dimanche 24 novembre 2013

CLIN-D’OEIL SUR L’HISTOIRE D’HAÏTI - Période 1957 à nos jours

Duvalier et le Vaudou

La plupart des dirigeants haïtiens se retournent constamment vers le vaudou pour créer un élan nationaliste sous la supervision des dieux tutélaires.  Ils se font naïvement passer pour des nationalistes et cherchent à se maintenir au pouvoir en imposant aux minorités qu’ils disent réactionnaires les valeurs d’un Haïti figé dans une certaine africanité désuète.  Ils utilisent le vaudou pour en dégager une pensée politique obscurantiste qui leur permet de façonner des Haïtiens aux exigences d’une situation néocoloniale.  En ce sens, toute pensée rationnelle qui permettrait aux Haïtiens de saisir les rapports réels entre les choses ou transposer les rapports fantasmatiques.  Ils trompent sans cesse les masses populaires et leur imposent une mentalité archaïque dans un pays de modernité virtuelle parce que leur devise est : de la dictature à la dictature.

Les classes dirigeantes haïtiennes utlisent constamment les aspects rétrogrades de cette religion populaire et nationale pour pérenniser des rapports de dominance et de dépendance qui ont anéanti toutes les espérances du peuple refoulé dans une sous-nation qui satisfait à maints égards la grille de cette africanité désuète tant prônée.  Les couches privilégiées haïtiennes sont empêtrées dans leurs ambiguïtés en pensant comme Planson que le vaudou “peut apporter à l’homme contemporain un message de fraternité et de réconciliation avec le monde”.  Pourtant, bien imprégnées du vaudou, elles ont tendance à le rejeter quand elles sont en quête du qualificatif “civilisé”, et le vénèrent dans le cadre du populisme local qui leur permet le maintien du statu quo à travers des rapports de domination et de dépendance révoltants.  Alors, elles banalisent le phénomène vaudou et en font un pôle de résistance antiescalvagiste sans transcender leurs propres a priori.  Bien souvent elles en sont fières et alimentent le mythe touristique d’un peuple haïtien “qui chante et danse” jusque dans le vaudou, religion d’essence populaire chantée et dansée.   Néanmoins, la définition du vaudou varie d’un observateur à l’autre: religion nationale haïtienne, il est bien souvent présenté une religion africaine “opium du peuple”.  Pour les uns, le vaudou est le culte des Noirs haïtiens et serait d’origine animiste; pour quelques autres, il s’agit d’un folkolore et pour d’autres, il se résume à une vulgaire sorcellerie.

Ensuite, un grand nombre d’hommes de la classe politique traditionnelle ont su exploiter de 1804 à nos jours les capacités mobilisatrices du vaudou pour maintenir le statu quo chaque fois qu’ils se sentaient eux-mêmes menacés dans leurs privilèges.  De plus, d’énormes épisodes historiques haïtiens renvoient aux notions de pouvoir surnaturel dont raffolent tant les leaders politiques que les militaires à la recherche d’une invulnérabilité conférée aux individus qualifiés de Kanzo.  Cette invulnérabilité apparemment sans faille tisse l’histoire de Makandal, un esclave rebelle qui est à l’origine d’un mythe puisque, capturé et brûlé vif, il se serait volatisé d’après une rumeur persitante.  Depuis, on qualifie de Makandal tout individu ayant le pouvoir de disparaître dans les circonstances dangereuses. L’institution vaudou propose ainsi aux militaires et aux politiciens des pratiques magico-religieuses ou wanga qui leur procurent en apparence une protection sur mesure.  À cet effet, il faut rappeler que le Ougan ou bòkò-manbo si c’est une femme - est le prêtre vaudou qui, au-delà d’une spécificité géographique d’appellation, est souvent versé dans la magie. De plus, comme le fait si bien remarquer M. Rigaud, le prêtre vaudou est dans tous les cas un notable qui est le plus souvent “confesseur, médecin, magicien, conseiller privé des individus et des familles, conseiller politique voire financier des plus hautes personnalités comme des plus humbles, devin”.  Ainsi, au-delà des systèmes de rites organisés où s’associent les pratiques religieuses africaines des anciens esclaves et l’esprit religieux que leur imposaient les missionnaires de l’époque coloniale, le vaudou est éminemment politique et on n’insistera jamais assez sur l’effet du conditionnement socioculturel des cérémonies vaudoues.

