ADDICTION SEXUELLE
Dépendance, état d'une personne qui est soumise à un être ou à une chose. La dépendance peut exister à l'égard d'un produit toxique dont on use pour en retirer du plaisir ou dissiper un malaise.
On distingue deux sortes de dépendance:
- la dépendance physique, qui est un état adaptatif ayant pour conséquence l'apparition de troubles physiologiques et psychologiques intenses lorsque la prise de drogue est suspendue ("état de manque").
- dépendance psychique, caractérisée par le désir impérieux de renouveler la consommation du produit toxique. À défaut, le sujet présente un état dépressif anxieux. Mais il s'agit de dépendance sexuelle que vous allez lire au compte-goutte sur nos pages.
Au même titre que l'alcoolisme, la dépendance a été diagnostiquée comme une maladie. Après avoir été taxées de manque de volonté pendant des années, la narcomanie, la cocaïnomanie, etc., ont aussi rejoint les rangs des maladies dans le répertoire de l'association américaine de psychiatrie. Depuis, le gambler ou le joueur pathologique a démontré que la dépendance n'est pas nécessairement liée à l'absortion d'une matière quelconque. Ainsi, en 1981, la même association a reconnu que la dépendance au jeu était aussi forte que celle de l'alcool. Tout comme les joueurs et les outre-mangeurs, les sexoliques fuient la vie réelle. Seule leur obsession est différente...pour eux, c'est la sexualité.
Pour Danielle Tardif, cette maladie débute à l'enfance ou à l'adolescence. Elle se caractérise par des sentiments excessivement pénibles. Émotions trop intenses, manques d'estime de soi, solitude ou vide intérieur, tous provoquent un remous à la fois physique et psychologique. La victime doit apaiser son tourment rapidement et le plaisir sexuel devient le calmant idéal. De plaisir en plaisir, l'habitude s'installe, s'incruste et devient obsession.
Les relations n'ont plus la dignité d'autrefois, le dépendant se contente de ce qui passe. Honteux et plein de remords, il se sait esclave de ses instincts. À ce stade, le dépendant devient désespéré. Il réalise qu'il a perdu la maîtrise de sa vie.
Pour ne pas vivre l'angoisse de sa douloureuse prise de conscience, il recommence....Plus rien ne semble pouvoir le sortir du cercle vicieux.
Cercle infernale des malheurs.
Un cercle qu'on nomme sexolisme par analogie à l'alcoolisme. Il entraîne ses victimes, soit vers des comportements sexuels hautement dangereux, soit dans une suite infernale de malheurs. Selon le livre 'Don't Call it Love' de Patrick Carnes, un sondage effectieux auprès de 1000 dépendants sexuels révèle que 27 pourcent d'entre eux ont perdu leur emploi ou ont été arrêtés, plusieurs ont aussi perdu leur famille, leurs amis, leur santé, et surtout, leur estime personnelle.
Écoutez l'histoire de Jacqueline, de Paul et de Gaëtan pour nous convaincre de cette maladie:
Jacqueline ne vit que pour les histoires d'un soir : "À chaque aventure, je me promets de ne pas recommencer.....jusqu'au lendemain soir! Déchirée entre le fait que j'ai besoin d'attention et la façon dont je l'obtiens, je me sens seule, inadéquate socialement. Et ça progresse depuis que je suis jeune."
Paul est piégé par les lignes érotiques : "je ne peux me lever la nuit pour aller me chercher un verre d'eau sans arrêter devant le téléphone pour appeler 1-976. J'ai demandé à ma femme de faire disparaître tous les téléphones, touch-tone, portable, iphone de la maison." Après 20 ans de mariage et deux beaux enfants, Gaëtan considère l'infidélité comme un mode de vie : "Je vois la femme comme une paire de seins. Voilà ce à quoi j'ai réduit mes relations avec elle! J'en ai même déjà oublié la fête de ma fille et dépensé tout l'argent de son cadeau pour une prostituée." Après une panoplie de mésaventures du genre, sa femme a mis fin à leur vie conjugale.
