Une femme ayant subi de la violence conjugale reste toujours une femme. Néanmoins, il nous arrive souvent de l’oublier lorsque dans nos CLSC, nos maisons d’hébergement, nos postes de police ou nos urgences d’hôpitaux, elle arrive tremblante, fébrile et blessée. Et c’est fréquemment à cette étape de l’invention que nous glissons de l’empathique sollicitude vers la surprotection. Des femmes violentées nous disent régulièrement qu’une des plus importantes vexations lors des épisodes violents qu’elles ont traversés fut de se sentir comme des petites filles apeurées devant leur partenaire…Et nous l’accueillons souvent comme un petit chaperon rouge qui se serait dégagé à temps des dents du grand méchant loup!
Bien qu’il demeure essentiel et inaliénable de leur prodiguer les soins et toute l’attention relatifs à leur état, nous ne devons jamais outrepasser les limites de leur dignité. En d’autres termes, aborder une femme violentée comme si elle était une enfant sans pouvoir constitue l’erreur la plus fondamentale et la plus fréquente.
Pourtant, certaines femmes semblent particulièrement conditionnées à ce rôle de petit chaperon rouge. Ce sont celles qu’on dit les plus victimisées, celles dont on croirait à première vue qu’elles n’ont aucun pouvoir. Alors que ce sont justement elles qui souvent en ont le plus…sur les intervenants! Car leur profond état de détresse psychologique et leur isolement social leur font trouver un sauveur.
Si nous refusons de remplir ce rôle avec elles, nous constaterons inévitablement toute la violence et la rage que peuvent avoir retenues les femmes qui furent longtemps et souvent poussées! Ce sont ces femmes qui, au grand désarroi des policiers, vont déverser sur eux toute leur colère, au moment où ces derniers décident de procéder à l’arrestation du conjoint. Ces réactions peuvent nous suggérer l’hypothèse voulant que l’autorité policière puisse représenter, pour ces femmes, une « menace » qui viendrait perturber le rapport de dépendance qui s’est établi entre elles et leur conjoint. Le facteur de dépendance économique peut certes venir influencer de telles réactions, mais les enjeux en présence sont beaucoup plus complexes pour qu’on les réduise à cette seule explication.
Mais nombreuses sont les femmes violentées qui rebutent à se reconnaître face à elles-mêmes ou aux intervenants en tant que victimes de l’homme qu’elles ont choisi pour compagnon. Cette attitude ne signifie pas nécessairement qu’elles dénient la violence, mais qu’elles exercent, directement ou indirectement sur lui. Elles cherchent principalement à se voir reconnues selon leur valeur et leurs potentialités. Une intervention à caractère « protectionniste » à leur égard ne peut que venir renforcer une position de victimisation.
* à suivre *
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