mardi 29 juin 2010

VIOLENCE DES JEUNES À L'ÉCOLE PRIMAIRE - 5e partie

Résultats

La participation aux activités du projet, de l’avis de tous, a permis des améliorations tangibles et observables. Des constats cliniques et la comparaison des réponses aux deux sondages (Meunier) supportent de telles conclusions.

Les enseignantes et les directions d’école soulignent une diminution du nombre et de la gravité des incidents de violence à l’école; les énergies des enfants semblent canalisées de façon positive. Les parents communiquent plus souvent avec la direction de l’école lorsqu’un enfant se dit victime de violence. Les enfants rapportent davantage les incidents d’intimidation. Ils disent se sentir plus en sécurité et ont hâte aux périodes du midi. Les enfants ciblés en raison de leurs comportements agressifs semblent avoir appris à mieux orienter leurs actions vers des buts plus constructifs et à établir des relations plus positives avec leurs pairs.

À la suite du projet, les propos des enseignantes manifestent une sensibilisation accrue aux situations d’intimidation; elles se disent plus actives et concernées. À l’école A, selon les enseignantes, l’intervention de médiation entre les enfants semble plus importante à la fin de l’année. Les parents expriment des opinions qui supportent la perception des enseignantes : celles-ci leur semblent davantage intervenir dans les situations d’intimidation, en particulier par la médiation. Les élèves, eux, n’observent aucun changement dans la réaction de leurs enseignements. Les élèves, aux dires des enseignantes de l’école B, sont plus actifs, en fin d’année, à trouver des moyens d’aider leurs pairs impliqués dans des situations d’intimidation. Selon les enseignantes des écoles A et C, ils déploient davantage de moyens permettant d’aider leurs paris et demandent de l’aide auprès d’un adulte. Les enfants, de leur côté, expriment des vues quelque peu modifiées suite au projet. Les signes d’ignorance des situations d’intimidation apparaissent moindres à l’école B, inchangés à l’école C, et plus grands à l’école A. Les réactions de fuite semblent moins nombreuses aux écoles B et A, et semblables à l’école C. Les manifestations de sympathie et d’aide semblent augmentées à l’école A, inchangées à l’école C, et moindres à l’école B.

Les agresseurs – les élèves qui intimident – présentent toujours, à la fin de l’année, les caractéristiques suivantes : ce sont surtout des garçons, même si les filles n’en sont pas exemptes, en particulier aux écoles A et C; ils sont plus vieux que leurs victimes et généralement du même niveau scolaire. Dans les trois écoles, le comportement auquel les enfants semblent plus sensibles est la moquerie : plaisanteries, railleries et sarcasmes, attributions de qualificatifs blessants, etc. Le cadre de ce comportement semble très souvent lié au peu de respect des caractéristiques personnelles (différences) chez les pairs. Le motif majeur derrière ce comportement semble le besoin de se singulariser par l’image et le pouvoir.

En fin d’année, les interventions des enseignantes semblent orientées tant auprès des enfants-agresseurs (surtout dans les écoles B et A) qu’auprès des enfants-victimes d’intimidation. Les parents et les enfants semblent percevoir davantage l’intervention des parents auprès des enfants-agresseurs. Selon les enfants, l’intervention des enseignantes et des parents auprès des enfants-victimes semble importante. À l’école B, l’intervention d’un ami auprès de l’enfant-victime l’est également. Les conseils prodigués aux enfants intimidés demeurent toujours, chez les enseignantes et chez les parents, de demander l’aide d’un adulte. Les enfants, eux, suggèrent avant tout de se protéger en s’éloignant des endroits où se trouvent les élèves qui intimident (agresseurs).


* à suivre *

lundi 28 juin 2010

VIOLENCE DES JEUNES À L'ÉCOLE PRIMAIRE - 4e partie

Le projet

Le projet proposait « d’élaborer, d’implanter et d’évaluer trois activités qui ont le potentiel d’avoir un impact sur le climat d’une école, en diminuant les incidents d’intimidation. Il s’agit de mesurer les bénéfices engendrés par chacune des trois activités suivantes : - une période les bénéfices engendrés par chacune des trois activités suivantes : - une période de loisirs structurée à l’heure du dîner, - la sensibilisation de tous les élèves de l’école au phénomène de l’intimidation et – l’intervention de groupe pour les élèves victimes et les élèves qui intimident (Décoste). Quatre étapes ont été suivies. La première fut de sélectionner des écoles où implanter le projet. Trois écoles primaires furent retenues pour leurs caractéristiques de relative homogénéité : elles offraient des classes de la maternelle à la huitième année, présentaient des effectifs étudiants entre 140 et 170 élèves, étaient situées à quelques kilomètres à l’est de la ville d’Ottawa; leurs milieux socio-économiques étaient caractérisés par la vie de banlieue, semi-urbaine, pour une population à majorité de race blanche et de revenus moyens. Dans les trois écoles, le personnel enseignant se disait prêt à accueillir le projet dans sa forme prévue. Les parents en ont été informés.

Puis vint la formation de comités de soutien : un comité consultatif qui chapeaute le projet et trois comités locaux école-communauté, permettant ainsi d’assurer le respect de la spécificité de chaque communauté scolaire. Des parents ont aussi accepté de siéger à ces comités; ils ont contribué à mieux faire connaître la culture de leur milieu et les modalités les plus propices à susciter la collaboration des parents. Ensuite, des organismes communautaires du milieu furent invités à apporter leur contribution au projet. Le Centre psychosocial pour enfants et familles ainsi que le Bureau des services à la jeunesse ont accepté de dispenser les activités de groupes-classes, pour les habiletés sociales et d’animer les groupes pour victimes et pour agresseurs.

Les activités offertes dans les écoles ont pris des formes diverses.

Deux sondages ont été menés : un premier en début d’exercice et un second, après les activités. Ces sondages, sous forme de courts questionnaires, s’enquéraient du climat de l’école, de la perception de l’intimidation et des réactions à celle-ci. Tous, directions, enseignantes, parents et enfants ont participé à des ateliers des sensibilisations aux incidents d’intimidation. Ces ateliers avaient pour but de les renseigner sur l’intimidation, sur ses formes et sur ses conséquences, et de développer certaines compétences afin de la prévenir et de mieux la gérer. En outre, des activités de loisirs à l’heure du midi ont été organisées dans chacune des écoles. Dans deux des trois écoles, des sessions de socialisation aux habiletés sociales de base ont été dispensées. Enfin, dans une école, des sessions de groupe d’entraide ont été organisées à l’intention d’enfants identifiés par le personnel de l’école comme, d’une part, des victimes d’intimidation et, d’autre part, des enfants agresseurs.


* à suivre *

dimanche 27 juin 2010

VIOLENCE DES JEUNES À L'ÉCOLE PRIMAIRE - 3e partie

La problématique de l’intimidation

La problématique de l’intimidation témoigne nécessairement de la qualité des rapports interpersonnels. Pour les besoins du projet élaboré, elle peut être décrite selon les composantes du tableau 1 : des observations ou manifestations de l’intimidation à l’école, des facteurs explicatifs (causes) de ces comportements, des conséquences appréhendées, et quelques formes d’intervention préconisées pour la corriger.

À l’école, plusieurs enfants souffrent de l’intimidation exercée par leurs pairs. Selon le sondage effectué auprès des enseignantes, des parents et des enfants des trois écoles impliquées dans le projet, « les enseignantes en observent sporadiquement, les parents (40%) disent en avoir des échos, les enfants (70%) disent la vivre. Environ 60% des groupes de chaque école estiment le sujet important, assez pour justifier un projet spécifique » (Meunier). La taquinerie mesquine, la moquerie sont des armes favorites pour l’intimidation, de même que diverses formes de rejet ou d’exclusion. Les conclusions de Simard, Champagne, Magassouba et Hébert vont dans le même sens, chez des jeunes du secondaire cette fois. Souvent un phénomène de groupe, autant chez les filles que chez les garçons mais sous des formes différentes, elle implique des enfants plus âgés s’imposant à de plus jeunes. Les enfants témoins de situations d’intimidation semblent impuissants et réagissent, en premier, en rapportant la situation à l’adulte, selon la consigne en usage. Les enseignantes ne semblent cependant pas à l’aise d’intervenir dans ces situations. Plusieurs (27.3%) estiment ne jamais avoir vu ou eu connaissance d’un élève de leur école se faire intimider par un ou des élèves. La réaction la plus courante est d’aider les élèves à trouver une solution après avoir arrêté le comportement de l’élève qui intimide (36%). En somme, la réponse première à l’intimidation semble être un effort de conciliation, ce qui cadre mal avec ses caractéristiques (un rapport de forces, non provoqué, répété).

