mercredi 28 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 20e partie
Soumise aux contraintes historiques de la guerre, de l'exil, et de la réinstallation, la société vietnamienne (qui bien que traditionnelle n'en demeure pas moins une société complexe) s'est modifiée et réorganisée pour s'adapter aux exigences de la transplantation. Désormais, l'espace social vietnamien au Canada ne se réduit plus aux seules valeurs traditionnelles, l'acculturation ayant fait son office on assiste à une "occidentalisation" des discours et des pratiques. La persistance des traditions s'estompent semble-t-il chez les plus jeunes, au grand désespoir des plus âgés. Toutefois en dépit de ces changements, les réseaux familiaux et collectifs qui fondent la structure traditionnelle vietnamienne se maintiennent dans l'exil, et coexistent avec une organisation sociale géographiquement plus ouverte et éclatée. Cette prégnance d'un "noyau" traditionnel se manifeste plus volontiers dans les situations concrètes, dans les expériences individuelles et collectives, plutôt que dans les discours généraux, le plus souvent désabusés, que les Vietnamiens tiennent sur leurs compatriotes au Canada. À ce titre, il est d'ailleurs singulier de constater que, dans cette population soumise à tant de drames, brutalement déplacée (alors que les Vietnamiens n'avaient pas l'habitude de changer de pays) et exposée par là-même à un risque psychopathologie sévère, c'est précisément autour des expressions "pathologiques" liées à ces drames qu'émergent les expériences et les validations collectives d'expériences qui ressortissent, au-delà du temps et du lieu, à l'univers Vietnamien traditionnel. Sans doute, le rapport du sujet à la conception du monde de sa culture est plus tenace que les autres éléments culturels. Toutefois, ce n'est la persistance de "croyances" ou de "superstitions" "désuètes" qui caractérise la spécificité vietnamienne de cet espace social, mais bien plutôt la relation singulière qui unit le sujet aux conceptions du monde que sa culture véhicule. La maladie, l'affliction, sont sans doute les moments privilégiés au cours desquels cette relation s'exprime avec la force de "l'évidence" et se présente pour le malade et pour ses proches comme la réalité elle-même, attestant ainsi de la nature sociale de "l'évidence" qui unit l'expérience à son explication.
mercredi 21 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 20e partie
Dès lors, on pourrait admettre cette première formulation selon laquelle: ce n'est pas parce qu'un parent est mort qu'il revient, mais c'est parce qu'il revient que l'on sait être dans la situation d'un défaut de sépulture honorable, ou d'un manquement aux rites propitiatoires. C'est l'expérience de la "rencontre" qui définit a posteriori la situation du sujet aux regards des défunts. Parmi le catalogue vietnamien des causes et des origines de la maladie, du malheur, ou des simples expériences "surnaturelles", le retour des décédés de malemort est une explication toujours forcement répandue dans le contexte de la transplantation. Toutefois, les exemples précédents montrent que si la conception vietnamienne affirme que les décédés de malemort, ou que les ancêtres non honorés, sont susceptibles de venir "hanter" les vivants, force est de reconnaître que tous les décédés de malemort ne reviennent pas. D'une certaine manière ce n'est pas la "croyance" au "retour des fantômes" qui s'exprime dans le discours des immigrants, mais c'est l'expérience qu'ils vivent qui confirme la réalité du phénomène. Les expressions même des immigrants semblent traduire ce phénomène. Lorsqu'un patient "voit un fantôme" la nuit, il n'applique pas la théorie locale du retour habituel des décédés de malemort, pour conclure au retour du fantôme, mais lorsque cette image (et quelle que soit sa valeur pour un occidental) s'impose à lui, il sait qu'il s'agit d'un fantôme. Or, ce savoir sur la réalité de la rencontre avec un fantôme semble correspondre chez celui qui l'énonce, et chez ceux qui l'écoutent et l'approuvent, à un fait d'expérience, plutôt qu'à l'application d'une croyance. "Ce n'est pas tellement le croyant, (....), qui affirme sa croyance comme telle, c'est plutôt l'incroyant qui réduit à une simple croyance ce qui pour le croyant est comme un savoir".
