mardi 31 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 37e partie


PERTURBATIONS
L’homme en détresse, à côté de ses grandes perturbations morales des traumatismes, des intoxications, etc. il y lieu de place, la misère, la misère avec toutes ses duretés, toutes ses cruautés.
En face des situations désagréables qu’il a d’ailleurs savamment tissées, depuis toujours, sa joie de souffrir, de subir la dureté de son destin est très concrète et très caractéristique.  Il savoure sa mauvaise fortune comme d’autres leur réussite et leur bonheur.
Il a même, en sa faveur, l’art de se faire...des ennemis. Il provoque autrui, et savamment, en excitant l’envie, la jalousie, la colère, l’agressivité, la honte.  Il a l’art de créer les discordances, de provoquer un malaise avec ses proches, au point qu’on ne désire qu’un chose: espacer de plus en plus les contacts avec lui et même les rompre.  L’amateur de souffrance et d’insuccès qu’est l’homme en détresse provoque sans cesse son entourage pour vivre dans une atmosphère punitive, pour vivre par la punition et pour la punition.  La provocation fait partie de la technique de l’homme en détresse; son but est bien de provoquer une certaine conduite, une certaine réaction de la part d’autrui.  Il n’attend pas que le hasard lui apporte un destin douteux, comme tous ceux qui ont vraiment trop de malchances.  Ce moyen provocateur a un caractère actif bien spécial, le sujet y met une bonne partie de son agressivité.  Cette provocation est d’une grande importance dans toute la vie quotidienne et affective de l’homme en détresse.
Tout être humain normal a tendance à chercher un plaisir dans sa vie quotidienne et à éviter le malaise et la souffrance.  L’homme en détresse semble avoir la tendance contraire, du moins selon les apparences extérieures, et même à éviter le plaisir pour rechercher la souffrance .  La vérité n’est pas aussi simple puisqu’il recherche la souffrance pour extraire un plaisir de cette souffrance.  Il a donc la tendance au plaisir, comme n’importe quel  autre sujet, mais il veut une satisfaction par des moyens détournés.
L’homme en détresse est dominé par son imagination qui nourrit une fantaisie capable durant de longues années de provoquer une forte excitation masochiste.  Excitation de la souffrance provoquant ou se substituant à une excitation sexuelle.  Ce n’est plus le plaisir qui s’accompagne d’une angoisse, c’est l’angoisse qui provoque le plaisir.
Une osmose de plaisir et de l’angoisse qu’on retrouve dans beaucoup de cas de névrotiques.  La névrose ne se reconnaît le droit au plaisir que s’il le paie auparavant d’une certaine somme de souffrance engendre elle-même le plaisir.  La fantaisie de l’homme en détresse qui provoque son psychisme peut revêtir différents modes d’expression.  Il y a des hommes en détresse qui s’imaginent être la cible quotidienne des moqueries, qui ont besoin de cette obsession pour éprouver une jouissance de la souffrance, dont ils ne peuvent se passer.
Il y a même des mots-clés, comme des couleurs ou des faits bien déterminés qui provoquent l’homme en détresse, et cela pendant des années.  Car la même fantaisie masochiste peut posséder des années durant la même qualité stimulante.  Le matériel imaginé est capable d’être détaillé et amplifié. Il peut être une histoire et amener sur la scène imaginaire des personnages obligatoirement destinés à souffrir. Il peut être nourri par des lectures, conversations, expériences, souvenirs filtrés de pièces théâtrales, films, peintures.
Face à la séparation conjugale, l’homme en détresse est dépossédé de sa parentalité.  Il n’a plus le contrôle, il ne domine plus, alors il fuit.  Or, la parentalité est faite de partage, d’engagement, de coopération et d’empathie.
Le premier choc, celui qui déclenche le processus de rupture, surviendrait à l’annonce de la séparation, demandée deux fois sur trois par la femme.  “une claque en pleine face” qui occasionne presque toujours une dépression nerveuse chez d’aucuns.  Ce qui leur fait le plus mal, ce n’est pas d’avoir perdu la mère, mais la fille, et toute la vie de famille qui vient avec elle.
La décision de la femme de rompre s’inscrit dans un processus très long, douloureux. Mais une fois qu’elle est prise, il n’y a pas de retour possible.  Souvent l’homme tombe des nues, car il n’a pas perçu les signes de détresse, de désespoir.  Il n’a pas écouté.  Il savait que les choses allaient mal, mais il n’envisageait pas la rupture comme une issue.  Quand elle survient, il se perçoit comme une victime.

dimanche 29 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 36e partie


MISÈRE MORALE

Quand l’homme en détresse a une raison réelle et évidente de souffrir de l’attitude d’un autre à son regard, plutôt que de s’en formaliser, il adoptera le style “martyr” et tirera de cette évidence tout le plaisir masochisme qu’il peut en exploiter....Il a toujours l’air de dire : “même si vous m’avez fait un mal profond et durable, je vous ai depuis longtemps pardonné.”
Il joue à la grande âme, à l’héroïque. Il veut inconsciemment qu’on admire son indulgence, son calme, en même temps que son affront.  Il veut qu’on épilogue longtemps sur son exemple.
Ces résignés indulgents n’excluent cependant pas l’existence réelle de souffrance silencieuse mais sans ostentation qui n’est pas une souffrance masochiste dont l’auteur et l’animateur tirent un vrai plaisir.  La souffrance véritable est humble et cachée et épargne tous ceux qu’on aime.
Il y a d’autre cadeau à faire à ses amis que celui de l’étalage de ses misères morales et physiques.
L’homme en détresse est l’acteur de sa propre misère mais ne tient jamais compte de celle des autres.
Si la démonstration et l’ostentation de l’homme en détresse sont très souvent jouées sur le domaine physique, le sujet s’exhibe aussi beaucoup moralement.
Si sincères que soit le remords et la pénitence, si volontaire la souffrance, l’homme en détresse, ne peut se passer des spectateurs.  Le sujet, comme tout névrosé a besoin de se jouer la comédie, a besoin d’une certaine atmosphère théâtrale.  Ce qu’il n’a pu obtenir dans son enfance par des moyens normaux et légitimes, il tente de le récupérer, adulte, par des moyens détournés et non défendus.  L’acte théâtral permet tous les rôles et tous les attributs de ces rôles.
On remarque cette attitude masochiste chez certains groupes sociaux ou certains peuples auxquels l’histoire a infligé un passé et un présent malheureux, sclérosé, agressif, dans la vie de ces individus, l’idée d’être aimé et d’être puni se conjuguent ensemble et même au niveau religieux.
“qui aime bien châtie bien.” “Dieu aime les deshérités de la terre.”  Dieu envoie des épreuves spéciales à ceux qu’il préfère: “l’essence même de la souffrance et de ses rapports avec Dieu, est dénaturée, parce que le névrosé s’en fait toujours une idée infantile.  Même si le névrosé en général est un individu beaucoup plus préoccupé de lui-même que des autres, ce n’est pas qu’il sort systématiquement épris de lui-même.  Il exhibe par des moyens divers ses faiblesses, ses lacunes, son esclavage, envers un univers morbide, une impasse, une impossibilité de vivre comme tout le monde et au rythme du monde , il exhibe pour récupérer par ailleurs ce qui lui a manqué trop profondément et largement dans son enfance.  Il exhibe et il s’exhibe pour récupérer une sécurité qui lui a été distribuée si petitement.  L’homme en détresse, par le truchement de la souffrance physique ou morale, tente la même aventure.  Et il a besoin des autres, d’un public, pour se sentir à l’aise.  Il n’est pas foncièrement épris de sa personne, comme un narcissiste qui ne se préoccupe nullement de l’intérêt éventuel marqué par autrui, trop absorbé par son propre personnage.  Le sujet s’exhibe pour être remarqué et aimé.  Il a besoin des autres pour croire à une certaine consistance de sa personne, le narcissiste est entièrement absorbé par lui-même et n’a pas besoin des autres.  On peut dire que l’homme en détresse est un narcissique qui a mal tourné.
Cette façon de se montrer et de s’exhiber, même dans ce qu’il y a de plus douteux, montre et prouve quelque chose, car cette démonstration de soi-même est un facteur important de l’homme en détresse.  Mais en se démasquant aussi publiquement, il dissimule quelque chose d’autres.  C’est l’ambivalence de l’homme violent.
Il existe des hommes en détresse qui trouvent leur vie quotidienne trop douce, même si les désagrements ne les épargnent guère.  Si bien qu’ils finissent par s’exaspérer, leur névrose n’étant pas satisfaite, réclament un supplément de souffrance.  Ces sujets provoquent donc leur entourage, leurs compagnons de travail, leurs amis, jusqu’à ce qu’ils obtiennent privation, rejet, punition, abandon.  L’homme en détresse force tout le monde à le tourmenter, à l’humilier, à le punir, il agit de telle façon, il tourmente si agressivement, que personne ne peut garder patience.  Il supplie presque chacun de le traiter comme une évidence mineure, un être sans intérêt, le moindre bénéfice l’exaspère.
Ce type infantile se reconnaît également dans le domaine religieux : mettant en pratique le code de la charité chrétienne, nombre de résignés morbides s’acharnent à tendre la joue droite quand la joue gauche a été frappée, et ceci sans discernement, sans fierté, sans réflexion. Ils sont prêts à prendre sur leurs épaules le poids de tous les pêchés du monde, ils désirent ce fardeau, ce sacrifice les privant de toute amitié et de toute justice.