Les enfants « expliquent la violence surtout par l’ennui » (Décoste). Les enseignantes la relient aux caractéristiques personnelles de la victime (différente, faible, handicapée…). L’explication première accordée au phénomène de l’intimidation évoque l’image de puissance que les agresseurs cultivent au détriment de leurs pairs. Beaumont notait déjà que « …les raisons pour lesquelles les jeunes ont recours à la violence sont (…) le manque de moyens pour s’exprimer, le manque de surveillance ou d’intervention de la part des adultes, de même que le manque d’activités organisées ». Lorsque requis de s’expliquer, les enfants parviennent mal à énoncer les motifs de leurs comportements (Meunier), faute de compréhension des interactions en cause et faute de mots pour les décrire.

Les agressions physiques et/ou psychologiques, les conflits ouverts, la désignation de boucs-émissaires, l’exclusion sont parmi les conséquences proximales de l’intimidation. La perte d’estime de soi, l’éloignement et le retrait des situations sociales normales en sont des conséquences à moyen terme. Et toute cette « dynamique de perdant » mène souvent sur la route du décrochage scolaire, de la délinquance et de l’exclusion sociale (Bouchard; Hébert; Côté; Simard, Champagne, Magassouba et Hébert).

Diverses formes d’intervention sont suggérées pour contrer l’intimidation des jeunes entre eux (voir Boulton), Smith et Levan, Craig et Pepler). Le projet Violence entre pairs – Solutions communautaires proposées « d’élaborer trois programmes, faciles à gérer et à modifier, qui cherchent à inciter l’empathie, la communication efficace et la collaboration » (Décoste). Pour ce, il propose aux enfants quelques habiletés sociales à travers les loisirs, durant la période du dîner, de sensibiliser tous les acteurs de l’école (direction, enseignantes, enfants, parents) aux diverses facettes de l’intimidation, de développer des groupes d’entraide pour les enfants victimes et les enfants agresseurs, les grandes lignes de ce projet sont ici présentées.



* à suivre *

samedi 26 juin 2010

VIOLENCE DES JEUNES À L'ÉCOLE PRIMAIRE - 2e partie

Pour reprendre Jean-Marc Meunier

L’intimidation

« Même si les autorités scolaires répètent aux élèves de ne pas intimider, il apparaît que ces dernières offrent peu de solutions pour éviter ou désamorcer les situations conflictuelles. Faute de ressources humaines, les écoles tentent de contrôler les comportements inacceptables en mettant en place des systèmes de conséquences punitives » (Décoste). En somme, la réaction de l’adulte est essentiellement de réprimander.

L’intimidation (le « bullying » pour les anglogphones) est décrite comme « une forme de comportement agressif où il y a une combinaison de pouvoir et d’agression » (Craig et Pepler). Boulton et Underwood, dans leur démarche d’étude, reprennent à leur compte la description d’Olweus :


Un enfant fait l’objet d’intimidation lorsque qu’un autre enfant, ou un groupe
d’enfants, lui disent des choses déplaisantes ou désagréables. C’est aussi de
l’intimidation lorsqu’un enfant est frappé, reçoit des coups, est menacé, est
enfermé dans une salle, reçoit des écrits méchants, est envoyé promener, et
toutes les choses du genre. Ces choses peuvent se produire souvent et il est
difficile à l’enfant de se défendre. C’est aussi de l’intimidation lorsqu’un
enfant est taquiné souvent et de façon déplaisante. Ce n’est pas de
l’intimidation lorsque deux enfants de force à peu près égale se querellent ou
se battent.


Plusieurs auteurs s’en tiennent à la description de Smith et Thompson :


(…) l’intimidation peut être perçue comme un sous-produit du comportement
agressif. À l’instar de tout comportement agressif, l’intimidation impose une
blessure à la victime. Cette blessure peut tout autant être physique ou
psychologique. Trois critères peuvent en outre caractériser l’intimidation :
elle est non provoquée, elle est répétée, et l’agresseur est ou est perçu plus
fort que sa victime (dans Boulton et Underwood).

Craig et Pepler parlent de violence physique à l’égard d’un plus faible ou d’un plus petit autant que de violence psychologique par isolement social et par exclusion. De façon générale, l’intimidation est plus souvent rapportée par des plus jeunes; elle l’est moins chez les adolescents, quoique aussi présente (Simard, Champagne, Magassouba et Hébert). Bref, l’intimidation peut être vue comme la résultante de rapports de pouvoir ou de domination entre deux ou plusieurs individus, exprimée par un discours, des attitudes et des comportements systématiques de dévalorisation et d’attaque (DeAauriers; DeAauriers et Meunier).

La problématique de l’intimidation, comme celle de la violence, est encore mal connue. Des travaux sur le sujet ont été initiés en Norvège par Olweus. D’autres auteurs, comme Boulton, Boulton et Underwood, Cullingford et Morrison, Smith et Levan les ont poursuivis. Au Canada, à Toronto en particulier, Craig et Pepler et leurs collaborateurs sont des pionniers dans ce domaine.


* à suivre *

vendredi 25 juin 2010

VIOLENCE DES JEUNES À L'ÉCOLE PRIMAIRE - 1e partie

De nos jours, très rares sont les écoles exemptes des affres de la violence interpersonnelle. Elles ont à enrayer une tendance très forte des jeunes à imiter les rapports de pouvoir observés chez leurs aînés où le contrôle sur l’autre, imposé par la force physique ou morale, semble profitable. Un enfant sur cinq, et parfois davantage, dès l’école primaire, dit avoir été victime de violence (Craig et Pepler; Meunier). Certains, à l’exemple de Godin, la qualifient de « petite violence » : jambettes, bousculades, chicanes, paroles blessantes, grossièretés, impolitesses….Plusieurs ne remarquent que les comportements de violence physique (coups et blessures, objet lancé, jambettes, bousculades…). Mais, peu à peu, les adultes portent attention aux autres formes de violence, la violence psychologique, émotionnelle, économique, dans leurs formes multiples telles que l’intimidation, la mesquinerie, la manipulation malveillante, la dévalorisation (injures, calomnies, médisances), le sexisme, les menaces, l’exploitation, l’extorsion (le « taxage »)…

Le conseil des écoles catholiques de langue française du Centre-Est d’Ottawa «s’était engagé à développer des moyens pour réduire les incidents d’intimidation dans les écoles » (Décoste). Dans cet esprit, il a supporté la mise sur pied d’un projet-pilote intitulé Violence entre les pairs – Solution communautaire. Ce projet visait deux objectifs principaux : « évaluer deux approches, soit outiller tous les élèves les plus vulnérables et sur les élèves avec des comportements agressifs (et) démontrer comment le déploiement d’activités récréatives structurées et supervisées lors de la période de loisir et diminuer les incidents d’intimidation » (Décoste). La base de la démarche est la concertation entre personnel de l’école, parents, enfants et organismes communautaires.

Cet article présente ce projet et discute de ses résultats. Il s’inspire notamment des écrits de Décoste et de Meunier sur le sujet. En premier, la notion d’intimidation est abordée et sa problématique décrite. Puis, le projet est décrit dans ses principales composantes. Ensuite, quelques résultats sont abordés et discutés, quelques leçons pratiques sont énoncées. La conclusion souligne l’importance de telles initiatives.


* à suivre *

mercredi 23 juin 2010

THÉRAPIE CONJUGALE, POURQUOI FAIRE? 7e partie

Couple « volatile »


Chez le couple volatile, les séances conjointes produisent habituellement une plus grande désorganisation ou une plus grande agressivité qu’auparavant. La violence conjugale augmente. Dans de tels cas, aucun des membres du couple ne peut agir comme dépositaire des émotions pour l’autre, bien qu’il n’y ait pas d’alliance de travail possible avec le thérapeute. Si l’un et l’autre veulent que le thérapeute serve de dépositaire des émotions, l’un ne peut souffrir de le partager avec l’autre. Chaque conjoint est handicapé à un degré plus ou moins élevé dans son milieu de travail. Dans le meilleur des cas, ils ne donnent pas toute leur mesure; au pire, ils offrent un rendement irrégulier tant au travail qu’au foyer. Leurs relations sociales sont superficielles et presque inexistantes, leur vie est terne, leurs enfants – ou du moins certains d’entre eux – sont symptomatiques. Dans cette perspective, si on leur recommande une thérapie individuelle, c’est rare qu’ils l’acceptent. Ils ont trop peur d’une relation intime avec le thérapeute. Parfois un des deux poursuivra cette thérapie. Chez ces clients, les déficits du soi étant très profonds, leurs problèmes d’intimité ne peuvent être soulevés. Le mieux que le thérapeute puisse faire pour le partenaire qui accepte une thérapie individuelle, c’est d’agir comme dépositaire des émotions pour le partenaire qui est le plus prédisposé à la fragmentation. On évitera ainsi les situations où les relations déclenchent de tels sentiments. Éventuellement, on espère qu’avec le temps, le client pourra reprendre graduellement le rôle de « réservoir émotionnel » qu’il avait conféré au thérapeute. Le pronostic pour atteindre ce but est établi sous toute réserve.

