vendredi 31 décembre 2010

LA NOTION DU DÉSIR CHEZ LE COUPLE 5e partie

CONNAÎTRE L’AUTRE

Pour M. Vaysse encore « (c)’est dans la relation « au frère qu’il voit », à « l’épouse qu’il étreint », que l’homme satisfait au besoin de se rassurer dans la vie. Mais c’est aussi en cela qu’il fait l’épreuve de cet être de l’Autre qui toujours lui échappe : son frère n’est pas la vision qu’il en a, sa femme n’est pas l’étreinte… »

Il importe ici de faire la distinction entre autre et Autre. Le premier est, pour l’auteur, le prochain, le semblable, tandis que le second est ce qui, dans la proximité, nous échappe, car il porte une altérité radicale qui surgit dans tout rapport d’identité et qui le fonde. L’autre est l’objet d’un besoin réductible aux « seuls éléments logiques qui s’organisent dans l’enceinte de ma connaissance ». Il sera alors constamment rétréci à ma seule appréhension de lui. L’Autre, au contraire, est ce qui, dans l’activité réductrice de ma première approche, reste en dehors du champ de ma connaissance et « n’est jamais perçu qu’à travers la méconnaissance que j’en ai ».

Cette différence est importante pour chacun. Habité par moment d’un rêve d’absolu, il m’arrive de souhaiter connaître l’autre complètement et de redécouvrir chaque fois que cela est impossible. L’Autre peut nous aider à mieux accepter les limites des possibles de toute rencontre qui suppose une mise en commun (intimité partagée) et une zone inaccessible (intimité personnelle et réservée).

* à suivre *

jeudi 30 décembre 2010

LA NOTION DU DÉSIR CHEZ LE COUPLE 4e partie

GRANDIR TOUT SEUL

Ainsi, il est un âge (non défini dans les manuels de psychologie) où les enfants peuvent apprendre à leurs parents à grandir tout seuls! Cette distinction entre le besoin et le désir dans le cadre d’une relation avec un être proche nous permet de mieux saisir quelques-uns des pièges qui sous-tendent parfois une relation amoureuse. Une femme dira par exemple : « En dehors de moments merveilleux que nous avons partagés, j’ai connu de grandes frustrations avec cet homme. Sa non-disponibilité, ses absences prolongées, imprévisibles créaient en moi une angoisse parfois difficile à supporter. J’avais besoin de son amour, de sa présence, de ses attentions. Son regard sur moi m’assurait de ma propre existence, me confirmait ma valeur. Mais je me suis retrouvée un jour saturée de souffrance. Quelque chose s’est défait. J’ai pu mettre une certaine distance entre cet homme et moi, et me rencontrer enfin. Progressivement, j’ai pris conscience d’une force nouvelle en moi. Timide d’abord, plus assurée ensuite, elle est finalement devenue une certitude : Je pouvais exister en dehors de cet homme. Dès l’instant où je me suis en quelque sorte reconnue, respectée, j’ai pu me sentir à nouveau proche de lui et de tout ce qu’il y avait de beau et de riche dans notre relation malgré ses insuffisances. J’étais, comme par enchantement, entrée dans le désir, et je le suis encore. »

En renonçant à contrôler le désir de l’autre, en cessant de le comparer au sien, en prenant le risque de se confronter à son propre désir, un espace de liberté et aussi de respect de soi et de l’autre peut s’ouvrir. « Quand le besoin de l’objet (…) se transmue en renoncement et en dessaisissement, l’étonnement prend la place de la revendication. C’est peut-être le premier signe de l’amour », conclut Denis Vaysse.


* à suivre *

mercredi 29 décembre 2010

LA NOTION DU DÉSIR CHEZ LE COUPLE 3e partie

LE RENONCEMENT SALUTAIRE

Denis Vaysse insiste beaucoup sur le renoncement qui est une clé de la mutation du besoin en désir : « Le renoncement est le pivot du mouvement de conversion du besoin en désir. Il est la marque du désir qui ne vise plus à se satisfaire de l’autre mais à le poser dans l’existence, dans sa différence de sujet inaliénable, Autre. »

Madeleine Turretini, dans son texte À propos du besoin et du désir, dira quelque chose de semblable. « Je pense qu’effectivement je ne peux rencontrer réellement un ami, un amant, un enfant que dans le mesure où je peux renoncer à le rencontrer car alors son refus ne m’atteint pas dans ma personne. Je reste alors en contact avec mon désir de rencontrer l’autre, mais je ne suis pas pour autant renvoyée à une famine affective bouleversante. Une trop grande soif de l’autre est sans aucun doute un des meilleurs moyens de ne pas le rencontrer mais de ne vivre qu’aveuglé par son propre besoin. »

Ainsi, la mère de l’exemple précédent conclura : « Ce n’est que lorsque j’ai renoncé à faire de ma famille l’objet de mon besoin, qui était de nourrir ma solitude, que j’ai pu avoir une vraie relation avec elle et entendre ses refus, sans être envahie par des peurs anciennes ou présentes. »

* à suivre *

mardi 28 décembre 2010

LA NOTION DU DÉSIR CHEZ LE COUPLE 2e partie

Ainsi, lorsque nous sommes dans le besoin face à un autre, nous cherchons avant tout à combler un manque. Si l’autre ne répond pas à notre demande, il nous renvoie à un vide presque intolérable qui nous entraîne vers la dépendance ou le désespoir.

Prenons pour exemple, cette mère qui avait prévu de passer un après-midi avec sa fille aînée avant que celle-ci parte rejoindre son père pour la durée des vacances d’été. La mère se réjouit d’avance de ce moment avec sa fille, car un emploi du temps très chargé fait qu’elle ne la voit pas beaucoup durant l’année scolaire. Or, le matin même, sa fille lui téléphone pour lui demander si elle peut rester toute la journée chez une amie. La mère sent une forte émotion monter en elle et lui dit, outre sa déception, combien elle se réjouissait de leur projet de tête-à-tête. La jeune fille, consciente du désarroi de sa mère, répond avec pertinence : « Pauvre Maman victime, je ne vais pas t’abandonner, je viendrai si tu me le demandes. »

Effectivement, cette mère s’était sentie abandonnée, renvoyée à une solitude, à un manque douloureux. Mais, ce jour-là, elle a pris conscience que c’était de la folie de demander à son enfant de combler ses manques affectifs. Pour la première fois, elle a compris qu’elle avait par moment besoin de son enfant pour exister, et qu’il était grand temps qu’elle apprenne à exister par elle-même si elle voulait que sa fille puisse aller vers une plus grande autonomie affective, une indépendance relationnelle.