vendredi 27 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 35e partie


SOUFFRANCE

L’homme en détresse peut s’irriter se troubler d’une boutade faite à son voisin comme si c’était à lui qu’on s’adressait.  Tout incident, dès qu’il affecte sa santé ou ses habitudes, qu’il menace son confort ou son droit à l’estime, prend les proportions d’une catastrophe, contre laquelle toutes les forces vives doivent être mobilisées d’urgence. Mais plus un incident est futile, plus grand est son pouvoir de déchaîner l’irritation.  Un retard concernant l’heure du repas, un léger manquement d’égard, suffisent à déterminer de violentes manifestations de colère.
Au contraire, des épreuves rudes, la mort d’un parent ou d’un ami, une perte d’argent.....ne le laissent pas désemparé, il réussit à rester stoïque, ferme.  C’est ici qu’un besoin inconscient de punition trouve l’occasion d’être satisfait.  On ne verra jamais un névrosé parfaitement à son aise dans la joie et l’abondance, tandis qu’il sera capable de guérir rapidement d’une maladie si un malheur réel entre dans sa maison. Le sujet en détresse dont l’émotivité est intense ne réagira pas toujours sur le champ.  Sa sensibilité est une masse trop lourde pour s’ébranler en un éclair, mais, une fois lancée, elle développe une puissance irrésistible et ne s’arrête plus quand elle est excitée. Dans les profondeurs de la conscience et de l’inconscient, un retour de souvenirs qui s’associent, une cascade de résonnances multiples et diverses, qui parfois réclament une certaine vengeance.
Puisque le sujet en détresse retarde parfois à répondre à un incident qui le touche, on peut dire qu’il est vraiment un refoulé.  L’homme en détresse tient à exhiber ses ennuis et sa souffrance morale ou physique, mais il se fait un mérite de cette souffrance.  Elle est un moyen pour lui, non seulement de capter l’attention d’autrui mais de s’opposer à son milieu, à tout ce qui ne convient pas à sa personnalité névrosée.  Sans la présence et l’attention et le dévouement des autres, ce phénomène “souffrance” perd beaucouop de son intérêt et de son plaisir.  Si ceux qui ont l’habitude d’entourer l’homme en détresse ne semble plus aussi captivés et émus par ses plaintes et ses malchances, celui-là s’irrite facilement et facilement discrimine toute la société, qui ne connaît même plus de pitié envers les déshérités.  Ceux chez qui le facteur santé a toujours été un objectif de premier ordre depuis l’enfance, s’acharneront à tirer le maximum de plaisir d’une santé pseudo débilitante qui tiendra toujours à son chevet plusieurs spectateurs.  Le jour où ce spectacle devient lassant, parce que trop souvent répété, l’homme en détresse trop intelligent pour ne pas s’en rendre compte, donnera une forme nouvelle à sa fantaisie et attirera de nouveau son monde.  La démonstration de sa souffrance fait partie de la vie quotidienne de l’homme en détresse, c’est sa façon d’être présent au monde, sa raison d’exister, ce lien qui le retient avec autrui, un sens social déformé, dénaturé puisqu’il met en valeur sa seule petite personne.  Quand l’éducation familiale a mis un certain accent sur le comportement du résigné, même à un âge où la résignation est contraire ou développement psychologique de l’enfant, on retrouve chez ce même sujet devenu adulte, un mélange du désir de cacher et de montrer manifestement qu’il peut souffrir en silence.  Il s’arrange pour que cette souffrance arrive à se faire une publicité.

mardi 24 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 34e partie


INQUIÉTUDE

Le sujet en détresse qui est constamment sur la défensive, craignant toujours être l’objet de malveillances de la part d’autrui, entretient fatalement une sourde agressivité qui éclate de temps en temps au cours d’une colère, ou qui fermente dans une certaine rancune.
Il accumule insensiblement des motifs de rancoeur, et ce pour des vétilles.  Puis un moment vient où il se présente différemment vis à vis de certaines personnes. Il a perdu à leur égard sa courtoisie et son dévouement, en même temps que sa politesse.
L’offenseur s’étonne de son attitude nouvelle et ne parvient pas à se remémorer la cause du ressentiment.
L’analyse de ce changement d’attitude, comme tout le comportement du sujet en détresse, met en lumière une quête continuelle de sécurité.  Le sujet en détresse s’efforce d’attirer l’attention par une exigence d’attentions de la part d’autrui.  Il est essentiellement dépendant de l’attention des autres et multiplie les occasions de se faire remarquer.  Le sujet en détresse qui craint pour sa santé cherchera une compensation à son insécurité en multipliant des précautions excessives, le scrupuleux en s’accusant éternellement de ses fautes....
L’homme en détresse qui souffre d’un profond sentiment d’insécurité éprouvera un malaise dans un groupe où il ne joue, par sa faute, aucun rôle, où il n’arrive pas à trouver sa vraie place.  Il se sent isolé, instable. Avant de perdre tout à fait pied, il essaie de récupérer une revalorisation certaine et continue en essayant d’attirer l’attention, même si elle est dédaigneuse.  Il a besoin des autres pour sentir qu’il existe une vie, une valeur au sein de son individualité.
L’individu en détresse, dont l’enfance n’a pas été marquée par une bonne dose d’assurance dans le domaine des relations sociales, peut attirer l’attention d’autrui par un comportement susceptible qui trouble considérablement son émotivité et son équilibre.
Il peut être le plus brillant causeur tant qu’il n’imagine pas que sa dignité est menacée.  Si un tiers, lui paraissant, sans raison, antipathique, lui fait craindre une mauvaise plaisanterie ou un affront, il perd pied et toute sa contenance.
La gorge contractée, il a la sensation, en un instant, de se vider. Il est impuissant à répondre quoi que ce soit à n’importe quelle attaque. Il perd subitement ses moyens de défense au profit de l’offenseur.
Il éprouve une espèce de torpeur, et éprouve au premier moment une anesthésie psychique, comme un candidat timide qui, en présence du jury, sent sa mémoire se vider et sa gorge se contracter.  Puis suit une réaction émotionnelle intense.  Il a chaud ou froid, de multiples pensées affluent dans sa tête, plus ou moins confusément, mais impossible qu’aucune ne s’extériorise.  Les réponses à l’offense, trop nombreuses et trop violentes, ne trouvent plus le vocabulaire nécessaire pour les véhiculer et se condensent dans l’intimité d’une rancune.  Le sujet, en détresse, qui craint tant l’ironie, la manie pourtant dangereusement et avec beaucoup d’adresse jusqu’à sa susceptibilité ne soit heurtée.  Son agressivité déborde dans les deux sens, même s’il y a non sens, mais cherche une compensation à l’insécurité initiale par n’importe quel moyen.  Se hisser au-dessus d’un groupe ami pour le faire rire ou chercher à se noyer dans ce même groupe, qui ne comprend plus rien, pourvu qu’on le remette en lumière.
L’homme en détresse est un émotif qui ressent avec une intensité outrée les plus petits incidents qui lèsent sa personnalité et même celle de ses proches.