CONCLUSION

Quoique la théorie systémique ait produit un inestimable paradigme de changements pour comprendre les relations humaines, elle présente certaines limites. Une des limites importantes est celle de comprendre l’importance de l’individu dans le système. Pour un intervenant conjugale ou individuel, l’approche thérapeutique ne doit pas être systémique ni psychodynamique. Une intégration des deux est nécessaire. Il faut toujours penser aux deux niveaux, au niveau du système et au niveau de l’individu. Cinq différents types de patterns ont été présentés où il est recommandé de passer d’une thérapie conjugale à une thérapie individuelle. La flexibilité du clinicien est l’élément-clé dans ces cas.

mardi 22 juin 2010

THÉRAPIE CONJUGALE, POURQUOI FAIRE? 6e partie

Ambivalence chronique

Le couple ou un des conjoints, habituellement l’époux, ne peut pas décider s’il veut se séparer ou non. Il déménage plusieurs fois mais, une fois déménagé, le sentiment de solitude, de vide et parfois d’angoisse le prend et il ne peut pas rester séparé et revient à la maison. Même s’il a une autre liaison à l’extérieur du mariage, il ne peut pas quitter le conjoint et revient continuellement.

Il s’agit, dans ces couples, d’un problème narcissique important (Braverman). L’individu cherche l’autonomie à tout prix, mais il est incapable de vivre hors d’un état de fusion continu. Il blâme le conjoint de ne pas combler ses besoins, mais ses besoins d’admiration et de domination sont si grands qu’ils ne peuvent être comblés. Dans des cas semblables, on peut commencer en thérapie conjugale, mais lorsque le conjoint a quitté le foyer deux fois et insiste qu’il tient à sauver le mariage, c’est le temps de passer à une thérapie individuelle. Le conjoint qui tolère ce rejet ambivalent a aussi besoin d’être référé en thérapie individuelle.

Détérioration graduelle

La thérapie individuelle est prescrite dans les cas où la thérapie de couple se déroule bien, où le couple et le thérapeute travaillent bien ensemble mais où, sans raison apparente, on remarque une détérioration graduelle de la relation conjugale et de la thérapie. On note plus de récriminations durant les séances et le couple semble dans un état plus lamentable après les séances. Même les voir individuellement une ou deux fois ne permet pas de découvrir un autre problème caché.

Habituellement, ces personnes fonctionnent relativement bien dans leur travail et dans leur vie sociale. Leurs enfants ne sont pas symptomatiques; il n’y a ni symptômes physiques ni deuils récents. La cause de la détérioration de la thérapie de couple demeure toujours une énigme.

Dans de tels cas, il semble y avoir un attachement ambivalent non résolu à la famille d’origine. Cet attachement a été réactivé durant la thérapie de couple lors de la relation de chacun des conjoints avec le thérapeute. La peur de la fragmentation du soi chez chaque partenaire est si bien cachée que le thérapeute peut l’ignorer. La menace archaïque de désintégration est inconsciente; le mécanisme psychodynamique en rapport avec les deux conjoints et avec le thérapeute est semblable à celui décrit par Lansky dans le cas des couples qui se blâment mutuellement.

La honte de chacun face à ses carences affectives et à la fragilité du soi ne peut être abordée en thérapie conjointe. Chaque conjoint a besoin d’une relation exclusive avec un thérapeute pour aborder ces interruptions développementales. Plus la honte de ses propres déficits est grande, plus rapidement la thérapie de couple s’effondrera. Pour ces raisons, la thérapie individuelle est indiquée pour chaque partenaire.



* à suivre *

lundi 21 juin 2010

THÉRAPIE CONJUGALE, POURQUOI FAIRE? 5e partie

Un partenaire reste symptomatique

Une thérapie individuelle est aussi indiquée quand le suivi d’une thérapie de couple a apporté une amélioration à la relation de couple, mais que l’un des partenaires présente plusieurs symptômes souvent psychosomatiques – soit un manque d’énergie, une vie sociale inexistante excluant celle de la famille. De plus, un ou plusieurs enfants peuvent devenir symptomatiques à un degré plus ou moins élevé. Lorsqu’une plus grande pathologie est évidente chez un conjoint, elle ne peut être abordée si la relation entre les deux partenaires n’est pas sensiblement améliorée. Il arrive que les deux conjoints soient vulnérables au début de la thérapie de couple, mais que l’un d’eux démontre qu’il peut utiliser le thérapeute comme dépositaire de ses émotions et qu’il est bien moins prédisposé à la fragmentation que son partenaire. Il peut donc mieux maîtriser la désorganisation de son partenaire.

Lorsque la relation de couple s’est améliorée au point où les deux partenaires reconnaissent un réel changement dans leur relation, le thérapeute doit prendre l’initiative de discuter d’une thérapie plus poussée. Si aucun des conjoints n’aborde le sujet, le thérapeute doit parler de thérapie individuelle en soulignant les points qui sont encore des causes de souffrance et d’inconfort pour le conjoint symptomatique. Le thérapeute peut suggérer la thérapie en tenant compte de la qualité des changements dans la relation de couple et aussi s’assurer du moment opportun pour parler des aspects douloureux de la vie du partenaire symptomatique. Dans le domaine de la psychologie du soi, le thérapeute sert de fonction de réflexion (mirroring) pour le développement des capacités relationnelles du couple, et s’offre comme dépositaire des émotions pour le partenaire qui est le plus prédisposé à la fragmentation.

Cette approche est différente de l’approche systémique habituelle dans laquelle la causalité est considérée comme circulaire. Ici, la plus grande pathologie se retrouve clairement chez un des partenaires, et la responsabilité d’y faire face revient tout d’abord à cet individu. Il existe une différence entre le blâme et la responsabilité. Le thérapeute ne blâme pas le conjoint qui est plus pathologique mais il l’oblige à faire face à sa situation et à prendre les moyens nécessaires pour y remédier. Dans ce cas, il est préférable de suggérer une thérapie de soutien pour le conjoint – soit en thérapie de groupe ou en thérapie individuelle – puisqu’il a tendance à être plus vulnérable que les conjoints dont il est fait mention plus haut, qui manifestent un désir de croissance personnelle.


* à suivre *

samedi 19 juin 2010

THÉRAPIE CONJUGALE, POURQUOI FAIRE? 4e partie

DE LA THÉRAPIE DE COUPLE À LA THÉRAPIE INDIVIDUELLE

L’auteure a remarqué que plusieurs patterns se répètent dans la thérapie de couple qui sont des signes indiquant qu’il est temps de passer à la thérapie individuelle. Je commencerai par les plus sains pour arriver aux plus perturbés.

Désir de croissance personnelle

Le couple a profité d’une thérapie conjointe où il y a un membre dominant et un autre soumis. Les individus ont pu établir une bonne alliance thérapeutique avec le thérapeute. Ils ont pu améliorer la qualité de leurs interactions et ont acquis une certaine compréhension de la position de domination – soumission dans leur mariage. Grâce à la thérapie conjointe, le partenaire dominateur est devenu moins autoritaire, le partenaire soumis a acquis plus d’assurance et fait preuve d’initiative dans plusieurs aspects de la vie de couple. En général, ces personnes maintiennent un bon rendement au travail, ont de bonnes relations sociales et des enfants qui ne posent pas de problème.

Dans ce cas, lorsque la relation de couple s’améliore, à un certain moment de la thérapie conjointe, un des partenaires tend à parler de plus en plus de lui-même ou d’elle-même. Souvent, les sujets abordés n’ont rien à voir avec le conjoint. Dans bien des cas, il s’agit de relations difficiles avec les membres de sa famille d’origine ou de difficultés qu’il ou elle éprouve à prendre les décisions ou à tolérer le changement, etc. Arrivé à cette étape de relation, le conjoint parle de moins en moins et semble moins intéressé à participer à la discussion. Il a une attitude d’ennui et de repli sur lui-même

C’est à ce moment qu’il faut suggérer une thérapie individuelle au membre qui est le plus loquace. La thérapie individuelle devait viser à aider l’individu à développer les phases d’idéalisation et de réflexion (miroir) (Kohut) dans la relation avec le thérapeute. En s’identifiant graduellement avec le thérapeute, le soi du client est renforcé et la peur de désintégration d’une relation intime tend à disparaître.

Il faut toutefois explorer le choc que subira le conjoint. Si ce dernier est d’accord avec la thérapie individuelle pour son partenaire, le thérapeute doit avertir les deux partenaires au moment opportun que si l’un des conjoints devenait inconfortable dans sa relation de couple, le thérapeute accepterait à ce moment de les recevoir ensemble pour une seule séance. Cette séance conjointe aura pour but de décider si le couple avait tout simplement besoin de soutien pour tolérer le changement susceptible de survenir dans sa relation, ou si la thérapie individuelle pour l’autre conjoint était nécessaire. Puisque les deux conjoints connaissent le thérapeute et ont confiance en lui, et qu’ils avaient déjà constaté certains changements positifs dans leur relation de couple, cette approche ne devrait pas générer de l’anxiété.