Les initiés du vaudou exploitent à fond cette religion populaire qui relie admirablement les Haïtiens dans une dynamique équivalente à celle des divinités vaudoues possédant chacune son domaine propre et évoluant sous la supervision d’un “grand maître”.  Naturellement, la pression croissante de la religion dominante - le catholicisme - a envahi les lieux du culte vaudou d’images de saints qui symbolisent ce syncrétisme liant saint Michel à Linglinsou, saint Nicolas à Marasa-twa, saint Antoine à Legba, saint Jacques à Ogou-fé dans le panthéon vaudou.  

L’institution vaudoue repose également sur une rivalité hiérarchique qui porte la marque de la pénétration idéologique coloniale quand les initiés font allusion à des titres politiques: Legba est un roi, Ayda une reine, Ogou un général, Azaka un ministre, Samdi (ou Lakwa ou Simityè) un baron....et on aurait tort de minimiser certains aspects du phénomène vaudou quand on sait que le ougan est empereur, le manbo impératrice, l’apprenti ougan la confiance...ou que l’on fait fréquemment allusion à la reine Soleil, la reine Chanterelle et la reine Silence...La présence du vaudou est partout dans le quotidien haïtien et la littérature haïtienne s’en emprègne et fait écho à cette entité religieuse gérée par des ougans qui sont “maîtres de tous les secrets de la nature” et qui lisent le passé, le présent et l’avenir”  (Cinéas).  Dans leur toute-puissance, les ougans sont des artisans de cet arbitraire socioculturel intolérable qui phagocyte la société haïtienne et fait obstacle à toute symbiose. D’une manière générale, le vaudou renvoie carrément à une réalité déformée qui fait chevaucher à la fois la pensée mystique et l’animisme.  Les africains haïtiens non progressites se font fréquemment chantres de la mentalité magique quand ils utilisent le phénomène vaudou qui s’inscrit, d’une époque à l’autre, comme une nécessité socioculturelle dans le cadre de la société actuelle, plus particulièrement dans cet “arrière-pays” dépourvu de tout.  Les pouvoirs politique et économique locaux manipulent le vaudou qui participe à cet état de mal en s’opposant à toute émancipation nationale.

En Haïti, l’arbitraire est partout au nom de la tradition: arbitraire social, arbitraire économique, arbitraire politique, arbitraire militaire....La domesticité et l’esprit de caste sont des aspects irréfutables de cet apprentissage socio-culturel, qui enferme les Haïtiens dans les ghettos idéologiques. L’arbitraire socioculturel a produit un modèle de pouvoir absolu teinté de temporel et de spirituel.


D’une manière assez générale, le vaudou charrie beaucoup de scories socioculturelles, imprègne les familles haïtiennes et les confine dans des rapports de domination et de dépendance propres aux relations vaudouesques.  Le pays s’est enfoncé à la longue dans une féodalité des plus rétrogrades parce que l’indifférenciation du père réel, du père imaginaire et du père symbolique a créé un tel malaise dans l’identification que de très nombreux Haïtiens cultivent à leur façon leur narcissisme des petites différences et, pour parodier A. Nicolaï, cela les a conduits à des “resacralisations de survie” qui sont aussi “la réactivation d’un père idéal et discriminateur”. 

mardi 19 novembre 2013

CLIN-D’OEIL SUR L’HISTOIRE D’HAÏTI - Période 1957 à nos jours

Sens de l’Harmonie

Duvalier ne tient donc que la tête de l’Église mais il sait bien qu’en en tenant déjà la tête, il la tient pratiquement toute entière à sa merci.  C’est que d’abord l’Église d’Haïti reste encore enfermée dans sa structure féodale hiérarchique. Elle se réduit en fait, à sa tête, à sa hiérarchie; tous les échelons inférieurs sont considérés comme des consommateurs du sacré et des clients de l’obéissance.  C’est ainsi que Duvalier, ayant réduit l’episcopat au silence, peut parler avec quelque vérité de l’harmonie du temporel et du spirituel, même s’il continue entretemps de traquer les prêtres qu’il ne trouve pas, à son goût, assez soumis aux principes d’autorité, de respect et d’obéissance qui sont à la base même de la foi catholique (SIC!).  Papa Doc a bien retenu son petit catéchisme.

