samedi 6 décembre 2008

PÉDOPHILIE ET SON TRAITEMENT


Déf. : Attirance érotique d’un adulte pour de jeunes enfants. Le pédophile généralement retardé affectivement, inhibé ou névrosé, se sent en état d’infériorité devant la femme adulte et cherche des partenaires sexuels à sa mesure, c’est-à-dire des enfants de l’un ou l’autre sexe.

Sous la plume de Lilianne Lacroix, on pouvait lire : « on ne les guérit pas, mais on les aide à mieux se contrôler. On a ainsi réduit la récidive à moitié ». Psychiatre à l’institut Pinel, le Dr G. Pinard traite les pédophiles. « Si on ne fait rien, ils vont récidiver, c’est sûr. Il ne suffit pas de les punir, il faut aussi les soigner. Tout l’aspect thérapeutique que punitif est nécessaire ».

Si la loi condamne toute relation sexuelle avec une personne de moins de 18 ans, les psychiatres se font plus précis quand il s’agit de décrire la pédophilie et préfèrent parler de victimes de moins de 14 ans ou d’un écart minimum de cinq entre autre les deux personnes. On peut alors parler de pédophilie au sens propre. Plus la victime est jeune, plus l’agression risque d’être dommageable. « Quand la victime a moins de 14 ans, c’est extrêmement grave, tant sur le plan légal qu’émotif », assure le Dr Pinard.

Ce n’est pas une méthode mais bien de multiples moyens qui sont mis en œuvre pour tenter de maîtriser la pédophilie :

- médication anti-androgénique pour réduire les pulsions sexuelles, particulièrement pour les patients qui se sentent envahis par leurs fantasmes et qui disposent de moins de ressources pour y faire face;

- éducation sexuelle : « Pour de nombreux pédophiles, explique le Dr Pinard, la femme est extrêmement mystérieuse. Souvent, ils ont de fausses conceptions qui les terrorisent. Un de mes patients parlait de « MONSTRUATIONS » tandis qu’un autre était persuadé que le vagin avait des dents »;

- effort pour tenter de modifier les préférences sexuelles et d’augmenter l’âge des personnes attirant le pédophile : « certains prennent leurs victimes quasiment au berceau. D’autres préfèrent des adolescents, presque de jeunes hommes ». Pour susciter ce « reconditionnement fantasmique et orgasmique », on utilise des films à connotations érotiques, des revues. Dans le cas où le pédophile ne démontre d’attrait que pour les victimes de son propre sexe, on lui offrira même de la littérature ou du cinéma à tendance homosexuelle;

- la satiétie, on demande alors au pédophile d’associer ses fantasmes à des choses négatives, comme l’arrivée d’une auto de police, un séjour en prison, voire un autre détenu qui veut voir sa peau. De la même façon, juste après une éjaculation, on lui demande de songer à un enfant et de tenter à nouveau de se masturber, ce qu’aura sans doute un caractère fastidieux, achalant, voire foncièrement désagréable. Satiété et reconditionnement orgasmique vont de pair. « Pendant qu’on diminue l’intérêt pour les enfants, on augmente d’attrait pour les adultes », explique le Dr Pinard;

- reconnaître les signaux d’alarme : « le stress, l’ennui, la tristesse, la colère déclencheront souvent un désir de pédophilie. Les pédophiles auront tendance à sexualiser le moindre stress. Ils doivent en être conscients ». La thérapie comprend donc des techniques de gestion du stress.

L’OBSESSION

« Les pédophiles primaires n’ont d’attirance que pour les enfants. S’ils ont beaucoup de temps libre, s’ils ne travaillent pas par exemple, ils peuvent y penser constamment. Par contre, les pédophiles secondaires ont la capacité de fonctionner avec les femmes, mais quand leurs désirs sont trop contrariés, quand ils éprouvent des difficultés, ils peuvent se rabattre sur les enfants, qu’ils jugent plus accessibles, plus à même de les comprendre ».

Parce qu’ils sont capables de relations avec un adulte, les pédophiles secondaires semblent toutefois un peu plus faciles à traiter ou à « reconditionner ». Cela dit, certains des pédophiles les plus redoutables se font justement une spécialité de se promener d’une famille reconstituée à l’autre. « Il ne s’agit pas alors d’inceste mais bien de pédophile », précise le Dr Pinard. Dans la majorité des cas, pédophiles primaires et secondaires se contentent toutefois d’attouchements, ce qui explique leur longue « carrière » et le peu de sévérité des peines qui leur sont souvent imposées. Mais certains, par contre, auront des relations sexuelles complètes avec de très jeunes enfants, presque des bébés parfois.