Cependant, si un des membres décide de poursuivre une thérapie individuelle avec le thérapeute, il est important d’informer le couple que ce dernier ne pourra plus leur offrir une thérapie de couple. Il en est de même pour une thérapie de couple. Il en est de même pour une thérapie individuelle pour l’autre conjoint, même si celui-ci en fait la demande. Toutefois, ceci n’empêche aucunement la tenue d’une séance de couple en cas de crise. De plus, il est important de prendre le temps nécessaire pour en discuter avec les deux partenaires. S’ils acceptent que l’un d’entre eux suive une thérapie individuelle avec le thérapeute, il faut absolument éviter que l’autre conjoint ait un sentiment de rejet ou d’acting out par la suite.


* à suivre *

jeudi 17 juin 2010

THÉRAPIE CONJUGALE, POURQUOI FAIRE? 3e partie

THÉORIES PSYCHANALYTIQUES

Les théories psychanalytiques basées sur les relations humaines plutôt que sur les instincts nous permettent de bien comprendre l’individu dans le contexte de sa famille. Ces théories offrent des ponts valables entre les théories psychodynamiques et la théorie des systèmes. Samuel Slipp, David et Jill Scharff ont essayé d’intégrer la théorie de la relation d’objet avec la thérapie de la relation d’objet avec la thérapie de couple et de famille. Une autre théorie relationnelle psychodynamique, la psychologie du soi (Kohut), apporte une dimension différente au niveau du développement de l’individu et augmente davantage cette intégration. Elle est particulièrement utile avec les couples et les familles où certains individus souffrent de troubles narcissiques.

D’où vient l’instabilité du soi typique aux individus typique aux individus qui ont peur de l’intimité? Au cours de leur développement, la proximité émotionnelle leur a apporté beaucoup de peine et un sentiment de menace du soi (Lansky). Ils se protègent, soit en niant toute différence entre eux-mêmes et les autres, soit en érigeant des obstacles énormes entre eux et les autres (Scharff et Scharff). Ils ont un niveau de différentiation de soi assez bas. Par conséquent, ils développent une tendance à se perdre dans une relation ou à se tenir à l’écart. Habituellement, ils sont amenés à consulter par le conjoint.

Même dans les mariages non perturbés, on retrouve une complémentarité conjugale. Les thérapeutes savent qu’un individu ne peut pas avoir une relation conjugale à long terme avec quelqu’un qui diffère grandement de lui en maturité et en structure psychique (Giovacchini; Dicks; Bowen). Christopher Dare, un thérapeute britannique, dit : « Ce qui se passe dans un mariage doit être compris comme une expression des aspects fondamentaux de chacun des partenaires. Les concepts psychanalytiques – comme l’inconscient, la collusion (complicité inconsciente), l’identification projective – nous ont aidés à comprendre que dans un système (en faisant référence plutôt au système conjoint), les individus ont l’air d’être différents l’un de l’autre à la surface mais, en profondeur, chacun porte un aspect de l’identité de l’autre (i.e. les objets internes, les différentes identités qui font partie de la structure psychique de l’individu) (Dicks; Zinner; Willi). Néanmoins, les deux membres d’un couple ne sont pas identiques et, malgré leur similitude intérieure, chacun possède une gamme de capacités relationnelles qui lui est propre. C’est exactement sur cette différence relationnelle que le thérapeute du couple doit porter son attention.


* à suivre *

mercredi 16 juin 2010

THÉRAPIE CONJUGALE, POURQUOI FAIRE? 2e partie

L’INTIMITÉ

L’intimité est caractérisée par la capacité d’être proche émotionnellement d’une autre personne. Elle se développe dans un contexte relationnel. Pour comprendre comment se développe la capacité d’intimité, il faut bien comprendre l’expérience intrapsychique que l’enfant a eu à vivre avec ses premiers gardiens dans sa famille d’origine. Au cours de sa vie, l’individu répète dans d’autres relations les conflits et les lacunes qui sont jusqu’à un certain point les conséquences de cette expérience. Plus intime est la relation, plus grande est la probabilité que ces conflits et lacunes soient répétés. Quand un couple se plaint d’un manque de communication, c’est une autre manière de se plaindre d’un manque d’intimité.

Les thérapeutes systémiques ont essayé de résoudre les problèmes d’intimité en aidant les couples à créer entre eux une distance interpersonnelle qui peut être acceptable (Freeman; Todd; Jacobson et Holtzworth-Munroe; Goldberg). C’est un moyen adéquat et même approprié dans une thérapie de couple, malgré les limites de croissance qui se posent. Dans le cas où l’un des deux partenaires du couple vise une croissance personnelle, il faut faire appel à une thérapie individuelle.


* à suivre *

mardi 15 juin 2010

THÉRAPIE CONJUGALE, POURQUOI FAIRE? 1e partie

INTRODUCTION

La thérapie conjugale a été développée par des psychanalystes qui ont axé leurs études et leurs interventions sur les individus dans le couple (Bergler; Greene; Grunebaum et Christ; Martin). Ils n’ont pas prêté attention au mariage comme tel. Dans les années soixante et soixante-dix, la thérapie conjugale est passée du domaine des psychanalystes et des psychiatres à celui des travailleurs sociaux à cause de leur fonction de soutien et de protection des familles. La théorie des systèmes a alors eu des répercussions profondes sur le travail avec des familles. Peu à peu, la thérapie conjugale est également devenue plus systémique : c’était l’approche préférée de l’American Association for Marriage and Family Therapy et aussi des Écoles de service social à Montréal, comme l’université McGill et l’Université de Montréal. L’accent est passé de l’individu au système. Des travailleurs sociaux en milieu universitaire, dans les agences et les hôpitaux. Shirley Braverman estime que les intervenants sociaux ont perdu de vue l’individu dans le système à cause de leur accent sur la pensée systémique.

La documentation des années quatre-vingt a clarifié l’approche systémique et a décrit différents modèles de thérapie conjugale. La plupart étaient basés sur les concepts psychodynamiques et systémiques (Freeman; Jacobson et Gurman; Weeks; Paolino et McGrady). Ces auteurs essayaient d’intégrer les modèles (Braverman). Néanmoins, il existait une lacune pour les cliniciens : aucun schéma ne pouvait clarifier le moment de passer de la thérapie conjugale à une thérapie individuelle. Ayant l’expérience avec plusieurs étudiants où leurs cas cliniques ont abandonné la thérapie de couple subitement, l’auteure a décidé d’étudier ces cas pour voir où était le point tournant. Pourquoi la supervision n’a-t-elle pas été capable de mettre le doigt sur le mécontentement des clients vis-à-vis la thérapie? Souvent, les étudiants savaient qu’ils ou elles tournaient en rond, mais ne savaient pas comment s’en sortir. Après avoir étudié plusieurs cas de personnes qui ont quitté la thérapie de façon inattendue, l’auteure s’est rendu compte que les cas où les gens avaient une peur de l’intimité, sous-jacente aux problèmes présentés, étaient ceux qui abandonnaient la thérapie subitement.

Cette connaissance a donné naissance à la thèse proposée dans cet article : que les problèmes d’intimité sont mieux traités dans une thérapie individuelle que dans une thérapie conjugale systémique.

Comment savoir quand c’est le moment de passer du conjugal à l’individuel? Pour traiter de ce thème, l’article décrira d’abord les caractéristiques de l’intimité ainsi que la manière dont elle se développe chez l’enfant, selon les théories psychanalytiques relationnelles. Il y aura ensuite une description de cinq patterns différents qui sont des signes indiquant, selon cette étude, qu’il est temps de passer à la thérapie individuelle. La conclusion affirmera le point de vue de l’auteure selon lequel, pour les intervenants sociaux, l’approche thérapeutique ne doit être ni systémique ni psychodynamique mais qu’une intégration des deux est nécessaire.


* à suivre *

lundi 14 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 11e partie

La pertinence de la prise en compte de la socialisation de genre selon le mode de la masculinité traditionnelle dans l’explication des comportements des hommes.

Pleck explique que la distance des hommes face au monde affectif les amène à vivre leurs émotions par procuration, en remettant aux femmes cette responsabilité. Le corollaire de ce constat est l’isolement affectif des hommes souvent mentionné dans les men’s studies : les hommes ont peu d’amis et ont des liens de type instrumental avec les autres hommes, la masculinité traditionnelle prescrivant une distance affective émotionnelle entre eux. Cet isolement affectif constitue l’une des conséquences de ce que Pleck a appelé la contrainte du rôle de genre (gendre role strain).

Cet auteur met l’accent sur les problèmes que posent pour les hommes la conformité aux normes de rôle de genre : il s’agit, selon lui, d’une contrainte, source de tension (strain).

