mercredi 21 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 20e partie
Dès lors, on pourrait admettre cette première formulation selon laquelle: ce n'est pas parce qu'un parent est mort qu'il revient, mais c'est parce qu'il revient que l'on sait être dans la situation d'un défaut de sépulture honorable, ou d'un manquement aux rites propitiatoires. C'est l'expérience de la "rencontre" qui définit a posteriori la situation du sujet aux regards des défunts. Parmi le catalogue vietnamien des causes et des origines de la maladie, du malheur, ou des simples expériences "surnaturelles", le retour des décédés de malemort est une explication toujours forcement répandue dans le contexte de la transplantation. Toutefois, les exemples précédents montrent que si la conception vietnamienne affirme que les décédés de malemort, ou que les ancêtres non honorés, sont susceptibles de venir "hanter" les vivants, force est de reconnaître que tous les décédés de malemort ne reviennent pas. D'une certaine manière ce n'est pas la "croyance" au "retour des fantômes" qui s'exprime dans le discours des immigrants, mais c'est l'expérience qu'ils vivent qui confirme la réalité du phénomène. Les expressions même des immigrants semblent traduire ce phénomène. Lorsqu'un patient "voit un fantôme" la nuit, il n'applique pas la théorie locale du retour habituel des décédés de malemort, pour conclure au retour du fantôme, mais lorsque cette image (et quelle que soit sa valeur pour un occidental) s'impose à lui, il sait qu'il s'agit d'un fantôme. Or, ce savoir sur la réalité de la rencontre avec un fantôme semble correspondre chez celui qui l'énonce, et chez ceux qui l'écoutent et l'approuvent, à un fait d'expérience, plutôt qu'à l'application d'une croyance. "Ce n'est pas tellement le croyant, (....), qui affirme sa croyance comme telle, c'est plutôt l'incroyant qui réduit à une simple croyance ce qui pour le croyant est comme un savoir".
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