- Prendre conscience de la gravité de leur geste et de leurs conséquences sur la victime : « Plus la victime est jeune, pire c’est, dit le Dr Pinard. Mais souvent, les pédophiles se trouvent une justification pour légitimer leurs actes. Il n’est pas rare d’entendre des déclarations du genre : « Je m’occupe mieux de lui que ses parents », ou « il veut bien mieux que moi je lui montre, plutôt que de se le faire enseigner mal ailleurs ». Selon le Dr Pinard, il est d’ailleurs quasi-inutile de traiter un patient qui ne veut pas changer d’attitude. « Tous ne sont pas traitables ou intéressés à changer ».

- Travail au niveau des habiletés sociales par des techniques d’affirmation de soi : « ils doivent apprendre à exprimer un désaccord, à s’affirmer dans le monde adulte, à cesser de s’y percevoir comme des victimes ».

- Limiter les occasions de tentation en évitant non seulement les endroits à risque, comme les parcs, pataugeoires, etc. Mais aussi les activités à risque : pas questions donc d’être entraîneur d’une équipe de hockey bantam, gardien d’enfants… « Même la médication ne peut suffire à immuniser un patient, précise le psychiatre. Encore faut-il qu’ils évitent de se mettre dans des situations à risque ».

- Continuer à se considérer toujours à risque : « c’est le jour où ils cessent de se poser des questions qu’il y a risque de récidive » dit le Dr Pinard.
Selon le Dr Pinard, les parents doivent être vigilants et les enfants, sans qu’on les terrorise, doivent connaître le danger et leur droit de dire non à toute avance sexuelle. C’est là la meilleure prévention possible.

« Trop d’enfants à qui Luc a dérobé la jeunesse »

Depuis deux ans, Luc n’a pas mis les pieds dans un parc. « Les enfants ont droit à leur liberté. Le droit de jouer dehors sans être agressés, ils ont droit à leur enfance ». Pendant 17 ans, c’est à plus de 10 enfants que Luc a dérobé la jeunesse. Luc est pédophile. Il le sera toute sa vie. Pendant des années, il a couru les pataugeoires, les parcs, les cours d’école, tous les endroits fréquentés par des enfants. Il a même travaillé dans une garderie. Maintenant, après quatre arrestations et une condamnation à deux ans moins un jour de prison, il évite ces endroits comme la peste. Parce qu’il ne veut pas faire du mal à des enfants, mais aussi parce qu’il sait que, malgré tout, si la tentation se fait trop forte, il ne pourra pas résister à ces pulsions qui le rongent… « Quand je me masturbe chez moi, dans le salon, ce sont des images d’enfants que je vois ». À part une jeune victime de 11 ans, les autres enfants que Luc a agressés n’ont jamais eu plus de huit ans. Le plus jeune avait à peine trois ans.

Pourquoi si jeunes!

Parce qu’ils ne sont pas menaçants. Un enfant, c’est tellement innocent, pas comme un adulte. S’ils ont du poil, s’ils ont un pénis un peu plus gros, ça me fait peur…Ça ressemble trop aux adultes ». Luc a lui-même été agressé. À neuf ou dix ans, quand il demeurait chez sa sœur, il a décidé de fuguer pour aller retrouver sa mère, internée à l’hôpital Louis-h. Lafontaine (psychiatrique). Il a fait du pouce. « Le monsieur était super gentil. Il m’a payé un lunch, il m’a donné des bonbons. Puis, dans l’auto, il s’est approché…je me suis laissé faire. J’étais très fâché, mais j’avais terriblement peur. Quand il m’a demandé de le masturber, j’ai dit non, alors il l’a fait lui-même ».

C’est ce que Luc a fait aussi avec la plupart des enfants. Il avait le tour, savait jouer de patience pour séduire : « Je choisissais toujours des enfants de familles monoparentales, des enfants qui semblaient rejetés par les autres. Vous ne pouvez pas vous imaginer combien c’est facile. Je jouais avec eux, dans le sable, dans l’eau, autour des balançoires, puis je leur offrais des bonbons, un verre de liqueur ou même de l’argent, 5$ la plupart du temps pour m’aider à porter des sacs d’épicerie jusqu’à chez moi, à sortir les poubelles, etc. ».

