Le présent article sur les motivations des joueurs à chercher de l’aide s’inscrit dans le cadre plus vaste d’une réflexion sur le traitement des joueurs pathologiques au Québec. Dans leur récent rapport d’enquête visant à évaluer le programme expérimental sur le jeu pathologique, Chevalier et Saint-Laurent recommandent de développer le programme en tenant compte de la complexité des clientèles et des comorbidités présentes chez une majorité de joueurs. Ils recommandent aussi le développement du traitement en diversifiant les approches thérapeutiques pour les rendre congruentes avec les besoins des joueurs.
Selon Shaffer et ses collègues (2002), à l’amorce de la relation thérapeutique, il existe quatre composantes reliées au processus d’évaluation d’un joueur pathologique : 1) la disposition d’une personne à changer ; 2) la co-occurrence de problèmes de santé mentale ou de dépendance ; 3) la gravité des problèmes de jeu et ; 4) la présence d’idées suicidaires. La planification du traitement doit être faite en tenant compte de ces quatre facteurs évaluatifs. Le premier de ceux-ci, la disposition d’une personne à changer, est généralement interprétée comme étant le degré de motivation, pour lequel il existe d’ailleurs des échelles de mesure (Shaffer; Prochaska). Cependant, dans un esprit plus qualitatif, la disposition d’une personne à changer nous apparaît relever aussi de la nature des motivations et des besoins ressentis par l’usager.
Or, il existe un manque évident de recherches théoriques portant sur les motivations de joueurs à se faire traiter et sur les facteurs qui déclenchent la démarche d’aide. Il est pourtant légitime de penser que ces facteurs ont des incidences sur l’amélioration effective de la qualité de vie des joueurs, sur leur rétention ou leur abandon dans le programme de traitement et, éventuellement, si tel est le but visé, sur la capacité à rester abstinent. Ce type d’étude répondrait à un réel besoin, comme le suggère Shaffer et autres (2002) :
« The gamblers admitted to the IGTP reported not only a wide range of referral
sources but also other characteristics such as previous treatment seeking (21%),
previous treatment for substance use disorders (23%), attendance at Gamblers
Anonymous (17%), and arrest for gambling related offenses (9%) ; these
experiences reflect a range of motivations and efforts to change, suggesting the
need to adapt treatment practices by matching clinical interventions to stage of
change. We suggest that treatment providers with admitted gamblers negotiate
efforts to match treatment and then carefully document these efforts in a
treatment plan, since it is likely that relapse and other setbacks will require
adjustments to this plan” (p.56).
Ainsi, la connaissance par le thérapeute de ces motivations, inextricablement liées à l’historique du jeu et des tentatives d’arrêt de jeu chez une personne, pourrait essentiellement avoir un impact sur la qualité et l’efficacité de la relation thérapeute-joueur. Lors de l’étude menée par l’INSPQ, les problèmes vécus évoqués par les joueurs qui ont demandé de l’aide étaient complexes et nombreux (problèmes de travail, d’argent, de santé, etc.). Mais les motivations à chercher de l’aide ont été relevées de façon concise et explicite. Concrètement, si un joueur exprime le fait, par exemple, que sa décision de chercher de l’aide a été déclenchée par une prise de conscience de l’état de dévastation de sa relation avec des proches importants, le thérapeute peut axer prioritairement le processus thérapeutique sur les valeurs ici exprimées : importance du rétablissement de la vie familiale ou des relations d’amitié. Si la détérioration de l’état de santé du joueur est évoquée comme élément déclencheur de la démarche d’aide, il y aura lieu de penser dans un premier temps à des soins médicaux, mais par la suite à un programme de rétablissement axé sur l’atteinte d’objectifs de santé. En d’autres termes, le souffle ou le moteur qui a permis que se fasse le premier pas doit être recueilli et utilisé pour porter les efforts du jouer pendant la thérapie, pour inspirer un but après la thérapie.
Le programme expérimental sur le jeu pathologique est composé de plusieurs étapes, dont, initialement, l’accueil et l’évaluation. Lors de l’évaluation, l’intervenant tente de s’assurer de trois choses : que le jeu est un problème prioritaire, que le joueur est motivé pour son traitement, et que s’établisse une relation de confiance avec le joueur (Allard et autres). Concrètement, nous suggérons que l’étape « évaluation de la motivation du joueur » porte non seulement sur l’évaluation quantitative du degré de motivation mais aussi, formellement, sur l’évaluation qualitative des motivations précises qui ont déclenché la demande d’aide. Une telle démarche permettrait un thérapeute de mieux cibler son intervention sur le profil du joueur et sur ses priorités et, à long terme, d’orienter les services qui sont offerts aux usagers qui réclament des traitements.
* à suivre *
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