Ainsi, la non-conformité aux normes prescrites socialement entraîne non seulement des punitions, mais certaines caractéristiques prescrites par les normes du rôle de genre sont psychologiquement dysfonctionnelles : ainsi, l’autonomie à tout prix – une valeur considérée comme centrale dans la masculinité – a pour conséquence l’isolement affectif.

Nécessité et pertinence de donner la parole aux hommes dans les recherches les concernant.

Cette analyse tend donc à démontrer qu’il est pertinent de mettre au centre des recherches concernant l’aide de l’intervention auprès des hommes leur propre perception de leur expérience dans leur rapport à l’aide formelle.

Pour ce faire, et compte tenu du peu de recherches actuellement disponibles au Québec sur l’expérience des hommes en thérapie, nous croyons en la pertinence de la recherche qualitative comme « étude du sens de l’action » des sujets de la recherche. En effet, comme le soulignent Deslauriers et Kérisit, la recherche qualitative permet de découvrir le sens que donnent les sujets en les mettant à contribution dans la construction théorique issue de leur participation : découvrir le sens de l’action des sujets.

C’est ainsi que nous avons pu identifier plus de 12 attributs caractérisant les propos des répondants sur leur motivation extrinsèque reliée à la conjointe, en plus des attributs reliés aux autres personnes significatives (collègues de travail et amis) amis que nous n’avons pas présentés ici. Il s’agit : d’agressions contre la conjointe et/ou les enfants; de conflits de couple; de tension conjugale ou familiale; de perte de contrôle; rupture; de violence verbale; d’ultimatum de la conjointe; de dénonciation de la conjointe; de récupération de la conjointe; de persuasion de la conjointe; de perte de la garde de l’enfant; de conseil de la conjointe et de peur de ses propres agressions.

dimanche 13 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 10e partie

La pertinence d’offrir un accueil respectueux au client masculin

Un accueil respectueux est d’une importance capitale pour des clients réfractaires et dont la motivation à aller en thérapie est extérieure à soi. Certains répondants ont témoigné d’un accueil non seulement bien structuré, souvent même chaleureux. Cette expérience relationnelle agit sur certains comme un accélérateur vers l’appropriation de leur démarche. Presque tous les répondants se sont dits à la fois surpris et satisfaits de l’accueil reçu. D’autres disent avoir apprécié le fait de recevoir, dès ces premières rencontres, des pistes d’action orientées sur l’arrêt immédiat de l’agir violent.

Avant cette étape, ces hommes ont une motivation extrinsèque : ils cherchent à convaincre la conjointe ou l’entourage soit de leur innocence, soit de leur bonne volonté.

À l’étape de l’accueil, l’amorce d’une motivation intrinsèque peut se mettre en place : les répondants en arrivent à comprendre que certains de leurs comportements (crier, contrôler, lancer des objets, etc.) constituent de la violence. Ils en arrivent par la suite à vouloir changer d’abord pour eux-mêmes, - changer pour être mieux avec soi-même, au lieu de vouloir changer l’autre.

Cette façon d’aider à travers l’accueil respectueux et sans jugement rejoint les principes de relation d’aide en face à face, suggérés par Mucchielli. Selon cet auteur, en effet, lors de l’entretien d’aide en face à face, l’aidant facilite l’expression en écoutant et en observant d’abord l’aidé : en créant ainsi une relation de confiance et de sécurité, l’aidé en arrive à mieux se comprendre.


* à suivre *

samedi 12 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 9e partie

Lors de l’accueil, travailler sur l’appropriation de la demande d’aide

Cette analyse démontre clairement que les hommes qui participent à des programmes de thérapie pour violence conjugale ont une motivation extrinsèque : ce qui se distingue considérablement de la clientèle habituellement personnellement motivée à entrer en psychothérapie :

La motivation est considérée à bon droit par tous les auteurs comme le critère le plus décisif d’indication d’une psychothérapie. Il est facile de concevoir qu’un motif sérieux existe ou puisse être éveillé chez un consultant (client), avant tout engagement thérapeutique. Ce motif, c’est la souffrance éprouvée par le consultant qui le suscite. (Thibaudeau).

Ainsi, lors de la prise de contact et l’entrée en thérapie, on peut suggérer que le client masculin ou bien n’est pas suggéré que le client masculin ou bien n’est pas conscient de sa souffrance, ou bien ne l’exprime pas explicitement.

On constate que les clients ayant une plus grande expérience thérapeutique ont une vision rétrospective plus précise et plus réaliste de leurs motivations d’entreprendre une démarche : certains décrivent même assez bien la période déni dans laquelle ils se rappellent être passés. Il s’agit là de l’appropriation de la démarche d’aide, c’est-à-dire du passage de la décision de faire une démarche pour l’autre à la décision de la faire pour soi. L’appropriation par le client de sa démarche de changement est la mutation qui se produit chez le client quant à son niveau de motivation. Ainsi, l’appropriation est le passage de la contrainte à aller en thérapie, donc d’une motivation extrinsèque, à une motivation plus intrinsèque, c’est-à-dire que l’objectif du client n’est plus de convaincre un système extérieur ou son environnement affectif (conjointe, famille…) mais d’entreprendre un changement pour lui-même.

Le processus d’appropriation comprend la reconnaissance que le client vit un problème, qu’il désire changer quelque chose à sa situation et qu’il doit entreprendre des actions pour que ce changement s’opère.


* à suivre *

jeudi 10 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 8e partie

Conclusion

La place centrale de la conjointe dans la décision d’entreprendre une démarche d’aide

Les présents résultats semblent appuyer les résultats de recherches récentes dans la littérature québécoise, notamment des travaux de Rondeau, Gauvin et Dankwort (1989) qui, dans une enquête auprès des intervenants des seize programmes québécois d’aide pour conjoints violents, identifiaient que le principal motif de participants à ces programmes, selon ces intervenants, était la perte ou la peur de perdre sa conjointe (départ, rupture, etc.).

Dans une étude plus récente portant sur la persévérance en traitement de 961 hommes ayant sollicité de l’aide auprès de huit organismes communautaires pour conjoints violents, Rondeau, Brochu, Lemire et Brodeau ont mesuré à l’aide de questionnaires les variables influençant « l’entrée en traitement » des clients masculins en violence conjugale. Les résultats des données quantitatives de cette étude démontrent que 78.6% des répondants ont déclaré que leur décision d’entrer en thérapie a été influencée par la pression de leur conjointe (menace de rupture).

Les résultats de notre analyse tendent à confirmer tout d’abord à quel point la motivation des clients, au début de leur démarche, est extérieure à eux : ils viennent en thérapie à la suite d’une crise, le plus souvent suivant le départ réel ou anticipé de la conjointe.

La littérature scientifique démontre d’ailleurs que la violence apparaît ou s’accentue lorsque la relation est compromise :


Une grande partie de la violence masculine se produit au cours du processus
d’une rupture appréhendée ou réelle d’une relation significative. (Dutton,
Saunders, Starzomski et Bartholomew).


Il est important de rappeler que 21 des 40 répondants vivaient une rupture d’union au moment de l’entrevue. Mais ce que ces résultats tendent surtout à illustrer, grâce à l’analyse du vécu des clients, ce sont les obstacles à l’appropriation de la démarche de changement rencontrés par ces hommes. Examinons certaines de ces entraves.

mercredi 9 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 7e partie

Les motifs des clients en postprogramme : une évaluation rétrospective plus précise de la période avant la responsabilisation.

Il est significatif de remarquer qu’aucun participant en violence conjugale ayant terminé sa thérapie n’explique rétrospectivement sa motivation à entreprendre une démarche d’aide par l’attribut tension : la plupart parlant de leurs agressions (8/13), les autres se répartissant autour de thèmes plus précis comme : peur de ses agressions, perte de la garde de son enfant, conseil de la conjointe ou la récupérer.

Soulignons par ailleurs le témoignage de ces deux clients ayant qualifié leur motif premier de demander de l’aide de convaincre ou récupérer la conjointe; il s’agit ici de cas typiques de reconnaissance ou d’admission de l’étape du déni par lequel ces sujets alors en postthérapie se rappellent être passés :


Ça faisait depuis au moins un an qu’on parlait de faire une thérapie, mais je me
disais que c’était pas moi qui était violent. C’était les autres qui me
provoquaient. Pour moi, j’avais pas à faire de thérapie. Si moi, je vais en
faire une, les autres aussi. Quand j’ai appelé à (l’organisme), c’était pour
leur prouver que c’était pas moi qui était violent, tout simplement. J’étais
tranquille et on ne faisait que me provoquer.

Voici quelques cas où les répondants en démarche postprogramme identifient clairement non seulement leur responsabilité face à la violence mais également définissent les effets de cette violence sur eux-mêmes et/ou sur leur entourage :


Ça faisait plusieurs fois chez moi que la vie était pas très intéressante,
quelquefois moi et ma femme on se chicanait. Il y avait des disputes très
sévères (…) il y avait des disputes très sévères (…) il y avait des paroles
verbales qui font de la peine, à ma femme et à moi aussi par la suite. Quand je
me rappelais ce que je venais de faire ou ce que je venais de dire, tu vis pas
bien avec çà. Les années se sont accumulées comme ça pis à un moment donné, je
suis venu tanné de ça.


