dimanche 23 septembre 2012

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 6e partie


Tendance Nationale

Dantès Bellegarde, Pétion Gérome, Frédéric Marcelin, Justin Devot sont les représentants de la tendance nationale de la Ronde.

Pour Pétion Gérome, la littérature doit être l’impression de notre société.  Cependant pas de formules qui entravent l’inspiration de l’écrivain.  L’artiste est libre de produire selon son coeur.  C’est également le point de vue de Bellegarde.

Justin Devot lutte pour la réforme de la mentalité haïtienne. Il demande aux sciences sociales des techniques de recherches.  En dépit du ton national de ses écrits, il s’appuie sur le positivisme d’Auguste Comte pour faire valoir ses points de vue.  Et Bellegarde et Gérome et Devot sont partisans d’un nationalisme large qui s’appuie à l’occasion sur la littérature universelle, sans perdre de son originalité.

Pour Frédéric Marcelin la littérature sera nationale où elle ne sera pas.  Ses théories littéraires sont explicites à cet égard.

Deuxième Tendance : Une littérature Nationale avec :

L’ÉCOLE NATIONALE

La deuxième tendance de la génération de la ronde est représentée par l’École Nationale.  Le mot ÉCOLE étant pris ici, comme pour la première fois dans son sens le plus restreint : groupe d’écrivains d’une même époque et d’une même tendance.

Frédéric Marcelin est le chef de fil et le premier théoricien de cette école.

L’Instablitlié politique : guerre civile, comportement rétrograde des gouvernements ont porté au dégout les intellectuels de la première tendance.

“Un beau mouvement national qui a voulu porter à la présidence d’Haïti un intellectuel capable (Firmin) a enfanté au contraire deux régimes de répression : ceux de Nord Alexis et d’Antoine Simon”.

Mais, bien avant la jeunesse consciente du danger a voulu prendre “contact plus direct avec les réalités....avoir une vue plus nette du milieu social dans lequel elle vivait” et préparer ainsi l’Haïti de demain”.

Cela a été le rôle des écrivains de la deuxième tendance de la génération de la ronde : romanciers, dramaturges, théoriciens.

Soulignons qu’il ne faut jamais les dissocier d’avec les poètes de la première tendance.  Ce qui les différencie c’est peut être et pas toujours, leur manière d’appréhender la réalité et leur conception de l’art.

Des fois, les dillettantes d’hier, deviennent de rudes lutteurs, des patriotes qui se  connectent avec la réalité pour la libération du pays. Georges Sylvain, par exemple.

Les écrivains de l’École patriotique ont exprimé en des vers sonores leurs colères, leurs indignations à la suite des humiliations nationales.  Ils ont montré la grandeur de la patrie souillée, fait revivre son histoire et connaître ses héros.  Cela a été plus que nécessaire.

Mais, au moment où débute la quatrième période de la littérature haïtiene, on ne pouvait plus se consacrer à l’exhaltation du sentiment de la patrie.

Le danger de voir sombrer le pays haïtien était imminent.  Il fallait trouver en soi, autour de soi, et non dans le passé des raisons de vivre et de lutter.

Les écrivains de l’École Nationale vont aborder l’étude des problèmes sociaux et tenter de perfectionner la société haïtienne par la transformation de sa mentalité.

Comme les jeunes de l’École Éclectique, les écrivains de l’École Nationale rejettent une partie des thèses des écrivains de l’École Patriotique, leur optimisme facile et naïf, leur langage pompeux. (voir sixième manifeste)

Les écrivains de l’École patriotique exaltent les aïeux, chantent la nature haïtienne.  Ceux de l’École nationale observent et décrivent le milieu social haïtien dans son ensemble et dans sa diversité.

Les patriotes montrent les beautés et s’appuient sur un passé chargé de gloire pour bâtir le présent et assurer l’avenir.

Les nationaux dénoncent les tares.  Ils s’appuient sur le présent par l’étude scientifique pour transformer l’avenir.  Ils sont critiques et peintres du milieu social haïtien.  Ils sont des réalistes.

Si l’École Nationale continue et élargit l’École Patriotique, c’est plus vraisemblablement en renouant avec l’École de 1836.

En effet, elle condamne le goût de l’exotisme, réclame une littérature haïtienne qui doit être le tableau de nos passions, de nos préjugés, de nos vices et de nos vertus.

Pourtant, l’École nationale doit beaucoup à la littérature française et aux écrains français.

La diffusion de la doctrine positiviste d’Auguste Comte, en Haïti, par Justin Devot la lecture des romanciers réalistes français : Sthendal, Balzac, Flaubert n’ont pas été sans influencer Marcelin, Hibbert et Hérisson.

Les meilleurs poètes sont éclectiques. Le théâtre continue à suivre la voie tracée par Faubert et Coicou. Mais, pour saisir la réalité haïtienne dans toute sa crudité les écrivains choisirent le roman, à l’encontre de ceux de l’École Patriotique qui avaient opté pour la poésie et le théâtre.

“Cette école va se présenter comme un vaste réservoir où tout s’entasse : foi patriotique, moeurs locales, sentiments de la nature, satire sociale, africanisme.  L’imitation des maîtres français n’est pas exclu.  Mais, cette imitation se bornera à exploiter l’immense fonds de contradictions, de mélanges, d’originalité dont se compose le fait social haïtien”.  (G. Gouraige, page 104, Histoire de la Littérature Haïtienne).

Les principaux représentants de l’École Nationale sont :

Romanciers : Marcelin, Hibbert, Lhérisson, Antoine Innocent, Amédée Brun.
Historiens : écrivains politiques et sociaux : Hannibal Price, Justin Devot,
Critiques : G. Sylvain, F. Marcelin, Pétion Gérome.
Dramaturges : V. Ducasse, Charles Moravia...

Conclusion Générale : 

Si en littérature, la crise de croissance se caractérise par une rupture avec les écoles passées et un besoin de faire neuf et mieux; si elle est le fait par lequel une littérature se met à changer, par ses oeuvres et plus encore par ses doctrines, les caractères qu’elle avait présenté jusqu’alors, en diffusant des idées qui ouvrent des horizons nouveaux pour le plein épanouissement des genres cultivés, on peut affirmer que les oeuvres de la Ronde sont l’expression d’une crise de croissance.

Les écrivains ont refusé de renouveler l’expérience des aînés qui, d’après eux s’est soldée par un échec et ils n’arrivent pas à se mettre d’accord sur une esthétique commune.  D’où au sein d’un même mouvement de libération deux tendances opposées qui se rejoignent quant au but à atteindre : élargir et enrichir la matière littéraire; imposer au public haïtien et au monde la littérature haïtienne.

Il a fallu un certain recul pour apprécier le bond prodigieux accompli par notre littérature en moins d’un quart de siècle (1898-1915) grâce à des jeunes gens épris d’idéal.  À certains égards on peut dire qu’ils sont faits écoles.  Les indigénistes de 1927 n’ont pas renié Antoine Innocent, Justin Devot et Frédéric Marcelin comme ancêtres de leur mouvement.  Les écrivains contemporains qui ne pratiquent pas un nationalisme chauvin découvrent en vilaire un des leurs.

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