vendredi 31 décembre 2010

LA NOTION DU DÉSIR CHEZ LE COUPLE 5e partie

CONNAÎTRE L’AUTRE

Pour M. Vaysse encore « (c)’est dans la relation « au frère qu’il voit », à « l’épouse qu’il étreint », que l’homme satisfait au besoin de se rassurer dans la vie. Mais c’est aussi en cela qu’il fait l’épreuve de cet être de l’Autre qui toujours lui échappe : son frère n’est pas la vision qu’il en a, sa femme n’est pas l’étreinte… »

Il importe ici de faire la distinction entre autre et Autre. Le premier est, pour l’auteur, le prochain, le semblable, tandis que le second est ce qui, dans la proximité, nous échappe, car il porte une altérité radicale qui surgit dans tout rapport d’identité et qui le fonde. L’autre est l’objet d’un besoin réductible aux « seuls éléments logiques qui s’organisent dans l’enceinte de ma connaissance ». Il sera alors constamment rétréci à ma seule appréhension de lui. L’Autre, au contraire, est ce qui, dans l’activité réductrice de ma première approche, reste en dehors du champ de ma connaissance et « n’est jamais perçu qu’à travers la méconnaissance que j’en ai ».

Cette différence est importante pour chacun. Habité par moment d’un rêve d’absolu, il m’arrive de souhaiter connaître l’autre complètement et de redécouvrir chaque fois que cela est impossible. L’Autre peut nous aider à mieux accepter les limites des possibles de toute rencontre qui suppose une mise en commun (intimité partagée) et une zone inaccessible (intimité personnelle et réservée).

* à suivre *

jeudi 30 décembre 2010

LA NOTION DU DÉSIR CHEZ LE COUPLE 4e partie

GRANDIR TOUT SEUL

Ainsi, il est un âge (non défini dans les manuels de psychologie) où les enfants peuvent apprendre à leurs parents à grandir tout seuls! Cette distinction entre le besoin et le désir dans le cadre d’une relation avec un être proche nous permet de mieux saisir quelques-uns des pièges qui sous-tendent parfois une relation amoureuse. Une femme dira par exemple : « En dehors de moments merveilleux que nous avons partagés, j’ai connu de grandes frustrations avec cet homme. Sa non-disponibilité, ses absences prolongées, imprévisibles créaient en moi une angoisse parfois difficile à supporter. J’avais besoin de son amour, de sa présence, de ses attentions. Son regard sur moi m’assurait de ma propre existence, me confirmait ma valeur. Mais je me suis retrouvée un jour saturée de souffrance. Quelque chose s’est défait. J’ai pu mettre une certaine distance entre cet homme et moi, et me rencontrer enfin. Progressivement, j’ai pris conscience d’une force nouvelle en moi. Timide d’abord, plus assurée ensuite, elle est finalement devenue une certitude : Je pouvais exister en dehors de cet homme. Dès l’instant où je me suis en quelque sorte reconnue, respectée, j’ai pu me sentir à nouveau proche de lui et de tout ce qu’il y avait de beau et de riche dans notre relation malgré ses insuffisances. J’étais, comme par enchantement, entrée dans le désir, et je le suis encore. »

En renonçant à contrôler le désir de l’autre, en cessant de le comparer au sien, en prenant le risque de se confronter à son propre désir, un espace de liberté et aussi de respect de soi et de l’autre peut s’ouvrir. « Quand le besoin de l’objet (…) se transmue en renoncement et en dessaisissement, l’étonnement prend la place de la revendication. C’est peut-être le premier signe de l’amour », conclut Denis Vaysse.


* à suivre *

mercredi 29 décembre 2010

LA NOTION DU DÉSIR CHEZ LE COUPLE 3e partie

LE RENONCEMENT SALUTAIRE

Denis Vaysse insiste beaucoup sur le renoncement qui est une clé de la mutation du besoin en désir : « Le renoncement est le pivot du mouvement de conversion du besoin en désir. Il est la marque du désir qui ne vise plus à se satisfaire de l’autre mais à le poser dans l’existence, dans sa différence de sujet inaliénable, Autre. »

Madeleine Turretini, dans son texte À propos du besoin et du désir, dira quelque chose de semblable. « Je pense qu’effectivement je ne peux rencontrer réellement un ami, un amant, un enfant que dans le mesure où je peux renoncer à le rencontrer car alors son refus ne m’atteint pas dans ma personne. Je reste alors en contact avec mon désir de rencontrer l’autre, mais je ne suis pas pour autant renvoyée à une famine affective bouleversante. Une trop grande soif de l’autre est sans aucun doute un des meilleurs moyens de ne pas le rencontrer mais de ne vivre qu’aveuglé par son propre besoin. »

Ainsi, la mère de l’exemple précédent conclura : « Ce n’est que lorsque j’ai renoncé à faire de ma famille l’objet de mon besoin, qui était de nourrir ma solitude, que j’ai pu avoir une vraie relation avec elle et entendre ses refus, sans être envahie par des peurs anciennes ou présentes. »

* à suivre *

mardi 28 décembre 2010

LA NOTION DU DÉSIR CHEZ LE COUPLE 2e partie

Ainsi, lorsque nous sommes dans le besoin face à un autre, nous cherchons avant tout à combler un manque. Si l’autre ne répond pas à notre demande, il nous renvoie à un vide presque intolérable qui nous entraîne vers la dépendance ou le désespoir.

Prenons pour exemple, cette mère qui avait prévu de passer un après-midi avec sa fille aînée avant que celle-ci parte rejoindre son père pour la durée des vacances d’été. La mère se réjouit d’avance de ce moment avec sa fille, car un emploi du temps très chargé fait qu’elle ne la voit pas beaucoup durant l’année scolaire. Or, le matin même, sa fille lui téléphone pour lui demander si elle peut rester toute la journée chez une amie. La mère sent une forte émotion monter en elle et lui dit, outre sa déception, combien elle se réjouissait de leur projet de tête-à-tête. La jeune fille, consciente du désarroi de sa mère, répond avec pertinence : « Pauvre Maman victime, je ne vais pas t’abandonner, je viendrai si tu me le demandes. »

Effectivement, cette mère s’était sentie abandonnée, renvoyée à une solitude, à un manque douloureux. Mais, ce jour-là, elle a pris conscience que c’était de la folie de demander à son enfant de combler ses manques affectifs. Pour la première fois, elle a compris qu’elle avait par moment besoin de son enfant pour exister, et qu’il était grand temps qu’elle apprenne à exister par elle-même si elle voulait que sa fille puisse aller vers une plus grande autonomie affective, une indépendance relationnelle.

* à suivre *

lundi 27 décembre 2010

LA NOTION DU DÉSIR CHEZ LE COUPLE 1e partie

INTRODUCTION

Nous savons que les besoins fondamentaux tels que manger, boire, dormir sont liés à la survie. Ils impliquent une nécessité de satisfaction minimale. Pour Denis Vaysse, le besoin « est une force transformatrice qui réduit ou détruit l’objet auquel elle s’adresse. La satisfaction du besoin, sa disparition, survient avec la consommation de l’objet. Le pain que je mange supprime la tension douloureuse de la faim. À terme l’objet-pain et le besoin-faim se sont supprimés l’un par l’autre. »

Pour ce qui est des besoins relationnels et affectifs, la non-satisfaction ou une réponse différée ouvre à un processus plus conflictuel et plus complexe, celui du désir. Ce qui sera recherché alors n’est pas la suppression du besoin mais l’entretien de cet état. Désirer l’autre, en effet, c’est le vouloir pour ce qu’il est ; c’est, par conséquent, renoncer à en faire l’objet de son besoin, à le réduire. Tout se passe comme si la répétition indéfinie du besoin, avec l’augmentation puis les ruptures de tension qu’un tel processus implique, nourrissait la permanence du désir humain. Denis Vaysse dit en effet qu’ « il nous est possible de désirer quelqu’un pour lui-même, de l’aimer, dans l’exacte mesure où nous n’en n’avons pas besoin, où il nous est impossible de le consommer ou de le connaître ». Ce mouvement que nous appelons désir naît ainsi du besoin qui meurt en quelque sorte. Le lieu où s’exerce cette conversion toujours à refaire est l’amour. Et Denis Vaysse d’affirmer qu’ « aimer, suppose, à l’ultime limite, qu’on puisse renoncer à l’être aimé quand celui-ci veut reprendre sa propre liberté et garder intact son amour pour lui ».


* à suivre *

vendredi 24 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 7e partie

Conclusion
Le co-alcoolique s’identifie à un idéal qu’il cherche à réaliser à l’intérieur de sa famille, ou plus largement à l’intérieur de son monde relationnel. Et c’est précisément la constatation de l’échec de sa tentative qui l’amène à consulter.

Cette identification d’une part, et l’intrication des deux pathologies (l’alcoolique et le co-alcoolique) d’autre part permettent d’engager le co-alcoolique à soigner l’alcoolique, et non plus l’alcoolisme. Cela permet de se servir d’une particularité de la pathologie pour la subvertir thérapeutiquement.

En conclusion, nous pouvons dire que l’alcoolisme est un drame qui se joue électivement sur la scène familiale, et qu’il est donc tout à fait normal qu’au moment du traitement, la famille assume encore son rôle.

jeudi 23 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 6e partie

Stabilisation et perspectives thérapeutiques

Il existe deux modalités d’évolution de la prise en charge : l’une sera axée principalement sur la gestion du symptôme, tandis que l’autre, à partir d’un décalage par rapport qu symptôme, débouchera sur un véritable travail psychothérapeutique.

La gestion du symptôme concerne surtout le type de demande que nous décrivions plus haut, où nous n’arrivons pas à introduire un décalage par rapport à la « solution familiale » élective. Le succès est mesuré à l’abstinence. Le symptôme reste central durant les entretiens : la famille ne permettra pas d’aborder des thèmes tels que les conflits non exprimés, ou la dépression masquée par l’alcool. Ces questions sont considérées comme des marécages dans lesquels il vaut mieux ne pas s’aventurer. « D’ailleurs, nous sommes tous là pour l’aider à ne plus boire, n’est-ce pas? » disent-ils. Donc, le type d’intervention possible consistera en une stabilisation : la suspension symptomatique est le seul but recherché. Le thérapeute accepte la règle du système. Le seul changement réel qui se fait dans ce type de travail est la disparition du recours à l’alcool.

L’approche psychothérapeutique à proprement parler est, elle, beaucoup plus rare. Là où il y a moyen de décoller du symptôme, d’autres thèmes conflictuels seront évoqués. Un espace intermédiaire pourra être créé, qui permettra d’aborder des thèmes plus fondamentaux tels que la séparation et l’individualisation, l’intimité et la distance.


* à suivre *

mercredi 22 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 5e partie

La demande du co-alcoolique

Le travail avec le co-alcoolique comme porte d’entrée au système alcoolique a différentes implications et limites, dont nous tenterons maintenant d’approcher certains aspects.

En premier lieu, nous avons remarqué que la présence du co-alcoolique en consultation assure la présence du patient identifié : il est rare qu’un couple ou une famille manque un rendez-vous, tandis que l’alcoolique en consultation individuelle est irrégulier. La demande émane du co-alcoolique qui menace de décompenser, tandis que l’alcoolique n’a pas de demande personnelle.

La présence en consultation du co-alcoolique et de la famille permet éventuellement la mise en place d’une désintoxication ambulatoire, avec la possibilité d’une « hospitalisation volontaire » à domicile qui mobilise toute la famile du patient, mais cette fois dans une entreprise de sobriété. Toutefois, la possibilité d’un échec reste continuellement présente. S’il survient, le recours à l’hospitalisation offrira une alternative d’autant plus facile à accepter qu’elle aura été envisagée dès l’abord.

La présence du co-alcoolique en consultation est un avantage décisif pour le travail thérapeutique. Mais même si celui-ci est plus souvent-là, cela ne signifie pas qu’il y aura moins de résistance : la demande se cantonne trop souvent au seul arrêt du symptôme.

