mardi 14 mai 2013

RAPPORTS SOCIAUX ET SIDA DANS LA COMMUNAUTÉ HAÏTIENNE - SUITE


Attitudes de la communauté face à l’épidémie du sida
Une maladie sociale dont on ne connaît pas le traitement frappe l’imaginaire collectif à un tel point que les actes d’exclusion et de répression sont souvent les premières réponses que donne une société.  Il est intéressant de rappeler que, historiquement, d’autres maladies sociales, telles la peste et la tuberculose par exemple, ont à la fois donné lieu, selon les époques, à des actes irrationnels, à des égarements, mais ont aussi permis au génie humain de se manifester de façon positive en utilisant les moyens d’intervention dont on disposait à ces époques.  Aujourd’hui, le sida suscite également ce genre de réactions contradictoires: rejet ou compassion, crainte ou indifférence, ignorance ou clairvoyance, ostracisme ou courage, magie ou science, etc.

Chaque culture a tendance à privilégier une forme particulière de responsabilité dans l’interprétation des événements malheureux.  La société québécoise a tendance à insister de manière excessive sur la responsabilité individuelle.  La culture haïtienne responsabilise davantage “l’Autre” qui devient ainsi le bouc émissaire, quel que soit le jour sous lequel il apparaît: hasard, destin, fatalité, Dieu ou diable ou encore racisme.  Cette vision qui présente “l’Autre” comme responsable privilégié de ses souffrances empêche l’instauration de mesures préventives qui favorisent généralement la responsabilité individuelle et collective dans les prises de décision.

La communauté haïtienne au Québec a été stigmatisée comme groupe à risque, ce qui a favorisé des atittudes de replis sur soi-même de la part de ses membres qui ont d’abord préféré défendre leur intégrité culturelle.  Il est maintenant difficile de se dégager des effets pervers que ces commentaires ont suscités, car ils se sont inscrits dans une culture qui, historiquement, est très susceptible à l’égard du racisme.  De plus, cette difficulté s’explique également par le fait que les Haïtiens, entre eux, ont leurs propres dispositifs de différenciation sociale, celle-ci reposant sur une discrimination qui se fonde sur les différences de couleur.

Dans les cultures occidentales, les porteurs du sida se retrouvent dans les groupes perçus souvent comme illicites (drogués, homosexuels ou bisexuels), dès lors, on revalorise l’hétérosexualité et la monogamie comme pratiques normatives.  Or le mode de transmission du VIH dans la population d’origine haïtienne est essentiellement hétérosexuel.

De plus, il est important de souligner que le contexte politique en Haïti, depuis 1986, avec les crises successives, les nombreuses tensions, a fortement préoccupé les Haïtiens et les a empêchés de fixer leur attention sur d’autres types de préoccupations.

Ainsi, l’action sociale des intervenants, dans la communauté, n’est pas reconnue à sa juste valeur.  En effet, leur travail est peu valorisé parce qu’il paraît secondaire en regard de la lutte politique, ressentie comme étant essentielle.  Cette dévalorisation du travail de ces intervenants dans la communauté - dévalorisation qui peut aller jusqu’à la défiance - gêne considérablement le développement d’un véritable et nécessaire débat sur le sida.

Ostracisme
Le télédyol ou le bouche à oreille est un mode de transmission des informations, sur les conduites des uns et des autres, qui est extrêmement important dans la communauté.  Ces informations se déforment et deviennent des rumeurs, des on-dit, puisqu’elles ont été transformées en cela par les divers commentaires, jugements et appréciations que tout un chacun s’autrise à porter sur les agissements des autres.  Ce système, très répandu dans la culture haÏtienne tant à Montréal qu’en Haïti, permet de contrôler la conduite de chacun en indiquant ce qui peut ou ne peut être révélé et, conséquemennt, d’arrêter la sanction. 

En plus, l’intolérance résulte souvent des conséquences de la rumeur.  Ses effets rendent vraiment difficile l’ouverture d’un débat sur le sida, qui permettrait pourtant des discussions franches sur les conduites qui sont responsables de sa  transmission et donc sur les solutions variées qu’on pourrait y apporter, ceci afin d’éviter l’ignorance et les stéréotypes habituels qui peuvent ainsi empêcher ou nuire à la communication.  Cette situation représente un obstacle important à la création d’un réseau d’entraide pour les sidéens de la communauté et explique la crainte qu’ont les personnes d’origine haïtienne, infectées par le VIH, d’avoir recours aux organismes communautaires haïtiens.

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