mardi 20 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 19e partie
À chaque fois qu’il était fait mention d’une rencontre avec un esprit, on pouvait pressentir que le patient se trouvait dans un rapport particulier avec le défunt et avec son entourage, au moment du décès et même actuellement. En effet, il apparaît que toutes les situations traumatiques, ainsi que tous les décédés de malemort ne donnent pas lieu à un retour de fantômes; certains immigrants ne parleront jamais de fantômes, tandis que d’autres évoqueront alternativement des mauvais rêves et des fantômes pour caractériser des phénomènes radicalement différents. On ne saurait donc supposer que tous les immigrants traduisent leurs “cauchemars” par des énoncés standards, culturellement déterminés, au moyen de représentations traditionnelles de la maladie. À ce titre, l’alternance des énoncés chez un même patient nous incite à croire que le “mauvais rêve”, bien que moins “exotique”, serait aussi une représentation traditionnelle traduisant pour le sujet une expérience d’une toute autre nature.
lundi 19 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 18e partie
DÉTRESSE DES HOMMES - RÊVES POST-TRAUMATIQUES
Monsieur X, plus âgé, vivant en France depuis plus de dix ans, consultait régulièrement pour une tristesse profonde, associée à une grande fatigue. Il était depuis un an en arrêt de travail, et n’envisageait plus de reprendre une quelconque acitvité professionnelle, tant il se sentait faible. Au Vietnam, il habitait Hanoi et enseignait le français dans un lycée : marié et père de six enfants dont trois filles et trois garçons, il vécût heureux jusqu’à l’arrivée des Viet Cong. Dès les premiers mois du nouveau régime, la famille fût séparée et déportée, et Monsieur X, ne devait plus jamais revoir ses fils et sa femme. Il ne doit d’avoir survécu qu’à sa force personnelle, et grâce à l’aide de certains villageois qui, à plusieurs reprises le protègerent contre la barbarie des Viet Cong. Depuis son arrivée au Canada, il reste hanté par ses souvenirs, et rêve régulièrement de ses enfants, et il revit intensément les moments d’une déchirante séparation. D’autres cauchemars l’agitent souvent - c’est le terme qu’il emploie - au cours desquels il “revit” les scènes de violences auxquelles il assista comme témoin impuissant. Jamais, dit-il, il n’a rêvé de sa femme, et pourtant, “elle est revenue” plusieurs fois pendant qu’il dormait, cherchant à l’étranger pour l’emmener avec lui. Il décrivît ces expériences avec une intense émotion, allant même jusqu’à nous mimer l’étranglement qu’il avait ressenti et maglré sa parfaite connaissance du français, il ne trouvait pas les mots pour désigner ce phénomène. Cependant, il distinguait fort bien cette expérience des cauchemars précédents; en effet, il s’agissait pour lui d’une tout autre expérience, car il ne dormait pas, ni rêvait, mais participait à une réalité dont le vocabulaire français était inapte à rendre compte. Certes, un clinicien pourrait y voir l’effet d’une hallucination, ou d’un cauchemar, et compatible avec le diagnostic de névrose traumatique : mais il nous semble que la compréhension d’un tel phénomène ne se réduit pas à sa seule traduction et langage psychiatrique. En effet, il lui arrivait de voir ses fils lors de ses rêves, parfois même il recherchera le concours d’un devin pour les interpréter, mais jamais il ne considéra qu’il puisse s’agir de la visites des esprits de ses défunts enfants: il est vrai qu’il refusait d’admettre qu’ils puissent être morts, supposant qu’un d’entre eux au moins était toujours vivant. Par contre, il était convaincu de la mort de sa femme, et cela lui avait été encore confirmé récemment. Il ne s’agit pas, à ce stade de l’étude, de conclure que seuls les esprits de parents ou de proches, dont on est certain de la mort, reviennent chez les traumatisés, mais il conviendrait plutôt de s’interroger sur les raisons et les conditions qui aboutissent au fait que dans certains cas on puisse parler de mauvais rêves, et que dans l’autres, apparemment similaires pour le clinicien, il soit question d’une rencontre avec un esprit de malemort.
