant et violent pour elle de se faire questionner sur sa responsabilité dans la perte de contrôle de l’agresseur. Ces jugements sociaux, encore nombreux, pénalisent les femmes victimes de violence.
Ces pressions contribuent à accroître leur tolérance à la violence et à augmenter leur perte d’estime de soi. Il peut donc être important pour la cliente d’entendre un discours qui va à l’encontre des discours et des propos négatifs tenus sur les femmes battues. « Aucune femme n’aime être violentée. La perte de contrôle appartient à l’agresseur. Il n’y a rien qui justifie la violence. Les difficultés économiques et sociales d’une séparation contribuent à ce que les femmes retournent ou tolèrent davantage la violence. La victime ne sait plus trop quoi penser de son conjoint, l’agresseur est tellement gentil après les scènes de violence. Aimer un individu et tolérer la violence, ce sont deux choses différentes. »
Dénoncer les jugements sociaux permet à la cliente, de reconnaître sa position de victime, sans se sentir coupable ou honteuse de ce qui lui arrive. « Les femmes victimes de violence font l’objet de beaucoup d’injustices dans notre société. C’est facile de taire la violence conjugale en responsabilisant les victimes. Ce n’est pas un hasard si les femmes sont les victimes dans notre société, cela reflète la domination à laquelle elles sont soumises dans le mariage, où elles vivent en fonction du bonheur des autres, dans la peur du viol et dans la certitude de ne pouvoir se protéger elles-mêmes. » Ces positions dénoncent l’aspect socio-politique de la violence et déculpabilisent les femmes d’avoir été victimes de brutalités.
Ces paroles permettent à la femme battue de ne pas se mépriser parce qu’elle est une victime. Elle se culpabilise déjà suffisamment de ses expériences de violence et de la perte de son estime de soi.
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