INTRODUCTION
VIOLENCES HUMAINES
Je fais mienne la pensée de L. Doré.
« La vie est difficile » : c’est la première phrase du livre de Scott Peck, Le chemin le moins fréquenté, publié en 1978. Oui, la vie est difficile parce que chargée de contradictions, de paradoxes. Par exemple, la naissance est une mort à la chaleur enveloppante du nid maternel, à l’abri d’intempéries de toutes sortes, en même temps qu’elle est le signe sensible du renouvellement de la vie et de la continuité de la race humaine.
La vie est difficile aussi parce qu’au cœur de ces paradoxes, on y rencontre des violences, les unes plus dures que d’autres, certaines passagères d’autres persistantes, et parfois certaines sont traumatisantes. Personne n’est épargné, mais l’intensité varie d’une situation à l’autre.
La première violence au chœur de chaque histoire personnelle se trouve dans la séparation avec le corps maternel, après neuf (9) mois d’incubation dans le monastère utérin. C’est le choc avec l’extérieur : avec la lumière du jour, avec des bruits inhabituels, avec une nourriture différente, avec des sensations toutes nouvelles, sous des variations de température, hors de la stabilité climatique de l’utérus familier, entouré de plusieurs voix, de plusieurs bras, d’odeurs et de sons jusque là inconnus.
Dans la suite de sa naissance et tout au cours de son développement, le petit de l’homme doit apprivoiser la nécessité de s’adapter dans les efforts, et il doit se faire violence. Ainsi :
- le sein ou le biberon doit faire place au verre au lait réduit en matières grasses;
- Les mimiques ou les gestes ne suffisent plus; il faut comprendre les mots, les retenir et les dire;
- Le sommeil devient l’apanage de la nuit, et les repas se prennent à heures fixes, avec des outils que les grands appellent ustensiles;
- Le véhicule de déplacement ne réside plus dans les bras de maman ou de papa : c’est le « quatre pattes », puis la chambranle, puis le « deux pattes » dans toute sa fierté;
- Voilà que ça devient désagréable d’avoir les fesses enrobées et souillées, au point où il faut se décider à dire oui à la toilette;
- Et puis il ne faut pas toucher aux boutons du téléviseur, ni ouvrir les tiroirs du grand frère, ni frapper la petite sœur.
Puis commence l’école, les apprentissages successifs avec la nécessité de se concentrer….puis l’adolescence où on cherche sa place entre les plus jeunes et les adultes à qui on tente de ne pas ressembler.
Et on fait peu à peu connaissance avec le sens des liens, des déceptions, des insuccès, des brisures.
Mais tous ces efforts à frayer avec la vie se trouvent compensés par l’amour, l’amitié, l’affection, les succès, les réconciliations, les surprises, les célébrations….C’est la loi de l’équilibre vie/mort, réalisations/renoncements, qui permet à l’être humain de poursuivre sa route en créant des liens et en profitant de ses expériences. Ce faisceau de rayons tantôt lumineux tantôt ombrageux qui l’entoure, le maintient branché, et le fait témoin et acteur de la force et de la vitalité humaine.
Les réalités contemporaines fourmillent de violences ouvertes, dont l’éclatement de la famille nucléaire, le stress et l’insécurité au travail, les tensions inter-raciales, la menace des organisations criminalisées, les maladies mortelles, les cataclysmes, les guerres intermittentes, etc. Certaines réalités personnelles aussi viennent agresser le cours de la vie de chacun de nous, principalement les pertes importantes : décès d’êtres chers, séparation de couple ou d’amis, perte d’emploi, perte de capacités physiques ou psychologiques. Malgré tout, la race humaine traverse ces parcours et continue à vivre debout en appréciant les beaux sentiments, les œuvres d’arts, la fraîcheur des enfants, la beauté des paysages, les personnes au cœur bon. La grandeur de l’invisible nous permet de traverser ces paradoxes de la vie.
Mais le trop-plein arrive avec la démesure. Dans certaines familles ou pour certains individus, cet équilibre entre les renoncements nécessaires et les gratifications compensatoires est difficile à réaliser car le poids des violences subies et les blessures engendrées dépassent largement leur capacité humaine de les absorber. En effet, il est des violences caustiques que d’autres, qui en arrivent à décaper l’âme humaine, dans un cycle infernal de répétitions intergénérationnelles de souffrances aiguës. Les intervenants en relations humaines en savent quelque chose sur le ravage causé par les violences physiques et psychologiques subies par ceux et celles qu’ils tentent d’accompagner dans leur détresse issue de l’une ou l’autre ou de plus d’une des violences suivantes :
- être abandonné par un ou par ses deux parents;
- être privé de nourriture, d’hygiène, de chaleur, d’attention, de surveillance, d’affection;
- être agressé dans son intimité, sexuelle ou autre;
- être violenté physiquement;
- subir des agressions psychologiques;
- être témoin de violence, conjugale ou autre;
- être la cible de rejet attentif, voire d’indifférence de la part de ceux de qui l’enfant attend la vie psychique dans l’illusion qu’elle accompagne automatiquement la vie biologique;
- être plongé dans la solitude de celui qui ne sent pas sa place au soleil ni de regard aimant sur son individualité.
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