Monsieur X, plus âgé, vivant en France depuis plus de dix ans, consultait régulièrement pour une tristesse profonde, associée à une grande fatigue. Il était depuis un an en arrêt de travail, et n’envisageait plus de reprendre une quelconque acitvité professionnelle, tant il se sentait faible. Au Vietnam, il habitait Hanoi et enseignait le français dans un lycée : marié et père de six enfants dont trois filles et trois garçons, il vécût heureux jusqu’à l’arrivée des Viet Cong. Dès les premiers mois du nouveau régime, la famille fût séparée et déportée, et Monsieur X, ne devait plus jamais revoir ses fils et sa femme. Il ne doit d’avoir survécu qu’à sa force personnelle, et grâce à l’aide de certains villageois qui, à plusieurs reprises le protègerent contre la barbarie des Viet Cong. Depuis son arrivée au Canada, il reste hanté par ses souvenirs, et rêve régulièrement de ses enfants, et il revit intensément les moments d’une déchirante séparation. D’autres cauchemars l’agitent souvent - c’est le terme qu’il emploie - au cours desquels il “revit” les scènes de violences auxquelles il assista comme témoin impuissant. Jamais, dit-il, il n’a rêvé de sa femme, et pourtant, “elle est revenue” plusieurs fois pendant qu’il dormait, cherchant à l’étranger pour l’emmener avec lui. Il décrivît ces expériences avec une intense émotion, allant même jusqu’à nous mimer l’étranglement qu’il avait ressenti et maglré sa parfaite connaissance du français, il ne trouvait pas les mots pour désigner ce phénomène. Cependant, il distinguait fort bien cette expérience des cauchemars précédents; en effet, il s’agissait pour lui d’une tout autre expérience, car il ne dormait pas, ni rêvait, mais participait à une réalité dont le vocabulaire français était inapte à rendre compte. Certes, un clinicien pourrait y voir l’effet d’une hallucination, ou d’un cauchemar, et compatible avec le diagnostic de névrose traumatique : mais il nous semble que la compréhension d’un tel phénomène ne se réduit pas à sa seule traduction et langage psychiatrique. En effet, il lui arrivait de voir ses fils lors de ses rêves, parfois même il recherchera le concours d’un devin pour les interpréter, mais jamais il ne considéra qu’il puisse s’agir de la visites des esprits de ses défunts enfants: il est vrai qu’il refusait d’admettre qu’ils puissent être morts, supposant qu’un d’entre eux au moins était toujours vivant. Par contre, il était convaincu de la mort de sa femme, et cela lui avait été encore confirmé récemment. Il ne s’agit pas, à ce stade de l’étude, de conclure que seuls les esprits de parents ou de proches, dont on est certain de la mort, reviennent chez les traumatisés, mais il conviendrait plutôt de s’interroger sur les raisons et les conditions qui aboutissent au fait que dans certains cas on puisse parler de mauvais rêves, et que dans l’autres, apparemment similaires pour le clinicien, il soit question d’une rencontre avec un esprit de malemort.
