Ayant triomphé de ces épreuves, il était fort marri de n’avoir toujours pas connu la peur, mais avait gagné un trésor et la main de la fille du roi. Or, voilà que c’est la nuit, une fois au lit avec sa nouvelle femme qu’il apprit enfin ce qu’était la peur et le frisson. Cette version simplifiée et édulcorée d’un conte de Grimm eut pour effet de faire rire les hospitalisés, et de faire passer la discussion de l’ennui du jour à l’angoisse de l’entrée dans la nuit. Malgré mes efforts, bien sûr, ils ne sont pas vraiment déprimés, toujours en manque, mais toujours pas en deuil…
C’est que la drogue n’est en rien un objet d’amour. Et l’angoisse de sujets au décours du sevrage, précisément quand le manque physique lui-même s’estompe, souligne leurs difficultés (comme pour « celui qui partit en quête de la peur… ») à envisager une relation objectale sexualisée. Et parfois- faute de mieux, au besoin de drogue et au besoin de souffrance peut succéder ce qui peut être un besoin de risque. Ce terme peut bien sûr choquer, mais certains patients ont bien assimilé le vertige du risque à une défonce : comme ce cambrioleur timide qui ne se décide à passer à l’action que lorsque le manque de drogue l’y pousse impérativement et qui, après avoir fracturé la porte ou la fenêtre, au moment donc le plus dangereux, se sent d’un seul coup empli de calme et de sérénité. Ou comme ce correspondant de guerre, accroché à l’héroïne, dont les douleurs du manque ont d’un seul coup disparu quand, en plein reportage, les balles ont commencé à siffler autour de lui.
* à suivre *
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