La demande du co-alcoolique se situe souvent dans le cadre de ce que nous avons appelé la pseudo-complémentarité : la menace de décompensation du co-alcoolique est tellement réelle qu’il devient urgent de rééquilibrer les compétences. Ce qu’il demande en fait, c’est le rétablissement que la symétrie : s’il décompense, il se retrouve dans une position complémentaire et donc automatiquement perdant dans la lutte symétrique.

La souffrance du co-alcoolique engendre cette demande de rééquilibrage qui visera souvent un retour à l’équilibre antérieur. La permanence du symptôme semble donc également assurée, tout comme la stabilité de présence aux consultations.


* à suivre *

mardi 21 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 4e partie

Qu’est-ce qui pousse le co-alcoolique à consulter?

Nous avons observé, qu’en règle générale, c’est le co-alcoolique qui prend le premier rendez-vous. Que se passe-t-il? Comme on a pu dire de l’alcoolique qu’il doit « toucher le fond » et trouver au plus profond du désespoir le courage du changement, on pourrait dire du co-alcooique que c’est l’échec de sa tentative qui le pousse à chercher une issue différente. C’est la faillite de la vicariance; le contrat tacite d’exploitation mutuelle est poussé à de telles extrémités que le rythme soutenu par tout le système devient intenable. Ce qui se passe ne correspond plus au modèle idéal que le co-alcoolique poursuit.

L’effet des pressions réelles exercées par l’entourage qui ne supporte plus les excès de l’alcoolique se fait également sentir. Le co-alcoolique se retrouve peu à peu isolé, ce qui rend la situation beaucoup plus difficile à supporter. Le soutien plus large faisant défaut, il se découragera et tentera de rétablir la situation en faisant, par exemple, hospitaliser d’urgence l’alcoolique en pleine crise.


Le co-alcoolique tient alors un discours tout différent; là où il a fait tant d’efforts sans se plaindre, il doit reconnaître que rien n’a pu enrayer la dégradation personnelle et socio-professionnelle de l’alcoolique. Force lui est de constater cet échec global. Et c’est la cause d’un désespoir et d’un découragement profonds : que faire, puisque, ayant tout essayé, rien n’a pu aider? Dans cette période de lucidité, il dira même parfois, non sans amertume, qu’en réalité il a aidé son alcoolique à boire plus en le protégeant ainsi contre tous les aspects négatifs de ses abus. Cela le poussera à chercher à voir clair, et il s’adressera à une personne extérieure.


* à suivre *

lundi 20 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 3e partie

Quelques éléments sur l’intrication mutuelle de l’alcoolique et de son co-alcoolique

L’on constate fréquemment la présence de l’alcoolisme dans la famille d’origine des deux partenaires, régulièrement même, jusqu’à la troisième génération ascendante. Dès le début du mariage, chacun a eu tout le loisir de s’identifier à un rôle donné par rapport à l’alcoolisme. Le co-alcoolique s’identifie à « la sainte » qui tient le coup dans « la misère la plus noire », tandis que le futur alcoolique a déjà assisté à cette autodestruction à petit feu et reprend à son compte, telle quelle, la consommation massive d’alcool comme seule réponse possible aux contrariétés de l’existence. Les deux rôles se complètent merveilleusement et la rencontre, apparemment fortuite, met les acteurs potentiels du drame familial en place. Particulièrement chez le co-alcoolique, nous retrouvons une identification à une tradition transmise de génération en génération. Quant à la femme, celle-ci se réfère au rôle idéalisé de la mère : la femme hypercompétence qui assume toutes les fonctions vitales de la famille; la matrone soignante et pleine de sollicitude qui « tient tout ». Nous assistons à une intrication des problèmes de deux personnes, formant un tout solide, tel le tenon et la mortaise de la bonne menuiserie.

Dans ce couple formé par l’alcoolique et le co-alcoolique un phénomène de pseudocomplémentarité se développe, c’est-à-dire que l’on assiste de fait à une escalade symétrique, camouflée en complémentarité. Par escalade symétrique, nous entendons un mouvement en spirale à l’intérieur du couple où chacun des partenaires tente de prendre le contrôle de la relation en utilisant chacun des moyens de plus en plus puissants. L’alcoolique devient de moins en moins compétent au fur et à mesure que le co-alcoolique devient de plus en plus compétent. Dans une famille, on voit l’ensemble des tâches d’intendance prise en charge par le co-alcoolique, ce qui a pour effet de décharger l’alcoolique de toute responsabilité ou obligation, lui permettant ainsi de continuer à boire en repoussant le mur de la réalité contre lequel il pourrait se cogner.

Il existerait un défi entre l’alcoolique et son co-alcoolique. Qui tiendra le plus longtemps : l’alcoolique à pousser toujours plus loin le défi de son incompétence, ou le co-alcoolique à se montrer toujours plus magnanime et compréhensif devant l’incroyable exigence de l’alcoolique, toujours plus généreux, mobilisant ses dernières forces pour ce qu’il estime être le bien de l’autre.

Cette escalade symétrique explique ce qui nous étonne souvent dans notre pratique : la durée d’une telle situation et la ténacité avec laquelle les partenaires la poursuivent.

Par ailleurs, la dynamique même d’une symétrie rigide mène le plus souvent à une spirale inexorable, d’où les antagonistes ne peuvent se retirer que très difficilement. En effet, la lutte symétrique implique que quiconque tente d’abandonner est automatiquement taxé de « perdant ». L’alcoolique pousse toujours plus loin son incompétence, éprouvant par là l’indéfectible tolérance du co-alcoolique. Le co-alcoolique, par son hypercompétence toujours plus envahissante, pousse l’alcoolique au-delà de ses retranchements, jusqu’à l’écroulement final.


* à suivre *

vendredi 17 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 2e partie

Percevant l’alcoolique comme un être fragile, le co-alcoolique n’osera plus lui faire de reproche quant à ses habitudes néfastes. Si nous prenons pour exemple un couple dont le mari est alcoolique, nous observons que la femme essaye indirectement de l’empêcher de boire : chaque matin, elle fait le tour de la maison à la recherche des bouteilles que le mari a abandonnées vides, ou cachées pleines en des endroits de plus en plus sophistiqués. La conjointe ne comprend pas que pour son mari ceci prend l’allure d’un jeu (gendarmes et voleurs) relativement excitant. Celui-ci s’emploiera à cacher de mieux en mieux les bouteilles pour tester l’assiduité et l’intelligence de sa femme. La nature du jeu, c’est qu’il est « addictif » : l’alcoolique est en quelque sorte entraîné à en faire de plus en plus, et d’une façon de plus en plus compliquée. Par ailleurs, il croit qu’il mène le jeu, qu’il en détient les règles. Pour en revenir à notre exemple, nous observons qu’en toute circonstance la femme rassure le mari sur son amour indéfectible, malgré toutes les horreurs que celui-ci lui fait subir. Et elle prouve sa sollicitude en l’aidant à « limiter les dégâts » à l’extérieur. En cas de malaise matinal (« le lendemain de la veille »), elle téléphone à son employeur prétextant un malaise, et appelle le médecin pour officialiser cette version si nécessaire.

Étant confrontés à des plaintes vagues, certains médecins familiaux mettront bien du temps à saisir la portée de la situation. Et s’il tente d’y remédier, le co-alcoolique fera le plus souvent appel à un autre médecin, ou même à plusieurs s’il le faut : il n’est pas question que quelqu’un de l’extérieur soit plus compétent que lui!

Le co-alcoolique soigne l’alcoolique et prend peu à peu à son compte les tâches que l’alcoolique n’est plus en état d’assurer. Le co-alcoolique lui réchauffe indéfiniment son repas, jusque tard dans la nuit. Il l’attend jusqu’à son retour et l’aide à se mettre au lit, ou part à sa recherche dans les différents cafés jusqu’à ce qu’il l’ait trouvé. Il excuse auprès de la famille et des amis, minimisant les événements et invoquant des raisons plus ou moins plausibles pour justifier son comportement. Il essaie d’organiser les choses de telle manière que les contacts, souvent explosifs, avec les enfants/adolescents soient évités le plus possible et se limitent au strict minimum.

Nous assistons à toute une série de comportements pour éviter une confrontation directe avec le problème réel, et le co-alcoolique éloigne les personnes extérieures (famille, amis, collègues ou autres) susceptibles de provoquer une telle confrontation.

Un patron trop compréhensif ou un collègue peuvent jouer un rôle similaire auprès de l’alcoolique. Sous prétexte « qu’il traverse une mauvaise passe », les absences sont acceptées, la présence au travail en état d’ébriété est excusée, les retards dans les tâches à accomplir sont rattrapés par d’autres, etc.

Même l’indulgence envers l’ébriété qui règne dans certaines sociétés européennes les fera considérer par des observateurs extérieurs comme d’énormes systèmes co-alcooliques.


* à suivre *

jeudi 16 décembre 2010

LA NOTION D'ASSUÉTUDE CHEZ LES COUPLES ALCOOLIQUES 1e partie

ALCOOLISME ET CO-ALCOOLISME : À PROPOS DU COUPLE ALCOOLIQUE

Un des traits les plus frappants dans la clinique de l’alcoolisme, c’est l’intrication des comportements des partenaires, tous deux acteurs actifs de l’assuétude. En fait, le partenaire pose une série d’actes pour aider l’alcoolique à s’en sortir, et précisément ces interventions protègent non pas l’alcoolique, mais, paradoxalement l’alcoolisme. Des actes tels que appeler le patron pour excuser une absence ou faire la chasse aux bouteilles dans la maison ont un effet inverse de l’effet visé consciemment : elles permettent en réalité à l’alcoolique de continuer dans la même direction sans trop de conséquences fâcheuses et introduisent une sorte d’ « état-tampon » entre l’alcoolique et la société. Cette situation, que nous considérons comme typique pour l’alcoolisme de l’âge adulte, nous a amenés à utiliser le terme de co-alcoolique pour désigner la personne du proche entourage de l’alcoolique qui exerce cette fonction spécifique et sans laquelle, nous semble-t-il, un alcoolisme ne peut atteindre son plein développement. Nous parlons de l’alcoolisme dans sa phase de l’adulte, entre 35 et 50 ans, qui entraîne peu à peu des pertes considérables au niveau de l’emploi, des finances, de la famille et sur le plan personnel.

La notion de co-alcoolique

Quand, dans la littérature française, anglaise et allemande, certains auteurs tentent de cerner le rôle de l’entourage de l’alcoolique, ils font en général une description phénoménologique d’un point de vue individuel qu’il est utile de résumer. Ces descriptions font souvent largement référence à l’observation clinique.

L’alcoolisme de l’âge adulte, pour atteindre son plein développement, exige au moins deux personnes : l’alcoolique et le co-alcoolique. Pour l’alcoolique et le co-alcoolique. Pour l’alcoolique, nous reprendrons une description liée à l’expérience de chacun, mais qui se trouve aussi de façon très explicite dans le D.S.M. III (Abus d’alcool, 303-90) : alcoolique est une personne qui fait usage d’alcool et en subit des inconvénients graves. Cette définition minimale suffit amplement.