mardi 13 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 17e partie
DISCUSSION CLINIQUE SUITE
Une jeune femme africaine et bouddhiste, rapportait qu'à la pire époque du régime congolais, elle avait vu sa belle-soeur se faire assassiner par des soldats africains, alors qu'elle était cachée non loin de là. Elle avait pu quittter le Congo juste après cet événement. Dès son arrivée au Canada, elle fût adressée à la consultation psychiatrique pour des céphalées, des troubles de la concentration, et une hyperémotivité avec de brusques variations de l'humeur. À aucun moment elle ne fit mention de mauvais rêves; son sommeil était bon, disait-elle, sauf que régulièrement sa belle-soeur défunte venait, dans sa chambre, lui dire et lui faire des choses terribles. Il ne s'agissait ni d'un rêve, ni d'un cauchemar, mais bien d'une expérience vécue, puisqu'elle ne survenait pas pendant son sommeil, affirmait-elle. Devant la force de cette sensation, les catégories du sommeil et du rêve semblaient n'avoir aucune pertinence pour cette patiente; en effet, elle ne disait pas "je crois que", ni même "je vois ou je pense que", mais elle affirmait, avec conviction, que sa belle-soeur venait, était présente, et qu'elle agissait dans la pièce. Par contre, elle réfutait tout lien entre les visites de sa belle-soeur et les symptômes dont elle se plaignait. Pour ses proches aussi, deux réalités distinctes semblaient se juxtaposer: d'une part, les déboires nocturnes occasionnés par l'esprit de malemort (bien qu'eux-mêmes ne l'avait jamais rencontré), et d'autre part, une grande fatigue, un malaise général, et des modifications de son comportement: et si tous s'accordaient à la reconnaître comme malade, aucun ne laissait entendre que cette maladie fût causée par l'esprit de la belle-soeur. Aussi, l'énonciation par la patiente ou par ses proches d'une rencontre avec un "fantôme" ne nous semble pas traduire une cause, mais à ce stade une expérience.
Une jeune femme africaine et bouddhiste, rapportait qu'à la pire époque du régime congolais, elle avait vu sa belle-soeur se faire assassiner par des soldats africains, alors qu'elle était cachée non loin de là. Elle avait pu quittter le Congo juste après cet événement. Dès son arrivée au Canada, elle fût adressée à la consultation psychiatrique pour des céphalées, des troubles de la concentration, et une hyperémotivité avec de brusques variations de l'humeur. À aucun moment elle ne fit mention de mauvais rêves; son sommeil était bon, disait-elle, sauf que régulièrement sa belle-soeur défunte venait, dans sa chambre, lui dire et lui faire des choses terribles. Il ne s'agissait ni d'un rêve, ni d'un cauchemar, mais bien d'une expérience vécue, puisqu'elle ne survenait pas pendant son sommeil, affirmait-elle. Devant la force de cette sensation, les catégories du sommeil et du rêve semblaient n'avoir aucune pertinence pour cette patiente; en effet, elle ne disait pas "je crois que", ni même "je vois ou je pense que", mais elle affirmait, avec conviction, que sa belle-soeur venait, était présente, et qu'elle agissait dans la pièce. Par contre, elle réfutait tout lien entre les visites de sa belle-soeur et les symptômes dont elle se plaignait. Pour ses proches aussi, deux réalités distinctes semblaient se juxtaposer: d'une part, les déboires nocturnes occasionnés par l'esprit de malemort (bien qu'eux-mêmes ne l'avait jamais rencontré), et d'autre part, une grande fatigue, un malaise général, et des modifications de son comportement: et si tous s'accordaient à la reconnaître comme malade, aucun ne laissait entendre que cette maladie fût causée par l'esprit de la belle-soeur. Aussi, l'énonciation par la patiente ou par ses proches d'une rencontre avec un "fantôme" ne nous semble pas traduire une cause, mais à ce stade une expérience.