lundi 23 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 33e partie


ANGOISSE

Quand on vit avec un individu en détresse, on s’aperçoit, après un certain temps, qu’il n’est pas capable de se sentir membre du groupe qui le fait vivre et même de la famille où il est né.  L’inquiétude, l’angoisse de se sentir raillé, plaisanté, ridiculisé, outragé, humilié.....l’incline à croire qu’il est simplement toléré dans son milieu mais jamais pleinement agrée.  Dans sa famille, il s’imagine qu’on lui  préfère un frère ou une soeur, parce qu’il (ou parce qu’elle) doit être plus intelligent, plus cultivé que lui, dans la société; il s’imagine qu’on le tolère parce que l’on ne peut pas faire autrement ou qu’on le garde par pitié.
Jamais on ne lui a fait comprendre, dès son enfance, que tout être humain qui apporte à la société sa bonne volonté et sa solidarité est toujours et naturellement admis dans cette société, et avec ses défauts.  Si un des membres de la famille ou de la société est difficile de caractère, prétentieux, agressif, indélicat, on se contentera de déployer ses déficiences mais elles ne seront pas passibles d’exclusion. Le seul fait de naître indique déjà normalement qu’un groupe réclame une nouvelle présence et qu’il a besoin de cette présence pour bien fonctionner.  Tout enfant qui naît n’est pas une simple admission mais un membre nécessaire à la société, à laquelle il apportera plus tard sa collaboration pour engendrer de nouveaux progrès.  L’homme en détresse n’a pas reçu dans sa vérité la leçon de simple humanité qui lui était due.  On ne lui a pas donné, psychiquement et moralement, son “passeport pour tous pays” qui lui est absolument nécesaire pour vivre dans le monde.
Il ne sait pas, en profondeur, qu’il fait partie de droit à ce monde.  L’homme en détresse peut être parfois lent à concevoir les dénigrements, les malveillances, et toujours inaptes à y répondre.
Il est tellement tendu par l’attente continue d’une moquerie qu’il peut être tardif à comprendre. Mais seul avec lui-même, il reprendra la conversation entendue précédemment, l’épluchera, la décortiquera soigneusement, scrupuleusement, et aboutira toujours à des conclusions pessimistes.  Il a été l’objet principal de la moquerie.
Dans une conversation, il ne cherchera jamais à briller, ne cherchera pas davantage un intérêt, ni un enseignement profitable, ni même un peu d’humour. (Il est trop semblable, à ses yeux, à la moquerie).  Tout son effort et sa curiosité tendent à découvrir les épines, même aux plus jolies roses.  Comme certains agressifs s’efforcent de détruire par n’importe quel moyen les actes les plus généreux et les sentiments les plus nobles.
L’homme en détresse porte une attention soutenue aux traits d’un visage, analyse les sourires, s’attarde sur une parole, un mot, qui lui semble recéler quelque attaque.  L’éclat rieur d’un regard peut l’exaspérer.  S’il était lui-même rieur l’instant précédent, il peut soudain se contracter, se replier comme un escargot au plus léger attouchement.  Il tient un objet de mécontentement et aucune explication amicale ne lui fera lâcher sa proie.  On retrouve ici le névrosé en général qui tient à jouir de sa névrose, à s’en complaire, comme un gourmand de l’objet de sa gourmandise.  Sa névrose est satisfaite, l’homme en détresse ne pouvait vivre longtemps dans la détente.  Il se sentait mal à l’aise, comme n’étant pas dans son élément. Une raillerie supposée lui apporte une espèce de volupté.

dimanche 22 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 32e partie


INSATISFACTION AFFECTIVE
L’homme en détresse a besoin d’être aimé  Ce besoin répond à une frustration primaire d’enfance, une insatisfaction affective.  La tendresse le rassure sur l’appréciation de son entourage en plus de sa valeur propre de consolation. Son comportement peut se résumer ainsi : receptivité à l’offense, même très minime  et involontaire, refoulement, bouderie, rétraction, effervescence psychique, abattement, inactivité après l’offense.  Mais il ne suffit pas d’être en détresse pour être souffrant, il faut que cette souffrance se porte sur un point spécifique, le désir d’être aimé, estimé.  Il faut aussi que la pensée du sujet s’attarde sur une idée négative, qui le diminue à ses propres yeux - l’homme en détresse est réceptif à la moindre blessure ou atteinte morale parce que son psychisme est tellement tendu vers l’appréhension de la ressentir, qu’il la ressent à la première occasion, puis il craint beaucoup les explications avec autrui, car son sentiment d’infériorité lui fait craindre de ne pas être en mesure d’y répondre - Ceci occasionne des malentendus donc des paroles et des gestes mal interprétés. D’ailleurs, il les interprète toujours dans le sens qui lui est le plus défavorable.  Il ne cherche pas à comprendre le véritable sens des faits. Il s’accuse, se met en cause, se trouve plusieurs raisons de mériter une défiance ou une désapprobation d’autrui.  Il n’essaie pas de faire une juste part des faits et des personnes.  Il a une occasion, une nourriture à son inquiétude et son infériorité.  Il se complaît à la ruminer lentement, sûrement, jusqu’à ce qu’elle ait réussi à le diminuer encore davantage à ses propres yeux.  Cette complaisance se poursuit, il n’accepte pas qu’on vienne l’en distraire ou la lui faire oublier. L’homme en détresse dont l’émotivité est agacée jusqu’à la susceptibilité et la susceptibilité maladive, où qu’il se trouve. Si bien que la plaisanterie, la raillerie, la rudesse de parole, qu’elle soit adressée à sa personne ou aux autres, exerce sur lui un attrait plus que n’importe quelle autre attitude humaine.
Il est celui qui réagit le plus fortement et le plus tristement à la plaisanterie et à la raillerie.  Si bien que certaines personne hardies, s’apercevant de sa réaction automatique, prennent un malin plaisir à le tourmenter. Il souffre d’être la cible des uns, et s’imagine en même temps qu’il est celles des autres et du monde entier.  Cette susceptibilité soutenue par un sentiment d’infériorité très net, lui dessine une personnalité craintive, sans hardiesse, sans enthousiasme.  Il devient timoré, gauche dans ses gestes qu’il sent surveillés, la voix mal assurée, lent dans ses répliques, peu sociable, ayant peu d’amis.
Tout ceci l’expose à le faire remarquer dans un groupe, puisqu’il ne fait pas comme les autres.  Plus il cherche à s’effacer, à rester dans son coin pour éviter les railleries, et plus il s’expose à en recevoir.
Au cours d’une conversation, la plus intéressante soit-elle, l’homme en détresse ne sera jamais captivé longtemps par le sujet principal, très vite il se tiendra à nouveau sur ses gardes et réservera son attention aux paroles obscures et équivoques qu’il traduira presque instantanément comme des insinuations malveillantes.  Insinuations qu’il s’appropriera sans penser qu’elles pourraient être adressées à des milliers d’autres personnes.....si insinuation il y a......
Ce qui frappe l’entourage de l’homme en détresse, c’est la disproportion entre la petite offense faite par un railleur (en admettant qu’il y en ait un) et l’intensité de la réaction de l’homme en détresse, qui peut aller de la vexation à la bouderie puis à une colère concentrée, prolongée, qui éclatera après une certaine limite de fatigue et de tension.
Chez tous les hommes en détresse en général, c’est l’absence de mesure (absence d’équilibre) qui les caractérise.  L’homme en détresse, donc, ne limitera pas une plaisanterie en champ de la plaisanterie.  Il imaginera interprétations péjoratives et malveillantes aux actes innocents et aux paroles anodines. En toute chose, il est porté à dépister une intention de blesser, les circonstances les plus opposées servent d’aliment à la susceptibilité. Une préférence qui luil est accordée par un tiers peut l’offenser comme un vole au même titre que si cette personne donnait sa préférence à un voisin.  L’entourage ne peut pas toujours prévoir sa réaction, même si l’on est habitué à sa façon d’agir, on reste toujours étonné qu’il se vexe pour des futilités, un mépris imaginé l’obsède, et il a toujours peur de perdre l’estime d’autrui, une simple diminution d’attention, trouble son sommeil et son appétit et son ardeur au travail.  Les compliments même altèrent sa paix intérieure.  Il goûte d’abord une joie extrême, mais le besoin de se tourmenter le reprend, il repasse en esprit la louange: un examen minutieux (obsédant) lui fait découvrir un reproche dissimulé, c’est la caractéristique de son inquiétude.

vendredi 20 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 31e partie


DIFFICULTÉ D'ÊTRE

Un individu égocentrique, après plusieurs années d'expérience et de confiance en soi, après une réussite assurée et certaine, peut avoir un grand orgueil de son bilan positif. Argent, culture, relations sociales.... peuvent lui donner la sensation très vive d'être supérieur à beaucoup d'autres.  Disons que si cet orgueil dépasse une certaine limite d'insociabilité, il devient conflictuel et camoufle et recouvre un sentiment d'infériorité  qui veut à tout prix chercher sa compensation. Se dire et se redire très souvent qu'on se sent supérieur aux autres, est un symptôme clairement et nettement névrotique.
           
