Pour Madame A. des limites assez restreignantes lui furent donc imposées au niveau de son développement intellectuel si l’on tient compte de la brièveté de sa période de scolarisation. Les limites se présentèrent avec plus d’acuité au plan social si l’on considère tout d’abord la pauvreté pour ne pas dire l’absence de relation personnelle marquante soit ave un professeur, soit avec un de ses pairs. Que la relation eut été positive ou négative cela ne nous importe peu, mais qu’elle fut inexistante cela nous apparaît assez symptomatique d’une expérience de valeur douteuse au niveau de la socialisation à la période scolaire puisque selon un auteur « dans les classes de filles les liens individuels jouent beaucoup plus que dans les classes de garçons ». Madame A. ne se souvient d’aucune personne, même vaguement, qui se rattacherait à son expérience scolaire. Serait-ce chez elle une incapacité à établir une relation interpersonnelle ou plutôt le fait d’une déficience de sa mémoire ? Seul un retour structuré et complet sur ce point pourrait nous le révéler.
Un autre aspect de la limite au plan social se distingue si l’on considère qu’à peine 4 ans après sa période de scolarisation elle viendra travailler et vivre en milieu urbain. Les attentes et les valeurs de la société urbaine ne correspondaient pas à ses schèmes. C’est Bianka Zazzo qui écrivait : « l’expérience du monde et l’initiation à ses réalités sont limitées pour les adolescents peu cultivés, par les valeurs, elles aussi limitées, que le milieu leur a proposé ».
Madame A. ne pouvait que difficilement percevoir l’importance de l’instruction. Il lui était presqu’impossible de déceler la nécessité de la formation intellectuelle pour pouvoir vivre décemment à l’avenir. Nous retrouvons d’ailleurs cette faiblesse un peu plus loin lors du choix du conjoint et aussi dans le degré de motivation aux études qu’elle inculquera à ses enfants.
Ainsi par le seul fait de sa trop faible expérience scolaire, la femme devenue alcoolique s’était préparée à des déboires et à des insatisfactions inconscientes mais concrètement ressenties.
Nous ajoutons à l’expérience scolaire, l’expérience occupationnelle qui y est étroitement reliée. Cette dernière découle presqu’inévitablement de la première dans notre société nord-américaine où « ceux qui ont moins de 16 ans et sans formation professionnelle sont purement et simplement jetés dans la vie productive ».
…quelques vêtements ; quant aux sorties elles sont réduites au strict minimum. Par contre, l’opportunité qui lui est offerte de rencontrer des personnes de sa condition sociale dans le milieu de travail, d’établir et de nouer des contacts librement, de jouir d’une sphère de liberté dans sa vie privée, cette opportunité la retient à la ville. Cette vie dure 3 ans, et à 21 ans, sans trop se l’avouer cependant, elle demeure insatisfaite : les relations établies sont superficielles et instables ; les aspirations matérielles et économiques demeurent toujours des rêves irréalisés. Cette phase est donc marquée par des périodes de solitude et un niveau de tension provoqué par le décalage entre la culture du milieu rural et celle du milieu urbain. Comme la période de fréquentation et de mariage va-t-elle répondre aux attentes de Madame A. ? Nous le verrons dans la prochaine étape.
* à suivre *
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