lundi 12 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 16e partie
DISCUSSION
Tous les immigrants n'ont pas eu recours aux mêmes interprétations, certains ont parlé de mauvais rêves, puis de fantômes, pour traduire des expériences différentes et pourtant apparemment identiques pour le clinicien. L'expression même de ces interprétations semblait étroitement liée au contexte et pas seulement aux déterminants psychopathologiques du "malade", et dans tous les cas, il existait un concensus sur l'interprétation développée par les patients et les autres immigrants interrogés. Plusieurs caractéristiques de la "rencontre avec un fantôme" sont régulièrement apparues dans le discours des patients et dans celui de leurs proches. Il est apparu une nette distinction entre ce qui relevait du "retour des fantômes" et l'ensemble des signes cliniques que nous pouvions relever. En d'autres termes, la peur de devenir "fou", traduisant un changement de comportement ,n'était jamais imputée à une possession par l'esprit "revenant", ni à un effet quelconque de cette expérience; il n'a jamais été dit, par un malade, ou par un proche, que les troubles manifestés étaient causés par les "fantômes". L'interprétation selon laquelle un esprit "malfaisant" venait toutes les nuits, et parfois même le jour, ne se présentait pas comme un énoncé causal de la maladie, mais comme une expérience relevant d'un registre différent de celui de la 'maladie' pour laquelle les immigrants consultaient. Il convient encore de distinguer la peur de devenir fou exprimée par le patient qui constate un changement dans son comportement, de la désignation par le groupe qu'Untel est "possédé" par un esprit. Dans le premier cas, c'est le sujet qui craint de devenir fou, puisque c'est la seule explication qui rendrait compte des abérrations de son comportement sans lui imputer une responsabilité délibérée qu'il craint que le groupe lui accorde. Tandis que dans le deuxième cas, c'est le groupe qui considère qu'Untel est Bôcô (prêtre vodou), alors que le bôkô en question ne prétend qu'être possédé, et ne se considère nullement comme fou. Nous prendrons deux exemples pour éclairer ces faits.
Tous les immigrants n'ont pas eu recours aux mêmes interprétations, certains ont parlé de mauvais rêves, puis de fantômes, pour traduire des expériences différentes et pourtant apparemment identiques pour le clinicien. L'expression même de ces interprétations semblait étroitement liée au contexte et pas seulement aux déterminants psychopathologiques du "malade", et dans tous les cas, il existait un concensus sur l'interprétation développée par les patients et les autres immigrants interrogés. Plusieurs caractéristiques de la "rencontre avec un fantôme" sont régulièrement apparues dans le discours des patients et dans celui de leurs proches. Il est apparu une nette distinction entre ce qui relevait du "retour des fantômes" et l'ensemble des signes cliniques que nous pouvions relever. En d'autres termes, la peur de devenir "fou", traduisant un changement de comportement ,n'était jamais imputée à une possession par l'esprit "revenant", ni à un effet quelconque de cette expérience; il n'a jamais été dit, par un malade, ou par un proche, que les troubles manifestés étaient causés par les "fantômes". L'interprétation selon laquelle un esprit "malfaisant" venait toutes les nuits, et parfois même le jour, ne se présentait pas comme un énoncé causal de la maladie, mais comme une expérience relevant d'un registre différent de celui de la 'maladie' pour laquelle les immigrants consultaient. Il convient encore de distinguer la peur de devenir fou exprimée par le patient qui constate un changement dans son comportement, de la désignation par le groupe qu'Untel est "possédé" par un esprit. Dans le premier cas, c'est le sujet qui craint de devenir fou, puisque c'est la seule explication qui rendrait compte des abérrations de son comportement sans lui imputer une responsabilité délibérée qu'il craint que le groupe lui accorde. Tandis que dans le deuxième cas, c'est le groupe qui considère qu'Untel est Bôcô (prêtre vodou), alors que le bôkô en question ne prétend qu'être possédé, et ne se considère nullement comme fou. Nous prendrons deux exemples pour éclairer ces faits.
vendredi 9 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 16e partie
LES AUTRES SIGNES
On peut retrouver derrières ces formulations des traits caractéristiques des sociétés asiatiques comme par exemple, le souci de ne pas faire "perdre la face" à son interlocuteur, et l'attente que celui-ci se comporte pareillement pour ne pas perdre la face soi-même, qui s'associe au respect des aînés et des étrangers. Ces rapports entre aînés et cadets, ce souci de garder la face régissent l'établissement d'une relation sociale et sont hautement valorisés, tandis que l'inverse est péjorativement connoté et même réprimé. Celui qui manque à ces règles sociales est un déviant ou, si son comportement n'est pas intentionnel, c'est qu'il est "fou".
