Rousseau, cet exilé involontaire, s’établit en 1756 à Montmorency, un bourg niché dans une volée bucolique où le philosophe, au hasard d’une promenade, a le coup de foudre pour l’Ermitage, une petite demeure isolée au fond de la propriété de son amie, madame d’Épinay. Ravi de tourner le dos à cette société qui l’encense après l’avoir rejeté, l’exilé volontaire s’y installe avec sa compagne, Thérèse Levasseur.
Au gré de ses promenades solitaires dans la forêt, il s’envole vers le « pays des chimères » et imagine Julie ou la nouvelle Héloïse. Dans ce roman à succès publié en 1761, il met en scène un amour pur, mais contrarié par les conventions sociales, et rêve d’une société idéale ou faire revivre l’état de nature… Transporté par la fiction, il est rattrapé par la réalité et bientôt mis à la porte de l’Ermitage. « Je vis ma Julie et Madame d’Houdetot », la belle sœur de madame d’Épinay, explique-t-il dans les confessions. Fou amoureux, il lui conte fleurette dans la Châtaigneraie de Montmorency, aujourd’hui classée monument historique. En vain : déjà engagée auprès d’un mari et d’un amant, madame d’Houdetot repousse ses avances. Quant à madame L’Épinay, elle est excédée par le caractère et l’ingratitude de son protégé. En 1757, il est prié de plier bagage.
En plein cœur de Montmorency, cette fois, Rousseau loue le Montlouis, une bicoque en piteux état. C’en est fini des rêveries à coeur ouvert et des déambulations infinies dans la campagne. C’est isolé dans le petit pavillon glacial, qu’il appelle son « donjon », ou dans son « cabinet de verdures » aménagé dans le jardin, qu’il médite sur la société et la nature. En plein délire paranoïaque, il compose les lettres à M. Malesherbes, sorte de brouillon des confessions, ainsi que la lettre à d’Alembert sur les spectacles, qui le brouille définitivement avec Diderot, le dernier ami qui lui reste et auquel il ne pardonne pas d’avoir écrit dans le Fils naturel que « l’homme de bien est dans la société et [qu’] il n’y a que le méchant qui soit seul ». Plus misanthrope que jamais, il vit en robe de chambre, au milieu des assiettes sales. On révère en lui le philosophe? « Je ne suis et ne veux être qu’un bonhomme, tout ce que je sais faire, c’est mon brouillon », rétorque-t-il.
C’est pourtant au Montlouis que l’œuvre philosophique est à son apogée, avec le contrat social et l’Émile, qui comprend la profession de foi du vicaire Savoyard. C’est cette apologie de la religion naturelle au détriment des religions révélées qui l’oblige à s’exiler en Suisse le 9 juin 1762.
Sur la porte du parc de l’ancien château, actuellement rue Saint-Denis, une plaque commémore son départ de la ville, qui fut rebaptisée Montmorency -l’Émile entre 1793 et 1813. Étape incontournable du pèlerinage rousseauiste, le Montlouis abrite aujourd’hui un musée dédié au philosophe. L’Ermitage a été détruit : à son emplacement se trouve désormais une clinique psychiatrique.
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