Or,il n'y a pas que des sujets orgueilleux de leur bilan positif, il y en a aussi d'orgueilleux de leur bilan négatif. L’homme en détresse est l'exemple type. S'entretenir dans sa souffrance et un minimum vital, supporter n'importe quel déplaisir, n'importe quelle restriction, équivaut pour lui à une supériorité. Il a simplement l'air de vous dire: "je ne dois pas être gâté pour vivre dans les conditions où je vis et qui ne sont pas méritées". Il se targue d'endurer beaucoup d'ennuis et de faire passer son plaisir après tout le reste, mais ce qu'il ne dit pas, C'est qu'il s'arrange pour ne pas être en mesure d'accepter de distractions, invente mille prétextes pas toujours plausibles, et se trouve le plus malheureux quand on le sort de sa routine. Il s'ennuie, critique tout, se sent vite fatigué et jure qu'on ne le reprendra pas à sortir inutilement. Le lendemain il affiche une supériorité d'endurer, mieux que d'autres, son austérité.
           
L’homme en détresse se sert de son humilité comme monnaie courante pour marchander sa morale. Il se confine dans cette humilité et s'affiche comme étant un exemple d'endurance à la souffrance et aux privations, il se félicite de "n'être pas comme les autres", de se placer le plus près possible de tout ce qui touche de près ou de loin à la pénitence. Cet orgueil d'une supériorité correspond cependant au fait que, s'il s'humilie si facilement et si couramment, c'est qu'il compte ainsi avoir atteint un niveau assez profond d'abaissement pour qu'aucune circonstance extérieure ne puisse l'humilier davantage. Sous un revêtement moral, il se protège contre toute atteinte.
           
Encore une fois, la morale lui sert davantage de prétexte que de fin véritable. Elle est préliminaire à un confort psychique toujours recherché mais toujours menacé.
L’homme en détresse feint à se protéger de tous les cotés à la fois: il satisfait la morale de la soumission et du "qui s'humilie sera exalté", et il satisfait sa névrose qui lui réclame une somme de plus en plus exigeante de souffrances et de restrictions pour apaiser son sentiment morbide de culpabilité. Son moi se trouve à la fin satisfait également car son plaisir vient de toute souffrance éprouvée. Plus il souffre plus il éprouve du plaisir certain, plus il souffre plus il a la permission de se réjouir et de jouir. C'est sa récompense après l'orage et c'est tout son orgueil. 

mardi 17 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 30e partie


LE MALAISE DE L'HOMME EN DÉTRESSE


Un individu normalement équilibré  ne se laissera pas dominé et diminué par un problème psychologique.
Il en prendra un parti raisonnable et bien décidé à vivre avec sans malaise.  Sa vanité,  qui n'est pas du narcissisme,  fera l'effort nécessaire de dominer toute réaction pénible  pour apporter une compensation et transformera ce désavantage en avantage.  
                  
L’homme en détresse se découvrira précisément dans cette même circonstance: le sujet loin de dissimuler sa déficience, l'exhibera comme un trophée, tirant de cette humiliation publique, une jouissance morbide et secrète.  Il essaiera de tirer des avantages de cette déficience,  avantages matériels ou sociaux, mais de toute façon, les bénéfices seront toujours accompagnés de l'humiliation de n'être pas  comme les autres et de le montrer sans cesse.
                  
C'est un moyen de provoquer les autres,  de leur démontrer inconsciemment l'injustice dont il est l'objet et dont il sera l'objet continuellement.  Il est cependant réel que ces mêmes sujets, à qui on offre parfois la possibilité de faire disparaitre leur inconfort, le refuse par sentiment d’humiliation.
                   
L'orgueil de l’homme en détresse n'est pas un vilain mot. Il existe, il est réel.  Quand l’homme en détresse refuse par exemple de se présenter devant un groupe, c'est bien parce qu'il a peur de ce groupe, peur de ne pas être à la hauteur des circonstances, même si les capacités réelles prouvent  qu'il peut souvent être bien au dessus, de la moyenne. Donc, il refuse tout net, par crainte.  Si on lui explique qu'il n'a aucune raison de craindre, il le prendra très bien  mais continuera de refuser. Et cette fois-ci par orgueil. Orgueil de ne pas se sentir pleinement en possession de ses moyens  devant les autres. Orgueil de ne pas être en mesure de démontrer la valeur réelle de sa personnalité.
                    
Cette réaction du névrosé  n'a pas toujours été prise en considération; on voyait surtout le côté négatif des conflits névrotiques et peu ce sentiment de réhabilitation personnelle que beaucoup de névrosés essayent de s'imposer pour ne pas sombrer davantage.    
                    
Or, l’homme en détresse n'échappe pas à cette règle  car on constate souvent, à coté de son attitude d'humilié, une certaine arrogance qu'il ne dissimule pas toujours.  Quand il recherche un plaisir  dans l'insuccès, c'est non seulement un plaisir morbide mais une espèce de compensation à ses propres yeux.  Au point que lorsqu'il exhibe une déficience physique  jusqu'à s'en faire une supériorité,  il peut devenir très arrogant pour son entourage.  Il est celui qui a souffert,  qui s'est sacrifié à l'extrème, il est donc celui pour qui on doit avoir la plus grande considération.
                    
L’homme en détresse n'échappe pas à l'attrait de l'idéal du Moi inaccessible.  C'est à dire que, comme beaucoup de névrosés,   il s'impose de telles exigences morales, sociales, culturelles.....  qu'il est impossible de les satisfaire vraiment. D'une part il s'impose un idéal disproportionné aux réalités, précisément parce qu'il vit presque que continuellement  hors des réalités; d'autre part, il rend cet idéal quasi  inaccessible pour avoir le plaisir d'échouer, sans en avoir eu extérieurement le désir et pour se complaire dans des sentiments d'infériorité.  Cette attitude n'est pas unique  elle est névrotique et se retrouve chez d'autres sujets  dont les sentiments d'infériorité et de culpabilité sont probants.
                    
Le névrosé voit alors, après maintes expériences  que son ambition n'est jamais contenté.  Aux yeux de son entourage, il est celui qui multiplie les efforts  mais qui n'est pas récompensé.  A ses propres yeux, il compare son Moi réel et intime avec l'idéal qu'il a échafaudé depuis toujours sans jamais l'atteindre.  Il voit ses faiblesses, ses défauts, sa stagnation. Il se déçoit et tire un plaisir de cette déception  puisqu'il a essayé, aux yeux de tous y compris lui même, de s'élever vers un idéal très noble.  Si un tiers avait quelque perspicacité, il lui rendrait le plus grand service en lui expliquant la situation véritable; il a choisi un idéal trop grand pour le commun des mortels  et surtout pour de premières ambitions. Il l'a choisi précisément avec le désir inconscient de ne jamais être en mesure de l'atteindre vraiment.

dimanche 15 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 29e partie


L’homme en détresse  cherche à travers sa souffrance à se faire estimer par autrui.

Si ce n'est sur le plan de la fidélité et de la vertu, ce sera sur celui de la souffrance.   
Il exhibera cette souffrance et toutes ses misères comme une vertu.

