samedi 30 mars 2013

DIFFÉRENCE ENTRE LE SAVOIR ET L'IGNORANCE


La différence entre le savoir et l’ignorance est analysée par Platon à l’aide d’une allégorie célèbre, l’allégorie de la caverne. Platon suppose des captifs enchaînés dans une caverne, le visage tourné vers la paroi opposée à l’entrée. La caverne est éclairée par les reflets d’un feu qui brûle au dehors. Derrière ce feu défilent des gens portant des objets divers. Les captifs ne voient que leur ombre projetée sur le fond de la caverne. Ils vivent dans un monde de fantômes, et si grande est leur habitude de ce monde, qu’ils prennent ces fantômes pour la réalité. Détachons maintenant un de ces captifs. Menons le vers la lumière. Il sera tout d’abord ébloui, peu à peu ses yeux s’accoutumeront, et il deviendra capable de soutenir l’éclat du soleil lui-même. Alors, il se rendra compte que la vie qu’il avait menée jusque-;à dans la caverne n’était qu’une vie d’apparence, d’illusion et que la véritable vie réside dans la contemplation du vrai, soleil du monde d’intelligible.

Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête; la lumière leur vient d’un feu allumé ou une hauteur, au loin derrière eux; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée; imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.

Je vois cela, dit-il.

Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d’hommes et d’animaux, en pierre, en bois, et en toute espèce de matière; naturellement, parmi ces porteurs, les uns partent et les autres se taisent.

Voilà, s’écria-t-il, un étrange tableau et d’étranges prisonniers. Ils nous ressemblent, répondis-je; et d’abord, penses-tu que dans une telle situation ils aient jamais vu autre chose d’eux-mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face?

Et comment? Observe-t-il, s’ils sont forcés de rester la tête immobile durant toute leur vie?

Et pour les objets qui défilent, n’en est-il pas de même? Sans contredit?

Si donc ils pouvaient s’entretenir ensemble, ne penses-tu pas qu’ils prendraient pour des objets réels les ombres qu’ils verraient? Il y a nécessité.

Et si la paroi du fond de la prison avait un écho chaque fois que l’un des porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l’ombre qui passerait devant eux?

Non, par Zeus, dit-il.

Assurément, repris-je, de tels hommes n’attribueront de réalité qu’aux ombres des objets fabriqués.

C’est de toute nécessité.

Considère maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on les délivre de leurs chaînes et qu’on les guérisse de leur ignorance. Qu’on détache l’un de ces prisonniers, qu’on le force à se dresser immédiatement, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière; en faisant tous ces mouvements il souffrira, et d’éblouissement l’empêchera de distinguer ces objets dont tout à l’heure il voyait les ombres. Que crois-tu donc qu’il répondra si quelqu’un lui vient dire qu’il n’a jamais vu jusqu’alors que de vrais fantômes, mais qu’à présent, plus près de la réalité et tourne vers des objets plus réels, il voit plus juste? Si, enfin, en lui montrant chacune des choses qui passent, ou l’oblige, à force de questions, à dire ce que c’est? Ne penses-tu pas qu’il sera embarrassé, et que les ombres qu’il voyait tout à l’heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu’on lui montre maintenant?

Beaucoup plus vraies, reconnut-il. Et si on le force à regarder la lumière elle-même, ses yeux n’en seront-ils pas blessés? N’en fuira-t-il pas la vue pour retourner aux choses qu’il peut regarder, et ne croira-t-il pas que ces dernières sont réellement plus distinctes que celles qu’on lui montre? Assurément.

Et si, repris-je, on l’arrache de sa caverne par force, qu’on lui fasse gravir la montée rude et escarpée, et qu’on ne le lâche pas avant de l’avoir traîné jusqu’à la lumière du soleil, ne souffrira-t-il pas vivement, et ne se plaindra-t-il pas de ces violences? Et lorsqu’il sera parvenu à la lumière, pourra-t-il, les yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une seule des choses que maintenant nous appelons vraies?

Il ne le pourra pas, répondit-il; du moins dès l’abord. Il aura, je pense, besoin d’habitude pour voir les objets de la région supérieure. D’abord ce seront les ombres qu’il distinguera le plus facilement, puis les images des hommes et des autres objets qui se reflètent dans les eaux, ensuite les objets eux-mêmes. Après cela, il pourra, affrontant la clarté des astres et de la lune, contempler plus facilement pendant la nuit les corps célestes et le ciel lui-même, que pendant le jour le soleil et sa lumière. Sans doute.

À la fin, j’imagine, ce sera le soleil – non des vaines images réfléchies dans les eaux ou en quelque autre endroit – mais le soleil lui-même à sa vraie place, qu’il pourra voir et contempler tel qu’il est. Nécessairement, dit-il.

Après cela il en viendra à conclure au sujet du soleil, que c’est lui qui fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le monde visible, et qui, d’une certaine manière, est la cause de tout ce qu’il voyait avec ses compagnons dans la caverne.

Évidemment, c’est à cette conclusion qu’il arrivera.

Or donc, se souvenant de sa première demeure, de la sagesse que l’on y professe, et de ceux qui y furent ses compagnons de captivité; ne vois-tu pas qu’il se réjouira du changement et plaindra ces derniers? Si certes. 

Il faut en particulier se rappeler que le monde est divisé par Platon en monde sensible et monde intelligible. Le monde sensible est le domaine de l’imagination et de la croyance; le monde intelligible, celui de la connaissance  discursive, qui correspond à la pensée mathématique, et celui de la connaissance noétique, ou connaissance de la pure intelligence. La dialectique est la méthode de cette dernière forme de connaissance; elle culmine dans l’idée de Bien…

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