Le co-alcoolique c’est celui ou celle qui permet, le plus souvent tout à fait involontairement, que l’alcoolique continue à vivre sa vie personnelle, conjugale et professionnelle sur le même mode; la plupart du temps, le co-alcoolique est le conjoint, un ascendant ou un descendant, parfois un supérieur hiérarchique ou un collègue. Cette personne proche tente de « limiter des dégâts » et montre beaucoup de compréhension pour ce qu’elle désigne souvent comme la « dépression » de l’alcoolique. Celle-ci nous rapporte que le comportement de l’alcoolique est certes très difficile à supporter, mais que son travail est exigeant, qu’il a eu une enfance difficile, qu’il a eu une mère impossible, qu’il est l’objet continuel d’injustices à son travail, ou plus simplement que chacun a tout de même le droit de se détendre, et qu’il vaut mieux le faire à la maison (où on peut le tenir à l’œil). Le comportement agressif accompagnant l’ingestion d’alcool est minimisé systématiquement : il n’était pas conscient de ce qu’il faisait, il ne croyait pas ce qu’il disait, il n’avait pas voulu vraiment frapper, ce n’était pas lui, etc. « C’est d’ailleurs ma faute », entend-on souvent dire par le conjoint; « Si j’avais réagi autrement, ça ne serait pas arrivé ». Parallèlement aux « regrets » de l’alcoolique vient le pardon du co-alcoolique : chaque fois, le partenaire pardonne les excès de la veille. L’alcoolique fait serment que de telles choses ne se reproduiront plus et l’incident est effacé. On n’en parle plus, on recommence, selon le phantasme de l’ardoise nette, de la table rase : « On oublie tout, on recommence à zéro », etc. Et ce scénario se reproduit, immuablement, indéfiniment, entraînant une aggravation de la situation sociale, familiale, et somatique…


* à suivre *

mercredi 15 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 11e partie

CONCLUSION

Les résultats de cette étude démontrent que les jeunes sont aux prises avec trois principales sources de conflits : les rapports entre les parents et les jeunes, les rapports entre les pairs dont les relations entre les garçons et les filles et enfin les rapports interethniques. Ces rapports sociaux peuvent être à l’origine de la violence s’il n’y a pas négociation du pouvoir entre les parties. Ces relations sont des rapports de force et elles caractérisent l’ensemble des rapports sociaux. C’est à l’intérieur de ces rapports de pouvoir que se négocie ou s’acquiert par la force une partie de ce pouvoir qui revient à chacun des protagonistes.

Dans l’esprit des jeunes interviewés, un individu violent est un individu souffrant. En général, c’est cette souffrance qui le conduit à adopter des attitudes et des comportements violents. Toutefois, ils associent davantage la violence à des gestes de brutalité. La souffrance physique est plus concrète à leurs yeux, alors que la souffrance psychologique est abstraite et difficilement identifiable.

La violence est comprise comme l’affirmation d’un pouvoir et la recherche d’un contrôle. Cette recherche de contrôle tire sa source dans le sentiment d’impuissance que ressentent certains jeunes. Ces derniers ont le sentiment que les adultes ne les comprennent pas. Ils se sentent marginalités et exclus. Alors qu’on leur demande d’assumer leurs responsabilités, la société leur reconnaît peu de pouvoir et elle les isole avec des valeurs de concurrence et de performance. Cette frustration des besoins d’affirmation et de valorisation crée un sentiment d’impuissance. L’objectif du comportement violent devient alors la prise d’un pouvoir par le contrôle de l’environnement immédiat.

Pour prévenir la violence et promouvoir des rapports de coexistence pacifique et égalitaire assurant l’autonomie, la liberté et le plein développement de tous les individus, il faut intervenir au niveau des quatre principaux agents de socialisation des jeunes : la famille, l’école, les médias et les groupes d’appartenance. Les actions préventives doivent devenir une priorité d’intervention et se faire en concertation avec les différents partenaires (les institutions du réseau public et les groupes communautaires).

On peut prétendre que l’intégration de nouvelles valeurs favorisant des rapports plus égalitaires entre les individus est en progression au Québec. Toutefois, il importe de poursuivre le travail d’éducation auprès des jeunes afin de faire tomber de nombreux préjugés et stéréotypes qui nuisent toujours à la construction de rapports plus harmonieux et conviviaux entre garçons et filles, entre jeunes de groupes ethniques différents, etc. Cependant, la souffrance des individus ne pourra jamais excuser leurs gestes de violence dans les rapports interpersonnels. Mais la compréhension de cette souffrance par les intervenants et les intervenantes peut les aider à développer des moyens pour prévenir cette violence. Il importe d’amorcer le dialogue et de promouvoir des rapports égalitaires entre les individus et entre les groupes d’individus (homme et femme, majoritaire et minoritaire, etc.) tout en privilégiant la négociation et la médiation comme moyen pour résoudre les conflits.

Cette étude soulève plusieurs questions et ouvre quelques pistes de recherche. Un niveau de questionnement concerne la relation qui existe entre les représentations sociales d’un groupe et le développement de conduites à son égard. Jusqu’où l’information qu’un individu possède sur un groupe social donné influence-t-elle ses attitudes et ses conduites envers ses membres? Comment l’information que les adultes ont des jeunes par les médias influence-t-elle leurs attitudes envers eux?

mardi 14 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 10e partie

UNE HYPOTHÈSE DE LA TRAJECTOIRE DE LA VIOLENCE

L’expression de la violence suit une trajectoire. Le récit des jeunes a permis de construire l’hypothèse d’un modèle (tableau 1), mais cette trajectoire peut varier d’un individu à un autre et doit être lue de façon dynamique et circulaire.

Cette trajectoire démontre qu’un ou des stress sont à l’origine d’une atteinte ou d’une souffrance chez un individu. Ce dernier est ainsi privé de la satisfaction d’un besoin. Il risque alors de se sentir frustré. Afin d’éliminer la source de cette frustration, l’individu cherche de cette frustration, l’individu cherche des solutions dans son répertoire de stratégies pour régler les conflits. Il trouvera possiblement une solution à son problème. Si ses efforts le conduisent plutôt à un échec, il risque alors de développer un sentiment d’impuissance. Ce sentiment d’impuissance sera accompagné soit d’un sentiment de colère et d’agressivité ou encore d’un sentiment de peine et de tristesse. L’individu chemine à travers ces différents sentiments. Ils peuvent le conduire à tenter de reprendre le contrôle et le pouvoir sur la situation qui lui échappe. Deux solutions s’offrent alors à l’individu, soit la négociation avec son environnement ou l’adoption d’un de deux types de comportements violents, les comportements autodestructeurs ou les comportements d’agression vers l’extérieur (contre des objets, des animaux ou des individus). S’il a choisi la négociation, il explore alors son répertoire de stratégies pour solutionner le problème. Ces choix peuvent enfin lui apporter une solution ou provoquer un nouvel échec. Dans ce dernier cas, ce revers risque d’augmenter son sentiment d’impuissance et par le fait même ses sentiments de colère et d’agressivité ou de peine et de tristesse. Si, toutefois, il a choisi d’adopter des comportements violents, c’est qu’il a éliminé toutes les autres solutions possibles. Il s’isole et son répertoire de stratégies se cristallise autour d’une seule solution, l’utilisation de la violence. Il peut alors obtenir un règlement ou un nouvel échec. S’il obtient un règlement, cela renforce alors son comportement violent. S’il y a défaite, cela accentue son sentiment d’impuissance et les sentiments qui en découlent.

Le répertoire de stratégies pour solutioner les conflits ainsique l’évaluation que l’individu fait de son succès ou de son échec dépendent, en grande partie, de tout le processus de socialisation de ce dernier. De surcroît, les rapports interpersonnels – entre les hommes et les femmes, entre individus d’origines ethniques différentes ou entre individus appartenant à d’autres groupes sociaux – sont modelés par la société. Les parents, l’école et les médias sont les principaux porte-parole de cette culture. Ce sont eux qui donnent aux enfants, par les valeurs qu’ils véhiculent, par les méthodes éducatives qu’ils utilisent et par la nature des relations qu’ils tissent, des modèles de rapports sociaux. C’est à partir de cette information que les jeunes se construisent uen représentation sociale des relations interpersonnelles. De plus, c’est cette représentation, en grande partie, qui guide la conduite des jeunes. Autrement dit, la représentation sociale que les jeunes se font de la construction des rapports entre hommes et femmes, entre individus de différents groupes ethniques etc., oriente leur conduite et influence grandement l’utilisation ou non de violence dans le règlement de conflits interpersonnels.


* à suivre *

lundi 13 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 9e partie

Un peu plus de la moitié des jeunes interviewés, garçons et filles, reconnaissent que la violence envers les femmes est causée par des attitudes de domination et de mépris de la part des hommes. L’explication donnée pour interpréter la violence de certains hommes envers les femmes repose sur le postulat qu’ils croient en leur supériorité et qu’ils utilisent leur pouvoir, qu’ils ont besoin de dominer et de contrôler la femme. Ils ont besoin de prouver leur puissance. Ils n’acceptent pas que les femmes soient égales à l’homme. S’ils ont le sentiment de perdre du pouvoir, ils sont frustrés et développent de l’agressivité.

(En parlant des hommes violents) « Il a besoin de prouver qu’il est supérieur à
elle. » (garçon d’origine québécoise).

« (Certains hommes croient que…) le sexe masculin a toujours été supérieur au
sexe de la femme. « Fait que », un homme qui se fait (…) battre ou qui se fait
passer devant par une femme, c’est frustrant. » (garçon d’origine québécoise).


Cette explication des causes de la violence des hommes contre les femmes s’inspire donc d’une lecture féministe et sociologique de la réalité. C’est à croire que l’analyse féministe pénètre la croyance populaire et permet une nouvelle lecture des rapports entre les hommes et les femmes chez les jeunes ayant pris part à cette étude. Seuls les garçons d’origine haïtienne ne retiennent pas ce facteur dans leur analyse de la violence. La socialisation plus sexiste des garçons et des filles au sein de la famille haïtienne expliquerait-elle cette attitude?

Toutefois, une nette distinction s’opère entre les garçons et les filles sur la deuxième cause de la violence envers les femmes. Ce sont presque exclusivement des garçons qui retiennent les attitudes de provocation et de passivité des filles comme autre facteur explicatif de la violence. Cette pereption des garçons est nourrie par les mythes et les préjugés voulant que la femme soit un peu responsable de ce qui lui arrive. Ce préjugé sous-entend que les femmes ne savent pas s’y prendre avec leur conjoint. Par leurs attitudes, elles provoquent leur colère. D’après Lacombe, bon nombre de mythes et de préjugés persistent encore en fonction de nos croyances, de notre éducation et de notre milieu. Ainsi, ce préjugé voulant que les femmes provoquent fait partie de la liste des préjugés les plus tenaces tels que : l’alcool est la cause de la violence conjugale, l’agresseur est malade, la violence se transmet d’une génération à l’autre, l’agressivité est naturelle chez les hommes.

« Il faut dire que les filles le cherchent des fois (…) Parce qu’il y a des
filles qui sont bien « agaces ». Pis elles vont coller un, elles vont aller
coller l’autre. » (garçon d’origine québécoise)


Enfin, un troisième facteur explicatif retenu par les jeunes interviewés est l’abus de drogues et d’alcool. C’est une variable évidente de renforcement des attitudes et des comportements violents mais non une cause. Malgré tout, il a été rapporté par quelques jeunes pour expliquer les causes de la violence conjugale.

Ces résultats nous font réaliser l’importance de situer les facteurs explicatifs de la violence dans leur globalité et d’aider les jeunes à distinguer les facteurs de renforcements d’attitudes et de comportements des causes réelles de la violence. Cette clarification est d’autant plus importante que la violence est souvent excusée par une soi-disant perte de contrôle due à des facteurs comme l’abus de drogues ou d’alcool; ceci empêche l’individu de réfléchir sur les réelles motivations des comportements violents et de prendre consicence que ce sont ces mythes et ces préjugés qui renforcent l’idée que les femmes sont en partie responsables de l’agression qu’elles subissent. Il importe d’aider les jeunes à reocnnaître qu’ils ont des préjugés, puis de les identifier et de les aider à les combattre afin d’éviter qu’ils guident leur conduite.

La résolution des conflits passe parfois par la violence lorsque les autres moyens qui font partie du répertoire de stratégies pour résoudre les conflits ont échoué. Les jeunes l’appellent perte de contrôle dans leur discours manifeste. Mais lorqu’ils en expliquent la nature, la plupart reconnaissent que la traditionnelle perte de contrôle n’est rien d’autre qu’un moyen utilisé pour prendre du contrôle et du pouvoir sur ce qui les entoure. C’est ce que révèle leur discours latent. La notion de perte de contrôle est alors utilisée afin de justifier ou de camoufler un acte répréhensible socialement et qui n’est en réalité qu’un désir de prise de contrôle.



* à suivre *

vendredi 10 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 8e partie

LES REPRÉSENTATIONS DE LA VIOLENCE CHEZ LES JEUNES

Dans le cadre de l’étude réalisée, les jeunes, qu’ils soient filles ou garçons, qu’ils soient d’origine québécoise ou d’origine haïtienne, définissent la violence sensiblement de la même façon. Il existe peu de différence entre les groupes quant à l’image qu’ils se font de la violence. Ils utilisent un discours représentatif de leurs conditions de jeunes. Ce discours n’est pas lié aux différences qui peuvent exister entre chacun de ces quatre groupes de l’échantillon. Il reflète, avant toutes choses, une culture propre à l’adolescence. Les seules différences qui ont été observées entre les groupes concernent les causes de la violence.

