mercredi 17 février 2010

LA PERSONNALITÉ - 102e partie

Une deuxième adolescence

Qu’est-ce que le troisième âge? Pour rendre compte de la spécificité de cet âge, on peut appeler cette période de notre vie « l’adolescence de la vieillesse ».
Évidemment, on perçoit ici une intention de comparaison avec la première adolescence.

Mais il n’y a là aucune idée de régression : au troisième âge, on ne redevient pas adolescent. D’un autre côté, il y a plus qu’une comparaison : le troisième âge est réellement une adolescence, c’est la deuxième adolescence. Comparons en effet ce qui se passe à la première adolescence et au troisième âge, toute proportion gardée, nous pouvons observer les mêmes phénomènes.

La première adolescence est cette période de notre vie où l’enfant que nous étions a appris à être adulte….parce que l’âge adulte, ça s’apprend. Le troisième âge est cette période de notre vie où nous apprenons à vieillir….parce qu’être vieux, cela s’apprend aussi. Même si l’âge adulte est une étape naturelle dans la vie, la réussite du passage à l’âge adulte ne vient pas toute seule; c’est un art, un art difficile qui doit s’apprendre. Ainsi en est-il de la vieillesse. Même si le vieillissement est naturel, l’apprivoisement de la vieillesse ne vient pas tout seul; c’est un art, un art difficile qu’il faut apprendre.

Pour continuer la comparaison, il suffit de rappeler que l’adolescence est un âge entre deux âges. C’est une période de transition inconfortable, où l’on a souvent l’impression d’être assis entre deux chaises. Rappelons-nous la période d’adolescence de nos enfants. Certains jours, c’était l’enfant qu’ils avaient été hier qui reprenait le dessus. Mais n’étant plus des enfants, ces comportements enfantins ne leur convenaient plus et nous leur disions avec une pointe d’impatience : cesse donc de faire le bébé…tu n’es plus un enfant!

D’autres jours, c’était l’adulte qu’ils seraient demain qui prenait le dessus. Mais n’étant pas encore tout à fait adultes, leurs comportements nouveaux étaient plus ou moins maladroits : ils s’affirmaient avec exagération, ils s’opposaient aux adultes, etc. N’est-ce pas la même chose au troisième âge? C’est un âge ambigu où l’on n’est pas encore vieux, mais où l’on n’est plus précisément jeune. Cette étape vient après la maturité, cette période d’intense activité où nous avions le sentiment d’être en possession de tous nos moyens. Certains jours du troisième âge, c’est cette période de la maturité qui revit…quand ce n’est pas la période antérieure, celle de la jeunesse. Mais même si nous sommes encore en forme et en bonne santé, nous n’avons plus cet âge, et ces comportements ne nous conviennent plus tout à fait. Notre entourage d’ailleurs le rappelle, en disant avec une pointe d’ironie affectueuse : «regarde-le…il fait son jeune! » D’autres jours, c’est plutôt le vieillard que nous serons demain qui prend le dessus. Mais n’étant pas encore parvenus au quatrième âge, nous n’avons pas le dynamisme intérieur qu’il faudrait pour vivre de telles expériences. Ces jours-là sont pénibles, peut-être les plus pénibles du troisième et du quatrième âge réunis.

Plusieurs autres comparaisons pourraient encore être faites, mais elles nous ramèneraient toujours à la même constatation : le troisième âge est l’adolescence de la vieillesse, c’est l’âge où l’on doit apprendre à vieillir. La conséquence en est évidente : pour apprivoiser la perspective de son propre vieillissement, il faut bien vivre son troisième âge. C’est une étape du cycle de la vie où, selon l’inclination même de la nature, doit s’opérer en nous une transformation profonde de notre mentalité; c’est au troisième âge qu’il faut acquérir des attitudes et des sensibilisations nouvelles, nécessaires pour pouvoir vraiment vivre la dernière saison de notre existence et pour aller chercher ce que la vie y a mis en réserve pour nous.

Mais comment faut-il vivre le troisième âge pour que s’opère en nous cette transformation en profondeur de notre mentalité qu’on appelle « apprivoiser la vieillesse »? Il ne suffit pas de rester passif et d’attendre, comme si cela pouvait se faire tout seul. Il y a des tâches développementales propres au troisième âge et l’on ne peut espérer progresser sans les accomplir. Deux de ces tâches entre autres paraissent essentielles : chacun doit, à ce moment de sa vie, premièrement transformer son système personnel de valeurs, et deuxièmement redéfinir son mode d’appartenance sociale.
* à suivre *

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