C’était facile et à peine risqué. « Après une agression, j’avais des regrets. Je savais que ce que j’avais fait était mal et j’avais peur d’être pris… Mais quand je croyais que personne ne frappait à ma porte, la peur partait et l’envie revenait… J’étais tellement bien là-dedans ». Malgré les dizaines d’agressions qu’il a commises, Luc n’a eu que quatre plaintes contre lui et une seule condamnation, en dépit de la violence impliquée dans au moins un de ces cas. « Quand je lui ai touché, le petit bonhomme s’est mis à crier. Il avait peut-être sept ans. Moi, je ne pensais à rien, ni à la prison ni à l’enfant mais seulement à mon plaisir ». Après l’avoir sodomisé, il l’a laissé aller, tout simplement. Avant même qu’il soit arrêté pour la première fois, il a agressé des dizaines d’enfants, dont plusieurs dans sa propre famille.

Une de ses amies, dont il gardait le fils de six ans tous les week-ends, a choisi de se taire en apprenant, de la bouche même de l’agresseur, les caresses que son fils avait dû subir : « Luc, t’as besoin d’être traité, mais je ne te dénoncerai pas ». Pendant des années, il est demeuré avec une amie et son fils. À lui aussi, il donnait des bains. « Il n’a jamais dit non, précise-t-il. Quelques fois, c’est même lui qui venait me rejoindre et qui me faisait des avances. Je le gâtais et il m’aimait gros. J’avais l’impression de vivre le grand amour ». Le petit n’a jamais dit non, mais il s’est mis à avoir des comportements agressifs à l’école. À la maison aussi. Quand il traitait Luc de « cochon », ses parents le corrigeaient d’une bonne claque, malgré les supplications du principal intéressé : « Tape-le pas, c’est un enfant ». Un jour, tout a éclaté : « On était à table. Il m’a regardé et tout a revolé. Il s’est mis à crier, à se lancer par terre. Encore cette fois, il a reçu une volée ». Le lendemain pourtant, le gamin se confiait à l’école et l’enquête approfondie menée par les autorités mettait au jour la vérité. Lors des trois accusations précédentes, les juges avaient considéré son enfance difficile, qu’il a passée en partie en institution, pour lui accorder une condamnation avec sursis. Pas cette fois. « Dans le fond, les autres juges auraient aussi dû me condamner. Peut-être alors que j’aurais compris et qu’il n’y aurait pas eu autant de victimes ». Il n’en revient pas non plus du nombre de jeunes et de parents qui ont tout simplement choisi de se taire, jugeant que l’incident devait être oublié au plus vite.

Parce qu’il disait vouloir être traité, ce dernier juge l’a condamné à deux ans moins un jour de prison : « J’ai rencontré un psychologue. Toute ma rage, toute ma frustration, toutes mes envies de vengeance, c’est sorti avec lui. Ce n’est pas parce qu’un jour un adulte m’avait pris pour un torchon que d’autres enfants devaient subir des agressions. C’est grâce à cette aide que je m’en suis sorti. La prison seule, ça ne sert à rien, il faut aussi de l’aide ». Cette terrible envie des enfants torture toujours Luc : « Je serai pédophile toute ma vie, avoue-t-il, mais plus jamais je ne veux faire du mal à des enfants. La pédophilie, ça ne se guérit peut-être pas, mais ça se contrôle ». Jamais il n’a eu de relation avec un adulte, malgré quelques tentatives homosexuelles. « Je ne suis pas capable. J’ai trop peur d’être trahi ». Ce dont il a peur surtout, c’est de lui-même : « La semaine dernière, ça a passé proche. C’était un petit garçon qui cognait à la porte pour offrir des billets… Heureusement une lumière a allumé et j’ai pris le téléphone ».
Comme un alcoolique en manque, il a appelé un ami, un soutien pour l’empêcher de tomber. « Si jamais ça m’arrive, je demande qu’on me mette en prison ».

Dans le groupe d’entraide comme Amorce, Luc ne peut supporter l’hypocrisie. Pour l’empêcher de prendre lui-même les choses en main, on doit le raisonner. Quand il a appris qu’un pédophile de sa connaissance s’était mis en ménage avec une nouvelle blonde, il est entré dans une terrible rage : « Pour quoi diable avoir encore choisi une femme qui a une petit gars? Des femmes seules, il y en a à la tonne! Alors pourquoi une femme avec un enfant de quatre ans? ».

Au-delà de sa crainte bien légitime qu’un enfant risque d’être agressé, au-delà de ses préoccupations altruistes véritables, il admettait une pointe de jalousie : « Eh oui, quelque part, j’aimerais ça être à sa place… ».

1 commentaire:

Véronique Meunier - Triathlon a dit…

Ça tombe pile! De la synchronicité jungienne!!! J'ai transmis le lien à mes collègues du cours de psychopathologie.