Moi puis mon épouse on se pognait tout le temps, souvent. C’était beaucoup de
moi – c’était beaucoup de violence psychologique. J’étais très bon à ça (…)
c’était bien rare le physique mais la langue, là, (…) piquant, là, j’étais bon à
ça.


Mais c’est surtout la violence de l’événement, la frapper en pleine figure, je
vois sa tête revoler. Un coup de pied sur la table, le verre qui éclate en mille
morceaux partout (…) Elle tombe par terre pis là, je vois toute l’amplitude,
l’intensité de ma violence. Là je me mets à pleurer, là je comprends que j’ai un
crisse de problème.
Voyons maintenant quelques autres exemples où les répondants ne parlent pas aussi clairement de leurs agressions, tout en reconnaissant leur responsabilité. D’abord, ce répondant qui a prolongé sa démarche au-delà d’un an, se rappelle avoir fait sa thérapie à la suite d’une rupture pour pouvoir se rapprocher de sa fille :


Ma conjointe, depuis le mois de septembre était partie demeurer en Abitibi,
donc…..ça faisait un mois et demi, là, que ma fille, surtout ma fille était loin
de moi (…) Donc j’avais comme mis ma conjointe de côté, mais ma petite fille,
qu’elle parte avec, qu’elle s’en aille avec en Abitibi (…) j’avais bien mal pris
ça.
Le répondant suivant est en démarche prolongée depuis plus de deux ans. Il s’agit d’un policier à la retraite vivant en union de fait avec sa conjointe et un de ses trois enfants, son fils de 14 ans. Il a fait auparavant de nombreuses démarches particulièrement auprès du mouvement A.A. Lors de l’entrevue, ce client disait vouloir poursuivre encore un bon bout de temps sa démarche, celle-ci l’amenant à reprendre contact avec sa « douceur » et son côté humain qu’il avoue avoir caché derrière son statut de policier :


À ce moment-là (…) j’étais pas bien, en dedans de moi, malgré les nombreuses
thérapies, des suivis, (…) il y avait quelque chose en dedans de moi, je me
sentais colérique, toujours peur d’explorer, prêt à bondir (…) Souvent, les bras
voulaient me lever pour agresser, intimider.
Chez tous ces clients ayant prolongé leur thérapie, il n’y a pas d’imputation externe de la cause du problème et de la motivation à entreprendre une démarche. Cela laisse à penser que, pour ces hommes, le processus thérapeutique a des effets bénéfiques, du moins, au plan cognitif. D’ailleurs ce processus de conscientisation semble, à la lumière des témoignages, émerger dès le milieu de l’expérience thérapeutique. En effet, on remarque que plus de 55 p.cent (11/20) des participants ayant fait au moins la moitié de la thérapie, attribuent le motif de la demande d’aide en fonction de l’attribut agressions (ou peur de), ce qui dénote une implication personnelle quant à la source du problème de violence.


* à suivre *

mardi 8 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 6e partie

Motifs des clients en milieu/fin de programme : les premiers pas vers la responsabilisation

Au niveau des clients en milieu/fin de programme, les attributs se répartissent assez également entre les attributs suivants : ses agressions, conflits de couple et rupture. Toutefois, on pourra noter la différence du regard rétrospectif quant à la perception de la situation vécue comparativement aux répondants en début de programme.

Ainsi, dans l’attribut ses agressions, le répondant suivant parle de son besoin d’aide et des conséquences de la violence dans sa vie et dans celle de son entourage :

Je dirais un état de crise (…) j’ai besoin d’aide, ce n’est plus juste un saut
d’humeur à l’occasion, ça devient… j’ai pas attendu non plus de garrocher ma
copine dans les murs mais c’était déjà assez grave (…)…à un moment donné tu te
dis si t’es pour vivre de même toute ta vie à faire du mal à toi pis ensuite à
tous les autres qui ont pas rapport pis qui méritent pas ça (…) j’ai pas envie
de passer ma vie dans cet état-là.


Cet autre répondant, quant à lui, parle de conflit de couple dans le sens d’une escalade mutuelle. C’est lors d’un incident où leur enfant de 4 ans a reçu une gifle que le répondant a réalisé les conséquences du climat de violence dans son couple :

Mon épouse a frappé (ma fille la) la plus vielle. (…) Là, la semaine après ma
femme a encore giflé la petite (…). Là un moment donné un soir j’ai dit : « Faut
qu’on se parle » (…) Puis…elle a dit : « Non, non, on va s’en reparler demain ».
Puis là j’ai pris panique, j’ai vidé son garde-robe, j’ai fait ses valises, (…)
On s’est rappelé par après. Elle est venue me revoir le lendemain. On a regardé
qu’est-ce qu’on pouvait faire puis c’est là qu’on a décidé.


À ce stade-ci, le répondant parle de responsabilité partagée quant à la violence, tout en précisant que c’est lui qui mettait la limite aux aspects de violence psychologique seulement :

Là j’ai dit : « Non ». Nous on avait comme principe, verbal, des menaces,
c’était correct. Quand ça débordait sur le physique….je m’étais mis une barrière
psychologique, physique on pouvait pas…on pouvait pas transgresser cette
barrière-là.
Voici le dernier cas d’un répondant en milieu de programme qui attribue son motif à commencer une thérapie à sa situation de rupture, craignant de devenir violent envers sa conjointe, se définissant surtout comme violent envers lui-même :


Mais je suis violent envers moi-même (…). C’est pour ça que j’ai été là parce
que ma violence je la retournais contre moi, contre mes choses (…). Bien c’est
là, c’est comme, ça a été ma séparation, c’est ma séparation qui a eu lieu puis
tout ça. Puis vu que je vivais mal un peu ma séparation puis tout ça, j’ai dit :
« Avant que je fasse une gaffe puis que je devienne violent, bien j’aime autant
aller voir cet organisme-là qui va m’aider ».

* à suivre *

lundi 7 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 5e partie

Le constat extrinsèque du problème en début de programme : se débattre avec la justification de l’injustifiable

Les deux attributs caractérisant les clients en début de programme sont surtout : conflits de couple et tension familiale, d’une part, et perte de contrôle et violence verbale, d’autre part. Examinons d’abord les propos des répondants qui parlent de conflits de couple et de tension. Il est significatif de constater que sur les quatre ayant parlé de conflits de couple, deux cas sont des clients judiciarisés. Dans le premier cas, la responsabilité de la violence est attribuée à la conjointe :


Puis là c’était la deuxième fois où je me faisais sortir de la maison par la
police. (…)
C’est à peu près la seule affaire dans mon couple qui fait que
le couple il allait pas bien (…) je voulais dire ce petit problème-là, mais en
tout cas…disons que c’est presque un détail, là, si tu regardes ça. (…) Puis à
ce moment-là bien moi dans ma tête c’était elle qui avait le problème, (…) elle
voulait pas comprendre. (Conflits de couple).



Dans l’autre cas, il s’agit d’un client qui a contacté l’organisme à la suite d’une contrainte judiciaire. Dans ce cas-ci, il n’y a pas de prise de conscience d’avoir agi de façon violente :


Ce qui s’est passé, disons que j’ai eu une petite dispute avec ma femme dans un
endroit public et elle, je sais pas pourquoi, mais un moment donné, elle a
demandé à appeler la police. (Conflits de couple).

Dans le cas de l’attribut tension (familiale) ce sont des clients pour qui la responsabilité de la violence est partagée au sein de leur couple. Voyons quelques exemples où les répondants vont justifier leur violence, soit par le comportement de la conjointe, soit par celui des enfants :


Moi ma blonde elle me disait de quoi, je sentais quelque chose monter. Une fois
que j’avais fumé un joint je revenais, oui c’est correct. Elle, elle prenait un
verre, tu sais. Ça fait que si elle, elle prenait un verre, moi j’avais le droit
de fumer un joint! (Tension)




C’est un petit peut la plus petite : elle veut faire qu’est-ce que la plus
grande fait…quand la plus grande fait des bêtises (…) faut que tu dises à la
plus grande : fais attention, ta petite sœur fait tout ce que tu fais (…) elle
agit pareil comme t’agis…fa que mois je ne suis pas…c’est une adaptation pour
moi…(Tension).

Ceux qui identifient perte de contrôle et violence verbale comme principale raison d’avoir cherché de l’aide, sont, pour le tiers, des sujets en début de programme. Ces derniers dévoilent leurs agressions, mais attribuent la gravité du problème à des causes extérieures (stress, climat familial, etc.) :



Jusqu’au jour où ça a changé, le jour où je me suis ramassé avec une bonne femme
qui elle m’a poussé au pied du mur, pis ça a fait qu’à un moment donné il y a
des choses qui ont sorti. J’ai accumulé pis à un moment donné ça a sauté. (Perte
de contrôle).


Dans le cas suivant, il s’agit d’un client ayant déjà fait une démarche auprès d’un autre organisme, démarche qu’il a abandonnée, car il n’aimait pas la thérapie en groupe :



Parce que j’ai été violent envers ma femme. (Je vivais) une situation de stress,
un gros stress intérieur, là. J’avais pas mal de misère à me contrôler côté
émotionnel. (Perte de contrôle).



* à suivre *

dimanche 6 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 4e partie

Le rapport à la conjointe comme motif pour aller en thérapie :

Si l’on considère la motivation reliée à la conjointe, le taux atteint près de 98 p.cent, soit 39 des 40 sujets ayant participé à la recherche. Le seul sujet dont les propos ne faisaient pas mention de sa conjugalité, est un client judiciarisé qui a plutôt insisté sur le rôle de son avocat dans sa prise de décision de consulter un service d’aide pour conjoints violents.

Il n’y a pas lieu de se surprendre si l’on considère que, selon Pirog-Good et Stets-Kealy (1985), une proportion importante de ceux qui consultent les organismes sont référés à ceux-ci par leur conjointe.

Le tableau suivant résume les différents attributs par lesquels nous avons analysé les propos des répondants concernant leur constat de la situation vécue en rapport avec la conjointe :
Nous constaterons une certaine gradation du degré de prise de conscience dans les propos des répondants, allant de la banalisation à la reconnaissance complète de la gravité des gestes posés.

Ainsi, l’attribut agressions contre la conjointe et/ou les enfants représente les propos des clients reconnaissant la gravité de leurs gestes. L’attribut conflits de couple représente les propos des clients où la responsabilité de la violence est soit attribuée à la conjointe, soit partagée au sein du couple.

Par l’attribut tension, le répondant témoigne de sa perception du problème au moment de sa perception du problème au moment de la prise de contact avec l’organisme; cette perception du problème étant centrée d’abord sur ce qu’il vit, lui, ce qui l’amène à justifier et à minimiser la violence : cet attribut représente une banalisation de la violence.

Les autres attributs traduisent quant à eux soit d’autres réalités conjugales ou familiales… :
- Rupture et perte de la garde l’enfant : ces attributs traduisent les propos des répondants décrivant la situation conjugale ou familiale vécue et ayant été le motif au départ lors de la demande d’aide;

- Récupérer/convaincre la conjointe : ces deux attributs traduisent les propos des répondants se rappelant rétrospectivement que leur motivation était au départ d’aller en thérapie pour l’autre, et non pour soi;

- Ultimatum, dénonciation et conseil de la conjointe sont trois attributs traduisant divers degrés d’attitudes de la conjointe prescrivant la motivation extrinsèque du répondant;

- Peur de ses agressions : cet attribut renvoie quant à lui à ce client ayant une conscience personnelle précise des possibilités d’escalade dans sa violence.
…ou soit une minimisation de la violence :

- Perte de contrôle : cet attribut traduit les propos des répondants décrivant leurs comportements d’agression provoquée par une situation conjugale ou familiale vécue comme stressante ou insoutenable;

- Violence verbale ; cet attribut traduit les propos des répondants décrivant leurs comportements d’agression excluant l’utilisation de la violence physique – amoindrissant à leurs yeux la gravité de leurs gestes.



* à suivre *

samedi 5 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 3e partie

Le processus de décision d’entreprendre une démarche d’aide

Le processus de prise de décision d’entreprendre une démarche d’aide constitue un thème central dans les propos des répondants. Ceux-ci décrivent à la fois leur constat de la situation vécue au moment d’entreprendre une démarche de demande d’aide, donc de leur perception du problème, de même que le processus à travers lequel ils ont exprimé formellement cette demande, particulièrement en termes de soutien (encouragement, collaboration) ou de contrainte (pression, voire ultimatum) de leur entourage. Dans le présent exposé, nous ne présenterons qu’une partie des données reliées à la catégorie motif, soit celles concernant le constat. Le sous-thème constat comporte deux aspects : intrinsèque ou extrinsèque.

L’aspect extrinsèque du constat du problème relève du rapport aux autres et décrit la perception des répondants concernant les conséquences sur les autres personnes significatives (significant others) de la situation vécue; ce concept décrit ainsi le lien qu’ils font entre cette perception et leur motivation à entreprendre la démarche actuelle. Les répondants ont identifié trois groupes de personnes significatives avec qui ils ont des relations affectives : d’abord la famille (conjointe et/ou enfants), ensuite les amis, puis le travail (collègues, patrons, etc.). Parmi ces trois groupes, c’est particulièrement la famille et plus particulièrement la conjointe qui occupe la partie la plus importante en termes de nombre de répondants y ayant fait référence. C’est cette dimension que nous présentons ici. Le motif lié au constat intrinsèque du problème concerne la perception des répondants concernant leur état psychique mais que nous ne développerons pas ici.


* à suivre *

vendredi 4 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 2e partie

Une recherche s’appuie sur des données qualitatives recueillies dans le cadre d’entrevues semi-dirigées. La méthodologie d’analyse retenue observe les procédures et les techniques de l’approche de la « théorisation ancrée » (grounded theory approach) (Glaser et Strauss, 1967; Strauss et Corbin, 1990, Strauss, 1987). Le choix de la théorisation ancrée nous paraît être la méthodologie de recherche la plus appropriée pour refléter le point de vue des hommes en démarche d’aide pour violence conjugale à partir de leurs récits.

Au-delà de la description stricte des propos des sujets de la recherche, la partie plus analytique et interprétative de cette recherche développe une conceptualisation ancrée de ce matériel.

Prenant pour postulat que les hommes participant à une thérapie sont les experts de leur vie, nous considérons qu’ils sont les acteurs sociaux pouvant le mieux nous livrer, et de la façon la plus crédible, le matériau nécessaire pour découvrir le sens qu’ils donnent à leur démarche thérapeutique. C’est la raison pour laquelle nous croyons que la théorisation ancrée était la démarche de recherche probablement la plus appropriée pour atteindre ce but. De plus, comme le souligne Dulac (2000), les hommes interviennent, dans le modèle de la théorisation ancrée, comme les véritables sujets de la recherche, plutôt que d’être considérés (à l’instar du modèle classique) simplement comme un groupe-témoin d’une recherche pouvant les concerner.

Deux types de catégories : thématiques et analytiques

Nous avons classé le matériel d’analyse selon deux types de catégories : les catégories thématiques et les catégories analytiques. Les catégories thématiques concernent la classification des propos des répondants en grands thèmes récurrents émergeant de l’analyse du verbatim des entrevues.

Les résultats que nous présentons ici concernent l’analyse des données recueillies sous la catégorie thématique motif qui se réfèrent aux propos des participants concernant la situation conjugale et/ou familiale qu’ils disaient vivre au moment d’entreprendre une démarche d’aide formelle. Les questions formulées lors de l’entretien étaient les suivantes :
Qu’est-ce qui vous a amené à faire une demande d’aide à… (l’organisme)?
Qu’est-ce qui vous a décidé de faire votre démarche à ce moment précis (personnes/institutions)?
Parlez-moi de votre situation à ce moment-là.
Pour ce qui est des catégories analytiques, le matériel a été classé en fonction de la durée dans le temps – l’expérience thérapeutique. Nous avons en effet constaté que, dans le cas où le répondant était en début du programme de base, et souvent donc encore en crise au moment de sa participation à la recherche, ce dernier n’avait pas le même regard rétrospectif ni vécu les mêmes étapes que le répondant en fin de thérapie ou ayant poursuivi sa démarche au-delà du programme de base ou d’un service postthérapeutique.

Comme la présente recherche vise à explorer le processus de changement vécu par des hommes en thérapie, cette dimension temporelle nous permet de suivre le cheminement expérientiel selon les différentes étapes de la thérapie.

Les répondants en début du programme sont ceux ayant complété au moins une entrevue d’accueil/évaluation ou ayant participé à l’équivalent du tiers des rencontres du programme de base de l’organisme duquel il reçoit des services, donc au plus huit rencontres.

Les répondants en milieu/fin de programme sont ceux ayant participé à plus du tiers des rencontres du programme de base de l’organisme duquel ils reçoivent des services.

Les répondants en postprogramme comprennent les répondants ayant prolongé leur démarche au-delà du programme de base, celle-ci variant, selon le cas, de deux semaines à plus de deux ans par rapport au programme de base. L’expérience thérapeutique en postprogramme comprend également les répondants ayant amorcé une démarche postthérapeutique en groupe ouvert ou fermé.