Selon les jeunes interviewés, l’agression physique est en quelque sorte le baromèetre de la violence. Plusieurs jeunes soutiennent que s’ils ne sont pas agressés physiquement, ils ne sont pas victimes de violence. Pour eux, la violenc est surtout associée à des gestes physiques et brutaux, ce qui est d’ailleurs socialement admis.

« C’est quand quelqu’un veut battre (…) une autre personne inutilement. » (fille d’origine québécoise)
« Tout contact qui est physique, (…) brutal entre deux personnes. » (fille d’origine haïtienne).

L’agression verbale et l’agression psychologique sont reconnues par les jeunes. Mais la majorité considère qu’elles ne sont pas aussi violentes que l’agression physique.

(En parlant de la violence verbale ou psychologique) « Non c’est pas de la violence, mais je ne me sens pas très bien quand on me dit ça. » (garçon d’origine haïtienne).

« Tu peux dire n’importe quoi violemment mais ça touchera pas tout le monde » (fille d’origine haïtienne).

La notion de méchanceté qualifie mieux à leurs yeux l’agression verbale et psychologique. Pourtant, la cruauté mentale et les déchirements de cœur sont beaucoup plus destructeurs que la violence physique, selon nombre de femmes violentées (MacLeod). La majorité des jeunes interviewés sous-estiment donc les impacts de la violence psychologique quoique certains, parmi les plus âgés, en comprennent très bien les conséquences destructrices. Les jeunes croient que la meilleure façon d’évaluer s’il y a ou non violence est la souffrance ressentie. Et la souffrance qui paraît la plus évidente à leurs yeux, c’est la souffrance physique. Si l’individu est blessé, c’est qu’il a été atteint par une agression. Les blessures de l’âme, quant à elles, sont invisibles.

La notion de violence est par conséquent perçue différemment par les jeunes et par les intervenants et les intervenantes. Alors que ces derniers retiennent généralement une définition très large de la violence, les jeunes la définissent de façon plus restrictive et plus limitée. Cette compréhension réduite de la violence par les jeunes rappelle l’importance de clarifier cette notion auprès d’eux afin de la situer dans toute sa globalité.

Lorsqu’on aborde les causes de la violence, une distinction s’opère entre les groupes, tantôt à propos de la violence envers les femmes, tantôt à propos de la violence interethnique. Pour les fins de cet article, examinons leurs explications des causes de la violence envers les femmes. Dans le cadre des rapports entre les hommes et les femmes, les jeunes reconnaissent que les hommes sont plus violents que les femmes. Toutefois, il est plus difficile pour les jeunes garçons de se représenter la violence dans les rapports intimes entre partenaires à l’adolescence. Le jeune âge ainsi que la fonction de désirabilité sociale expliquent en bonne partie la nature de ces résultats.


* à suivre *

jeudi 9 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 6e partie

La conjugaison de ces facteurs peut avoir pour effet de restreindre le répertoire de stratégies qu’un individu possède pour se sortir d’une situation conflictuelle et l’inviter à utiliser un comportement violent pour contrer un sentiment d’impuissance. Mais comment expliquer que la cible de comportements violents est plus souvent une catégorie d’indivdus qu’une autre? Dans le cadre de la violence conjugale certains facteurs sociaux sont alors déterminants, en ce sens qu’ils contribuent et incitent à certains types de violence contre les femmes eu égard à l’oppression dont elles sont victimes. Afin d’expliquer cette violence envers les femmes, Larouche (in Larouche et Gagné) propose un regroupement des facteurs de risque en trois grandes catégories. La première réfère à ce qui crée une relation de pouvoir entre les hommes et les femmes; l’auteure parle alors d’ « incitateurs » en faisant allusion à l’enseignement des stéréotypes traditionnels et des rôles sexistes aux enfants dans les écoles, dans la famille et dans les médias ansi qu’à la pornographie, la violence à la télévision et enfin à tout ce qui incite à user de violence envers les femmes. La deuxième catégorie renvoie aux facteurs qui renforcent la violence. Selon l’auteure, l’homme abusif s’en sert pour justifier, minimiser et se déresponsabiliser de la violence qu’il produit. Il s’agit en réalité de l’allégeance aux stéréotypes masculins et de l’intégration de la notion de pouvoir. Finalement, la troisième catégorie concerne les facteurs qui augmentent la tolérance des victimes tels que les stéréotypes féminins ou ce que l’auteure appelle l’ « incapcité apprise », c’est-à-dire les facteurs personnels qui augmentent la tolérance à la violence, et enfin les discours et les mythes qui entretiennent la position de la violence tels que : « la femme battue est masochiste » (Lacombe).

Dans toutes les formes de violence, l’acte de violence n’est-il qu’un geste de domination de la part de l’agresseur, qu’une façon d’établir son autorité et de régler les conflits sans avoir à négocier? Et cela, qu’il s’agisse de la violence envers les femmes, de la violence envers les minorités ethniques et, pourquoi pas, de la violence tournée contre soi-même. L’agression ou l’acte violent est alors compris comme une façon de se sortir des conflits, une façon de prendre et d’affirmer un pouvoir afin d’exister comme individu. Le choix des victimes dépend de la socialisation de l’individu. Et cette socialisation n’est que le reflet d’un ensemble de facteurs sociaux qui contribuent à renforcer des conditions sociales inégales entre certaines catégories d’individus. Examinons maintenant comment les jeunes interviewés au cours de cette recherche se représentent la violence.

* à suivre *

mercredi 8 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 5e partie

L’appartenance à une communauté culturelle minoritaire et à une minorité visible constitue un risque supplémentaire (CCCI). On n’a qu’à penser à la surreprésentation des jeunes de minorités ethniques aux prises avec des problèmes de comportement importants nécessitant un placement en centre d’accueil. En 2000, les jeunes des communautés culturelles constituaient 30% des jeunes placés en centres fermés, en vertu des mesures de protection ou à la suite d’un délit grave (CCCI). Les facteurs explicatifs sont les problèmes situationnels et économiques découlant de l’expérience migratoire, les problèmes relationnels au sein des familles dans un contexte pluriculturel et multiracial, les problèmes personnels dans leur tentative pour se définir une identité positive alors que la majorité leur renvoie une image négative et enfin l’incapacité de certaines institutions d’offrir l’aide opportune et efficace pour répondre aux situations de crise.

La bande de jeunes peut également influencer l’adoption d’attitudes et de comportements violents. Un individu dont les liens familiaux sont précaires risque de retrouver dans les gangs de jeunes criminalisés un groupe de référence sur lequel s’appuyer. De surcroît, dans nos sociétés modernes, les jeunes se sentent seuls face à un devenir pour le moins incertain. L’individualisme, la réduction des programmes sociaux et la priorité des lois du marché sont les vertus premières prônées par notre système social pour gérer les rapports sociaux. La loi de la concurrence est féroce et les plus faibles sont rejetés. Dans un tel contexte, le recours à la force devient pour certains individus la seule façon d’exister et d’affirmer son identité. En outre, la promotion par les différents médias de la violence comme moyen efficace de résolution de conflits est un autre facteur qui ne contribue pas à l’apparition du phénomène de la violence mais qui favorise sans doute son amplification (Cohen in LeBlanc).

Enfin, certaines caractéristiques situationnelles conjuguées à d’autres facteurs peuvent élever sensiblement le risque d’utilisation de comportements agressifs. Songeons par exemple à l’abus d’alcool ou de drogues. De plus, les conditions de l’environnement tels le bruit, la chaleur et la densité de la population sont des caractéristiques physiques qui peuvent influencer les conduites mais elles sont étroitement liées à des variables cognitives intermédiaires qui conditionnent le comportement du sujet. Ces variables cognitives sont l’évaluation de la situation comme agréable ou non ainsi que le sentiment que le sujet a le pouvoir d’y échapper s’il le désire (Moser).

Bref, il n’existe pas de cause unique pouvant expliquer le recours à la force brutale dans les rapports interpersonnels. Pour expliquer l’agression ou la violence, il faut tenir compte de l’interaction de variables personnelles, familiales et environnementales (structurelles, socio-économiques, culturelles et stituationnelles). Pour comprendre ce qui engendre un comportement violent, il faut étudier et analyser les différents facteurs du processus et du contexte d’apprentissage dans lequel le jeune a évolué et évolue quotidiennement.

* à suivre *

mardi 7 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 4e partie

FACTEURS DE RISQUES (SUITE)

Le deuxième groupe des facteurs retenus par les auteurs englobe les variables familiales. Plusieurs auteurs s’accordent pour dire que la famille a un rôle prédominant à jouer dans le développement ou non chez un jeune de comportement ou non chez un jeune de comportements agressifs. Toutes les familles ne possèdent pas des conditions sociales et économiques favorables au développement d’un climat familial adéquat. Aussi, les parents qui ne peuvent offrir une supervision adéquate, une cohérence entre les conduites et leur verbalisation, des modèles efficaces de communication et de résolution des conflits, une éducation basée sur des relations affectives et des règles équitables pour tous les membres de la famille favorisent le développement de comportements antisociaux chez leurs enfants (Hébert).

En troisième lieu, les auteurs ont identifié différentes variables que nous qualifions d’environnementales. Cette catégorie inclut les facteurs structuraux et socio-économiques, les facteurs institutionnels du milieu scolaire, les facteurs liés aux groupes d’appartenance, les facteurs culturels et situationnels.

Le lien étroit entre la pauvreté et la violence est confirmé par de nombreuses études (Chenais et al. In Hébert). Toutefois, dans les recherches concernant la violence familiale on observe que ce n’est pas tant le statut socio-économique des familles qui prédispose à la violence que les ressources sociales limitées et les frustrations inhérentes aux rôles familiaux et occupationnels qui sont associées à ce statut économique (Steinmetz et Straus in Lamoureux). Les mauvaises conditions de logement, de travail, de santé et de loisirs ainsi qu’un revenu insuffisant et la faiblesse d’un réseau de soutien social sont tous des sources évidentes de stress et peuvent provoquer de l’insécurité, des tensions et des conflits.

Par ailleurs, la réalité de domination culturelle, religieuse, légale, économique et sociale des femmes et des enfants a engendré plusieurs formes d’abus de pouvoir et de violence au sein des familles de la part des hommes (l’ARIHV). Aujourd’hui, même sis ces structures sont en mutation, les femmes demeurent largement absentes des véritables postes de pouvoir. Il existe toujours des inégalités entre la condition des hommes et la condition des femmes, ce qui laisse place à des abus de pouvoir et à la violence.

Un grand nombre des actes de violence des jeunes se passent à l’école ou autour de celle-ci. L’école comme institution a un rôle important à jouer dans le développement ou non d’attitudes et de comportements violents chez les jeunes. Certains facteurs institutionnels viennent influencer l’incidence de la violence. Les attitudes et les comportements du personnel scolaire, l’école comme milieu physique et social, la composition des effectifs scolaires et enfin les valeurs éducatives et les régimes pédagogiques sont autant de variables qui interfèrent dans le développement d’attitudes et de comportements violents (Caouette).


* à suivre *

lundi 6 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 3e partie

LES FACTEURS DE RISQUE

Examinons tout d’abord les facteurs personnels. Plusieurs recherches ont tenté d’expliquer les facteurs physiologiques et psychiques associés aux comportements violents d’un individu. Cependant, ces facteurs sont indissociables des facteurs familiaux, environnementaux ainsi que du processus et du contexte de socialisation de l’individu.

Depuis de nombreuses années, le fonctionnement physiologique est scruté à la loupe afin de localiser les désordres organiques permettant d’expliquer l’agression à partir de pulsions physiques. On est passé de la recherche d’une infériorité constitutionnelle (chromosome surnuméraire) chez le criminel aux études qui ont tenté d’établir un lien direct entre le niveau de testostérones d’un individu et l’expression de sa violence. Toutefois, ces recherches n’ont pas permis d’apporter de preuves concluantes (Barker et Boissonnault).