Il transformera l'humiliation et la défaite en titre de gloire.  Même s'il n'est pas physiquement attirant et gracieux  (et ne fait rien pour s'améliorer)  il attirera l'attention des autres sur sa disgrace, physique et morale, et se forgera une affirmation de sa personnalité.

" Je suis celui qui doit souffrir et être humilié toute ma vie,  c'est le rôle que Dieu m'a réservé sur la terre".
C'est le rôle que l’homme en détresse s'est crée  spécialement et méticuleusement pour lui,  interdisant à qui que ce soit de l'emprunter ou de le copier.  Il a l'air de vous dire chaque fois qu'on le rencontre, qu'il est l'incarnation même de la souffrance et de la douleur.  À noter toujours  que l’homme en détresse ne fait jamais rien pour améliorer ses conditions d'existence, et que au contraire si la chance lui sourit, il en est le premier déçu,  inventant n'importe quel prétexte pour transformer cette chance en malchance et en échec.

A force de côtoyer ces  "mordus"  de la misère,  on se rend compte que leur comportement n'est pas normal  et qu'ils désirent qu'on les remarque,  non pour leur réussite et leur talent, mais pour leur remarquable performance à s'identifier à la souffrance.  Chacun se fait remarquer avec les moyens propres à leur personnalité.

Cependant,  personne ne peut dire  que ce malchanceux ne fait pas consciemment  de son mieux pour réussir. Il multiplie les démarches auprès de solliciteurs bénévoles et charitables qui sont en mesure de le conseiller et de l'aider,  il ne contredit pas ceux qui s'occupent de lui,  il a vraiment l'air de vouloir sortir de ses ennuis  et de sa situation désavantageuse.  Tout le monde fait l'impossible  et personne ne parvient  au but véritable,  encore moins  la personne intéressée.  Cette personne, l’homme en détresse, est surtout intéressée à un échec  et non à la réussite.  Le pouvoir de l'instinct de l’homme en détresse l'entraine irrésistiblement à contourner les situations avantageuses et à les détourner de leur efficacité.  Ainsi, a-t-on arrangé une entrevue  avec une personne qui pourrait être utile à l’homme en détresse ?  il a accepté chaleureusement l'offre intéressante  mais s'arrange pour arriver en retard  et manquer le rendez-vous.  S'il y est à l'heure dite,  c'est dans une tenue si négligée,  une attitude si médiocre qu'il perd toutes les chances de donner bonne impression à son interlocuteur.  Dans toute situation bénéfique ou qui pourrait l'être,  il oppose une diminution de sa personnalité véritable qui le met immédiatement en infériorité.

Chaque personne,  dans tous les milieux sociaux, est en mesure de rencontrer un voisin, un parent ou un ami, dont le dessin semble être toujours orienté vers la malchance. 

Il faut toujours se méfier d'une répétition trop sempiternelle de l'échec et des ennuis.  Elle cache une volonté inconsciente  de non réussite.

samedi 14 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 28e partie


ET QUE DIRE DE LA DÉPRESSION CHEZ LES “BABY-BOOMERS”
La génération canadienne du “baby-boom” n’est pas heureuse.  Elle est même carrément dépressive.  Pas un simple coup de cafard mais une vraie dépression, deux semaines minimum, qui se traduit par un manque d’appétit et de sommeil, un sentiment d’inutilité ou de culpabilité et des idées morbides.
Plusieurs études indiquaient, récemment, que la dépression avait tendance à frapper plus tôt et plus fort chez les 8 millions de personnes nées entre 1947 et 1965, aujourd’hui âgées de 23 à 41 ans.
Elles représentent un tiers de la population canadienne actuelle et elles ont la particularité d’être née à une période ou le nombre des naissances était supérieur de 50 p. cent à celui des années précédentes et de 16 p. cent par rapport aux années postérieures.
Personne ne sait vraiment pourquoi cette frange de la population souffre autant : en 1980, le taux de suicide des 15-24 ans était trois fois supérieur à celui de même groupe en 1950. Les spécialistes avancent des raisons psychologiques, bien sûr, mais aussi sociologiques, économiques et historiques.
“La dépression frappe désormais plus à 20 ou 30 ans qu’à 40 ou 50”, affirme Robert Hirschfeld, de l’Institut national de la génération des “baby-boomers” vient de ce que leurs espérances se sont heurtées à la réalité économique.
Les enfants du “Baby-boom” sont nés à une époque de relative prospérité et sont arrivés sur le marché du travail avec des attentes matérielles très fortes.  “Nous pensions que nous pourrions tout avoir dans ce monde”, affirme M. Hirschfield, lui-même âgé de 45 ans. “Nous nous sommes rendu compte que ce n’était pas du tout le cas.”
Les désirs des “baby-boomers” n’ont pas disparu pour autant.  Pour pouvoir les satisfaire, ils ont justement eu tendance à se replier sur eux-mêmes en restant célibataires ou en ayant très peu d’enfants, lorsqu’ils en ont.
Le stress
“Le résultat, c’est le stress”, estime l’économiste Richard Easterlin. Selon lui, la loi de l’offre et de la demande réduit les possibilités d’emploi, tire les salaires à la baisse et freine la mobilité professionnelle chez les groupes d’âges les plus importants.
Pour d’autres chercheurs, les enfants du “Baby-boom” ont grandi “dans un climat hautement psychologique qui les pousse à se regarder le nombril davantage que les autres générations”. C’est du moins l’avis du sociologue Allan Horwitz, de l’université Rutgers, près de New York. Selon lui, les enfants nés plus tôt étaient tout simplement physiquement malades.
Bref, aucune explication n’est vraiment satisfaisante pour interpréter le malaise des “baby-boomers” canadiens.  Certains suggérent que les études sont biaisées et que le phénomène n’est peut-être pas aussi étendu qu’il y paraît.  À l’appui de cette contre-théorie, le fait que les plus âgés doivent retourner plus loin en arrière pour se souvenir de dépression passée que la génération des 23-41 ans.