Nous considérons qu’il est pertinent de comparer les propos des répondants sur leur perception de changements amorcés dans leur vie selon leur durée dans un programme d’aide. Cette dimension temporelle nous permet de suivre le cheminement expérientiel selon les différentes étapes de la thérapie. Nous croyons, à l’instar de Bachelor, Guérin, Théorêt, Poitras et Tremblay (1993), qu’il est pertinent d’étudier les perceptions phénoménologiques des répondants à diverses phases de la démarche d’aide, étant donné, d’une part, l’effet présumé de la phase de thérapie sur le développement de la relation thérapeutique et, d’autre part, l’évolution du client dans son processus de changement à l’intérieur d’un groupe de thérapie.

De plus, dans leur étude sur l’efficacité des programmes pour conjoints violents, Lindsay, Ouellet et Saint-Jacques (1993) suggéraient qu’il serait pertinent, dans les recherches ultérieures, de tenir compte de la durée des programmes de traitement dans les résultats du service reçu.

Il y a des distinctions nettes entre les répondants dans chaque subdivision. Parmi les 19 répondants en début de programme, 11 étaient encore à l’étape des entrevues d’accueil, les sept autres avaient participé à moins de huit rencontres de groupe. Les huit répondants en milieu/fin de programme avaient participé à plus de huit rencontres ou avaient terminé leur programme de base (entre 15 et 25 rencontres). Parmi les 13 sujets en post-programme, six avaient poursuivi au-delà du programme de base et sept avaient amorcé un programme postthérapeutique.


* à suivre *

jeudi 3 juin 2010

L’HOMME VIOLENT ET LA RELATION D’AIDE - 1e partie

Qu’est-ce qui amène un homme ayant des conduites d’agression envers sa conjointe à entreprendre une démarche de demande d’aide? Qu’est-ce qui le motive, quels sont ses premiers motifs? Lorsqu’un homme affirme avoir été violent avec sa conjointe et demande de l’aide dans un organisme – dans un CLSC, par exemple – la réaction des intervenants sociaux en est souvent une soit de peur, d’incompréhension ou, parfois, de jugement. En effet, notre réaction est souvent d’abord centrée sur la loyauté envers la ou les victimes. D’autre part, très peu d’informations existent sur la motivation ou le vécu de l’homme agresseur et les professionnels de la santé et des services sociaux, au cours de leur formation, n’ont pas été sensibilisés à la construction sociale de la masculinité. Cette situation peut amener des intervenants à avoir de la difficulté à s’approcher des hommes dits « violents » et à leur offrir l’aide nécessaire, comme le soulignent des intervenants de CLSC :

Nous avons ainsi le sentiment de participer, sans le vouloir, à les exclure à
nouveau en les considérant avant tout comme porteurs d’une problématique plutôt que comme porteurs d’une crise actualisée par des comportements violents dans un contexte singulier (…). De plus, lorsque ces hommes se présentent en CLSC, ils
se définissent eux-mêmes comme vivant un moment de crise et refusent fréquemment de porter l’étiquette d’homme violent (Roy, Le Toullec et Maugile).
Le présent article de Pierre Turcotte vise à présenter une partie des résultats de l’analyse des données recueillies dans notre recherche sur le processus de changement chez des clients masculins ayant entrepris une démarche thérapeutique pour violence conjugale. Nous présentons ici l’analyse des propos des participants concernant la situation conjugale qu’ils disaient vivre au moment d’entreprendre leur démarche d’aide formelle.

La dimension de la motivation à demander de l’aide formelle en période de crise ou à l’occasion d’une difficulté psychosociale, constitue un thème central dans les propos des répondants. Rappelons que, selon Gross et McMullen toute démarche/recherche d’aide passe d’abord par la prise de conscience et l’étiquetage d’un symptôme comme étant un problème, pour ensuite passer à l’étape de la décision de résoudre ce problème. Pour un homme, il s’agit d’un moment crucial, car le fait de constater qu’il a un problème ne l’amène pas automatiquement à demander de l’aide (Dulac). La troisième étape de demande d’aide selon Gross et McMullen consiste en la demande formelle d’aide : c’est lors de cette étape que le rôle de la conjointe a toute son importance.

Ainsi, nous croyons que le témoignage de ces hommes concernant leur expérience de la décision d’entreprendre une démarche d’aide pour violence conjugale peut aider les intervenants à comprendre l’ambivalence des hommes face à l’aide formelle.

L’orientation théorique de cette recherche étant basée sur la reconnaissance de la rationalité des acteurs, ceci implique que la recherche ne peut se faire dans l’abstrait ou à partir d’une rationalité a priori. Elle renvoie à une méthode de cas par cas qui part du cadre de référence de l’acteur – le répondant à la recherche – et s’appuie sur l’étude du discours que les personnes tiennent sur leur propre comportement.

Rappelons que, selon Gross et McMullen toute démarche/recherche d’aide passe d’abord par la prise de conscience et l’étiquetage d’un symptôme comme étant un problème, pour ensuite passer à l’étape de décider de résoudre ce problème. Pour les hommes, il s’agit d’un moment crucial, car le fait pour un homme de constater qu’il a un problème ne l’amène pas automatiquement à demander de l’aide (Dulac). La troisième étape de demande d’aide (Dulac). La troisième étape de demande d’aide selon Gross et McMullen consiste en la demande formelle d’aide : sur ce point, les répondants nous ont abondamment parlé de ce qu’ils ont éprouvé lors de cette étape de demande d’aide.

* à suivre *

mardi 1 juin 2010

L'HOMME IMMIGRANT - 7e partie

Conclusion

Loin de constituer une analyse exhaustive de la condition des hommes immigrants, Stéphane Hernandez présente quatre facteurs de vulnérabilité majeurs permettant de mieux comprendre leurs réalités lorsqu’ils viennent s’établir avec leur famille au Québec. En servant de guide à l’intervention, ces quatre points de repère peuvent outiller les intervenant(e)s qui travaillent avec les personnes provenant d’autres cultures. Néanmoins, ils ne s’adressent pas uniquement à l’intervention directe auprès des clientèles masculines immigrantes. L’homme immigrant étant le plus souvent considéré par sa famille comme le chef, l’intervention auprès des familles immigrante ne peut faire l’économie de se passer du père. En dépit d’une évidente nécessité d’effectuer des études qualitatives plus systématiques en ce qui concerne le point de vue et l’expérience intime des hommes immigrants, de la transformation des rôles familiaux en lien avec la migration, nous pouvons déjà dégager quelques pistes d’intervention :

Dans tout type d’intervention qui s’adresse aux familles immigrantes, considérer et tenter d’impliquer l’homme-chef de famille. Observer les processus de changements de rôles qui affectent les dynamiques familiales, ainsi que les stratégies utilisées par chacun des membres. Puis, les accompagner – en faisant abstraction de toute norme implicite – dans leur négociation de nouveaux rôles plus adaptés aux nouveaux contextes socioéconomique et socioculturel. Favoriser un climat propice aux échanges; utiliser l’approche systémique ouvrant sur le dialogue; intégrer, s’il y a lieu, les membres de la famille élargie, du réseau de voisinage et de la communauté ethnoculturelle. Reconnaître un certain pouvoir à l’homme dans sa famille, mais moins en tant que force coercitive qu’en tant que force mobilisatrice et constructive.

En approche clinique, partir d’où sont rendus les hommes immigrants dans leur remise en question, en lien avec leur milieu familial; reconnaître les affects négatifs liés aux différentes pertes de statut qu’ils vivent au cours du processus migratoire; les aider à cheminer dans le nouveau contexte socioculturel en tenant compte de leurs résistances avec un maximum de respect, d’ouverture et de flexibilité; les encourager à faire apprécier à leurs enfants leurs valeurs et leur fierté culturelles, tout en les amenant à s’ouvrir davantage à la culture québécoise.

Organiser des activités de prévention avec les pères immigrants pour valoriser leur rôles dans la société (aide reliée à l’emploi, projets collectifs, groupes d’entraide, jumelage…) et dans leur famille (trouver de bonnes manières d’exercer leur autorité).

Sensibiliser avec tact les familles immigrantes sur la réalité des jeunes québécois, sur les valeurs liées à l’éducation et sur le rôle du père tel qu’il est valorisé au Québec.

Pour la plupart de ces hommes qui ont décidé – ou on été contraints – d’abandonner leurs pays d’origine pour s’établir avec leur famille au Québec, l’immigration rime avec une multiple perte de statuts qui se traduit par des difficultés d’accès à l’espace socio-économique et la remise en question de l’autorité et du maintien d’une rigueur morale au sein de leur propre famille. On réalise encore à peine la complexité du processus qu’ils doivent vivre pour ajuster leurs repères symboliques et leur identité masculine à cette véritable révolution des mœurs qui s’est étalée au Québec sur plusieurs générations. Aux différents acteurs sociaux préoccupés par l’adaptation/intégration, les dynamiques interpersonnelles conflictuelles et la violence familiale vécues au sein des familles immigrantes, il est essentiel de tenir compte du père, de son état de vulnérabilité et de son étape de cheminement.


* à suivre *