Derrière cette peur de perdre la face et l'angoisse de devenir fou il semble aisé au clinicien de retrouver les brusques accès de colère, les troubles de la concentration, le sentiment de devenir étranger aux autres et les réactions de sursauts exagérés qui caractérise le PTSD. Mais on comprend aussi que le contexte culturel donne à ces symptômes une résonance toute particulière et probablement "pathogène", tandis qu'il n'est pas certain que le retour des "fantômes" présente le caractère "pathogène" que l'on accorde aux cauchemars de répétition en Occident. En effet, il est probable que le "travail de la culture", pour reprendre le terme forgé par Arthur Kleinman, puisse permettre d'attribuer une signification non pathologique et peut-être même non pathogène à des cauchemars de répétition, par l'intermédiaire des représentations traditionnelles de la mort et des rites funéraires; tandis que pour les signes traduisant un changement de comportement fortement dévalorisé dans la société traditionnelle, les significations qui s'y attachent, ne correspondant pas à un état habituel de l'individu, ne favoriseraient pas la banalisation des symptômes.
Ces considérations sont probablement utiles aux cliniciens, et elles permettent, très certainement, d'améliorer la qualité de l'écoute transculturelle et de la thérapeutique qui en découle; toutefois, elles ne nous renseignement pas sur les conditions de production de ces interprétations dans une situation sociale précise.
On peut retrouver derrières ces formulations des traits caractéristiques des sociétés asiatiques comme par exemple, le souci de ne pas faire "perdre la face" à son interlocuteur, et l'attente que celui-ci se comporte pareillement pour ne pas perdre la face soi-même, qui s'associe au respect des aînés et des étrangers. Ces rapports entre aînés et cadets, ce souci de garder la face régissent l'établissement d'une relation sociale et sont hautement valorisés, tandis que l'inverse est péjorativement connoté et même réprimé. Celui qui manque à ces règles sociales est un déviant ou, si son comportement n'est pas intentionnel, c'est qu'il est "fou".
Derrière cette peur de perdre la face et l'angoisse de devenir fou il semble aisé au clinicien de retrouver les brusques accès de colère, les troubles de la concentration, le sentiment de devenir étranger aux autres et les réactions de sursauts exagérés qui caractérise le PTSD. Mais on comprend aussi que le contexte culturel donne à ces symptômes une résonance toute particulière et probablement "pathogène", tandis qu'il n'est pas certain que le retour des "fantômes" présente le caractère "pathogène" que l'on accorde aux cauchemars de répétition en Occident. En effet, il est probable que le "travail de la culture", pour reprendre le terme forgé par Arthur Kleinman, puisse permettre d'attribuer une signification non pathologique et peut-être même non pathogène à des cauchemars de répétition, par l'intermédiaire des représentations traditionnelles de la mort et des rites funéraires; tandis que pour les signes traduisant un changement de comportement fortement dévalorisé dans la société traditionnelle, les significations qui s'y attachent, ne correspondant pas à un état habituel de l'individu, ne favoriseraient pas la banalisation des symptômes.
Ces considérations sont probablement utiles aux cliniciens, et elles permettent, très certainement, d'améliorer la qualité de l'écoute transculturelle et de la thérapeutique qui en découle; toutefois, elles ne nous renseignement pas sur les conditions de production de ces interprétations dans une situation sociale précise.
mercredi 7 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 15e partie
Les autres signes
Les immigrants consultants essentiellement pour des troubles du comportement qu'ils jugeaient pathologiques comme les brusques accès de colère, les troubles de la concentration, l'hyperhémotivité, les sursauts exagérés....