Sur le plan psychologique, deux types de recherches ont été menés avec des résultats mitigés (Lamoureux). Dans le premier type, les recherches analysent les caractéristiques de personnalité prédisposant les sujets dits « normaux » à s’engager dans une agression. Dans le second, elles étudient les caractéristiques de personnalité des sujets présentant des comportements agressifs ou s’étant engagés dans des actes d’extrême violence.

Plusieurs de ces recherches postulent que certains traits de personnalité peuvent contribuer à ce que le sujet s’engage plus volontairement dans des conduites d’agression. Ainsi, on a observé chez certains jeunes agressifs une difficulté permanente à modifier un comportement acquis (Morisette in Lamoureux). Au lieu de remettre en cause leur comportement agressif, certains jeunes développeraient des résistances leur permettant de renforcer ce type de comportement. Cette attitude limiterait son pouvoir d’apprentissage ou d’adaptation. Quant aux réactions émotionnelles, les auteurs identifient la faible tolérance à la frustration et la recherche d’une satisfaction immédiate, sans considération aucune d’autrui ou des contraintes extérieures (égocentrisme). Selon Lemay (in Lamoureux), les difficultés cognitives d’un jeune violent découlent de son jugement moral qui se limite à une moralité égocentrique. Cette moralité rejette par le fait même des valeurs de réciprocité, de convergence ou de maintien de l’ordre moral et social. Enfin, les jeunes ayant une faible estime ou une trop forte estime d’eux-mêmes présenteraient des risques plus élevés d’être rejetés par leurs pairs prosociaux et d’adopter des comportements inadaptés (carrier et al. In Hébert).
* à suivre *

vendredi 3 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 2e partie

LES PERSPECTIVES D’ANALYSE

Pour André Gobeil et Francine Ouellet, les psychologues et les sociologues ont développé plusieurs théories dans leurs recherches pour expliquer le phénomène de l’agression et comprendre les facteurs pouvant conduire un individu à adopter des attitudes et des comportements violents. La majorité des approches sont de conception monocausale, c’est-à-dire qu’une cause unique est censée rendre compte de l’ensemble des manifestations du comportement d’agression. Mais la violence ne peut s’expliquer uniquement par des composantes agressives de la personnalité humaine. Selon Hébert, il faut tenir compte de l’interaction de multiples variables individuelles, familiales et environnementales où les rôles des apprentissages cognitif et social sont déterminants.

L’approche de la violence qui est retenue s’inspire de plusieurs théories. La théorie de la frustration, plus particulièrement par le biais du concept d’apprentissage social de comportements agressifs (Bandura), sert de toile de fond. Associée à cette approche, se superpose l’approche sociologique qui permet d’identifier les diverses sources de frustration dans l’environnement d’un individu (Mackal). Puis, se greffe la perspective cognitive qui explique l’interprétation faite par un individu de la source de frustration. C’est cette interprétation qui guidera ses conduites et ses actions. Enfin, la théorie de la socialisation réinterprétée par les théoriciennes féministes vient ajouter une couleur à la théorie de l’apprentissage social qui sert de canevas à cette étude. La définition de la socialisation s’inspire à la fois de la sociologie et de la psychologie et converge vers un même point : l’intégration des valeurs sociales (Drolet). Les principaux agents de socialisation sont la famille, l’école, les médias et les groupes d’appartenance.

L’utilisation de comportements agressifs par un individu ne s’explique pas de façon mécaniste. On peut chercher les causes multiples de tels comportements mais il importe, avant toutes choses, de résituer ces comportements dans leur contexte, de les distinguer les uns des autres et de les nuancer. Étant donné que les agresseurs n’ont pas tous la même force physique ni le même pouvoir social, on peut s’attendre à ce que les conséquences et les motifs de leur violence diffèrent aussi.

C’est sans nul doute l’analyse féministe du phénomène de la violence qui situe le mieux l’agression et la violence dans le contexte des rapports sociaux. Elle nous rappelle l’importance de considérer le contexte socio-politique entourant le rôle social joué par certains agresseurs dans leurs rapports sociaux avec les victimes. L’approche féministe insiste sur le fait que, dans notre société sexiste et patriarcale, les femmes et les enfants sont les victimes de la violence familiale, tandis que les hommes en sont les auteurs. Il est essentiel de situer l’agresseur dans sa position sociale pour comprendre les gestes posés. Lorsqu’on a affaire à l’agression d’un homme envers une femme, l’analyse féministe explique les gestes de l’homme comme étant une recherche de satisfaction de son besoin de domination et de contrôle (Larouche et Gagné; Lacombe). L’agression et la violence deviennent alors l’expression d’un pouvoir et d’une domination, le besoin de renforcer un contrôle sur la victime. N’est-ce pas le même phénomène d’affirmation d’un pouvoir qui entre en jeu dans les agressions entre jeunes d’origines ethniques différentes ou dans les cas d’agressions contre des jeunes marginalisés, soit par leur orientation sexuelle, leur origine ethnique, leur handicap physique, mental ou autre?

C’est donc dans l’interaction de plusieurs variables que s’expliquent l’agression et la violence. Ces variables peuvent être groupées en facteurs personnels, familiaux et environnementaux (structurels et socio-économiques, culturels et situationnels).


* à suivre *

jeudi 2 décembre 2010

VIOLENCE CHEZ LES JEUNES - 1e partie

LES REPRÉSENTATIONS SOCIALES DE LA VIOLENCE CHEZ DES JEUNES

Depuis quelques années, la violence est examinée sous tous ses aspects. Les journalistes, les chercheurs et les intervenants la questionnent, l’analysent et l’interprètent. Il ne se passe pas une semaine sans que notre imaginaire soit touché par un article ou une émission qui traite de manifestations de violence. Le sujet soulève des émotions voire même des passions.

Mais les jeunes, eux, qu’en pensent-ils? Comment définissent-ils la violence? Quelle représentation se font-ils de ses manifestations et de ses causes? Quelle signification donnent-ils à son utilisation? À part certaines recherches en victimologie (Kraus; Dumas; Abrahams et al.; Robitaille), il existe peu ou pas d’étude concernant la perception ou la représentation sociale que les jeunes se font de la violence.

En donnant la parole aux jeunes, l’objet de cette étude était de comprendre le sens qu’ils accordent à l’expression entre leurs représentations sociales, leurs attitudes et leurs comportements. Ce travail permet ainsi de jeter un nouvel éclairage sur la réalité des jeunes du milieu HLM et, par la même occasion, peut aider les intervenants et les intervenants, souvent dépassés par le phénomène de la violence, à développer de nouvelles pistes d’intervention.


Les données ont été recueillies en entrevue semi-dirigée auprès de onze jeunes, garçons et filles, âgés entre quatorze et dix-huit ans, dont la moitié était d’origine haïtienne et l’autre d’origine québécoise. L’échantillon de type non probabiliste et de quotas a été construit à partir des adolescents et des adolescentes qui résidaient dans ce HLM où une intervention collective avait été amorcée, tout en respectant trois critères de sélection, soit l’âge, le sexe et l’origine ethnique. Un schéma d’entrevue à questions ouvertes servait de guide. Les données furent étudiées grâce à l’analyse de contenu de type qualitatif. La notion de représentation sociale servait de cadre de référence à l’analyse comparative entre les quatre groupes de l’échantillon : garçons ou filles, d’origine haïtienne ou d’origine québécoise.

Cet article a pour but de mettre en évidence une hypothèse de la trajectoire de la violence élaborée à partir du discours des jeunes dans le cadre de cette recherche. Pour ce faire, il traduira les représentations sociales que les jeunes interrogés se font de la violence dans le cadre des rapports interpersonnels mais plus spécifiquement des rapports entre les hommes et les femmes. Dans un premier temps, la perspective d’analyse retenue au cours de cette étude sera développée. De plus, les différents facteurs de risque à l’origine de l’expression de la violence seront brièvement exposés. Par la suite, les représentations sociales que les jeunes se font de la violence, de sa définition et de ses causes seront présentées. Puis, une hypothèse de la trajectoire de la violence sera élaborée. Enfin, certaines pistes d’action préventive seront explorées.


* à suivre *

mercredi 1 décembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 12e partie

CONCLUSION

Il se dégage donc de l’ensemble des travaux de recherche que les programmes d’intervention pour conjoints violents permettent de diminuer l’incidence des comportements d’abus. Leur efficacité semble cependant varier selon les groupes, selon les modalités d’intervention et selon les individus. D’autre part, ces programmes semblent avoir des effets qui varient selon le type de violence. En effet, la majorité des programmes que nous avons examinés sont plus performants face à la violence physique vis-à-vis la violence verbale ou psycholoqiue. Ce dernier résultat soulève différentes questions. On peut se demander pourquoi ces formes de violence sont plus résistantes à l’intervention. Est-ce parce que les programmes mettent davantage l’accent sur l’arrêt des comportements de violence physique? Cette persistance de la violence psychologique et verbable est-elle l’expression d’une transformation de la violence physique? D’un manque de conscientisation des hommes face au contrôle qu’ils cherchent à exercer? Ou encore, peut-on penser que les programmes, dans leur forme actuelle, sont davantage outillés pour agir sur la modification des comportements plutôt que sur les attitudes? Il s’agit là d’autant de questions sur lesquelles il faudra se pencher enfin de mieux comprendre les actions à privilégier afin de mettre fin à la violence faite aux femmes

mardi 30 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 11e partie

Auprès de qui doivent être effectuées les collectes de données?

Dans les recherches portant sur l’évaluation de l’efficacité des groupes de traitement, la collecte des données se fait principalement auprès de l’homme violent lui-même. On remet cependant en question la validité des informations ainsi recueillies. En effet, plusieurs auteurs ont fait la démonstrationi empirique que les taux de violence rapportés par les hommes sont inférieurs à ceux rapportés par les femmes (Shepard; Edleson & Brygger; Edler; Edleson & Gruszsnki; Eisikovitz & Edleson). Ces dernières seraient aussi plus sensibles à détecter la violence psychologique et les menaces. En effet, il ne faut pas perdre de vue que la violence maritale n’est pas seulement socialement indésirable, elle est aussi illégale et peut entrâiner des poursuites judiciaires (Rosenbaum). Le fait de questionner le répondant sur ce sujet entraîne chez celui-ci un problème de désirabliité sociale qui affecte sa volonté à rapporter ses propres comportements agressifs (Dutton).

Ce probème de désirabilité sociale a aussi une influence sur le mode d’administration des instruments. Ainsi, Dutton considère que la violence conjugale étant un problème social sévèrement jugé par la société, le recours aux entrevues, spécialement pour amener l’homme à faire état de ses comportements de violence, peut générer des problèmes d’influence de l’interviewer sur l’interviewé. D’autre part, les travaux d’Edler ont démontré que les taux de violence rapoprtés par les hommes ou leur conjointe ne varient pas en fonctioni du sexe de l’interviewer. Toutefois, ils augmentent dramatiquement chez les femmes lorsqu’elles sont rencontrées seules plutôt qu’en couple. Mentionnons cependant que le fait de procéder à une collecte des données auprès des femmes n’exlut pas la possiblité que la désirabilité sociale interfère dans les réponses de ces dernières. En effet, la femme peut hésiter à faire état de l’ensemble des comportements de violence de son partenaire, que ce soit pour le protéger, parce qu’elle se sent responsable de cette violence ou parce que cette situation lui fait honte.

L’ensemble de ces constats a tout de même amené plusieurs chercheurs à tenter de recueillir les données portant sur le comportement de l’homme violent à partir d’autres sources d’information, dont les conjointes de ces hommes. Tous ne sont cependant pas d’accord avec cette façon de procéder. Ainsi, Rosenbaum considère que de rechercher la collaboration des femmes sur cette question peut être perçu comme infantilisant pour l’homme que l’on tente d’intégrer dans une démarche de responsabilisation.

