dimanche 1 février 2009

Toxicomanie et la Femme 11e partie

LA VIE ADULTE

Nous concentrons sous ce titre la période de fréquentation et l’expérience de sa vie maritale. Ces deux aspects sont si intimement imbriqués que nous les concilierons tout au long de cette dernière phase.

Nous fournissons d’abord quelques informations générales qui nous aident à mieux comprendre la dynamique familiale…

...Un indice intéressant concernant le mari nous le présente comme ayant 4 ans de plus que son épouse. L’ensemble de nos données nous fournissait cette moyenne avec des extrêmes de 1 et 10 ans ; dans tous les cas le mari était plus âgé que son épouse. Cette affirmation n’est pas confirmée par la seule étude dans laquelle nous avons retrouvé cet indice, alors que 15% seulement des maris étaient plus âgés que leurs épouses alcooliques.

Au plan de l’instruction Monsieur possédait l’équivalent de son épouse soit le niveau élémentaire. Cependant il travaillait à l’intérieur d’un corps de métier (cf. 2e partie, p.36, Tableau II).

Quant à la durée de la période de fréquentation du couple elle s’élève à 12 mois. L’ensemble de nos sujets nous donne cette moyenne avec des écarts de 3 et 36 mois. Cinq seulement de nos sujets dépassaient la moyenne de 12 mois. Au moment où nous avons rencontré Madame A. elle vivait toujours sous le statut de femme mariée lequel durait depuis 18 ans déjà. À cet effet elle rencontrait la norme de nos sujets puisque sur les 17 sujets interrogés 5 seulement affichaient le statut de femme séparée.

Notre dernière information sera en regard du nombre d’enfants de Madame A. Il est reconnu que les alcooliques ont généralement des familles nombreuses. On attribue ce fait à leur indifférence à l’égard de leurs responsabilités. Notre observation ne confirme pas cette opinion. La moyenne d’enfants par famille de nos sujets est de 3.2 avec des extrêmes de 0 et 7. Cette moyenne demeure faible en regard de la majorité des familles alcooliques.

Maintenant essayons de saisir toute la dynamique qui s’est produite autour de Madame A. durant la phase que nous voulons décrire et analyser ici. Tout d’abord, quel genre de réponse trouvera-t-elle à sa recherche de confort et de sécurité matérielle et économique ? Signalons tout de suite que les sorties plus fréquentes, les cadeaux reçus durant la période des fréquentations lui laissaient pressentir une possibilité de réalisation de ses rêves. Elle croyait que le mariage comblerait ses désirs à ce niveau. Au début du mariage Madame A. poursuit partiellement son travail à l’extérieur pour se payer du luxe. Moins d’une année s’écoule avant qu’elle ne soit forcée de restreindre ces gratifications. Elle doit partager avec son mari la responsabilité des dettes contractées à l’occasion du mariage. Le revenu du mari est moyen et stable (cf. 2e partie, p.37, Tableau III), mais insuffisant pour assumer les besoins financiers auxquels le couple s’est déjà habitué : vêtements, sorties, boisson, etc… Le couple se croit temporairement dans une situation budgétaire déficitaire et constamment réemprunte pour payer un compte échu. La naissance des enfants accroît le déséquilibre ; d’une part, Madame n’apporte plus de revenu, d’autre part il n’y a pas de transfert suffisant au niveau des items de dépenses. Le mari qui utilisait une part de ses revenus pour la boisson et les loisirs ne diminue pas à ces items.

Madame A. réprime ses besoins au profil de ses enfants et tente ainsi de combler les déficits budgétaires. Elle y arrive tant bien que mal mais la famille connaît l’inquiétude réelle des paiements à rencontrer, des dépenses à éviter et des biens les plus élémentaires à se procurer (cf. 2e partie, p.38). La situation économique qui conduisait Madame A. de désillusion en désillusion était de nature à favoriser chez elle la recherche de compensations illusoires.

Il demeure en deçà de la situation économique tout le domaine des relations interpersonnelles avec le conjoint, les enfants et l’entourage. Examinons quel degré de satisfaction lui réserve ce champ ?

Quel type d’homme était Monsieur ? Au début de la période de fréquentation il se comportait comme un amant désirable : attentif, comblant Madame de cadeaux, favorisant de nombreuses et dispendieuses sorties particulièrement dans les boîtes de nuit (cf. 2e partie, p.39) où danse et boisson faisaient bon ménage, très fidèle aux rendez-vous fixées avec Madame. Madame A. répondait bien à ce type d’approche. Quelques mois avant le mariage Monsieur manifesta un peu d’hésitation prétextant que financièrement il n’était pas prêt à meubler un logement, ensuite il prétendait que la vie était belle ainsi. Mais Madame se sentait tellement heureuse et insista pour se marier au plus tôt. Alors Monsieur … à cette pression ce qui pour Madame confirmait l’amour qu’il lui portait. Elle s’était sentie entourée affectivement.

Au moment du mariage le couple alla vivre chez les beaux-parents (cf. 2e partie, p.36) Madame était réjouie de cette idée ; peut-être qu’inconsciemment elle avait besoin de vivre en clan familial comme en milieu rural. Nous l’ignorons mais une chose est certaine, elle désirait une vie rangée, sécurisante, intime. La belle intimité à laquelle Madame A. avait cru se retrouva déformée par la réalité. Monsieur se trouvait partagé entre l’affection et l’attention à apporter à ses parents et sa femme. De plus, Monsieur demeurait dans un cadre connu et ses habitudes de vie ne pouvaient que difficilement s’adapter à sa vie de couple. Madame A. affirme avoir éprouvé des frustrations à ce sujet. Aussi c’est elle qui prit l’initiative de suggérer à son mari un déménagement. Ils allèrent donc vivre en chambre. En soi, le conditionnement physique semble avoir été plus favorable à l’éclosion d’intimité chaleureuse mais il a beaucoup plus servi à nourrir l’égocentrisme de Madame A. qu’à créer un climat de confiance mutuelle, de dialogue, d’appui réciproque. Monsieur s’accommodait de la situation et s’ancrait progressivement dans une certaine indifférence vis-à-vis Madame. Il trouve plus d’intérêts dans des sorties en compagnie d’autres personnes : ses parents par exemple, ses amis à la taverne. Une telle attitude de fuite devant les réalités quotidiennes n’est pas loin de mener Monsieur vers un état d’alcoolisme reconnu (cf. 2e partie, p.65, dernier paragraphe). Il est écrit « que le recours d’un individu à l’alcool comme moyen de fuite dépend de sa capacité ou de son incapacité de supporter un état affectif pénible, un déboire ou un espoir déçu ». On n’ignore pas non plus que les tavernes sont des milieux provocateurs pour le développement de l’alcoolisme. Monsieur fréquente de plus en plus ces lieux (cf. 2e partie, 51). Une étude indiquait « que les comportements au sujet de la consommation sont plus liés aux patterns de consommation de l’environnement, du milieu qu’à ceux du conjoint ou des parents ».

* à suivre *

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