Des Exercices pour faciliter l’accès aux émotions
Voici quelques exercices que vous pouvez utiliser pour aider les femmes battues à avoir accès à leurs émotions. Ces exercices permettent de mener une action à l’intérieur même du temps de l’entrevue. Ils brisent le rythme d’un échange uniquement verbal et offrent la possibilité de rejoindre la cliente d’une façon différente.
Identifier des cartes
Comme il est parfois pénible d’aborder certaines émotions et que la cliente n’est pas toujours consciente de certains de ses sentiments, le recours à un « matériel-support » peut-être intéressant. Voici une variante d’un exercice de conscientisation qui peut également être employé en groupe. Vous préparez des cartes sur lesquelles vous inscrivez certains sentiments : honte, tristesse, peur, angoisse, colère, échec, sentiment d’abandon, culpabilité, etc. Vous gardez également quelques cartes vierges pour que la cliente puisse y inscrire des sentiments qu’elle a vécus et qui ne figurent pas dans la liste proposée. Vous demandez à la femme violentée de choisir ceux qu’elle a éprouvés dans sa position de victime.
Celle-ci peut donc nommer certaines émotions qui lui sont propres et se sentir rassurée de constater que la plupart de ses sentiments sont déjà écrits. Cela la rassure. Ce sont des sentiments qu’il est normal de ressentir. Quelquefois, les femmes choisissent tous les sentiments. Elles les ont vécus à divers degrés et à différents moments. Parfois, un sentiment, représentant sa douleur la plus aiguë, submerge tous les autres. Quand la cliente a terminé son choix, vous lui demandez alors de parler de ses émotions et de raconter comment ces sentiments se vivent, se manifestent et s’expriment. Vous pouvez aussi favoriser l’amorce des verbalisations en lui suggérant de les classer selon leur importance – du plus lourd, ou du plus présent, au moins pénible – ou encore selon leur ordre d’apparition à la suite des actes de violence subis. Ces classifications évitent à la femme battue de se sentir étouffée par l’ensemble de ses émotions.
La cliente peut aussi coller au mur les différentes cartes classées. Cette vision de l’ensemble des émotions lui facilite le constat de ses blessures et souffrances tues, lui donnant une vision globale de ce qu’elle ressent. Cet exercice abaisse les résistances et facilite la « ventilation » des émotions les plus contradictoires. Finalement elle peut constater, en classant les cartes sur le mur, comment ses émotions se transforment et identifier celles qui persistent.
Il est intéressant de voir que l’emploi de ces cartes met en évidence des émotions jumelles. L’une est au début de la chaîne et l’autre, à la fin, et parfois, de façon inverse. Si la colère correspond au premier sentiment choisi, la tristesse clôt la chaîne. Si la gamme des émotions débute par la tristesse, elle se termine par la colère. Bon nombre de femmes battues ayant ajouté aux cartes proposées une carte vierge sur laquelle elles inscrivaient le mot « suicide », cette carte « suicide » fait maintenant partie du nombre des cartes proposées, même s’il ne s’agit pas d’une émotion.
Mimer une émotion
Les gestes peuvent exprimer ce que les paroles ne peuvent dire. Ainsi, vous pouvez suggérer à une cliente de mimer une émotion qu’elle trouve lourde à vivre, ou qu’elle ne parvient pas à nommer. L’émotion mimée est filmée, ce qui permet de visionner la scène par la suite. La cliente arrête l’image sur les expressions mimées qui rendent bien ce qu’elle ressentait. Avec cette photo d’elle, vous aidez la femme battue à nommer ce que ses bras veulent dire, ce que son corps ressent, ce que son visage exprime, etc. Vous pouvez participer à la découverte des divers sentiments reliés à la situation mimée, en livrant vos propres observations. Elle les confirmera ou elle y apportera des précisions qui lui permettront de poursuivre la découverte de ses diverses émotions.
Si vous ne disposez pas d’une caméra, vous pouvez utiliser un miroir. La cliente garde quelque temps la position qu’elle considère la plus importante et analyse les messages de son corps que lui renvoie le miroir.
Utiliser la respiration abdominale
Comme lors de l’entrevue de crise, les moments intenses sur le plan affectif peuvent être renforcés par un exercice de « centrage ». Cet exercice peut également s’utiliser pour diminuer les résistances de certaines femmes battues. Vous demandez à la cliente de fermer les yeux, de respirer profondément, de se détendre. Elle tentera alors de respirer en gonflant son ventre. Elle place les mains sur son ventre pour bien sentir sa respiration abdominale. Au moment où elle commence à être bien en contact avec elle-même, vous lui demandez de laisser « monter » le sentiment qu’elle contrôlait. Cet exercice suffit, dans bien des cas, à faire éclater l’émotion contenue. Vous poursuivez alors l’approfondissement de l’expression du sentiment en confirmant la valeur de l’émotion, en accompagnant la cliente dans les moments difficiles et en l’incitant à demeurer « en contact » avec ce qu’elle vit.
Si l’émotion n’est pas libérée, vous intervenez en reprenant les propres paroles de la cliente. « C’est angoissant de se sentir poursuivie, c’est angoissant de se sentir incapable de se protéger. » Ces verbalisations touchent directement le sentiment présent et permettent à la cliente de ressentir davantage l’ampleur de l’émotion qu’elle n’arrive pas à exprimer.
Regardons maintenant quelques tâches pouvant aider la cliente à apprivoiser et exprimer certaines émotions.
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