Nous avons cependant constaté un plus grand courant de recherches allant à l’encontre de la position de Rosenbaum. Dans ces études, on juge que la priorité doit être mise sur la validité des informations obtenues. Ainsi, on considère qu’il est essentiel de recueillir des données auprès des conjointes, notamment parce que les hommes sous-estiment leur violence, ce qui rend difficile l’évaluation de la dangerosité de ces derniers (Edleson & Brygger; Edler; Ouellet et al. Sous presse), tout en risquant de surestimer les effets d’un programme de traitement (Edleson & Brygger).

Notons ainsi que dans la majorité des études où l’on procède à une collecte d’informations auprès des femmes, on effectue quand même une mesure des comportements de l’homme selon ses propres dires. Ceci permet donc de comparer les taux de violence rapportés par les deux membres du couple. Lorsque les chercheurs se voient confrontés à des informations différentes, il est fréquent qu’ils optent pour la version de la femme. Ces chercheurs justifient leur choix en indiquant qu’il est moins hasardeux pour la sécurité des conjointes de prendre le risque de surestimer la violence de l’homme que de la sous-estimer.

Finalement, certains chercheurs ont souligné que l’analyse des données provenant de deux sources distinctes aurait avantage à être traitée différemment. En effet, il est courant que l’on présente le taux moyen de violence rapporté par les hommes et qu’on le compare à celui fourni par les femmes (utilisation de données réunies). Pour Rosenbaum, cette façon de faire peut donner une illusion de changement, puisque les déclarations de chaque personne se fondent dans l’ensemble. On souligne donc qu’il est souhaitable de procéder à une comparaison des résultats obtenus sur une base individuelle plutôt que sur une moyenne de groupe (Dutton; Rosenbaum).


* à suivre *

lundi 29 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 10e partie

Comment allier science et éthique?

Une recherche évaluative appelle généralement un devis expérimental ou une mesure « avant » le programme, une autre « après », les résultats étant comparés à ceux d’un groupe de contrôle (i.e. des individus non soumis à l’expérimentation). Toutefois, en ce qui concerne l’évaluation des programmes aupres des conjoints violents, il est fréquent que l’on ait recours à un devis non expérimental (i.e. sans groupe de contrôle). Plusieurs auteurs ont signalé que l’absence d’un groupe de contrôle diminuait la portée des résultats obtenus. L’on doit cependant concéder que cette limite est plus liée à l’éthique et à la nature du problème qu’à des questions de contraintes budgétaires ou de temps. En effet, la dangerosité du problème à l’étude a fait dire à certains chercheurs qu’il vaut mieux travailler avec cette limite que de prendre un risque qu’aucune recherche ne justifierait (Edleson & Grusznski).

La nature du problème à l’étude ne nous empêche pas de recourir à des groupes de contrôle équivalents ou, à tout le moins, à des groupes de comparaison. Ainsi, l’utilisation des listes d’attente est une façon de se composer un groupe de contrôle (Saunders). On peut aussi penser à certaines sélections qui sont faites par les juges, orientant tantôt l’homme violent vers un traitement et tantôt vers d’autres types de pénalités (Chen et al.). D’autres chercheurs (Dutton) ont aussi examiné et comparé les rapports de police générés pour des hommes ayant ou n’ayant pas suivi un programme de traitement. Finalement, on peut aussi penser comparer les résultats obtenus par des individus ayant complété un programme de traitement aux résultats obtenus par ceux qui ont abandonné en cours de route. La sélectioni des personnes n’étant pas laissée au hasard, il demeure cependant important de contrôler le plus précisément possible la sélection « naturelle » qui aurait pu se faire entre les groupes que l’on désire comparer.


* à suivre *

vendredi 26 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 9e partie

D’autre part, définir l’efficacité d’un programme de ce type nous amène également à revoir la définition même du problème auquel nous cherchons une solution, soit la violence. Pour certains auteurs, on n’a qu’une vision partielle de la violence lorsqu’on ne tient pas compte des menaces de violence et de la peur qui peut subsister chez la conjointe. À ce sujet, Eisikovitz et Edleson questionnent la signification de la cessation de la violence pour une conjointe qui a vécu peu d’événements de violence mais des événements sévères. Mais, on a pu le constater dans la première partie de cet artcile, les recherches les plus récentes, tout en ne tenant pas encore compte des craintes qui peuvent subsiter chez la conjointe, présentent maintenant les taux de succès en distinguant la diminution de la violence physique des autres formes de violence, telles que le contrôle.

Edleson et Grusznski, dans une de leurs études, ont observé que les deux tiers des hommes, 9 mois après la fin du traitement, sont demeurés non violents mais que, parmi eux, 43% ont proféré des menaces. Pour ces auteurs, il s’agit là de résultats encourageants, mais la persistance des menaces de violence est inquiétante. Il semblerait que, dans certains cas, l’homme a appris à contrôler sa violence, spécialement la plus visible et la plus condamnable. Toutefois, il continuerait d’avoir des comportements plus subtils de contrôle puisque les menaces, et la peur qu’elles entraînent chez la femme, sont une forme puissante de domination. Pour Edleson et Grusznski, la persistance des menaces signifie l’exercice d’un contrôle mieux acceptable légalement.

Selon la recension d’Edleson et Syers, les résultats présentés dans les différentes recherches évaluatives signalent des taux de réussite du programme variant de 59% à 84%. Mais ils ont aussi noté que la plupart des études signalent qu’une majortié d’hommes ayant suivi ces programmes ont recours à des menaces de violence au moment du suivi. Ces résultats parlent en faveur d’un examen plus attentif de la transformation ou de la persistance de certaines formes de violence qui semblent fréquentes chez les hommes ayant suivi un programme de traitement. Il serait donc hasardeux, nous semble-t-il, de limiter la mesure de l’efficacité d’un tel programme à la diminution de la violence physique.

Enfin, une mesure d’efficacité est également tributaire du facteur temps. Une des limites, peut-être la plus importante des recherches portant sur l’efficacité des traitemetns pour conjoints violents, concerne les mesures de suivi qui sont menées trop peu de temps après la fin du traitement et avec des taux de participation très bas. À ce sujet, l’Ontario Medical Association Committee on Wife Assault (cité dans Frankel-Howard) soulignait que :
« les études à court terme révèlent une diminution appréciable de la fréquence
et de la gravité des attaques, mais on n’a entrepris aucune évaluation à long
terme de l’efficactié des groupes de traitement dans le cas des maris agresseurs».

La recension des écrits que nous avons effectuée a fait ressortir que, dans la majorité des études, les périodes de suivi ne dépassent que rarement, 6 mois, alors que les effets d’un programme diminuent rapidement après une période de 8 à 14 mois (Gondolf). Tolman et Bennett soulignent par ailleurs qu’une bonne proportion des hommes se retrouve sans partenaire durant et après le traitement; à court terme, il est ainsi moins probable de retrouver un comportement violent. Ils mentionnent aussi qu’il ne faut pas attribuer trop rapidemnet aux programmes de traitement les succès enregistrés. En effet, une partie de ce succès serait imputable à la « périodicité » de la violence, les mesures de suivi étant prises trop rapidement après la fin du traitement.


* à suivre *

jeudi 25 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 8e partie

QUELQUES QUESTIONS PERTINENTES POUR L’INTERVENANT

Évidemment, une entreprise d’évaluation de l’efficacité d’une intervention conduit à se poser des questions, tant sur l’intervention elle-même que sur le processus d’évaluation! Nous avons ainsi tenté de regrouper ces différents niveaux de difficultés autour de trois thèmes : la définition même de ce qu’est un programme efficace, l’éthique de la recherche et les sources de données.

Qu’est-ce qu’un programme efficace?

On dit qu’un programme de toute nature est efficace lorsqu’il atteint les objectifs préalablement implique nécessairement une révision des objectifs de l’intervention ou, à tout le moins, une focalisation. Or, dans la recension des écrits sur ce sujet, les études traitant des programmes d’intervention auprès de conjoints violents ont principalement porté sur deux aspects. Si un certian nombre de chercheurs ont tenté d’évaluer l’efficactié des traitements offerts à ces personnes, d’autres se sont plutôt centrés sur les caractéristiques propres à ces individus. On examinera dans certains cas l’efficactié du programme en termes de sa capacité à faire diminuer ou cesser la violence, mais aussi de son impact sur la modification de certains traits individuels ou caractéristiques de l’homme. C’est principalement sur ce dernier élément que les auteurs ne s’entendent pas. En effet, on considère tantôt que l’efficacité d’un programme de traitement ne se base que sur son influence à faire diminuer ou cesser la violence, tantôt sur sa capcité à modifier certains traits individuels. D’autres, finalement, indiqueront qu’un programme de traitement efficace est celui qui fait cesser ou diminuer de façon importante toutes les formes de violence et non uniquement la violence physique comme c’est souvent le cas.

On invoque plusieurs raisons pour s’opposer aux études mettant beaucoup d’emphase sur les caractéristiques de l’homme violent. On indique notamment qu’une telle approche sous-tend une explication de la violence comme un phénomène relié aux caractéristiques personnelles d’un individu, ce qui lui retire sa dimension socio-politique. D’autres considèrent qu’il vaut mieux mettre de l’énergie à faire cesser l’abus que de chercher à comprendre ce qui caractérise l’abuseur. Gondolf a pour sa part émis une réserve quant à l’utilisation des tests psychologiques administrés avant et après le programme. Il souligne que si ces tests nous renseignent sur certains facteurs pouvant prédisposer à l’abus, rien ne nous dit par ailleurs qu’ils sont adéquats dans l’évaluation du succès d’un traitement. Aussi, bien qu’il puissse être intéressant de mieux comprendre qui est l’homme violent, ce qu’il pense ou ce qu’il ressent, ces tests ne sauraient se substituer à une mesure directe des comportements de violence de ce dernier. Ceci repose sur une logique d’évaluation qui précise qu’un traitement « X » est jugé efficace dans la mesure où il permet d’atteindre l’objectif principal du traitement. Or, aucune étude à ce jour n’a permis d’établir de lien de causalité entre les caractéristiques d’un individu et l’adoption d’un comportement violent.


* à suivre *

mercredi 24 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 7e partie

AUTRES EFFETS DES PROGRAMMES

Finalement, il apparaît que les programmes de traitement pour conjoints violents ont un impact qui ne se limite pas aux aspects comportementaux. Saunders et Hanusa ont à ce sujet noté, chez des hommes ayant participé à un tel programme, différents changements positifis s’exprimant par une diminution du niveau de la colère, de la jalousie, de la dépression et des attitudes stéréotypées au sujet des rôles des femmes. Farley et Magill, de leur côté, ont noté qu’avant de débuter le programme de traitement, les participants sont en crise, ceci se réflétant notamment par une surabondance de frustrations en comparaison du niveau de satisfaction. Les résultats obtenus à la fin du groupe suggèrent que les hommes ayant participé au programme obtiennent des résultats comparables à ceux enregistrés auprès d’une population normale. Ils vivent moins de frustrations, de même qu’une diminution probable de la dépression et du sentiment d’abandon, ce qui selon les chercheurs permet de supposer que ces hommes ont trouvé des alternatives à des situations auparavant frustrantes. Les travaux de Kriner et Waldron ont par ailleurs permis de déterminer que le fait de participer à un programme de traitement a un impact sur l’estime de soi des participants. Le fait d’assister à un tel programme fait hausser le niveau d’estime de soi.


* à suivre *

mardi 23 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 6e partie

LES DIFFÉRENTES MODALITÉS D’INTERVENTION

Au-delà de certaines caractéristiques individueles des participants, quelques chercheurs ont émis l’hypothèse que les approches utilisées dans le traitement des conjoints violents ont un impact sur l’arrêt des comportements abusifs.

Ainsi, Shepard a voulu mesurer les résultats obtenus par un groupe de traitement offrant un programme combinant une approche thérapeutique (12 semaines) et une approche éducative (12 autres semaines). Les résultats démontrent que les taux d’abus (rapportés par les hommes ou par les femmes) sont plus bas dans les dernières phases du programme. La plus grande diminution des abus a été observée durant la phase de thérapie. Par ailleurs, l’incidence d’abus ne varie pas lorsque l’on compare les hommes qui ont suivi uniquement la phase de thérapie à ceux ayant aussi participé à la partie éducative du programme. De plus, l’histoire de violence de l’homme (incluant 16 indicateurs dont le fait d’avoir été témoin ou victime de violence dans son enfance) ne prédit pas des taux plus élevés d’abus. Finalement, lorsque l’on compare les informations provenant des hommes et des femmes, on observe que ces dernières rapportent plus d’abus psychologiques que les hommes à tous les moments du programme, sauf au moment de la mesure de suivi.

