mercredi 26 octobre 2011

VIOLENCE FAMILIALE 64e partie

Emprunter le trajet ouvrant à des changements, c’est donc assumer et intégrer les manques et les limites reconnues chez soi et les autres, comme une partie du réel, mais en s’ouvrant aussi à un monde possible et susceptible d’être enrichi, comme autre partie du réel à léguer en héritage. Par ce processus, le sujet s’engage, plutôt que de blâmer la génération précédente, dans une démarche de responsabilisation face à lui-même; il accomplit ainsi un geste d’amour et de générosité envers ceux qui suivront.

L’intervenant, soucieux de travailler dans cette optique auprès du jeune ou de l’adulte, l’accompagnera dans son cheminement difficile tout en le supportant dans la prise de conscience des mécanismes de la répétition dans sa vie. Il l’assistera dans l’élaboration de son histoire, dans le deuil de son douloureux passé, en nommant l’angoisse devant l’inconnu et le non familier. Cet accompagnateur ne doit cependant pas être considéré comme celui qui réparera les blessures de l’enfance mais plutôt qui travaillera avec le sujet sur ce fait d’ « accepter de vivre avec son passé »; le considérer comme un sauveur implique le risque de se perdre à nouveau plutôt que de se rapprocher de soi.

Ce guide ou témoin devrait être évidemment préparé à un tel accompagnement; plus, il devra lui-même être engagé dans cette voie de la libération des fantômes de son propre passé qui, redisons-le, représente le travail d’une vie. En effet, c’est avec le temps que le présent, conjugué en temps réel et non plus confondu avec le passé, peut revitaliser et donner toute leur authenticité aux contacts entretenus avec autrui dans sa vie relationnelle, de même qu’à ses choix, voire à sa vision renouvelée du monde.

Toutefois, ce type d’intervention n’apparaît pas indiquée comme telle s’il s’agit de personne qui souffrent de problèmes importants de santé mentale, requérant une assistance plus spécifique en raison de la nature de leurs conflits intra psychiques, de leurs symptômes et de leurs mécanismes de défense.

L’être humain est une entité complexe : il peut subir des violences, il peut en infliger, en provoquer et en fabriquer. Il peut aussi les prévenir, les réparer, les soulager. Quand il dispose des ressources nécessaires, il peut mettre fin à un cycle répétitif de violences et décider d’évacuer les fantômes du passé pour pouvoir conjuguer sa vie au présenter et se choisir comme maître de sa destinée.

Ce mouvement chez celui qui s’engage dans la voie de la nouveauté comporte une sorte de vertige engendré par le « non posé devant le familier douloureux, et par le « oui » à l’inconnu angoissant. À partir du moment où la personne reconnaît l’infiltration de la répétition dans sa vie, un choix s’impose entre deux orientations possibles, soit s’installer dans la sécurité factice de la répétition, soit se livrer à la démarche exigeante qui conduit au changement. L’une et l’autre font vivre, de toute façon, une angoisse : l’une, stagnante, tout comme la récurrence du « souffrir », alors que l’autre, créatrice, peut ouvrir à la métamorphose du « vivre ». Cette angoisse associée au passage vers « autre chose » est, à juste titre, décrite par Juliette Favez-Boutonnier (1963), comme « l’émotion de la liberté ».

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