* à suivre *

lundi 27 décembre 2010

LA NOTION DU DÉSIR CHEZ LE COUPLE 1e partie

INTRODUCTION

Nous savons que les besoins fondamentaux tels que manger, boire, dormir sont liés à la survie. Ils impliquent une nécessité de satisfaction minimale. Pour Denis Vaysse, le besoin « est une force transformatrice qui réduit ou détruit l’objet auquel elle s’adresse. La satisfaction du besoin, sa disparition, survient avec la consommation de l’objet. Le pain que je mange supprime la tension douloureuse de la faim. À terme l’objet-pain et le besoin-faim se sont supprimés l’un par l’autre. »

Pour ce qui est des besoins relationnels et affectifs, la non-satisfaction ou une réponse différée ouvre à un processus plus conflictuel et plus complexe, celui du désir. Ce qui sera recherché alors n’est pas la suppression du besoin mais l’entretien de cet état. Désirer l’autre, en effet, c’est le vouloir pour ce qu’il est ; c’est, par conséquent, renoncer à en faire l’objet de son besoin, à le réduire. Tout se passe comme si la répétition indéfinie du besoin, avec l’augmentation puis les ruptures de tension qu’un tel processus implique, nourrissait la permanence du désir humain. Denis Vaysse dit en effet qu’ « il nous est possible de désirer quelqu’un pour lui-même, de l’aimer, dans l’exacte mesure où nous n’en n’avons pas besoin, où il nous est impossible de le consommer ou de le connaître ». Ce mouvement que nous appelons désir naît ainsi du besoin qui meurt en quelque sorte. Le lieu où s’exerce cette conversion toujours à refaire est l’amour. Et Denis Vaysse d’affirmer qu’ « aimer, suppose, à l’ultime limite, qu’on puisse renoncer à l’être aimé quand celui-ci veut reprendre sa propre liberté et garder intact son amour pour lui ».


* à suivre *

vendredi 24 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 7e partie

Conclusion
Le co-alcoolique s’identifie à un idéal qu’il cherche à réaliser à l’intérieur de sa famille, ou plus largement à l’intérieur de son monde relationnel. Et c’est précisément la constatation de l’échec de sa tentative qui l’amène à consulter.

Cette identification d’une part, et l’intrication des deux pathologies (l’alcoolique et le co-alcoolique) d’autre part permettent d’engager le co-alcoolique à soigner l’alcoolique, et non plus l’alcoolisme. Cela permet de se servir d’une particularité de la pathologie pour la subvertir thérapeutiquement.

En conclusion, nous pouvons dire que l’alcoolisme est un drame qui se joue électivement sur la scène familiale, et qu’il est donc tout à fait normal qu’au moment du traitement, la famille assume encore son rôle.

jeudi 23 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 6e partie

Stabilisation et perspectives thérapeutiques

Il existe deux modalités d’évolution de la prise en charge : l’une sera axée principalement sur la gestion du symptôme, tandis que l’autre, à partir d’un décalage par rapport qu symptôme, débouchera sur un véritable travail psychothérapeutique.

La gestion du symptôme concerne surtout le type de demande que nous décrivions plus haut, où nous n’arrivons pas à introduire un décalage par rapport à la « solution familiale » élective. Le succès est mesuré à l’abstinence. Le symptôme reste central durant les entretiens : la famille ne permettra pas d’aborder des thèmes tels que les conflits non exprimés, ou la dépression masquée par l’alcool. Ces questions sont considérées comme des marécages dans lesquels il vaut mieux ne pas s’aventurer. « D’ailleurs, nous sommes tous là pour l’aider à ne plus boire, n’est-ce pas? » disent-ils. Donc, le type d’intervention possible consistera en une stabilisation : la suspension symptomatique est le seul but recherché. Le thérapeute accepte la règle du système. Le seul changement réel qui se fait dans ce type de travail est la disparition du recours à l’alcool.

L’approche psychothérapeutique à proprement parler est, elle, beaucoup plus rare. Là où il y a moyen de décoller du symptôme, d’autres thèmes conflictuels seront évoqués. Un espace intermédiaire pourra être créé, qui permettra d’aborder des thèmes plus fondamentaux tels que la séparation et l’individualisation, l’intimité et la distance.


* à suivre *

mercredi 22 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 5e partie

La demande du co-alcoolique

Le travail avec le co-alcoolique comme porte d’entrée au système alcoolique a différentes implications et limites, dont nous tenterons maintenant d’approcher certains aspects.

En premier lieu, nous avons remarqué que la présence du co-alcoolique en consultation assure la présence du patient identifié : il est rare qu’un couple ou une famille manque un rendez-vous, tandis que l’alcoolique en consultation individuelle est irrégulier. La demande émane du co-alcoolique qui menace de décompenser, tandis que l’alcoolique n’a pas de demande personnelle.

La présence en consultation du co-alcoolique et de la famille permet éventuellement la mise en place d’une désintoxication ambulatoire, avec la possibilité d’une « hospitalisation volontaire » à domicile qui mobilise toute la famile du patient, mais cette fois dans une entreprise de sobriété. Toutefois, la possibilité d’un échec reste continuellement présente. S’il survient, le recours à l’hospitalisation offrira une alternative d’autant plus facile à accepter qu’elle aura été envisagée dès l’abord.

La présence du co-alcoolique en consultation est un avantage décisif pour le travail thérapeutique. Mais même si celui-ci est plus souvent-là, cela ne signifie pas qu’il y aura moins de résistance : la demande se cantonne trop souvent au seul arrêt du symptôme.

La demande du co-alcoolique se situe souvent dans le cadre de ce que nous avons appelé la pseudo-complémentarité : la menace de décompensation du co-alcoolique est tellement réelle qu’il devient urgent de rééquilibrer les compétences. Ce qu’il demande en fait, c’est le rétablissement que la symétrie : s’il décompense, il se retrouve dans une position complémentaire et donc automatiquement perdant dans la lutte symétrique.

La souffrance du co-alcoolique engendre cette demande de rééquilibrage qui visera souvent un retour à l’équilibre antérieur. La permanence du symptôme semble donc également assurée, tout comme la stabilité de présence aux consultations.


* à suivre *

mardi 21 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 4e partie

Qu’est-ce qui pousse le co-alcoolique à consulter?

Nous avons observé, qu’en règle générale, c’est le co-alcoolique qui prend le premier rendez-vous. Que se passe-t-il? Comme on a pu dire de l’alcoolique qu’il doit « toucher le fond » et trouver au plus profond du désespoir le courage du changement, on pourrait dire du co-alcooique que c’est l’échec de sa tentative qui le pousse à chercher une issue différente. C’est la faillite de la vicariance; le contrat tacite d’exploitation mutuelle est poussé à de telles extrémités que le rythme soutenu par tout le système devient intenable. Ce qui se passe ne correspond plus au modèle idéal que le co-alcoolique poursuit.

L’effet des pressions réelles exercées par l’entourage qui ne supporte plus les excès de l’alcoolique se fait également sentir. Le co-alcoolique se retrouve peu à peu isolé, ce qui rend la situation beaucoup plus difficile à supporter. Le soutien plus large faisant défaut, il se découragera et tentera de rétablir la situation en faisant, par exemple, hospitaliser d’urgence l’alcoolique en pleine crise.


Le co-alcoolique tient alors un discours tout différent; là où il a fait tant d’efforts sans se plaindre, il doit reconnaître que rien n’a pu enrayer la dégradation personnelle et socio-professionnelle de l’alcoolique. Force lui est de constater cet échec global. Et c’est la cause d’un désespoir et d’un découragement profonds : que faire, puisque, ayant tout essayé, rien n’a pu aider? Dans cette période de lucidité, il dira même parfois, non sans amertume, qu’en réalité il a aidé son alcoolique à boire plus en le protégeant ainsi contre tous les aspects négatifs de ses abus. Cela le poussera à chercher à voir clair, et il s’adressera à une personne extérieure.