jeudi 12 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 27e partie


ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL
En 1974, Grunsberg dans les travaux en psycho-pathologie utilise le concept de burn-out pour décrire des symptômes ressentis par des professionnels travaillant auprès de clientèles présentant des problèmes.  Depuis ce temps, la litérature sur le sujet est abondante, diversifiée et souvent contradictoire.  Les études sont descriptives et trop peu orientées vers l’intervention particulièrement au niveau du diagnostic et de la problématique sociale et culturelle qui permet d’énoncer un discours sur le burn-out.
Cette année là, la CSN a demandé à un groupe interuniversitaire en anthropologie et en ethno-psychiatrie de préciser le diagnostic du burn-out afin qu’il soit utilisable par les cliniciens.  Bien sûr, ce contrat répondait au besoin des syndiqués affectés par le burn-out de pouvoir chercher une indemnisation dans le cadre de la loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles.  Et c’est là, la première tâche que s’est donnée la CSN c’est-à-dire médicaliser le burn-out en l’inscrivant dans la nosologie médicale et en précisant son diagnostic.
Dans leur document,
Ces chercheurs ont fait une excellente synthèse des différentes définitions données (Frendenberger 7, Maslach 78, Levinson 81, Aronson 81, Brill 84).
“Tous ont recours aux notions de fatigue, d’épuisement, d’anxiété et de dépression”.
Tout en mettant l’accent sur les symptômes de nature psychologique et comportementale, plusieurs auteurs notent que les problèmes somatiques leur sont associés.
Tous relient l’expression de ces signes à l’espace de travail lequel la personne développe des peurs, devient moins performante et manifeste à un moment donné des sentiments d’impuissance.
Enfin, ces signes se manifesteraient chez des personnes sans histoire, psychologique et qui auraient présenté un niveau acceptable de fonctionnement dans leur travail.
Un clinicien aura tendance à diagnostiquer à partir de ces symptômes une réaction dépressive  situationnelle ou un désordre de l’anxiété généralisée.
Il n’y a pas assez d’études de cas et d’études comparatives qui permettent d’établir un diagnostic clair à partir d’une nomination médicalement reconnue.  Or c’est précisément à cette tâche que s’est appliqué ce groupe de chercheurs mandaté par la CSN : Différencier le diagnostic afin qu’il colle davantage au milieu du travail.
Lorsque l’on aborde les problèmes du burn-out à partir des causes, nous nous introduisions dans la perspective des maladies d’adaptation et des problèmes de stress psycho-social.  Cette perspective permet d’élargir cette problématique et surtout reconnaître socialement les effets du stress en fonction des réponses chez une population plus diversifiée de travailleurs.  C’est-à-dire à toute catégorie de travailleurs : relation d’aide et d’autres.
Le groupe de chercheurs mandaté par la CSN opte pour une telle perspective et considère le burn-out comme un trouble de l’adaptation avec inhibition au travail.
Le processus du diagnostic doit pouvoir intégrer et rendre compte de la complexité du burn-out en intégrant les symptômes physiques, psychologiques et comportementaux.
Farber en 1982 disait:
“Le burn-out peut être vu comme l’étape finale dans une progression de vaines tentatives à affronter une variété de conduites stressantes perçues comme négatives.
En effet, le milieu de travail propose diverses circonstances qui peuvent stimuler de manière agréable ou désagréable à cause de leur intensité ou de leur répétition, ils peuvent représenter une menace pour l’intégrité psychique d’une personne.  Dans ce sens on retrouve dans le burn-out ou l’épuisement professionnel des signes de stress non résolus.
Par ailleurs, la notion d’adaptation met en évidence l’interaction qui existe entre une personne et son milieu.  Tout processus d’adaptation rappelle que le milieu a ses exigences et ses règles propres et que l’individu doit s’y conformer ou le modifier pour en tirer profit et se réaliser.  Le sens qu’il donne à ses conditions de travail, formé de son histoire personnelle, sociale et culturelle, joue un rôle extrêmement important dans le processus de régulation et de transformation de soi en relation avec son milieu.  En effet, les réponses et les stratégies d’actions adoptées par les individus en situation de travail pour faire face aux différentes formes de stress sont à comprendre dans leur rétroactive avec la société dans laquelle ils vivent.
Dans la loi (accident de travail) la notion “d’événement imprévu et soudain” a été élargi afin de considérer une série de microtraumatismes.  Quelques causes de burn-out ont été gagnées en démontrant dans la preuve qu’il y avait accident de travail en tant qu’événement imprévu et soudain.
D’autres causes de burn-out ont été débattues à la Cour sans succès. Une réclamation pour un burn-out doit être appuyée d’une preuve non seulement de diagnostic et du lien entre le trouble et le travail mais aussi d’une preuve à l’effet que le burn-out est caractéristique de ce travail ou relié aux risques particuliers de la tâche.
Si aujourd’hui il nous est possible de parler de burn-out c’est bien parce que ces vingt dernières années, socialement nous avons développé une sensibilité à la vie psychique.  Cette recherche de plus en plus politisée de transformer les conditions sociales du travail afin d’y joindre une qualité de vie est intimement liée au type de promotion de l’individu de ce nouveau millénaire.
Oui, au coeur même du procès de narcisse, celui-ci se débat dans les diverses formes de brisures des réseaux et familiaux, qui lui assuraient du support et dans une solitude qui s’édifie sur le culte de l’autonomie l’affablissant dans un insoutenable isolement.  Comme le dit si bien Lipovetsky en citant R. Sennet “Les sociétés occidentales sont en train de passer d’un type de société à peu près dirigée par les autres à une société dirigée de l’intérieur”.  Dès lors, nous sommes en face d’un individu obsédé par lui-même ayant développé une sensibilité extrêmement fine vis-à-vis de toutes contraintes l’empêchant de réaliser son “moi” et vis-à-vis de tout ce qui s’oppose à ce qu’il se représente comme bien-être.
Cette culture de l’individuel a transformé le rapport au travail l’incorporant dans sa quête absolue d’un devenir infiniment autonome, infiniment connaissant, infiniment conscient, etc.
Le travail est devenu un secteur de réalisation de ces absoluités au même titre que la vie intime  Qui est par ailleurs, disjoint du milieu de travail. Or ces institutions n’ont pas suivi ces nouvelles problématiques sociales et culturelles créant de nombreuses tensions dans les rapports de travail.
D’autre part, pour parodier Gilles Bibeau: “Le burn-out avec ces démarches de reconnaissance sociale par le biais de sa médicalisation et par son appropriation que manifeste les travailleurs par l’adaptation du discours qui s’y rattache, donnent la possibilité pour les personnes d’utiliser un langage avec lequel ils expriment leurs problématiques personnelles d’une façon qui soit la moins stigmatisante”.
Ces auteurs reconnaissent dans le burn-out un modèle socialement accepté qui fournit à une personne un idiome fait de quelques mots clés à travers lesquels, elle traduit le problème qu’elle vit et dans un langage culturel que fournit le burn-out.
La reconnaissance sociale à travers sa médicalisation c’est aussi d’individualiser à outrance cette problématique et aussi perdre la potentialité du discours sur le burn-out qui est celui de concevoir le milieu de travail au niveau de sa relation avec la personne.
Une bonne part des solutions aux problèmes de burn-out réside pour ma part, dans l’habileté des travailleurs à transformer leurs conditions de travail dans le sens de leur conception même de leur rôle dans leur milieu.
Mesurez Votre Degré de Stress

Le stress nous le savons peut être généré par de circonstances extérieures : perte d’un être cher, divorce, accident, licenciement, difficultés professionnelles ou pécuniaires, difficultés relationnelles avec ses pairs, harcèlement de toutes sortes, etc.

Mais avant toute chose, il résulte de conflits intérieurs tels que le manque de confiance en soi et de complexe de l’échec. Donc, pour préserver notre santé, il ne suffit pas de reconnaître rapidement les premiers symptômes indicateurs de stress : encore faut il en identifier l’origine.

Pour ce faire, les chercheurs américains Holmes et Rahé, ont mis au point une échelle des évènements stressants, classés par ordre décroissant d’importance.

Chose étonnante, cette échelle ne recence pas que des évènements « négatifs » : Ceux qui sont réputés « positifs » tout en vous donnant du courage, du bonheur et de la confiance en nous-mêmes – peuvent être également facteurs de stress (sous forme d’excitation ou de tension exceptionnelle)!