Dans une récente étude, Edleson et Syers ont examiné et comparé les effets de six programmes de traitement pour conjoints violents. Ces programmes se distinguaient par le type de modèle mis de l’avant (d’éducation, d’entraide, et une combinaison des deux), de même que par leur intensité (la durée des groupes pouvant être de 12 ou 32 semaines). Les résultats font ressortir que le taux de violence au moment du suivi est de 10% inférieur chez les hommes ayant suivi un programme de 12 semaines comparativement à 32 semaines. Cette différence n’est cependant pas statistiquement significative. Par ailleurs, si l’on examine les résultats obtenus en fonction du type de modèle mis en place, on constate que plus le groupe est structuré et éducatif, plus bas est le taux de récidive au moment du suivi, sans égard à la durée du programme. Plus spécifiquement, on observe que 32% des hommes du groupe d’éducation ont récidivé, 34% dans le groupe combiné et, enfin, 54% dans le groupe d’entraide. Il faut encore noter que ces différences ne sont pas statistiquement significatives.

En examinant l’ensemble des variables à la fois, on constate que ce sont les hommes qui ont suivi le programme d’éducation ou le programme combiné, d’une durée de 12 semaines, qui ont obtenu les taux les plus bas de récidive.

Un autre objectif de cette étude avait trait à l’effet de ces programmes sur les menaces terrorisantes. On constate dans un premier temps que les programmes de 12 semaines font diminuer de 6% l’incidence de celles-ci. D’autre part, ce sont les hommes qui ont participé au groupe d’éducation qui semblent le moins portés à utiliser ce type de menaces. Si l’on examine les deux variables à la fois, on constate que 33% des hommes ayant suivi les programmes d’éducation de 12 semaines font usage de menaces terrorisantes. Ce pourcentage s’élève à 75% chez les hommes ayant suivi le programme d’entraide de 32 semaines.

En résumé, le groupe d’éducation de courte durée semble le modèle le plus efficace. Il n’en demeure pas moins cependant qu’un nombre important d’hommes continent de faire usage de menaces de violence. À ce sujet, il faut mentionner le point de vue de Jennings qui considère que les attentes entretenues face au programme de traitement pour conjoints violents sont quelque peu démesurées. Par ailleurs, compte tenu du nombre de semaines que comprend une thérapie, on attend des changements au plan du comportement (souvent appris depuis plusieurs années) et on s’attend aussi à une modification des attitudes, ce qui est très difficile à réaliser. D’un autre côté, les résultats de l’étude D’Edleson et Syers tendent à démontrer une certaine saturation au-delà d’une intervention que l’on pourrait qualifier d’à court terme. Ainsi, allonger la période de traitement n’apparaît pas améliorer les résultats. Donc, si d’une part, il est impossible de modifiier l’ensemble des comportements et attitudes menant à la violence par l’entremise des groupes de traitement actuels et que, d’autre aprt, un traitement plus intensif ne semble pas augmenter les résultats, il faut croire en la nécessité de miser sur des interventions combinant un traitement et d’autres interventions de nature différente.

Quoique ces résultats jettent un premier éclairage sur l’efficacité comparée de différentes modalités de traitement, nous devons nous rallier au point de vue de Sonkin et de Gondolf qui ont indiqué que les recherches actuelles ne permettent pas de déterminer quelle modalité de traitement est la plus efficace.



* à suivre *

lundi 22 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 5e partie

L’ABANDON DU TRAITEMENT

Une autre caractéristique des groupes de traitement pour conjoints violents est que l’on y observe des taux d’abandon assez élevés. Cette question apparaît d’autant plus importante que, dans certaines études, on a observé des niveaux plus élevés de récidive chez les hommes abandonnant avant la fin du traitement. Par exemple, Edleson et Grusznski ont observé que 67% des hommes ayant complété le programme sont signalés comme non violents par leur conjointe et ce, 4 mois après le traitement. Ce pourcentage est de 54% pour les hommes ayant abandonné (le suivi ayant été fait en moyenne 9 mois après l’abandon). Une autre étude des mêmes auteurs n’a cependant pas fait ressortir de résultats aussi différents. En effet, on a enregistré que 59% des hommes ayant complété le programme et 52% des décrocheurs sont demeurés non violents, 1 an après la prise de contact, selon les déclarations des conjointes. Finalement, les travaux de Chen et al. Ont mis en lumière que le fait de suivre un programme a un impact sur la récidive à condition que l’homme ait assisté à au moins 75% des rencontres prévues au programme.

Aussi, certains chercheurs ont tenté de mettre en évidence des facteurs permettant de distinguer les hommes qui abandonnent de ceux qui complètent l’ensemble de la démarche. À ce sujet, Grusznski et Carrillo ont tout d’abord constaté que les hommes ayant complété l’ensemble de la démarche font preuve de moins de violence indirecte, tout de suite après la fin de la thérapie. Ils sont par ailleurs davantage scolarisés et plus nombreux à travailler à temps plein. D’autre part, ces hommes ont été plus souvent témoins d’abus dans leur enfance, mais moins souvent violentés eux-mêmes que l’autre groupe. Les chercheurs ont aussi observé que ces hommes obtiennent un score plus élevé à la mesure du « contrôle », tel qu’observé à l’aide du Fundamental Interpersonal Relations Orientation-Behavior Scale (Schultz cité dans Grusznski et Carillo). Enfin, les hommes qui complètent le programme sont aussi ceux qui ont plus d’enfants. Pour Gruzsnski et Carillo, ce dernier résultat laisse croire qu’il y a peut-être un lien entre le fait de compléter le traitement et la durée de la relation avec la conjointe. Les travaux d’Hamberger et Hastings font ressortir que les décrocheurs ont des dossiers criminels davantage chargés. Par contre, les hommes sous ordonnance du tribunal sont moins portés à abandonner. L’analyse discriminante des différentes variables à l’étude fait ressortir que le statut de volontaire, la race, l’emploi, le fait de posséder un dossier criminel avant d’intégrer le programme et le résultat obtenu à l’échelle de consommation d’alcool, sont les indicateurs les plus déterminants dans la prédiction de la poursuite ou de l’abandon du programme. Cette combinaison de facteurs permet de prédire correctement l’abandon ou la poursuite du programme dans 74% des cas.

Saunders et Parker ont eux aussi cherché à mieux comprendre les facteurs associés à la poursuite ou non d’un programme de traitement. Les résultats démontrent que pour les hommes faisant preuve de violence sévère à l’endroit de la conjointe, le fait d’ëtre sous ordonnance de la Cour est associé à la poursuite du programme chez les hommes jeunes et n’ayant pas fréquenté le collège. À l’opposé, la poursuite du programme chez les hommes âgés de plus de 25 ans était associée au fait de posséder au moins une scolarité de niveau collégial et de s’être présentés volontairement au programme. Finalement, la participation volontaire au programme de traitement est la variable la plus fortement associée à la poursuite du programme chez les hommes n’ayant pas rapporté user de violence sévère. Dans une seconde étude, ces mêmes auteurs (Saunders & Parker) ont tenté d’expliquer l’abandon du programme en examinant différentes caractéristiques psychologiques et attitudes de l’homme violent. L’analyse de régression multiple comprenant ces variables a fait ressortir que le manque d’accord dans le couple est le facteur de prédiction le plus important de la poursuite du programme. Pour ces chercheurs, ce dernier résultat, quoique surprenant, laisse supposer que ces hommes sont davantage conscients du travail qu’ils doivent faire pour régler leurs problèmes et, ainsi, sont plus enclins à demeurer dans le programme. De plus, lorsque l’on a ajouté à ces variables psychologiques les données socio-démographiques, le fait d’avoir un emploi est demeuré un facteur important dans l’explication de la poursuite du programme. Finalement, il faut noter que le taux le plus bas de poursuite du programme se retrouve chez les hommes en probation. Pour les auteurs, ceci s’explique statistiquement par les facteurs démographiques, notamment le fait d’ëtre sans emploi, ce qui corrobore les résultats obtenus précédemment par Carrillo.


* à suivre *

vendredi 19 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 4e partie

FACTEURS ASSOCIÉS À LA RÉCIDIVE

Les programmes de traitement ne semblant pas avoir les mêmes effets chez tous les individus, plusieurs chercheurs ont tenté de déterminer quels pouvaient être les facteurs associés à la récidive ou à la réussite de ces interventions. À ce sujet, Demaris et Jackson ont noté que les taux de récidive sont plus élevés lorsque les hommes vivent en couple (42% contre 18%), alors que les hommes ayant une nouvelles conjointe ont moins récidivé que ceux étant toujours avec la même conjointe (25% contre 42%). Le fait d’avoir été référé par la Cour ou d’être venu volontairement n’a pas eu d’impact sur le taux de récidive. Par ailleurs, on n’a observé que peu de différences dans le taux de récidive des hommes ayant suivi quatre rencontres et moins (36%) ou plus de quatre rencontres (32%).

Dans cet échantillon, la consommation d’alcool a été associée à de la récidive, ce qui n’a pas été le cas pour l’usage de drogues. On a aussi observé un lien très important entre la récidive et le fait d’avoir été témoin de violence durant son enfance. Les hommes ayant été témoins de cette violence ont un taux de récidive deux fois supérieur à ceux qui ne l’ont pas été(50% contre 20%), ce qui entre en contradiction avec les résultats obtenus précédemment par Shepard. Cependant, et tout comme dans cette dernière étude, le fait d’avoir été abusé durant l’enfance n’influence pas la récidive.

Poynter, de son côté, a examiné les attitudes et l’environnement social d’hommes participant à un groupe de traitement pour conjoints violents. Elle a constaté que les hommes violents appartenaient à des familles rigides dans l’établissement des règles, non soutenantes, portées à exprimer de la colère et l’agressivité et à être structurées de manière rigide. Le groupe semble cependant avoir amélioré cette situation, notamment au plan de l’expression, des sentiments dans la famille. Finalement, on a observé une légère modification dans l’attitude des hommes à l’endroit des rôles sexuels. Cependant, on n’a pas encore fait la démonstration que ce type d’attitude permet de distinguer les hommes violents des non-violents.

* à suivre *

jeudi 18 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 3e partie

TAUX DE SUCCÈS ET DE RÉCIDIVE OBSERVÉS

Une première série d’études a examiné les effets des programmes de traitement sur l’arrêt des comportements de violence. Il ressort par exemple des travaux de Stacey et Shupe qu’un tel programme a pour effet de faire diminuer de manière significative la violence et ce, tel qu’enregistré tout de suite après la fin de la thérapie. En effet, dans cette étude, 16% des hommes et 25% des femmes ont déclaré que la violence persistait au-delà du programme. Waldo, de son côté, a observé que le nombre d’abus physiques passait de 5,1 abus commis dans les 3 mois précédant le programme à 0,3 abus durant le 4e, 5e, 6e mois suivant la thérapie. Le taux de récidive observé par DeMaris et Jackson qui ont utilisé la Conflict Tactics Scale (Straus) en moyenne 20 mois après la fin d’un programme de traitement, a été de 35%. Ce pourcentage de récidive, plus élevé que les pourcentages présentés jusqu’à maintenant, s’explique par le fait qu’il s’agit d’une mesure faite à long terme et que l’on a utilisé la CTS, ce qui permet de tenir compte de la violence verbale et de certains indicateurs de violence psychologique.