* à suivre *

lundi 20 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 3e partie

Quelques éléments sur l’intrication mutuelle de l’alcoolique et de son co-alcoolique

L’on constate fréquemment la présence de l’alcoolisme dans la famille d’origine des deux partenaires, régulièrement même, jusqu’à la troisième génération ascendante. Dès le début du mariage, chacun a eu tout le loisir de s’identifier à un rôle donné par rapport à l’alcoolisme. Le co-alcoolique s’identifie à « la sainte » qui tient le coup dans « la misère la plus noire », tandis que le futur alcoolique a déjà assisté à cette autodestruction à petit feu et reprend à son compte, telle quelle, la consommation massive d’alcool comme seule réponse possible aux contrariétés de l’existence. Les deux rôles se complètent merveilleusement et la rencontre, apparemment fortuite, met les acteurs potentiels du drame familial en place. Particulièrement chez le co-alcoolique, nous retrouvons une identification à une tradition transmise de génération en génération. Quant à la femme, celle-ci se réfère au rôle idéalisé de la mère : la femme hypercompétence qui assume toutes les fonctions vitales de la famille; la matrone soignante et pleine de sollicitude qui « tient tout ». Nous assistons à une intrication des problèmes de deux personnes, formant un tout solide, tel le tenon et la mortaise de la bonne menuiserie.

Dans ce couple formé par l’alcoolique et le co-alcoolique un phénomène de pseudocomplémentarité se développe, c’est-à-dire que l’on assiste de fait à une escalade symétrique, camouflée en complémentarité. Par escalade symétrique, nous entendons un mouvement en spirale à l’intérieur du couple où chacun des partenaires tente de prendre le contrôle de la relation en utilisant chacun des moyens de plus en plus puissants. L’alcoolique devient de moins en moins compétent au fur et à mesure que le co-alcoolique devient de plus en plus compétent. Dans une famille, on voit l’ensemble des tâches d’intendance prise en charge par le co-alcoolique, ce qui a pour effet de décharger l’alcoolique de toute responsabilité ou obligation, lui permettant ainsi de continuer à boire en repoussant le mur de la réalité contre lequel il pourrait se cogner.

Il existerait un défi entre l’alcoolique et son co-alcoolique. Qui tiendra le plus longtemps : l’alcoolique à pousser toujours plus loin le défi de son incompétence, ou le co-alcoolique à se montrer toujours plus magnanime et compréhensif devant l’incroyable exigence de l’alcoolique, toujours plus généreux, mobilisant ses dernières forces pour ce qu’il estime être le bien de l’autre.

Cette escalade symétrique explique ce qui nous étonne souvent dans notre pratique : la durée d’une telle situation et la ténacité avec laquelle les partenaires la poursuivent.

Par ailleurs, la dynamique même d’une symétrie rigide mène le plus souvent à une spirale inexorable, d’où les antagonistes ne peuvent se retirer que très difficilement. En effet, la lutte symétrique implique que quiconque tente d’abandonner est automatiquement taxé de « perdant ». L’alcoolique pousse toujours plus loin son incompétence, éprouvant par là l’indéfectible tolérance du co-alcoolique. Le co-alcoolique, par son hypercompétence toujours plus envahissante, pousse l’alcoolique au-delà de ses retranchements, jusqu’à l’écroulement final.


* à suivre *

vendredi 17 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 2e partie

Percevant l’alcoolique comme un être fragile, le co-alcoolique n’osera plus lui faire de reproche quant à ses habitudes néfastes. Si nous prenons pour exemple un couple dont le mari est alcoolique, nous observons que la femme essaye indirectement de l’empêcher de boire : chaque matin, elle fait le tour de la maison à la recherche des bouteilles que le mari a abandonnées vides, ou cachées pleines en des endroits de plus en plus sophistiqués. La conjointe ne comprend pas que pour son mari ceci prend l’allure d’un jeu (gendarmes et voleurs) relativement excitant. Celui-ci s’emploiera à cacher de mieux en mieux les bouteilles pour tester l’assiduité et l’intelligence de sa femme. La nature du jeu, c’est qu’il est « addictif » : l’alcoolique est en quelque sorte entraîné à en faire de plus en plus, et d’une façon de plus en plus compliquée. Par ailleurs, il croit qu’il mène le jeu, qu’il en détient les règles. Pour en revenir à notre exemple, nous observons qu’en toute circonstance la femme rassure le mari sur son amour indéfectible, malgré toutes les horreurs que celui-ci lui fait subir. Et elle prouve sa sollicitude en l’aidant à « limiter les dégâts » à l’extérieur. En cas de malaise matinal (« le lendemain de la veille »), elle téléphone à son employeur prétextant un malaise, et appelle le médecin pour officialiser cette version si nécessaire.

Étant confrontés à des plaintes vagues, certains médecins familiaux mettront bien du temps à saisir la portée de la situation. Et s’il tente d’y remédier, le co-alcoolique fera le plus souvent appel à un autre médecin, ou même à plusieurs s’il le faut : il n’est pas question que quelqu’un de l’extérieur soit plus compétent que lui!

Le co-alcoolique soigne l’alcoolique et prend peu à peu à son compte les tâches que l’alcoolique n’est plus en état d’assurer. Le co-alcoolique lui réchauffe indéfiniment son repas, jusque tard dans la nuit. Il l’attend jusqu’à son retour et l’aide à se mettre au lit, ou part à sa recherche dans les différents cafés jusqu’à ce qu’il l’ait trouvé. Il excuse auprès de la famille et des amis, minimisant les événements et invoquant des raisons plus ou moins plausibles pour justifier son comportement. Il essaie d’organiser les choses de telle manière que les contacts, souvent explosifs, avec les enfants/adolescents soient évités le plus possible et se limitent au strict minimum.

Nous assistons à toute une série de comportements pour éviter une confrontation directe avec le problème réel, et le co-alcoolique éloigne les personnes extérieures (famille, amis, collègues ou autres) susceptibles de provoquer une telle confrontation.

Un patron trop compréhensif ou un collègue peuvent jouer un rôle similaire auprès de l’alcoolique. Sous prétexte « qu’il traverse une mauvaise passe », les absences sont acceptées, la présence au travail en état d’ébriété est excusée, les retards dans les tâches à accomplir sont rattrapés par d’autres, etc.

Même l’indulgence envers l’ébriété qui règne dans certaines sociétés européennes les fera considérer par des observateurs extérieurs comme d’énormes systèmes co-alcooliques.


* à suivre *

jeudi 16 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 1e partie

ALCOOLISME ET CO-ALCOOLISME : À PROPOS DU COUPLE ALCOOLIQUE

Un des traits les plus frappants dans la clinique de l’alcoolisme, c’est l’intrication des comportements des partenaires, tous deux acteurs actifs de l’assuétude. En fait, le partenaire pose une série d’actes pour aider l’alcoolique à s’en sortir, et précisément ces interventions protègent non pas l’alcoolique, mais, paradoxalement l’alcoolisme. Des actes tels que appeler le patron pour excuser une absence ou faire la chasse aux bouteilles dans la maison ont un effet inverse de l’effet visé consciemment : elles permettent en réalité à l’alcoolique de continuer dans la même direction sans trop de conséquences fâcheuses et introduisent une sorte d’ « état-tampon » entre l’alcoolique et la société. Cette situation, que nous considérons comme typique pour l’alcoolisme de l’âge adulte, nous a amenés à utiliser le terme de co-alcoolique pour désigner la personne du proche entourage de l’alcoolique qui exerce cette fonction spécifique et sans laquelle, nous semble-t-il, un alcoolisme ne peut atteindre son plein développement. Nous parlons de l’alcoolisme dans sa phase de l’adulte, entre 35 et 50 ans, qui entraîne peu à peu des pertes considérables au niveau de l’emploi, des finances, de la famille et sur le plan personnel.

