Au-delà de la description stricte des propos des sujets de la recherche, la partie plus analytique et interprétative de cette recherche développe une conceptualisation ancrée de ce matériel.
Prenant pour postulat que les hommes participant à une thérapie sont les experts de leur vie, nous considérons qu’ils sont les acteurs sociaux pouvant le mieux nous livrer, et de la façon la plus crédible, le matériau nécessaire pour découvrir le sens qu’ils donnent à leur démarche thérapeutique. C’est la raison pour laquelle nous croyons que la théorisation ancrée était la démarche de recherche probablement la plus appropriée pour atteindre ce but. De plus, comme le souligne Dulac (2000), les hommes interviennent, dans le modèle de la théorisation ancrée, comme les véritables sujets de la recherche, plutôt que d’être considérés (à l’instar du modèle classique) simplement comme un groupe-témoin d’une recherche pouvant les concerner.
Deux types de catégories : thématiques et analytiques
Nous avons classé le matériel d’analyse selon deux types de catégories : les catégories thématiques et les catégories analytiques. Les catégories thématiques concernent la classification des propos des répondants en grands thèmes récurrents émergeant de l’analyse du verbatim des entrevues.
Les résultats que nous présentons ici concernent l’analyse des données recueillies sous la catégorie thématique motif qui se réfèrent aux propos des participants concernant la situation conjugale et/ou familiale qu’ils disaient vivre au moment d’entreprendre une démarche d’aide formelle. Les questions formulées lors de l’entretien étaient les suivantes :
Qu’est-ce qui vous a amené à faire une demande d’aide à… (l’organisme)?
Qu’est-ce qui vous a décidé de faire votre démarche à ce moment précis (personnes/institutions)?
Parlez-moi de votre situation à ce moment-là.
Pour ce qui est des catégories analytiques, le matériel a été classé en fonction de la durée dans le temps – l’expérience thérapeutique. Nous avons en effet constaté que, dans le cas où le répondant était en début du programme de base, et souvent donc encore en crise au moment de sa participation à la recherche, ce dernier n’avait pas le même regard rétrospectif ni vécu les mêmes étapes que le répondant en fin de thérapie ou ayant poursuivi sa démarche au-delà du programme de base ou d’un service postthérapeutique.
Comme la présente recherche vise à explorer le processus de changement vécu par des hommes en thérapie, cette dimension temporelle nous permet de suivre le cheminement expérientiel selon les différentes étapes de la thérapie.
Les répondants en début du programme sont ceux ayant complété au moins une entrevue d’accueil/évaluation ou ayant participé à l’équivalent du tiers des rencontres du programme de base de l’organisme duquel il reçoit des services, donc au plus huit rencontres.
Les répondants en milieu/fin de programme sont ceux ayant participé à plus du tiers des rencontres du programme de base de l’organisme duquel ils reçoivent des services.
Les répondants en postprogramme comprennent les répondants ayant prolongé leur démarche au-delà du programme de base, celle-ci variant, selon le cas, de deux semaines à plus de deux ans par rapport au programme de base. L’expérience thérapeutique en postprogramme comprend également les répondants ayant amorcé une démarche postthérapeutique en groupe ouvert ou fermé.
Nous considérons qu’il est pertinent de comparer les propos des répondants sur leur perception de changements amorcés dans leur vie selon leur durée dans un programme d’aide. Cette dimension temporelle nous permet de suivre le cheminement expérientiel selon les différentes étapes de la thérapie. Nous croyons, à l’instar de Bachelor, Guérin, Théorêt, Poitras et Tremblay (1993), qu’il est pertinent d’étudier les perceptions phénoménologiques des répondants à diverses phases de la démarche d’aide, étant donné, d’une part, l’effet présumé de la phase de thérapie sur le développement de la relation thérapeutique et, d’autre part, l’évolution du client dans son processus de changement à l’intérieur d’un groupe de thérapie.
De plus, dans leur étude sur l’efficacité des programmes pour conjoints violents, Lindsay, Ouellet et Saint-Jacques (1993) suggéraient qu’il serait pertinent, dans les recherches ultérieures, de tenir compte de la durée des programmes de traitement dans les résultats du service reçu.
Il y a des distinctions nettes entre les répondants dans chaque subdivision. Parmi les 19 répondants en début de programme, 11 étaient encore à l’étape des entrevues d’accueil, les sept autres avaient participé à moins de huit rencontres de groupe. Les huit répondants en milieu/fin de programme avaient participé à plus de huit rencontres ou avaient terminé leur programme de base (entre 15 et 25 rencontres). Parmi les 13 sujets en post-programme, six avaient poursuivi au-delà du programme de base et sept avaient amorcé un programme postthérapeutique.
* à suivre *
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