vendredi 20 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 31e partie


DIFFICULTÉ D'ÊTRE

Un individu égocentrique, après plusieurs années d'expérience et de confiance en soi, après une réussite assurée et certaine, peut avoir un grand orgueil de son bilan positif. Argent, culture, relations sociales.... peuvent lui donner la sensation très vive d'être supérieur à beaucoup d'autres.  Disons que si cet orgueil dépasse une certaine limite d'insociabilité, il devient conflictuel et camoufle et recouvre un sentiment d'infériorité  qui veut à tout prix chercher sa compensation. Se dire et se redire très souvent qu'on se sent supérieur aux autres, est un symptôme clairement et nettement névrotique.
           
Or,il n'y a pas que des sujets orgueilleux de leur bilan positif, il y en a aussi d'orgueilleux de leur bilan négatif. L’homme en détresse est l'exemple type. S'entretenir dans sa souffrance et un minimum vital, supporter n'importe quel déplaisir, n'importe quelle restriction, équivaut pour lui à une supériorité. Il a simplement l'air de vous dire: "je ne dois pas être gâté pour vivre dans les conditions où je vis et qui ne sont pas méritées". Il se targue d'endurer beaucoup d'ennuis et de faire passer son plaisir après tout le reste, mais ce qu'il ne dit pas, C'est qu'il s'arrange pour ne pas être en mesure d'accepter de distractions, invente mille prétextes pas toujours plausibles, et se trouve le plus malheureux quand on le sort de sa routine. Il s'ennuie, critique tout, se sent vite fatigué et jure qu'on ne le reprendra pas à sortir inutilement. Le lendemain il affiche une supériorité d'endurer, mieux que d'autres, son austérité.
           
L’homme en détresse se sert de son humilité comme monnaie courante pour marchander sa morale. Il se confine dans cette humilité et s'affiche comme étant un exemple d'endurance à la souffrance et aux privations, il se félicite de "n'être pas comme les autres", de se placer le plus près possible de tout ce qui touche de près ou de loin à la pénitence. Cet orgueil d'une supériorité correspond cependant au fait que, s'il s'humilie si facilement et si couramment, c'est qu'il compte ainsi avoir atteint un niveau assez profond d'abaissement pour qu'aucune circonstance extérieure ne puisse l'humilier davantage. Sous un revêtement moral, il se protège contre toute atteinte.
           
Encore une fois, la morale lui sert davantage de prétexte que de fin véritable. Elle est préliminaire à un confort psychique toujours recherché mais toujours menacé.
L’homme en détresse feint à se protéger de tous les cotés à la fois: il satisfait la morale de la soumission et du "qui s'humilie sera exalté", et il satisfait sa névrose qui lui réclame une somme de plus en plus exigeante de souffrances et de restrictions pour apaiser son sentiment morbide de culpabilité. Son moi se trouve à la fin satisfait également car son plaisir vient de toute souffrance éprouvée. Plus il souffre plus il éprouve du plaisir certain, plus il souffre plus il a la permission de se réjouir et de jouir. C'est sa récompense après l'orage et c'est tout son orgueil. 

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