La notion de co-alcoolique

Quand, dans la littérature française, anglaise et allemande, certains auteurs tentent de cerner le rôle de l’entourage de l’alcoolique, ils font en général une description phénoménologique d’un point de vue individuel qu’il est utile de résumer. Ces descriptions font souvent largement référence à l’observation clinique.

L’alcoolisme de l’âge adulte, pour atteindre son plein développement, exige au moins deux personnes : l’alcoolique et le co-alcoolique. Pour l’alcoolique et le co-alcoolique. Pour l’alcoolique, nous reprendrons une description liée à l’expérience de chacun, mais qui se trouve aussi de façon très explicite dans le D.S.M. III (Abus d’alcool, 303-90) : alcoolique est une personne qui fait usage d’alcool et en subit des inconvénients graves. Cette définition minimale suffit amplement.

Le co-alcoolique c’est celui ou celle qui permet, le plus souvent tout à fait involontairement, que l’alcoolique continue à vivre sa vie personnelle, conjugale et professionnelle sur le même mode; la plupart du temps, le co-alcoolique est le conjoint, un ascendant ou un descendant, parfois un supérieur hiérarchique ou un collègue. Cette personne proche tente de « limiter des dégâts » et montre beaucoup de compréhension pour ce qu’elle désigne souvent comme la « dépression » de l’alcoolique. Celle-ci nous rapporte que le comportement de l’alcoolique est certes très difficile à supporter, mais que son travail est exigeant, qu’il a eu une enfance difficile, qu’il a eu une mère impossible, qu’il est l’objet continuel d’injustices à son travail, ou plus simplement que chacun a tout de même le droit de se détendre, et qu’il vaut mieux le faire à la maison (où on peut le tenir à l’œil). Le comportement agressif accompagnant l’ingestion d’alcool est minimisé systématiquement : il n’était pas conscient de ce qu’il faisait, il ne croyait pas ce qu’il disait, il n’avait pas voulu vraiment frapper, ce n’était pas lui, etc. « C’est d’ailleurs ma faute », entend-on souvent dire par le conjoint; « Si j’avais réagi autrement, ça ne serait pas arrivé ». Parallèlement aux « regrets » de l’alcoolique vient le pardon du co-alcoolique : chaque fois, le partenaire pardonne les excès de la veille. L’alcoolique fait serment que de telles choses ne se reproduiront plus et l’incident est effacé. On n’en parle plus, on recommence, selon le phantasme de l’ardoise nette, de la table rase : « On oublie tout, on recommence à zéro », etc. Et ce scénario se reproduit, immuablement, indéfiniment, entraînant une aggravation de la situation sociale, familiale, et somatique…


* à suivre *

mercredi 15 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 11e partie

CONCLUSION

Les résultats de cette étude démontrent que les jeunes sont aux prises avec trois principales sources de conflits : les rapports entre les parents et les jeunes, les rapports entre les pairs dont les relations entre les garçons et les filles et enfin les rapports interethniques. Ces rapports sociaux peuvent être à l’origine de la violence s’il n’y a pas négociation du pouvoir entre les parties. Ces relations sont des rapports de force et elles caractérisent l’ensemble des rapports sociaux. C’est à l’intérieur de ces rapports de pouvoir que se négocie ou s’acquiert par la force une partie de ce pouvoir qui revient à chacun des protagonistes.

Dans l’esprit des jeunes interviewés, un individu violent est un individu souffrant. En général, c’est cette souffrance qui le conduit à adopter des attitudes et des comportements violents. Toutefois, ils associent davantage la violence à des gestes de brutalité. La souffrance physique est plus concrète à leurs yeux, alors que la souffrance psychologique est abstraite et difficilement identifiable.

La violence est comprise comme l’affirmation d’un pouvoir et la recherche d’un contrôle. Cette recherche de contrôle tire sa source dans le sentiment d’impuissance que ressentent certains jeunes. Ces derniers ont le sentiment que les adultes ne les comprennent pas. Ils se sentent marginalités et exclus. Alors qu’on leur demande d’assumer leurs responsabilités, la société leur reconnaît peu de pouvoir et elle les isole avec des valeurs de concurrence et de performance. Cette frustration des besoins d’affirmation et de valorisation crée un sentiment d’impuissance. L’objectif du comportement violent devient alors la prise d’un pouvoir par le contrôle de l’environnement immédiat.

Pour prévenir la violence et promouvoir des rapports de coexistence pacifique et égalitaire assurant l’autonomie, la liberté et le plein développement de tous les individus, il faut intervenir au niveau des quatre principaux agents de socialisation des jeunes : la famille, l’école, les médias et les groupes d’appartenance. Les actions préventives doivent devenir une priorité d’intervention et se faire en concertation avec les différents partenaires (les institutions du réseau public et les groupes communautaires).

On peut prétendre que l’intégration de nouvelles valeurs favorisant des rapports plus égalitaires entre les individus est en progression au Québec. Toutefois, il importe de poursuivre le travail d’éducation auprès des jeunes afin de faire tomber de nombreux préjugés et stéréotypes qui nuisent toujours à la construction de rapports plus harmonieux et conviviaux entre garçons et filles, entre jeunes de groupes ethniques différents, etc. Cependant, la souffrance des individus ne pourra jamais excuser leurs gestes de violence dans les rapports interpersonnels. Mais la compréhension de cette souffrance par les intervenants et les intervenantes peut les aider à développer des moyens pour prévenir cette violence. Il importe d’amorcer le dialogue et de promouvoir des rapports égalitaires entre les individus et entre les groupes d’individus (homme et femme, majoritaire et minoritaire, etc.) tout en privilégiant la négociation et la médiation comme moyen pour résoudre les conflits.

Cette étude soulève plusieurs questions et ouvre quelques pistes de recherche. Un niveau de questionnement concerne la relation qui existe entre les représentations sociales d’un groupe et le développement de conduites à son égard. Jusqu’où l’information qu’un individu possède sur un groupe social donné influence-t-elle ses attitudes et ses conduites envers ses membres? Comment l’information que les adultes ont des jeunes par les médias influence-t-elle leurs attitudes envers eux?

mardi 14 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 10e partie

UNE HYPOTHÈSE DE LA TRAJECTOIRE DE LA VIOLENCE

L’expression de la violence suit une trajectoire. Le récit des jeunes a permis de construire l’hypothèse d’un modèle (tableau 1), mais cette trajectoire peut varier d’un individu à un autre et doit être lue de façon dynamique et circulaire.

