Les habitudes acquises involontairement, elles-mêmes, ne restent pas longtemps en marge de toute activité volontaire. Les impressions habituelles deviennent agréables et, pour nous procurer le plaisir que nous y trouvons, l’intelligence et la volonté entrent en jeu, se mettant, en quelque sorte, au service de l’habitude, et par là, la renforcent. Le petit fonctionnaire réglé comme une horloge aime cette vie sans imprévu. Aussi tend-il de tout son effort à éviter ce qui le troublerait, faisant preuve parfois, d’une irrésistible énergie pour se dispenser de toute dépense d’énergie. Si les animaux ont beaucoup moins d’habitudes que l’homme, n’est-ce pas parce qu’il leur manque la raison et la volonté, facteurs puissants de la formation et du maintien des habitudes?
Mais, en revanche, la puissance de la volonté tient beaucoup moins à sa force primitive qu’aux habitudes qui, au cours de la vie, sont venues la renforcer. L’habitude de l’action use peu à peu les résistances que les choses et les impressions subjectives lui imposent : les difficultés qui paraissent insurmontables à l’origine s’évanouissent, et on écarte comme en se jouant des obstacles autrefois redoutés. En même temps, la force de la volonté est multipliée par son exercice même, et il arrive un moment où elle exige, pour se dispenser, un effort à sa mesure. Si l’officier des troupes coloniales ne peut pas se faire à la vie routinière des garnisons de la métropole, c’est qu’il a l’habitude d’une existence plus active demandant une tension constante de tout son être; cette activité et cette tension sont pour lui un besoin comme, pour d’autres, le calme plat des journées de bureau. Au lieu de s’affaiblir à mesure que les habitudes se fortifient, la volonté est, dans une grande mesure, faite d’habitudes.
* à suivre *
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