Paul, Gaëtan et Jacqueline souffrent d'une maladie étrange et sournoise: la dépendance sexuelle. La masturbation, le voyeurisme, l'exhibitionnisme, bref, le sexe, jour et nuit, rarement joyeux, souvent douloureux. "Toute leur vie tourne autour de ça : leur budget, leurs loisirs, leurs relations...", constate la psychologue Céline Mondor, une recherche américaine effectuée dans les années 1990 révélait qu'une personne sur 12 est dépendante sexuelle. Quatre sur cinq sont des hommes. Les dépendants sexuels viennent de tous les milieux; depuis Don Juan jusqu'à Michael Douglas, en passant par John. F. Kennedy, Frank Sinatra, Victor Hugo et des milliers d'inconnus. "Notre difficulté est que le mal est progressif. Si nous n'apprenons pas à le contrôler, il ira toujours en s'aggravant, nous en voudrons toujours plus", explique Gaëtan.
Évidemment, ces malheureux subissent un exténuant conflit interne. Plusieurs d'entre eux se voient comme des êtres sans volonté et des pervers. Ils craignent de révéler ce qu'ils font par peur d'être méprisés ou tout simplement abandonnés. "Je sais que je ne suis pas correct et je me sens très coupable de mes fantasmes...", explique Paul, un homme marié. Les voix masculines des lignes érotiques sont l'objet de son supplice.
La sélection "naturelle".
La psychologue Céline Mondor dresse un portrait assez ahurissant, mais réaliste, des sexoliques : "ces gens là ne voient, dans les autres personnes, que la source de plaisir sexuel. Quand ils rencontrent quelqu'un, la seule et unique question qu'ils se posent est de savoir s'ils peuvent baiser avec elle ou lui."
La raison de ce comportement est simple. Les obsédés se croient indignes d'intimité ou d'amour. Voilà pourquoi certains préfèrent la masturbation ou les ébats avec une prostituée; le sexe sans aucune communication. Les adeptes des aventures d'un soir, eux, se sauvent le plus possible de leur partenaire après le coït.
C'est le cas d'Yves qui a séduit une multitude de dames : " J'avais édifié une forteresse autour de moi. Personne, absolument personne ne pouvait entrer et je ne pouvais en sortir. Je n'avais jamais de réactions extrêmes comme la colère ou une grande joie. Ça m'aurait obligé à communiquer et à me rendre vulnérable.
Je suis resté six ans avec une fille et je ne parlais tellement pas de moi qu'elle ne savait même pas quel genre de musique j'aimais. Je baisais avec tout le monde, sauf avec elle."
Comme Gaëtan qui est toujours en désarroi depuis sa séparation, les sexoliques sont terrifiés devant la possibilité de rejet, de l'impuissance ou de l'incompréhension. Tout leur amour propre en dépend. Victimes et bourreaux, ils sont donc incapables de rompre ou de dire non. "Je me disais: ils vont m'aimer s'ils couchent avec moi. Le vide n'était jamais comblé, je me sentais belle sur le coup, mais....je n'avais jamais d'orgasme et je pleurais toujours après avoir fait l'amour", raconte Jacqueline fébrile. Certains vont jusqu'à se prendre pour Zélig, le fameux homme-caméléon de Woody Allen. Ils changent leur personnalité pour les besoins de la séduction; moyen par excellence de cacher leur sentiment d'être étranger à tous et partout.
Le Cas de Mme Bovary
Chaque sourire cachait un baillement d'ennui, tout plaisir son dégoût, et les meilleurs baisers ne vous laissaient sur la lèvre qu'une irréalisable envie d'une volupté plus haute. (...) Mme Bovary n'était pas heureuse. D'où venait donc cette insuffisance de la vie, cette pourriture instantanée des choses où elle s'appuyait?.... En 1856, Flaubert s'intéressait déjà aux causes de ce qui, plus tard, serait nommé la dépendance sexuelle.
Aujourd'hui, la question demeure......
Existerait-il une hormone du samedi soir qui propulserait directement les sexoliques dans les tumultes de leur dépendance? Selon le Dr. Rock Carbonneau, du département de biologie de l'université de Montréal, les études sérieuses en ce domaine ne dâtent que les anéées 70 et les chercheurs en sont à leurs premiers balbutiements.
Néanmoins, le docteur a bien l'impression qu'elle existe, cette sacrée hormone: "l'endorphine et d'autres protéines humaines auraient les mêmes effets que la morphine. Elles donneraient une sensation de bien-être et seraient secrétées dès que l'individu effectuerait une activité physique suffisamment exténuante comme les ébats sexuels. De plus, la libido pourrait être modifiée par la fréquence avec laquelle le cortex surrénalien (partie du cerveau) secrète les hormones androgènes, c'est-à-dire les testostérones chez les hommes, l'oestrogène et la progesterone chez les femmes."
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