Mais il est frappant de constater que de nombreux immigrants ont exprimé ces troubles du comportement sous la forme d'une peur angoissante de devenir fou. Ils remarquaient qu'ils n'étaient plus en mesure de se contrôler, qu'ils se mettaient fréquemment et violemment en colère pour des broutilles, qu'ils ne supportaient plus leurs enfants, ni les règles coutumières, et que leur souhait était de s'exclure de la collectivité (notamment asiatique). Un fort sentiment de honte était associé à ces manifestations, et seule leur "folie" pouvait expliquer qu'ils perdent ainsi la face, qu'ils ne parviennent plus à se concentrer, ou à avoir des relations sociales. Et même le simple fait de relater ces changements de comportements dans le cadre de l'entretien psychiatrique était péniblement vécu.
Les immigrants consultants essentiellement pour des troubles du comportement qu'ils jugeaient pathologiques comme les brusques accès de colère, les troubles de la concentration, l'hyperhémotivité, les sursauts exagérés....
Mais il est frappant de constater que de nombreux immigrants ont exprimé ces troubles du comportement sous la forme d'une peur angoissante de devenir fou. Ils remarquaient qu'ils n'étaient plus en mesure de se contrôler, qu'ils se mettaient fréquemment et violemment en colère pour des broutilles, qu'ils ne supportaient plus leurs enfants, ni les règles coutumières, et que leur souhait était de s'exclure de la collectivité (notamment asiatique). Un fort sentiment de honte était associé à ces manifestations, et seule leur "folie" pouvait expliquer qu'ils perdent ainsi la face, qu'ils ne parviennent plus à se concentrer, ou à avoir des relations sociales. Et même le simple fait de relater ces changements de comportements dans le cadre de l'entretien psychiatrique était péniblement vécu.
mardi 6 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 14e partie
Les cauchemars
Dans le DSM III, l'accent est mis sur l'aspect pénible de la réminiscence du souvenir traumatique qui s'accompagne d'un "sentiment de détresse" (DSM III). Or, rarement une telle détresse était présente chez les nouveaux immigrants. En effet, lorsque les cauchemars étaient présents, ils étaient rarement évoqués spontanément. Ce n'était que lorsque les patients étaient interrogés sur la qualité de leur sommeil que certains reconnaissaient en avoir fréquemment. Peu de nouveaux immigrants semblaient préoccupés par ces rêves, même lorsqu'ils leur reconnaissaient les caractéristiques d'un cauchemar, ou plus exactement d'un mauvais rêve.
En fait le plus souvent, les nouveaux immigrants ont exprimé, avec une certaine réticence, l'idée que des fantômes venaient les déranger la nuit. Ces fantômes représentaient généralement les esprits de parents, ou de proches, décédés sous leurs yeux ou encore qui n'avaient pu bénéficier des rituels funéraires appropriés. On reconnaîtra dans ces propos l'expression d'une conception qui se rencontre souvent chez les immigrants et qui fait appel à un fond commun chez eux où le rêve et la réalité sont perçus en étroite relation.
Il sembleraient donc que ces immigrants exprimaient leurs "angoisses" ou leurs "cauchemars" au moyen de représentations traditionnelles du pays concerné. Cependant, il y aurait un risque à réduire trop vite ce "retour de fantômes" à la simple catégories des cauchemars. En effet, ces patients ne présentaient pas ces "visites nocturnes" comme quelque chose de pathologique; au contraire, ils insistaient sur le caractère "normal" de cette expérience, qui selon eux ne constituait pas la raison de la consultation, puisqu'elle traduisait un rapport "d'évidence" entre la venue de fantômes ou d'esprits et l'absence de rite funéraire.