Cette trajectoire démontre qu’un ou des stress sont à l’origine d’une atteinte ou d’une souffrance chez un individu. Ce dernier est ainsi privé de la satisfaction d’un besoin. Il risque alors de se sentir frustré. Afin d’éliminer la source de cette frustration, l’individu cherche de cette frustration, l’individu cherche des solutions dans son répertoire de stratégies pour régler les conflits. Il trouvera possiblement une solution à son problème. Si ses efforts le conduisent plutôt à un échec, il risque alors de développer un sentiment d’impuissance. Ce sentiment d’impuissance sera accompagné soit d’un sentiment de colère et d’agressivité ou encore d’un sentiment de peine et de tristesse. L’individu chemine à travers ces différents sentiments. Ils peuvent le conduire à tenter de reprendre le contrôle et le pouvoir sur la situation qui lui échappe. Deux solutions s’offrent alors à l’individu, soit la négociation avec son environnement ou l’adoption d’un de deux types de comportements violents, les comportements autodestructeurs ou les comportements d’agression vers l’extérieur (contre des objets, des animaux ou des individus). S’il a choisi la négociation, il explore alors son répertoire de stratégies pour solutionner le problème. Ces choix peuvent enfin lui apporter une solution ou provoquer un nouvel échec. Dans ce dernier cas, ce revers risque d’augmenter son sentiment d’impuissance et par le fait même ses sentiments de colère et d’agressivité ou de peine et de tristesse. Si, toutefois, il a choisi d’adopter des comportements violents, c’est qu’il a éliminé toutes les autres solutions possibles. Il s’isole et son répertoire de stratégies se cristallise autour d’une seule solution, l’utilisation de la violence. Il peut alors obtenir un règlement ou un nouvel échec. S’il obtient un règlement, cela renforce alors son comportement violent. S’il y a défaite, cela accentue son sentiment d’impuissance et les sentiments qui en découlent.

Le répertoire de stratégies pour solutioner les conflits ainsique l’évaluation que l’individu fait de son succès ou de son échec dépendent, en grande partie, de tout le processus de socialisation de ce dernier. De surcroît, les rapports interpersonnels – entre les hommes et les femmes, entre individus d’origines ethniques différentes ou entre individus appartenant à d’autres groupes sociaux – sont modelés par la société. Les parents, l’école et les médias sont les principaux porte-parole de cette culture. Ce sont eux qui donnent aux enfants, par les valeurs qu’ils véhiculent, par les méthodes éducatives qu’ils utilisent et par la nature des relations qu’ils tissent, des modèles de rapports sociaux. C’est à partir de cette information que les jeunes se construisent uen représentation sociale des relations interpersonnelles. De plus, c’est cette représentation, en grande partie, qui guide la conduite des jeunes. Autrement dit, la représentation sociale que les jeunes se font de la construction des rapports entre hommes et femmes, entre individus de différents groupes ethniques etc., oriente leur conduite et influence grandement l’utilisation ou non de violence dans le règlement de conflits interpersonnels.


* à suivre *

lundi 13 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 9e partie

Un peu plus de la moitié des jeunes interviewés, garçons et filles, reconnaissent que la violence envers les femmes est causée par des attitudes de domination et de mépris de la part des hommes. L’explication donnée pour interpréter la violence de certains hommes envers les femmes repose sur le postulat qu’ils croient en leur supériorité et qu’ils utilisent leur pouvoir, qu’ils ont besoin de dominer et de contrôler la femme. Ils ont besoin de prouver leur puissance. Ils n’acceptent pas que les femmes soient égales à l’homme. S’ils ont le sentiment de perdre du pouvoir, ils sont frustrés et développent de l’agressivité.

(En parlant des hommes violents) « Il a besoin de prouver qu’il est supérieur à
elle. » (garçon d’origine québécoise).

« (Certains hommes croient que…) le sexe masculin a toujours été supérieur au
sexe de la femme. « Fait que », un homme qui se fait (…) battre ou qui se fait
passer devant par une femme, c’est frustrant. » (garçon d’origine québécoise).


Cette explication des causes de la violence des hommes contre les femmes s’inspire donc d’une lecture féministe et sociologique de la réalité. C’est à croire que l’analyse féministe pénètre la croyance populaire et permet une nouvelle lecture des rapports entre les hommes et les femmes chez les jeunes ayant pris part à cette étude. Seuls les garçons d’origine haïtienne ne retiennent pas ce facteur dans leur analyse de la violence. La socialisation plus sexiste des garçons et des filles au sein de la famille haïtienne expliquerait-elle cette attitude?

Toutefois, une nette distinction s’opère entre les garçons et les filles sur la deuxième cause de la violence envers les femmes. Ce sont presque exclusivement des garçons qui retiennent les attitudes de provocation et de passivité des filles comme autre facteur explicatif de la violence. Cette pereption des garçons est nourrie par les mythes et les préjugés voulant que la femme soit un peu responsable de ce qui lui arrive. Ce préjugé sous-entend que les femmes ne savent pas s’y prendre avec leur conjoint. Par leurs attitudes, elles provoquent leur colère. D’après Lacombe, bon nombre de mythes et de préjugés persistent encore en fonction de nos croyances, de notre éducation et de notre milieu. Ainsi, ce préjugé voulant que les femmes provoquent fait partie de la liste des préjugés les plus tenaces tels que : l’alcool est la cause de la violence conjugale, l’agresseur est malade, la violence se transmet d’une génération à l’autre, l’agressivité est naturelle chez les hommes.

« Il faut dire que les filles le cherchent des fois (…) Parce qu’il y a des
filles qui sont bien « agaces ». Pis elles vont coller un, elles vont aller
coller l’autre. » (garçon d’origine québécoise)


Enfin, un troisième facteur explicatif retenu par les jeunes interviewés est l’abus de drogues et d’alcool. C’est une variable évidente de renforcement des attitudes et des comportements violents mais non une cause. Malgré tout, il a été rapporté par quelques jeunes pour expliquer les causes de la violence conjugale.

Ces résultats nous font réaliser l’importance de situer les facteurs explicatifs de la violence dans leur globalité et d’aider les jeunes à distinguer les facteurs de renforcements d’attitudes et de comportements des causes réelles de la violence. Cette clarification est d’autant plus importante que la violence est souvent excusée par une soi-disant perte de contrôle due à des facteurs comme l’abus de drogues ou d’alcool; ceci empêche l’individu de réfléchir sur les réelles motivations des comportements violents et de prendre consicence que ce sont ces mythes et ces préjugés qui renforcent l’idée que les femmes sont en partie responsables de l’agression qu’elles subissent. Il importe d’aider les jeunes à reocnnaître qu’ils ont des préjugés, puis de les identifier et de les aider à les combattre afin d’éviter qu’ils guident leur conduite.

La résolution des conflits passe parfois par la violence lorsque les autres moyens qui font partie du répertoire de stratégies pour résoudre les conflits ont échoué. Les jeunes l’appellent perte de contrôle dans leur discours manifeste. Mais lorqu’ils en expliquent la nature, la plupart reconnaissent que la traditionnelle perte de contrôle n’est rien d’autre qu’un moyen utilisé pour prendre du contrôle et du pouvoir sur ce qui les entoure. C’est ce que révèle leur discours latent. La notion de perte de contrôle est alors utilisée afin de justifier ou de camoufler un acte répréhensible socialement et qui n’est en réalité qu’un désir de prise de contrôle.



