Conclusion
Cette enquête est la première à aborder le sujet dans cette communauté; il est donc maintenant essentiel que les résultats de cette enquête soient largement diffusés, commentés et discutés aussi bien dans les milieux communautaires que dans la population en général.
L’enquête a également révélé la présence d’obstacles qui gênent la prévention du sida et qui sont spécifiques à certains sous-groupes de la population québécoise d’origine haïtienne. Il s’agit d’identifier ces différences et de les intégrer dans les activités destinées à ces groupes. Les inégalités entre hommes et femmes ont un impact considérable sur la définition des rôles dans la société, sur les comportements sexuels et sur la capacité de chaque individu à contrôler ses relations sexuelles; toute intervention auprès d’adultes ou de jeunes devrait permettre d’encourager la valorisation du statut de la femme.
Les jeunes ont un degré de connaissance assez élevé sur le sida. Toutefois, c’est chez eux que l’on retrouve la plus forte proportion de personnes ayant des comportements sexuels à risque, bien qu’ils soient plus nombreux que leurs aînés à évaluer leur risque d’être infecté comme faible. L’enquête a permis de constater les difficultés qui existent dans les relations parents-enfants. La rupture avec la culture traditionnelle haïtienne est plus forte chez les jeunes nés au Québec et entraîne des conflits importants entre générations. Néanmoins, le milieu familial reste un lieu privilégié pour l’échange d’informations.
Par ailleurs, nous avons documenté le lieu de contrôle externe qui caractérise certains segments de la population immigrante haïtienne. Il ne s’agit pas de soustraire la pensée magique et religieuse de l’interprétation de la maladie, mais de dynamiser le rapport de la pensée magique à la pensée scientifique, afin d’apprivoiser la maladie, tout en se donnant des moyens objectifs d’intervention.
L’enquête a de plus permis de constater une augmentation des voyages entre le Québec et Haïti attribuable, en grande partie, au changement de gouvernement en Haïti. Aussi faut-il tenir compte de cette nouvelle donnée dans le cadre de la prévention du sida.
Par ailleurs, les Haïtiens font preuve d’ostracisme envers leurs compatriotes infectés ou atteints du sida. Ces derniers, souvent par crainte de la rumeur, évitent d’avoir recours aux ressources qui existent dans la communauté même.
Mentionnons en outre que le condom est encore peu utilisé et son utilisation mal connue. L’information à ce sujet devrait par conséquent être continuelle.
Le système de santé et les médecins en particulier constituent l’une des sources préférées d’information sur le sida. Or les résultats de l’enquête montrent que ces professionnels donnent peu d’information sur le sida à leur clientèle. Les médecins et les autres professionnels de la santé devraient assumer des responsabilités accrues dans ce domaine.
Pour conclure, l’enquête a permis de révéler qu’il était primordial de mieux connaître les facteurs psychosociaux qui déterminent l’adoption ou non d’un comportement donné dans certains sous-groupes de la population visée, notamment les individus ayant des comportements connus comme étant à risque. Il serait également utile de mieux comprendre des déterminants qui influencent une évolution plus égalitaire en ce qui concerne les rapports hommes-femmes, l’influence de la pensée religieuse sur les attitudes, croyances et comportements face au sida.
À cause de la longue période de latence, il est important, en liant les facteurs de risque à l’état sérologique de la population, d’obtenir une image plus récente des groupes à risque chez les Québécois d’origine haïtienne. De plus, la connaissance actuelle de la séroprévalence dans la population permettra de mesurer avec plus d’exactitude l’impact des campagnes d’éducation et de prévention.
Le sida est un problème de santé publique important pour les Québécois d’origine haïtienne. Les déterminants des comportements à risque pour la transmission du sida, comme cette enquête nous a permis de le montrer, sont complexes. Il faut s’assurer d’un engagement à long terme de tous les éléments qui constituent la communauté, de l’individu jusqu’aux organismes communautaires haïtiens.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire