À la fin des années 70 et au début des années 80 en France, le rock’n roll redevient la musique que l’on écoute. Mais au lieu de l’unité relative des premiers temps, on peut observer un éclatement du rock en un foisonnement de styles divers : jazz, rock, funk rock, rockability, punk rock, hard rock…
En même temps apparaissent chez les jeunes divers groupes repérables d’abord par le style vestimentaire : « rockers », « teds », « skin-heads », « punks », « hard rockers », mais qui se différencient également sur de nombreux autres critères : musiques, danses, drogues consommées, etc.
Si beaucoup de traits culturels les distinguent, il est un dégoût commun qui les réunit : celui du « baba-cool », dit aussi « bab ». Plus ridicule que méchant, ce baba s’obstine à conserver des valeurs d’un autre temps : idéalisme, naïveté, engagement politique, moralisme « poste soixante-huitard »,…. Quelquefois, il garde même son allure des années 60-70 : tissus indiens, cheveux longs et barbe pour les hommes…
Un autre terme désigne, en même temps qu’il stigmatise, l’altérité : « bouffon ». Le bouffon, c’est d’abord l’inauthentique, le punk du dimanche, celui qui croit que l’habit fait le punk, et qui n’a pas compris que la punkitude, comme tout dandysme, est avant tout une attitude de dérision. C’est le suiviste, celui qui, ne partageant rien du mode de vie punk, croit pouvoir adopter une ou deux valeurs au passage, et, n’ayant rien compris au code, souscrit à une mode. Dans cette catégorie on trouve donc tout l’éventail de la mauvaise identité, du punk pas vraiment punk au « straight » le plus normal; Ces deux figures du « bab » et du « bouffon » synthétisent tout ce à quoi le punk s’oppose pour se créer du « bab » et du « bouffon » synthétisent tout ce à quoi le punk s’oppose pour se créer une identité. Le « bab » représente la marginalité de la génération précédente, celle qui n’a plus cours, l’idéalisme suranné. Remarquons ici que ce concept constitue quasiment un idéal-type. Les militants ouvriéristes qui se levaient à 5 heures du matin pour aller distribuer la bonne parole maoïste dans les usines ne pensaient pas avoir quelque chose en commun avec ces hippies aux cheveux longs assis en cercle et se passant le « joint » magique. Pourtant, avec le recul, toute la contestation sociale de cette époque prend une unité historique : celle de la croyance à un monde meilleur, et de l’action vers ce but. Le « bab », c’est tout celui qui a cru à des valeurs aujourd’hui désuètes. Quant au « bouffon » il est un peu à cette génération ce que fut le « bourgeois » à la précédente. Il symbolise la bêtise de la société dominante.
Plutôt que de reprendre point par point chaque trait de la culture baba ou punk pour montrer leur opposition. La concordance dans l’opposition trait à trait nous semble remarquable et difficilement interprétable en termes de hasard. On pourrait pourtant se demander si cette opposition ne concerne que les groupes présentés ici. Comme nous venons de le voir, la catégorie « baba » est un idéal-type synthétisant les différentes sous-cultures des jeunes des années 60-70. Les jeunes de la fin des années 70 et des années 80 ont aussi en commun de nombreuses caractéristiques s’opposant à celles des babas, quelle que soit la sous-culture à la quelle ils appartiennent. La punkitude, dans son extrémisme et son aspiration à l’excès représente le point ultime des tendances de cette époque. C’est pourquoi nous avons choisi de la présenter seule ici. Mais comment expliquer une opposition aussi systématique entre punk et baba? Les générations qui ont vécu leur révolte dans les années 60 et 70 ont influencé la société globale. Une partie de leur « message » a été assimilée. Âgés de 30 et 40 ans, ces anciens jeunes, forts de leur appartenance au mouvement contre-culturel, se sont souvent trouvés emploi et insertion sociale dans le domaine de la culture. Enfants, les jeunes adolescents pré-punks ont eu parmi leurs enseignants, leur entourage, certains de ces « ex-babas » ou « ex-gauchos ». Leur marginalité était devenue une des normes possibles de révolte. Pour se construire une identité à leur tour, et s’inscrire dans la marginalité, il leur fallait s’opposer à toutes les valeurs devenues déviance autorisée.
Les échecs de la génération précédente les forçaient aussi à emprunter d’autres voies : la voie politique avait déçu les militants eux-mêmes, les voyageurs après l’Inde ou la campagne étaient rentrés chez eux.
* à suivre *
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