Reportez-vous au tableau : « Échelle des évènements « stressants » et additionnez les points qui correspondent aux évènements vécus durant l’année doublée, ou qui risquent de se reproduire durant l’année à venir.
EXPLICATION PÉDAGOGIQUE
Qu’est-ce que l’épuisement professionnel?
La notion d’adaptation pour en parler. Cette notion met en évidence l’interaction qui existe entre un individu et son milieu. L’adaptation signifie aussi que toute personne développe des stratégies pour composer avec son milieu. Celui-ci a ses exigences et ses règles propres et l’individu doit s’y conformer et s’y ajuster pour en tirer profit et se réaliser.
Par ailleurs, lorsque l’on parle d’interaction, on sous-entend l’existence d’Une réciprocité dans la relation entre l’individu et son milieu. Le milieu agit sur l’individu comme l’individu agit sur son milieu. Dans la réalité, chacune des parties de cette relation se doit de négocier continuellement pour assurer son équilibre. Or, si un milieu se montre rigide et fermé, il nuit à la qualité de l’échange et réduit les possibilités qu’a l’individu de se réaliser.
L’interaction suppose la réciprocitéIl faut bien saisir que les difficultés du travailleur ou de la travailleuse à résoudre les problèmes liés à sa transaction avec son milieu de travail proviennent de multiples facteurs inter-reliés les un aux autres : individuels, sociaux, économiques, culturels, politiques et organisationnels.
Qu’est-ce que l’épuisement professionnel?
Une maladie?
Le ralentissement de ses activités. Elle peut aussi s’accompagner d’une perte de sommeil, d’appétit et de goût de vivre et de rire.
“ Je diagnostique un état de dépression lorsqu’à une douleur morale, à une peine psychologique, s’associe une réaction globale de l’organisme que j’appelle une réaction d’immobilité : le sujet ne réagit plus, n’a plus envie de réaliser ses goûts naturels. Il y a dans ce cas un blocage de l’action, de langage, de la spontanéité, du geste, de la pensée » (Daniel Wildlöcher, 83)
Dépression et épuisement professionnelOn peut parler de maladie lorsqu’un individu s’installe dans sa dépression et en devient prisonnier. Cependant, dans bien des cas, la dépression est une réaction aigüe mais transitoire à des évènements difficiles.
Pour comprendre la dépression d’une personne et en saisir l’ampleur, nous devons la replacer dans son contexte d’apparition. La dépression peut-être liée dans le temps à un traumatisme affectif : deuil, abandon, échec sentimental ou professionnel. Dans ces cas, la réaction dépressive apparaît dans les jours qui suivent l’événement. Cette réaction peut être apathique et inhibée ou agitée et anxieuse.
Dans certains cas, la dépression résulte de situations qui mettent à jour des conflits névrotiques anciens. Dans d’autres cas, les maladies physiques sont susceptibles d’être la source de réactions dépressives. En dernier lieu, la dépression peut être liée à un épuisement émotionnel et affectif dû à une situation prolongée de stress, de tension ou de conflits.
Lorsque la dépression est utilisée comme indicateur de l’épuisement professionnel d’un travailleur ou d’une travailleuse, il est important de ne pas réduire son épuisement.
QUELS SONT LES INDICATEURS DE L’ÉPUISEMENT PROFESSIONNEL
Quels sont les troubles perceptibles et observables permettant de déceler un état d’épuisement? Comment établir avec clarté que les maladies ressenties par un travailleur constituent ensemble un signe d’épuisement professionnel?
La contagion du burn-outDans ce qui suit, nous présentons trois types d’indicateurs physiologiques, psychologiques et comportementaux, pour rendre compte qu’une personne soumise à une situation de stress est impliquée dans sa globalité. Nous ne les présentons séparément que pour des raisons pratiques. Il faut toujours garder à l’esprit qu’en réalité on est en présence d’un ensemble de symptômes appartenant aux trois types d’indicateurs. C’est cette configuration ou combinaison de symptômes, pris non plus isolément mais ensemble, qui devient signifiante et qu’on appelle burn-out.
Ce n’est pas un symptôme pris isolément mais un ensemble de symptômes qui traduit la présence du burn-out.
Avant de présenter ces trois types d’indicateurs, il est nécessaire de faire une autre remarque. Le professionnel ou la professionnelle étant en interaction avec son milieu de travail, ses malaises émotionnels et comportementaux vont se répercuter dans le groupe. Un problème qui, au départ, est vécu individuellement devient rapidement un problème de groupe de travail.
Le burn-out a un double aspect : individuel et collectif
Quels sont les indicateurs de l’épuisement professionnel?
“Lorsqu’il y a exposition régulière au stress et que les reactions de lutte ou de fuite se répètent, des désordres physiques peuvent apparaître ». H. Seiye
“Lorsqu’il y a exposition régulière au stress et que les reactions de lutte ou de fuite se répètent, des désordres physiques peuvent apparaître ». H. Seiye
Le travailleur ou la travailleuse ressent :
De la fatigue physique, un manque d’énergie, un affaiblissement de l’organisme
Quels sont les indicateurs de l’épuisement professionnel?
· Anxiété « flottante », sentiment constant de malaise, inquiétude.
· Tension émotionnelle, sensation d’être gonflé à bloc, nervosité, hyperexcitation.
· Tendance à être facilement effrayé, alarmé,
· Cauchemars
· Sentiments récurrents de non espoir pour affronter la vie, sensation générale d’ennui.
· Anxiété à propos de l’argent.
· Peurs irrationnelles de la maladie et de la mort
· Sentiments de colère réprimés
· Sentiments de rejet par les membres de la famille
· Crainte d’échouer en tant que parent
· Au travail sentiments de crainte à l’approche d’une fin de semaine ou des vacances.
· Sensation que les problèmes ne peuvent être discutés avec les autres.
Ces indicateurs psychologiques sont un autre reflet de l’interaction entre l’individu et son milieu de travail. Le tableau sera complet avec la troisième série d’indicateurs.
LES INDICATEURS COMPORTEMENTAUX
Les sentiments d’insatisfaction au travail font surgir un certain nombre de comportements qui ont une fonction de défense. La personne réagit contre ce qu’elle croit être les sources de son insatisfaction. Simultanément ou alternativement, elle modifie son attitude vis-à-vis de sa tâche, ses relations de travail, ses pairs, sa famille ou son réseau social.
· Arriver en retard ou repartir avant l’heure
· Ne point travailler du tout. « je m’en foutisme ».
Quelles sont les causes de l’épuisement professionnel?
  • facteurs environnementaux
    et organisationnels
  • facteurs individuels
  • facteurs collectifs
  • facteurs inhérents à la tâche
Quel est-il, ce milieu?
Qu’est-ce que le milieu de travail? D’une part, on sait qu’il s’agit du milieu de travail au sens strict du terme, c’est-à-dire du milieu mettant en œuvre les facteurs environnementaux, organisationnels et inhérents à la tâche.
Ensuite, il faut tenir compte du fait que l’individu, au travail, reste en relation avec lui-même. C'est-à-dire que son environnement interne (sa personnalité) intervient dans cette transaction.
Enfin, la vie au travail ne peut être isolée du contexte culturel, plus global de notre société, parce qu’au travail, on retrouve les normes et règles culturelles qui ont cours aux autres niveaux de la vie sociale.
Quelles sont les causes de l’épuisement professionnel?
LES FACTEURS INDIVIDUELS INFLUENCENT LA PERCEPTION ET LES REACTIONS AU STRESS
« Chaque individu à sa propre hiérarchie de besoins, sa propre vision du monde, sa façon unique d’évaluer et d’affronter le stress ».
(Pines & Aronson)
Les différences de perception individuelle peuvent expliquer pourquoi deux individus exposés aux mêmes conditions de travail réagissent quelquefois différemment, voire même de façon opposée.
Par exemple, la tâche générale de travail, les capacités personnelles et le support fourni par le milieu de travail peuvent, entre autres, être évalués différemment par chacun. Il est donc important de s’attarder à des bases individuelles précises susceptibles d’influencer la perception des agents stresseurs qui se présentent dans l’environnement de travail et les réponses immédiates au stress ressenti.
Il ne s’agit pas d’inventorier les caractéristiques fixes de la personnalité mais plutôt d’aborder des dispositions personnelles qui varient dans le temps.
Dobin et Arsenault (1980) se sont attardés, entre autres, aux effets probables de quelques facteurs individuels sur le travail. La figure suivant illustre les liens qu'ils ont établis :
La valeur accordée au travail par rapport à la vie personnelle
La perception des agents stresseurs en milieu de travail
Influencent:
Les attentes personnelles face à l'avenir et au travail
La satisfaction au travail
Pour la plupart d’entre nous, le travail occupe une portion considérable de notre vie. Même si nous n’y consacrons plus, du moins en occident, douze ou quinze heures par jour comme le faisaient nos grand-pères. Il représente du tiers de nos journées et souvent davantage encore quand il s’agit de ceux d’entre nous qui travaillent pour leur propre compte. C’est dire si les émotions qui surgissent en nous à l’occasion du travail peuvent faire une différence notable dans l’équation de notre bonheur ou de notre malheur.
Les effets des émotions sont biens connus : d’une part enthousiasme, productivité exceptionnelle, créativité, mais d’autre part, stress exagéré, “burn-out”, absentéisme, dépression, rapports tendus ou hostiles entre employeurs et employés, temps perdu, sabotage et autres manifestations, malencontreuses qui viennent ajouter leur poids à celui que représente déjà l’accomplissement de tâches souvent pénibles en elles-mêmes.