* à suivre *

vendredi 10 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 8e partie

LES REPRÉSENTATIONS DE LA VIOLENCE CHEZ LES JEUNES

Dans le cadre de l’étude réalisée, les jeunes, qu’ils soient filles ou garçons, qu’ils soient d’origine québécoise ou d’origine haïtienne, définissent la violence sensiblement de la même façon. Il existe peu de différence entre les groupes quant à l’image qu’ils se font de la violence. Ils utilisent un discours représentatif de leurs conditions de jeunes. Ce discours n’est pas lié aux différences qui peuvent exister entre chacun de ces quatre groupes de l’échantillon. Il reflète, avant toutes choses, une culture propre à l’adolescence. Les seules différences qui ont été observées entre les groupes concernent les causes de la violence.

Selon les jeunes interviewés, l’agression physique est en quelque sorte le baromèetre de la violence. Plusieurs jeunes soutiennent que s’ils ne sont pas agressés physiquement, ils ne sont pas victimes de violence. Pour eux, la violenc est surtout associée à des gestes physiques et brutaux, ce qui est d’ailleurs socialement admis.

« C’est quand quelqu’un veut battre (…) une autre personne inutilement. » (fille d’origine québécoise)
« Tout contact qui est physique, (…) brutal entre deux personnes. » (fille d’origine haïtienne).

L’agression verbale et l’agression psychologique sont reconnues par les jeunes. Mais la majorité considère qu’elles ne sont pas aussi violentes que l’agression physique.

(En parlant de la violence verbale ou psychologique) « Non c’est pas de la violence, mais je ne me sens pas très bien quand on me dit ça. » (garçon d’origine haïtienne).

« Tu peux dire n’importe quoi violemment mais ça touchera pas tout le monde » (fille d’origine haïtienne).

La notion de méchanceté qualifie mieux à leurs yeux l’agression verbale et psychologique. Pourtant, la cruauté mentale et les déchirements de cœur sont beaucoup plus destructeurs que la violence physique, selon nombre de femmes violentées (MacLeod). La majorité des jeunes interviewés sous-estiment donc les impacts de la violence psychologique quoique certains, parmi les plus âgés, en comprennent très bien les conséquences destructrices. Les jeunes croient que la meilleure façon d’évaluer s’il y a ou non violence est la souffrance ressentie. Et la souffrance qui paraît la plus évidente à leurs yeux, c’est la souffrance physique. Si l’individu est blessé, c’est qu’il a été atteint par une agression. Les blessures de l’âme, quant à elles, sont invisibles.

La notion de violence est par conséquent perçue différemment par les jeunes et par les intervenants et les intervenantes. Alors que ces derniers retiennent généralement une définition très large de la violence, les jeunes la définissent de façon plus restrictive et plus limitée. Cette compréhension réduite de la violence par les jeunes rappelle l’importance de clarifier cette notion auprès d’eux afin de la situer dans toute sa globalité.

Lorsqu’on aborde les causes de la violence, une distinction s’opère entre les groupes, tantôt à propos de la violence envers les femmes, tantôt à propos de la violence interethnique. Pour les fins de cet article, examinons leurs explications des causes de la violence envers les femmes. Dans le cadre des rapports entre les hommes et les femmes, les jeunes reconnaissent que les hommes sont plus violents que les femmes. Toutefois, il est plus difficile pour les jeunes garçons de se représenter la violence dans les rapports intimes entre partenaires à l’adolescence. Le jeune âge ainsi que la fonction de désirabilité sociale expliquent en bonne partie la nature de ces résultats.


* à suivre *

jeudi 9 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 6e partie

La conjugaison de ces facteurs peut avoir pour effet de restreindre le répertoire de stratégies qu’un individu possède pour se sortir d’une situation conflictuelle et l’inviter à utiliser un comportement violent pour contrer un sentiment d’impuissance. Mais comment expliquer que la cible de comportements violents est plus souvent une catégorie d’indivdus qu’une autre? Dans le cadre de la violence conjugale certains facteurs sociaux sont alors déterminants, en ce sens qu’ils contribuent et incitent à certains types de violence contre les femmes eu égard à l’oppression dont elles sont victimes. Afin d’expliquer cette violence envers les femmes, Larouche (in Larouche et Gagné) propose un regroupement des facteurs de risque en trois grandes catégories. La première réfère à ce qui crée une relation de pouvoir entre les hommes et les femmes; l’auteure parle alors d’ « incitateurs » en faisant allusion à l’enseignement des stéréotypes traditionnels et des rôles sexistes aux enfants dans les écoles, dans la famille et dans les médias ansi qu’à la pornographie, la violence à la télévision et enfin à tout ce qui incite à user de violence envers les femmes. La deuxième catégorie renvoie aux facteurs qui renforcent la violence. Selon l’auteure, l’homme abusif s’en sert pour justifier, minimiser et se déresponsabiliser de la violence qu’il produit. Il s’agit en réalité de l’allégeance aux stéréotypes masculins et de l’intégration de la notion de pouvoir. Finalement, la troisième catégorie concerne les facteurs qui augmentent la tolérance des victimes tels que les stéréotypes féminins ou ce que l’auteure appelle l’ « incapcité apprise », c’est-à-dire les facteurs personnels qui augmentent la tolérance à la violence, et enfin les discours et les mythes qui entretiennent la position de la violence tels que : « la femme battue est masochiste » (Lacombe).

Dans toutes les formes de violence, l’acte de violence n’est-il qu’un geste de domination de la part de l’agresseur, qu’une façon d’établir son autorité et de régler les conflits sans avoir à négocier? Et cela, qu’il s’agisse de la violence envers les femmes, de la violence envers les minorités ethniques et, pourquoi pas, de la violence tournée contre soi-même. L’agression ou l’acte violent est alors compris comme une façon de se sortir des conflits, une façon de prendre et d’affirmer un pouvoir afin d’exister comme individu. Le choix des victimes dépend de la socialisation de l’individu. Et cette socialisation n’est que le reflet d’un ensemble de facteurs sociaux qui contribuent à renforcer des conditions sociales inégales entre certaines catégories d’individus. Examinons maintenant comment les jeunes interviewés au cours de cette recherche se représentent la violence.

* à suivre *

mercredi 8 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 5e partie

L’appartenance à une communauté culturelle minoritaire et à une minorité visible constitue un risque supplémentaire (CCCI). On n’a qu’à penser à la surreprésentation des jeunes de minorités ethniques aux prises avec des problèmes de comportement importants nécessitant un placement en centre d’accueil. En 2000, les jeunes des communautés culturelles constituaient 30% des jeunes placés en centres fermés, en vertu des mesures de protection ou à la suite d’un délit grave (CCCI). Les facteurs explicatifs sont les problèmes situationnels et économiques découlant de l’expérience migratoire, les problèmes relationnels au sein des familles dans un contexte pluriculturel et multiracial, les problèmes personnels dans leur tentative pour se définir une identité positive alors que la majorité leur renvoie une image négative et enfin l’incapacité de certaines institutions d’offrir l’aide opportune et efficace pour répondre aux situations de crise.

La bande de jeunes peut également influencer l’adoption d’attitudes et de comportements violents. Un individu dont les liens familiaux sont précaires risque de retrouver dans les gangs de jeunes criminalisés un groupe de référence sur lequel s’appuyer. De surcroît, dans nos sociétés modernes, les jeunes se sentent seuls face à un devenir pour le moins incertain. L’individualisme, la réduction des programmes sociaux et la priorité des lois du marché sont les vertus premières prônées par notre système social pour gérer les rapports sociaux. La loi de la concurrence est féroce et les plus faibles sont rejetés. Dans un tel contexte, le recours à la force devient pour certains individus la seule façon d’exister et d’affirmer son identité. En outre, la promotion par les différents médias de la violence comme moyen efficace de résolution de conflits est un autre facteur qui ne contribue pas à l’apparition du phénomène de la violence mais qui favorise sans doute son amplification (Cohen in LeBlanc).

Enfin, certaines caractéristiques situationnelles conjuguées à d’autres facteurs peuvent élever sensiblement le risque d’utilisation de comportements agressifs. Songeons par exemple à l’abus d’alcool ou de drogues. De plus, les conditions de l’environnement tels le bruit, la chaleur et la densité de la population sont des caractéristiques physiques qui peuvent influencer les conduites mais elles sont étroitement liées à des variables cognitives intermédiaires qui conditionnent le comportement du sujet. Ces variables cognitives sont l’évaluation de la situation comme agréable ou non ainsi que le sentiment que le sujet a le pouvoir d’y échapper s’il le désire (Moser).

Bref, il n’existe pas de cause unique pouvant expliquer le recours à la force brutale dans les rapports interpersonnels. Pour expliquer l’agression ou la violence, il faut tenir compte de l’interaction de variables personnelles, familiales et environnementales (structurelles, socio-économiques, culturelles et stituationnelles). Pour comprendre ce qui engendre un comportement violent, il faut étudier et analyser les différents facteurs du processus et du contexte d’apprentissage dans lequel le jeune a évolué et évolue quotidiennement.

* à suivre *

mardi 7 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 4e partie

FACTEURS DE RISQUES (SUITE)

Le deuxième groupe des facteurs retenus par les auteurs englobe les variables familiales. Plusieurs auteurs s’accordent pour dire que la famille a un rôle prédominant à jouer dans le développement ou non chez un jeune de comportement ou non chez un jeune de comportements agressifs. Toutes les familles ne possèdent pas des conditions sociales et économiques favorables au développement d’un climat familial adéquat. Aussi, les parents qui ne peuvent offrir une supervision adéquate, une cohérence entre les conduites et leur verbalisation, des modèles efficaces de communication et de résolution des conflits, une éducation basée sur des relations affectives et des règles équitables pour tous les membres de la famille favorisent le développement de comportements antisociaux chez leurs enfants (Hébert).

En troisième lieu, les auteurs ont identifié différentes variables que nous qualifions d’environnementales. Cette catégorie inclut les facteurs structuraux et socio-économiques, les facteurs institutionnels du milieu scolaire, les facteurs liés aux groupes d’appartenance, les facteurs culturels et situationnels.

Le lien étroit entre la pauvreté et la violence est confirmé par de nombreuses études (Chenais et al. In Hébert). Toutefois, dans les recherches concernant la violence familiale on observe que ce n’est pas tant le statut socio-économique des familles qui prédispose à la violence que les ressources sociales limitées et les frustrations inhérentes aux rôles familiaux et occupationnels qui sont associées à ce statut économique (Steinmetz et Straus in Lamoureux). Les mauvaises conditions de logement, de travail, de santé et de loisirs ainsi qu’un revenu insuffisant et la faiblesse d’un réseau de soutien social sont tous des sources évidentes de stress et peuvent provoquer de l’insécurité, des tensions et des conflits.

Par ailleurs, la réalité de domination culturelle, religieuse, légale, économique et sociale des femmes et des enfants a engendré plusieurs formes d’abus de pouvoir et de violence au sein des familles de la part des hommes (l’ARIHV). Aujourd’hui, même sis ces structures sont en mutation, les femmes demeurent largement absentes des véritables postes de pouvoir. Il existe toujours des inégalités entre la condition des hommes et la condition des femmes, ce qui laisse place à des abus de pouvoir et à la violence.

Un grand nombre des actes de violence des jeunes se passent à l’école ou autour de celle-ci. L’école comme institution a un rôle important à jouer dans le développement ou non d’attitudes et de comportements violents chez les jeunes. Certains facteurs institutionnels viennent influencer l’incidence de la violence. Les attitudes et les comportements du personnel scolaire, l’école comme milieu physique et social, la composition des effectifs scolaires et enfin les valeurs éducatives et les régimes pédagogiques sont autant de variables qui interfèrent dans le développement d’attitudes et de comportements violents (Caouette).


* à suivre *

lundi 6 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 3e partie

LES FACTEURS DE RISQUE

Examinons tout d’abord les facteurs personnels. Plusieurs recherches ont tenté d’expliquer les facteurs physiologiques et psychiques associés aux comportements violents d’un individu. Cependant, ces facteurs sont indissociables des facteurs familiaux, environnementaux ainsi que du processus et du contexte de socialisation de l’individu.

Depuis de nombreuses années, le fonctionnement physiologique est scruté à la loupe afin de localiser les désordres organiques permettant d’expliquer l’agression à partir de pulsions physiques. On est passé de la recherche d’une infériorité constitutionnelle (chromosome surnuméraire) chez le criminel aux études qui ont tenté d’établir un lien direct entre le niveau de testostérones d’un individu et l’expression de sa violence. Toutefois, ces recherches n’ont pas permis d’apporter de preuves concluantes (Barker et Boissonnault).

Sur le plan psychologique, deux types de recherches ont été menés avec des résultats mitigés (Lamoureux). Dans le premier type, les recherches analysent les caractéristiques de personnalité prédisposant les sujets dits « normaux » à s’engager dans une agression. Dans le second, elles étudient les caractéristiques de personnalité des sujets présentant des comportements agressifs ou s’étant engagés dans des actes d’extrême violence.

Plusieurs de ces recherches postulent que certains traits de personnalité peuvent contribuer à ce que le sujet s’engage plus volontairement dans des conduites d’agression. Ainsi, on a observé chez certains jeunes agressifs une difficulté permanente à modifier un comportement acquis (Morisette in Lamoureux). Au lieu de remettre en cause leur comportement agressif, certains jeunes développeraient des résistances leur permettant de renforcer ce type de comportement. Cette attitude limiterait son pouvoir d’apprentissage ou d’adaptation. Quant aux réactions émotionnelles, les auteurs identifient la faible tolérance à la frustration et la recherche d’une satisfaction immédiate, sans considération aucune d’autrui ou des contraintes extérieures (égocentrisme). Selon Lemay (in Lamoureux), les difficultés cognitives d’un jeune violent découlent de son jugement moral qui se limite à une moralité égocentrique. Cette moralité rejette par le fait même des valeurs de réciprocité, de convergence ou de maintien de l’ordre moral et social. Enfin, les jeunes ayant une faible estime ou une trop forte estime d’eux-mêmes présenteraient des risques plus élevés d’être rejetés par leurs pairs prosociaux et d’adopter des comportements inadaptés (carrier et al. In Hébert).
* à suivre *

vendredi 3 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 2e partie

LES PERSPECTIVES D’ANALYSE

Pour André Gobeil et Francine Ouellet, les psychologues et les sociologues ont développé plusieurs théories dans leurs recherches pour expliquer le phénomène de l’agression et comprendre les facteurs pouvant conduire un individu à adopter des attitudes et des comportements violents. La majorité des approches sont de conception monocausale, c’est-à-dire qu’une cause unique est censée rendre compte de l’ensemble des manifestations du comportement d’agression. Mais la violence ne peut s’expliquer uniquement par des composantes agressives de la personnalité humaine. Selon Hébert, il faut tenir compte de l’interaction de multiples variables individuelles, familiales et environnementales où les rôles des apprentissages cognitif et social sont déterminants.

L’approche de la violence qui est retenue s’inspire de plusieurs théories. La théorie de la frustration, plus particulièrement par le biais du concept d’apprentissage social de comportements agressifs (Bandura), sert de toile de fond. Associée à cette approche, se superpose l’approche sociologique qui permet d’identifier les diverses sources de frustration dans l’environnement d’un individu (Mackal). Puis, se greffe la perspective cognitive qui explique l’interprétation faite par un individu de la source de frustration. C’est cette interprétation qui guidera ses conduites et ses actions. Enfin, la théorie de la socialisation réinterprétée par les théoriciennes féministes vient ajouter une couleur à la théorie de l’apprentissage social qui sert de canevas à cette étude. La définition de la socialisation s’inspire à la fois de la sociologie et de la psychologie et converge vers un même point : l’intégration des valeurs sociales (Drolet). Les principaux agents de socialisation sont la famille, l’école, les médias et les groupes d’appartenance.

L’utilisation de comportements agressifs par un individu ne s’explique pas de façon mécaniste. On peut chercher les causes multiples de tels comportements mais il importe, avant toutes choses, de résituer ces comportements dans leur contexte, de les distinguer les uns des autres et de les nuancer. Étant donné que les agresseurs n’ont pas tous la même force physique ni le même pouvoir social, on peut s’attendre à ce que les conséquences et les motifs de leur violence diffèrent aussi.

C’est sans nul doute l’analyse féministe du phénomène de la violence qui situe le mieux l’agression et la violence dans le contexte des rapports sociaux. Elle nous rappelle l’importance de considérer le contexte socio-politique entourant le rôle social joué par certains agresseurs dans leurs rapports sociaux avec les victimes. L’approche féministe insiste sur le fait que, dans notre société sexiste et patriarcale, les femmes et les enfants sont les victimes de la violence familiale, tandis que les hommes en sont les auteurs. Il est essentiel de situer l’agresseur dans sa position sociale pour comprendre les gestes posés. Lorsqu’on a affaire à l’agression d’un homme envers une femme, l’analyse féministe explique les gestes de l’homme comme étant une recherche de satisfaction de son besoin de domination et de contrôle (Larouche et Gagné; Lacombe). L’agression et la violence deviennent alors l’expression d’un pouvoir et d’une domination, le besoin de renforcer un contrôle sur la victime. N’est-ce pas le même phénomène d’affirmation d’un pouvoir qui entre en jeu dans les agressions entre jeunes d’origines ethniques différentes ou dans les cas d’agressions contre des jeunes marginalisés, soit par leur orientation sexuelle, leur origine ethnique, leur handicap physique, mental ou autre?

C’est donc dans l’interaction de plusieurs variables que s’expliquent l’agression et la violence. Ces variables peuvent être groupées en facteurs personnels, familiaux et environnementaux (structurels et socio-économiques, culturels et situationnels).


* à suivre *

jeudi 2 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 1e partie

LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA VIOLENCE CHEZ DES JEUNES

Depuis quelques années, la violence est examinée sous tous ses aspects. Les journalistes, les chercheurs et les intervenants la questionnent, l’analysent et l’interprètent. Il ne se passe pas une semaine sans que notre imaginaire soit touché par un article ou une émission qui traite de manifestations de violence. Le sujet soulève des émotions voire même des passions.

Mais les jeunes, eux, qu’en pensent-ils? Comment définissent-ils la violence? Quelle représentation se font-ils de ses manifestations et de ses causes? Quelle signification donnent-ils à son utilisation? À part certaines recherches en victimologie (Kraus; Dumas; Abrahams et al.; Robitaille), il existe peu ou pas d’étude concernant la perception ou la représentation sociale que les jeunes se font de la violence.

En donnant la parole aux jeunes, l’objet de cette étude était de comprendre le sens qu’ils accordent à l’expression entre leurs représentations sociales, leurs attitudes et leurs comportements. Ce travail permet ainsi de jeter un nouvel éclairage sur la réalité des jeunes du milieu HLM et, par la même occasion, peut aider les intervenants et les intervenants, souvent dépassés par le phénomène de la violence, à développer de nouvelles pistes d’intervention.


Les données ont été recueillies en entrevue semi-dirigée auprès de onze jeunes, garçons et filles, âgés entre quatorze et dix-huit ans, dont la moitié était d’origine haïtienne et l’autre d’origine québécoise. L’échantillon de type non probabiliste et de quotas a été construit à partir des adolescents et des adolescentes qui résidaient dans ce HLM où une intervention collective avait été amorcée, tout en respectant trois critères de sélection, soit l’âge, le sexe et l’origine ethnique. Un schéma d’entrevue à questions ouvertes servait de guide. Les données furent étudiées grâce à l’analyse de contenu de type qualitatif. La notion de représentation sociale servait de cadre de référence à l’analyse comparative entre les quatre groupes de l’échantillon : garçons ou filles, d’origine haïtienne ou d’origine québécoise.

Cet article a pour but de mettre en évidence une hypothèse de la trajectoire de la violence élaborée à partir du discours des jeunes dans le cadre de cette recherche. Pour ce faire, il traduira les représentations sociales que les jeunes interrogés se font de la violence dans le cadre des rapports interpersonnels mais plus spécifiquement des rapports entre les hommes et les femmes. Dans un premier temps, la perspective d’analyse retenue au cours de cette étude sera développée. De plus, les différents facteurs de risque à l’origine de l’expression de la violence seront brièvement exposés. Par la suite, les représentations sociales que les jeunes se font de la violence, de sa définition et de ses causes seront présentées. Puis, une hypothèse de la trajectoire de la violence sera élaborée. Enfin, certaines pistes d’action préventive seront explorées.


* à suivre *

mercredi 1 décembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 12e partie

CONCLUSION

Il se dégage donc de l’ensemble des travaux de recherche que les programmes d’intervention pour conjoints violents permettent de diminuer l’incidence des comportements d’abus. Leur efficacité semble cependant varier selon les groupes, selon les modalités d’intervention et selon les individus. D’autre part, ces programmes semblent avoir des effets qui varient selon le type de violence. En effet, la majorité des programmes que nous avons examinés sont plus performants face à la violence physique vis-à-vis la violence verbale ou psycholoqiue. Ce dernier résultat soulève différentes questions. On peut se demander pourquoi ces formes de violence sont plus résistantes à l’intervention. Est-ce parce que les programmes mettent davantage l’accent sur l’arrêt des comportements de violence physique? Cette persistance de la violence psychologique et verbable est-elle l’expression d’une transformation de la violence physique? D’un manque de conscientisation des hommes face au contrôle qu’ils cherchent à exercer? Ou encore, peut-on penser que les programmes, dans leur forme actuelle, sont davantage outillés pour agir sur la modification des comportements plutôt que sur les attitudes? Il s’agit là d’autant de questions sur lesquelles il faudra se pencher enfin de mieux comprendre les actions à privilégier afin de mettre fin à la violence faite aux femmes