Afin de faciliter notre démarche, nous avons choisi cent quarante-sept familles qui habitaient Montréal et la périphérie et qui y ont vécu un deuil se situant entre quelques semaines et deux ans. Chacune reçut une lettre demandant une collaboration volontaire, l’invitant à nous rencontrer.
Neuf pour cent des lettres nous sont revenues en raison des déménagements, situation souvent provoquée par la désorganisation familiale et sociale suivant un décès; ceci constitue un deuil supplémentaire et alourdit le travail à faire.
Cinq familles ont demandé à recevoir le questionnaire par la poste; c’est avec hésitation et inquiétude que nous avons accédé à leur demande parce que notre expérience des premières entrevues nous a fait réaliser tout l’impact émotionnel que pouvait susciter ce questionnaire. Il nous apparaît essentiel d’utiliser ce questionnaire uniquement dans le cadre d’une relation thérapeutique où un support peut être apporté sur le champ.
Deux pour cent des familles sollicitées ont expliqué leur refus à cette collaboration par l’incapacité émotionnelle de faire face à cette rencontre; elles croyaient devoir revivre le décès, ce qui exacerberait une douleur encore trop présente. Cette crainte traduit à nos yeux un très grand besoin d’aide.
Quarante-huit pour cent des lettres sont restées sans réponse. Par ailleurs, nous avons reçu la collaboration de 41.8% des familles, ce qui amena soixante personnes à accepter le rendez-vous. Cinquante-cinq entrevues ont été réalisées dont trente-trois, à l’hôpital et vingt-deux à domicile. Deux praticiens ayant une expérience clinique auprès des patients en phase terminale ont mené ces entrevues; elles avaient participé étroitement à l’élaboration du questionnaire avec l’équipe de l’unité de Soins Palliatifs.
DISCUSSION
I. Parmi les manifestations de deuil que Freud appelle le travail de deuil, nous avons retenu les comportements symptômatiques de dépression réactionnelle pour lesquels les médecins sont souvent consultés; les troubles de sommeil, l’inappétence, les maux de têtes, la fatigue, l’épuisement inexplicable, la perte de mémoire, la tristesse, le retrait, l’isolement, l’irritabilité et la colère (annexe a).
II. l’expérience de deuil nous ramène à une constatation fondamentale : l’anxiété de séparation provoque occasionnellement une réaction pathologique; nous en avons donc étudié les manifestations.
Intellectuellement, on peut accepter le décès puisque l’on participe au rituel social mais émotionnellement il n’est pas nécessairement intégré. Dès 1917, Freud insistait sur l’ambivalence et l’identification comme facteurs primordiaux du deuil non résolu.
La négation peut se présenter par l’incorporation du défunt en imitant ses manières, ses façons d’agir, son langage en s’identifiant ainsi au disparu, on le retient. La négation se manifeste par l’identification, en s’appropriant les malaises qu’a subis le défunt : on éprouve les mêmes symptômes et les mêmes effets secondaires de la douleur. (annexe b).
Quant à l’ambivalence, elle suscite des sentiments contradictoires. Dans toutes relations humaines, même les plus tendres, il est normal de retrouver des moments d’ambivalence, d’amour et d’hostilité, voire même de rage pouvant aller jusqu’à souhaiter la mort de l’autre. Il nous apparaît important d’en encourager l’expression et ainsi aider au processus de déculpabilisation.
La culpabilité chez l’adulte peut se transformer en hostilité envers les gens qui viennent le réconforter, comme le médecin et le personnel soignant taxés d’incompétence et de négligence. Il peut être utile de permettre aux proches d’exprimer ce que cette mort peut avoir pour eux d’insupportable, d’odieux et de frustrant, en leur donnant la possibilité d’apaiser progressivement la violence de leur sentiment vis-à-vis la situation et arriver ainsi à une certaine sérénité dans le deuil avant le décès.
* à suivre *