Attardons-nous à certains de ces phénomènes et tentons d’en découvrir et d’en analyser les causes émotives.
ANXIÉTÉ, STRESS et EXIGENCE
Tant que le stress demeure modéré il ne présente pas d’inconvénient notable pour la vie humaine.
Il est devenu coutumier de décrire notre époque comme étant une époque stressante et c’est souvent au travail et au rythme de vie qu’il impose qu’on reproche de causer ce stress.
Commençons par établir qu’une certaine dose de stress est inséparable de la vie. Le stress en effet, comme l’a défini Hans Selye, est la réponse de notre organisme à toute demande qui lui est adressé. Il y a un stress à lever un crayon, à s’attabler, et bine plus encore, cela va de soi, à concentrer son esprit sur une tâche intellectuelle, à lever des objets pesants ou à conduire un autobus à l’heure de pointe. Il est donc impossible de n’éprouver aucun stress et seuls les cadavres sont complètement dé-stressés. Tant que le stress demeure modéré, il ne présente pas d’inconvénient notable pour la vie humaine.
Il n’en va pas ainsi quand le stress s’accroît pour devenir d’abord inconfortable, puis graduellement destructeur. Il est clair qu’un humain passant de nombreuses heures chaque jour dans un lieu de travail pollué, bruyant, où il est continuellement bousculé et pressé de produire plus rapidement, éprouvera un stress plus considérable qu’une autre personne travaillant dans un milieu paisible où elle est libre de déterminer ses propres tâches et son propre rythme de travail. Certaines sources de stress sont donc physiques mais ce ne sont pas les seules.
LE STRESS D’ORIGINE PSYCHOLOGIQUE`
En effet, nous connaissons tous des personnes qui travaillent sans patron dans des lieux aérés et silencieux, à des tâches n’exigeant pas une grande dépense d’énergie physique et qui sont malgré tout stressées. Leur stress est avant tout d’origine psychologique. Très souvent, ces personnes sont anxieuses. À leurs yeux, il faut absolument que leur travail soit accompli de façon impeccable sans la moindre erreur. Que ce soit à la maison, au bureau, il faut toujours pour elles que tout ce qu’elles font soit parfait. Très souvent ces personnes redoutent plus que tout la désapprobation des autres et se figurent avoir un véritable besoin d’affection de diverses autres personnes.
La prévention du burn-out est un sujet bien documenté. Ceci est dû au fait que les facteurs corrélés avec ce syndrome sont bien connus. Il est donc facile de suggérer des moyens.
Plusieurs des facteurs associés au développement du burn-out ayant été attribués aux organisations, on propose d’intervenir à ce niveau. On suggère tout d’abord aux administrateurs d’assurer que le personnel reçoive de la formation sur l’épuisement professionnel. Ceci permet aux professionnels (les) de détecter très tôt les signes avant-coureurs ou encore, d’identifier l’origine des maux dont ils souffrent. De plus, une telle formation informe sur les facteurs prédisposants et sensibilise à l’importance des mesures préventives mises par l’organisation. En ce qui a trait à ces mesures, on propose de sensibiliser l’ensemble du personnel à l’importance de la communication. Il est très important de s’assurer que chaque professionnel (le) ait accès à un réseau de support. De plus, il est préférable de promouvoir l’autonomie. On suggère d’orienter les efforts afin d’augmenter les ressources des professionnels (les) et d’arrêter la chaîne des pertes, activer la spirale des gains et des récompenses en plus de permettre aux professionnels (les) de voir à l’aboutissement de leur travail sont aussi des facteurs préventifs importants. Il est aussi nécessaire de donner un environnement physique et sécuritaire et non stressant (Hobfoll et Fredy, 1993; Kahiel 1988; Lee et Ashforth, 1996) tout ceci semble bien séduisant mais on sait qu’il peut être difficile d’obtenir de telles conditions de travail. Il est donc souvent nécessaire de travailler aussi au niveau individuel.
Heureusement, plusieurs facteurs protecteurs sont connus. A cet effet, on constate que les professionnels (les) les moins affectés sont ceux qui on un bon réseau de support social (Dolan, 1995). On note aussi que d’avoir un but dans la vie, du plaisir dans ses temps libres et une vie bien équilibrée sont tous des facteurs de protection.
Il est aussi important de travailler l’estime de soi, un forte estime de soi étant corrélée négativement avec le burn-out.
De plus, il est fortement conseillé d’utiliser des stratégies de gestion directe du stress. On peut penser, par exemple à développer des habilités de communication pour pouvoir gérer les relations interpersonnelles difficiles, ou encore, à suivre des formations pour augmenter sa compétence dans un domaine où l’on se sent démuni.
Mais une chose dont on ne parle pas dans la littérature est le rôle des organismes formateurs. Il est essentiel de parler du phénomène de l’épuisement professionnel le plus tôt possible dans la formation. Les nouveaux professionnels (les) n’ont généralement jamais reçu de formation à ce sujet. Ils ne sont donc pas sensibilités à cette problématique. L’information abondante que nous avons sur les causes, effets et la prévention du burn-out nous permettent de sensibiliser l’ensemble des professionnels (les) et de cesser la propagation de ce syndrome « mieux vaut prévenir que guérir! ».
Heureusement, car la littérature offre très peu de matériel sur l’intervention et encore moins d’études empiriques à cet effet. On y trouve plutôt des recommandations générales sur les mesures à prendre selon les diverses étapes de développement du burn-out. Aux premières manifestations de symptômes physiques et psychiques en lien avec le travail, on suggère d’établir un programme pour empêcher la détérioration. Il s’agit à ce moment, de diminuer la tâche de travail et de réduire le rapport employeur- professionnel (le), les demandes émotionnelles étant tenues pour grandes responsables du burn-out. Par exemple, si les stress sont souvent associés au fait de manquer de compétence, on pourra déterminer des moyens de formation.
Si les stress sont plutôt générés par de trop grandes attentes, celles-ci pourront être travaillées de façon à être réduites.
Lorsque l’état est plus avancé, et donc que les symptômes sont intenses, on dit qu’il est nécessaire d’arrêter de travailler. La psychothérapie devient alors nécessaire. Il est aussi possible que l’on ait recours à des traitements pharmacologiques s’il y a des symptômes de dépression. Les apprentissages visés en thérapie sont les suivants :
· Apprendre à utiliser des stratégies de gestion directe du stress
· Réajuster ses attentes en fonction des accomplissements possibles
· Modifier ses habitudes de vie afin qu’elles soient plus équilibrées
· Apprendre à détecter les signaux de fatigue
· Prendre conscience de ses limites personnelles
Il est difficile d’établir la durée requise pour un rétablissement car chaque cas est différent; mais on peut parler d’au moins plusieurs mois avant le retour à une activité normale de travail.
Nous avons interrogé (2001) plusieurs professionnels (les) et nous avons conclu qu’une série d’étapes était nécessaire au recouvrement d’un burn-out. Il s’agit d’abord du processus d’acceptation qui consister à accepter la nécessité de prendre des mesures pour remédier à son état. Vient ensuite l’étape de distanciation.
À ce moment, le professionnel (le) doit prendre une distance de sont travail en s’en retirant. Le temps libre permet alors au professionnel (le) de récupérer physiquement, mentalement et émotionnellement; c’est le moment de la récupération. Une autre étape peut alors s’amorcer, celle de la réflexion. Cette étape est la plus déterminante de toutes car elle permet de faire le point. Suite à cette réflexion, le (la) professionnel (le) entre dans une période d’exploration. À ce moment, il y a reprise de contact avec le monde du travail, mais sur un mode exploratoire seulement.
Finalement, il y a rupture. Cette rupture peut impliquer un arrêt définitif du travail, une réorientation professionnelle ou encore, un retour au travail avec une nouvelle attitude. Il apparaît clairement que la connaissance et la compréhension de ces étapes seraient d’une grande utilité tant pour les professionnels (les) que pour tous les individus qui travaillent et qui sont plus ou moins à risque de souffrir de burn-out.
Il semble que le phénomène de l’épuisement professionnel soit de plus en plus fréquent et ce, dans divers domaines de travail. Cette problématique est pourtant abondamment discutée dans la littérature. On connaît bien les facteurs de risque tant du point de vue de l’environnement que du point de vue individuel. On connaît aussi très bien les signes et symptômes ainsi que les étapes de développement du burn-out.
En fait, il est très rare d’avoir autant d’informations concrètes sur une problématique liée à la santé mentale.
Nous avons donc amplement d’informations pour informer, éduquer et prévenir. Et surtout, il est important de se rappeler que chacun(e) d’entre nous est membre à part entière de l’organisation dans laquelle il (elle) œuvre et que nous avons, de ce fait, la responsabilité de bien connaître ce type de problématique afin de pouvoir modifier nos attitudes, nos attentes, nos croyances et de mettre en place des stratégies de prévention individuelle et collective.