Dans le DSM III, l'accent est mis sur l'aspect pénible de la réminiscence du souvenir traumatique qui s'accompagne d'un "sentiment de détresse" (DSM III). Or, rarement une telle détresse était présente chez les nouveaux immigrants. En effet, lorsque les cauchemars étaient présents, ils étaient rarement évoqués spontanément. Ce n'était que lorsque les patients étaient interrogés sur la qualité de leur sommeil que certains reconnaissaient en avoir fréquemment. Peu de nouveaux immigrants semblaient préoccupés par ces rêves, même lorsqu'ils leur reconnaissaient les caractéristiques d'un cauchemar, ou plus exactement d'un mauvais rêve.
En fait le plus souvent, les nouveaux immigrants ont exprimé, avec une certaine réticence, l'idée que des fantômes venaient les déranger la nuit. Ces fantômes représentaient généralement les esprits de parents, ou de proches, décédés sous leurs yeux ou encore qui n'avaient pu bénéficier des rituels funéraires appropriés. On reconnaîtra dans ces propos l'expression d'une conception qui se rencontre souvent chez les immigrants et qui fait appel à un fond commun chez eux où le rêve et la réalité sont perçus en étroite relation.
Il sembleraient donc que ces immigrants exprimaient leurs "angoisses" ou leurs "cauchemars" au moyen de représentations traditionnelles du pays concerné. Cependant, il y aurait un risque à réduire trop vite ce "retour de fantômes" à la simple catégories des cauchemars. En effet, ces patients ne présentaient pas ces "visites nocturnes" comme quelque chose de pathologique; au contraire, ils insistaient sur le caractère "normal" de cette expérience, qui selon eux ne constituait pas la raison de la consultation, puisqu'elle traduisait un rapport "d'évidence" entre la venue de fantômes ou d'esprits et l'absence de rite funéraire.
lundi 5 décembre 2011
LA DÉTRESSE DES HOMMES - 13e partie
LE SENTIMENT DE DÉTRESSE
Le DSM III met en valeur cinq critères diagnostiques spécifiques de ce trouble. D'emblée il est important de noter que c'est le permier manuel qui définit le traumatisme parmi les critères diagnostiques, en se référant à des caractéristiques générales de l'événement, décrit comme "hors du commun", et surtout susceptible d'engendrer "des symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus et (qui) dépasse généralement le domaine des expériences communes, telles que le deuil, la maladie chronique, les mauvaises affaires ou les conflits conjugaux. Ainsi les catastrophes naturelles, ou causées par l'homme, les guerres et la torture peuvent conduire à ces troubles. Les quatre autres critères sont : 1) "l'événement traumatique est constamment revécu" : ce critère recouvre les cauchemars et les reviviscences diurnes. 2) "Évitement persitant des stimuli associés au traumatisme ou émoussement de la réactivité générale", 3) "Présence de symptômes persistants traduisant une hperactivité neurovégétative" : sursauts, colères...., 4) "la perturbation persiste au moins un mois".
Le DSM III met en valeur cinq critères diagnostiques spécifiques de ce trouble. D'emblée il est important de noter que c'est le permier manuel qui définit le traumatisme parmi les critères diagnostiques, en se référant à des caractéristiques générales de l'événement, décrit comme "hors du commun", et surtout susceptible d'engendrer "des symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus et (qui) dépasse généralement le domaine des expériences communes, telles que le deuil, la maladie chronique, les mauvaises affaires ou les conflits conjugaux. Ainsi les catastrophes naturelles, ou causées par l'homme, les guerres et la torture peuvent conduire à ces troubles. Les quatre autres critères sont : 1) "l'événement traumatique est constamment revécu" : ce critère recouvre les cauchemars et les reviviscences diurnes. 2) "Évitement persitant des stimuli associés au traumatisme ou émoussement de la réactivité générale", 3) "Présence de symptômes persistants traduisant une hperactivité neurovégétative" : sursauts, colères...., 4) "la perturbation persiste au moins un mois".
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