Par ailleurs, lorsque l’on élargit la notion de violence à des concepts tels que les menaces ou la violence psychologique, on enregistre des taux de succès un peu plus faibles. Par exemple Edleson et Grusznski ont constaté que 9 mois après la fin d’un programme de traitement, 24% des hommes ne sont ni violents, ni menaçants. Par contre, 43% des participants sont menaçants et 32% ont été violents au moins une fois. Notons enfin que de ces 32%, 19% ont utilisé de la violence directe et de 14% de la violence sévère. Oynter, pour sa part, a observé une diminution significative de la violence, quelle soit physique ou non, telle que rapportée par les hommes ou par leur partenaire tout de suite après un programme de traitement. Par ailleurs, elle n’a noté aucun changement significatif dans la dimension du contrôle de l’homme sur sa conjointe. En effet, les femmes ont signalé des taux de contrôle très élevés, que ce soit avant ou après le programme.

De tels résultats ont aussi été observés, cette fois dans des études menées au Québec. En effet, Farley et Magill ont noté, 3 mois après la fin du traitement, qu’aucun sujet n’avait été violent physiquement envers sa conjointe, mais que 58% des hommes avaient signalé de l’abus verbal. Simpson et al. Ont évalué qu’au moment de l’entrée dans le programme, 82% des hommes ont indiqué avoir fait usage de violence physique, contre 15% au moment du suivi (6 mois après la fin du traitement). Ces pourcentages passent respectivement de 83% à 53% pour ce qui est de la violence verbale et psychologique, de 77% à 23% pour la violence envers les objets et, enfin, de 21% à 0% pour la violence sexuelle.

Ainsi, il ressort de ces premières études que les groupes de traitement ont un impact positif sur l’arrêt des comportements violents, même s’ils ne les éliminent pas complètement. On constate d’autre part que ces groupes ne réussissent pas à enrayer toutes les formes de violence et qu’ils ont des effets qui semblent varier selon les individus. Ces constats ont donc donné lieu à une série de recherches qui ont tenté de faire ressortir différents facteurs associés à la réussite ou à l’échec des dits programmes.

* à suivre *

mercredi 17 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 2e partie

L’ÉVALUATION DE L’EFFICACITÉ DES PROGRAMMES D’INTERVENTION POUR CONJOINTS VIOLENTS

Nous avons à ce jour recensé plus d’une trentaine d’études portant, de près ou de loin, sur les groupes de traitement pour conjoints violents. Plusieurs de ces études sont de nature évaluative et ont cherché à mesurer l’efficacité de ces groupes en termes de non-récidive du comportement violent (Werk; Eisikovitz & Edleson). D’autres études, tout en s’intéressant parfois à la cessation du comportement violent, ont aussi examiné l’impact de ces groupes sur le changement de différents comportements et attitudes. Certaines de ces études sont descriptives (mesure après seulement), alors que d’autres sont évaluatives utilisant des devis de type quasi-expérimental (Avec groupe de contrôle équivalent) ou non expérimental (sans groupe de contrôle). Il faut cependant noter que la diversité des définitions de la violence et des instruments de mesure utilisés dans ces études rend toute généralisation des taux de succès obtenus impossible.


* à suivre *

mardi 16 novembre 2010

INTERVENTION POUR CONJOINTS - 1e partie

Au Canada, une enquête menée il y a quelques années par les professeurs F. Ouellet, M-C Saint-Jacques et Jocelyne Lindsay, a fait ressortir que 18% des hommes âgés de plus de 18 ans, mariés ou conjoints de fait, ont déclaré avoir commis au moins un acte de violence physique à l’endroit de leur conjointe, durant l’année précédant l’enquête. De plus, lorsque l’on a interrogé les hommes séparés ou divorcés par rapport à leur dernière année de vie commune, 30% d’entre eux ont signalé avoir usé, au moins une fois, de violence physique face à leur partenaire. Il est par ailleurs inquiétant de constater que « plus de la moitié des répondants de sexe masculin qui ont déclaré avoir malmené leur partenaire avaient 291 as ou moins. »

Qu’en est-il aujourd’hui? Il est difficile d’évaluer si la violence conjugale prend de l’ampleur. Chose certaine cependant, elle est de moins en moins tolérée et différentes approches ont été développées afin d’en diminuer l’occurrence. Parmi les nouvelles formes d’intervention, on retrouve le traitement des conjoints violents. Les recherches menées à ce jour font ressortir trois éléments justifiant le traitement de l’agresseur. Tout d’abord, il faut considérer qu’une majorité de femmes violentées retournent ou continuent de vivre avec leur conjoint (Browning; Saunders; Gondolf; Farley & Magill; Nations Unies). D’autre part, la violence survit au-delà de la séparation. Ainsi, «84% des femmes qui n’ont jamais repris la vie commune après avoir quitté la maison d’hébergement signalent au moins un incident violent avec leur ex-conjoint » (Giles-Sims cité dans MacLeod). Finalement, il semble que la violence, loin de cesser avec la fin d’une union, se déplace d’une conjointe à une autre (Browning; Farley; Magill; Rondeau). Si l’intervention à privilégier auprès de ces hommes soulève plusieurs débats, l’idée de leur offrir un traitement, qu’il y ait ou non action légale, est de plus en plus admise. Ces constats ont donc favorisé au Québec l’émergence de plusieurs programmes de traitement pour conjoints violents. À ce sujet, l’étude de Rondeau a permis de dénombrer l’existence de 16 organismes québécois, dont 15 offrent un programme d’aide aux conjoints violents. On sait cependant peu de choses de l’efficacité de ces programmes.

Le présent article s’inscrit dans le cadre plus large d’un projet de recherche portant sur l’évaluation de l’efficacité de deux groupes de traitement pour conjoints violents. Il s’agit des groupes G.A.P.I. et S.A.H.A.R.A.S. Au moment où se développait cette étude, nous avons eu à examiner les résultats obtenus par d’autres chercheurs. Ainsi, le premier objectif de cet article est de rendre compte des principaux thèmes que nous avons rencontrés dans les écrits portant sur l’évaluation des groupes de traitement pour conjoints violents. Le second objectif vise à faire état du contexte particulier dans lequel s’exerce l’évaluation de l’efficacité de ce type de programme. Ce contexte de recherche est fortement modelé par la nature du problème à l’étude, notamment à cause de son caractère de dangerosité et d’illégalité.

* à suivre *

lundi 15 novembre 2010

ENFANTS ET LE DIVORCE - 6e partie

Conclusion

Donner une place à l’enfant ne signifie pas bien sûr « parentiser » celui-ci en l’impliquant trop dans les décisions. En aucun cas l’enfant ne doit porter seul le poids des choix relatifs à la garde et à l’accès ou toute autre décision le concernant.

Il s’agit plutôt de donner à l’enfant une place pour exprimer ses besoins, ses inquiétudes, ses doutes, ses peurs, ses récriminations, de l’aider à communiquer à ses parents ce qu’il pense et ressent (par exemple : arrêter la chicane, raccourcir les visites, voir son père ou sa mère sans la présence de l’autre conjoint). Il s’agit de donner à l’enfant le soutien dont il a besoin pour s’adapter à sa nouvelle situation. Il s’agit aussi de pouvoir signaler aux parents les signes de détresse des enfants afin qu’ils puissent trouver dans un autre service l’aide dont ils ont besoin.

L’implication de l’enfant dans le processus de médiation peut amener une dépolarisation du problème. Le conflit dyadique fortement chargé d’hostilité devient alors un problème où plusieurs perspectives entrent en ligne de compte, chacune pouvant être objectivée pour être située par rapport aux autres.

Les parents qui divorcent sont préoccupés et ont besoin de discuter des besoins des enfants et de leur propre attitude à leur égard. C’est au médiateur à se positionner dans le sens d’une intervention systémique préventive à l’égard des besoins des enfants et de leurs parents.

Évidemment, si l’on veut introduire l’enfant comme participant à la médiation, on devra lutter contre la résistance des adultes qui veulent à tout prix protéger l’enfant des conflits parentaux. Nous devrons considérer l’enfant comme une ressource dynamique au sein du système familial plutôt que comme une victime du système parental.

Une telle conception nous amènera sûrement à développer de nouvelles stratégies d’intervention systémique en médiation.

vendredi 12 novembre 2010

ENFANTS ET LE DIVORCE - 5e partie

Présence de l’enfant en médiation

Comme nous l’avons vu précédemment, les enfants ont des besoins particuliers dont il faut tenir compte dans le processus de médiation. Le médiateur a comme tâche de veiller aux intérêts des enfants et il doit être en mesure de définir ces intérêts et d’intervenir ensuite pour s’assurer qu’ils sont reconnus et respectés des parents. Il peut intervenir avec les parents seuls ou impliquer l’enfant à un moment ou l’autre dans le processus de médiation. C’est cette dernière alternative que nous privilégions.

a) Présence symbolique
Dans la pratique, les médiateurs ont tendance à travailler avec le couple seul. Il est évident que l’enfant est alors au centre des préoccupations et des négociations du couple en ce qui concerne la garde, l’accès et la responsabilité financière. Le médiateur mise alors sur l’autonomie et les capacités parentales d’aider leur enfant. Il aborde alors avec eux l’aspect des besoins et des réactions de l’enfant. Il peut utiliser la carte familiale pour sensibiliser les parents à la nécessité de maintenir les liens de l’enfant avec ses deux lignées parentales. Il peut aussi utiliser du matériel audio-visuel pour aborder un aspect spécifique des besoins des enfants et favoriser le déblocage des impasses.

b) Présence réelle
Impliquer l’enfant en médiation ne signifie pas lui laisser tout le poids de la décision. C’est plutôt, au même titre que pour tous les participants de la famille, lui permettre d’exprimer ses besoins, de générer des alternatives et d’en arriver à une décision commune.

Évidemment, les modalités de ce choix tiennent compte de l’intensité du conflit entre les parents et de l’âge des enfants, les enfants d’âge préscolaire n’étant habituellement jamais vu en médiation.

Certains médiateurs impliquent les enfants dès la première ou la deuxième entrevue ou encore lors de la remise du projet d’entente. L’enfant peut être rencontré seul ou avec sa famille.

c) La rencontre de l’enfant seul
La rencontre de l’enfant seul nous apparaît importante dans les cas très litigieux où il y a violence familiale et des conflits très polarisés entre les parents. Toutefois, ce choix est délicat car le risque de triangulation est grand. Le médiateur doit savoir exactement pourquoi il veut voir l’enfant et comment il traitera l’information reçue. Cette approche vise davantage à aider l’enfant à se décoincer émotivement en parlant avec ses parents avec l’aide du médiateur.

d) La rencontre familiale
L’objectif de cette approche n’est pas d’aider à modifier, au sens thérapeutique du terme, une structure de communication dysfonctionnelle dans le système familial.

La rencontre familiale peut permettre de corriger des perceptions et de favoriser l’expression de réflexions ou de questions du genre : « Tu veux que j’aille chez papa, tu ne seras pas fâchée »? ou encore : « Pourquoi as-tu consulté un avocat si tu veux régler à l’amiable? »

La rencontre peut également permettre de discuter ou de modifier au besoin certaines décisions parentales. Elle peut aussi permettre aux parents qui ne l’ont pas fait d’expliquer ensemble le pourquoi de leur séparation et de rassurer les enfants sur la solidité de leur attachement à leur égard. De plus, les parents peuvent également rassurer les enfants sur leurs projets d’avenir.

Cette rencontre donne place aux questions et inquiétudes des enfants et confirme leur droit à l’expression de la tristesse et de la colère. Elle peut, dans certains cas, diminuer le fantasme de réconciliation qui habituellement habite l’enfant de nombreuses années après la séparation de ses parents.

Finalement, cette rencontre donne l’heure juste sur le portrait de la famille. Qu’il y ait un grand fossé entre eux ou non, la rencontre familiale amorce une réponse à cette question primordiale : « Comment chacun peut-il se retrouver le plus satisfait possible dans ce nouveau fonctionnement familial? » Il vaut mieux constater le fossé existant que d’élaborer, par exemple, des ententes de visites qui n’en tiendraient pas compte et qui aboutiraient à un échec.

La remise du projet d’entente est une occasion de souligner en famille le nouveau départ et d’expliquer aux enfants les ententes qui les impliquent. Des plus, le cas échéant, l’enfant doit savoir que toutes ces ententes peuvent être renégociées plus tard selon les besoins de l’un ou l’autre des membres de la famille.


* à suivre *