Pour lui, l’Église: ce sont les Évêques, chacun Seigneur de son Diocèse.  C’est avec ces Évêques pris un à un qu’il traite.  Il peut ainsi les faire chanter à sa guise et réclamer de chacun d’eux des risques de reconnaissance pour leur Élévation au trône Épiscopat, Élévation dont il est lui-même le généreux artisan.  Selon une telle conception, bien des accords sont donc possibles. 

Mais quel prix a-t-il fallu payer!  Et à quels sacrifices faudra-t-il consentir encore demain?

L’Église haïtienne est en majorité servie par des missionnaires étrangers.  Leur départ du pays laisserait assurément un vide immense parmi la population catholique.

Il ne s’agit donc pas de courir imprudemment au devant de l’exil, sous prétexte de témoignage chrétien.  Mais il ne faudrait pas non plus que, par peur de faire des orphelins spirituels, étrangers et indigènes aillent se terrer eux-mêmes et taire tout l’Évangile.  De grâce surtout, qu’on évite les collaborations opportunistes et ambitieuses!  Que ne soit pas réédité le baiser de Judas!

La mise en croix de l’Église est également révélatrice et placée devant l’évidence de l’échec d’une longue christianisation; ce n’a été en fait qu’un vernis que le régime Duvaliériste a décapé d’un revers de main; une relève haïtienne n’avait jamais été prévue et préparée en conséquence.

L’Église d’Haïti continue d’être presque totalement dépendante de missionnaires étrangers avec les risques que cela comporte.  Le clergé submerge aujourd’hui dans ses vices et ses déviations.  Et le peuple continue d’être le laissé pour compte.

Cette crise profonde de l’Église haïtienne invite tous les Chrétiens à l’examen de conscience.  La responsabilité est collective.  Mais les chargés d’office y sont de plus impliqués, qu’ils aient le courage d’êtres fidèles à leur mandat!


lundi 18 novembre 2013

CLIN-D’OEIL SUR L’HISTOIRE D’HAÏTI - Période 1957 à nos jours

Portée de Cette Harmonie

C’est donc une Église singulièrement fissurée que Duvalier a entrepris d’écarteler et de mettre au pas.  L’harmonie du temporel et du spirituel résulte d’un long affrontement entre deux forces inégales et de la reddition de l’une d’entre elles.  Harmonie forcée, unilatérale, consistant en un alignement pur et simple : le spirituel est désormais sous la coupe du temporel.

Il s’agit donc en fait d’une harmonie de surface limitée, d’une part, en effet, les frictions restent fréquentes : Papa Doc n’a eu le temps de réaliser toutes ses ambitions politico- spiritualistes qu’il n’a pas pu réussir à domestiquer toute l’Église.

D’autre part ce n’est pas tout le clergé, ce ne sont pas tous les chrétiens qui ont signé le traité de Vassalité avec le dictateur.  Certains continuent, comme ils le peuvent, de dire non à l’oppression et de se préoccuper d’assurer une certaine présence de l’Évangile du Christ.  Ils se sentent en devoir de combattre un régime politique qui contredit les exigences concrètes de l’Évangile.

C’est dommage que l’épiscopat, pour n’avoir pas d’ennuis, par lâcheté ou même par collaboration plus ou moins camouflée, ait choisi la voie du silence, complice en l’occurence?
“C’est dommage que la parole de l’Évangile soit tue pour la sauvegarde de l’institution!  Dommage qu’on soit d’autant plus empressé à fermer le livre de la vérité qu’on montre de la diligence à ouvrir les portes de l’Église de pierre pour les funérailles solennelles des sbires de la dictature!


dimanche 17 novembre 2013

CLIN-D’OEIL SUR L’HISTOIRE D’HAÏTI - Période 1957 à nos jours

Harmonie du Temporel et du Spirituel

Duvalier a pu exploiter habilement ces inégalités et ces mécontentements.  Il s’est présenté comme le défenseur de l’Église nationale contre la domination étrangère. C’est sous son gouvernement qu’enfin le St Esprit a daigné choisir les (5) premiers haïtiens comme Évêques.  Encore sous son gouvernement que la plupart des communautés religieuses ont brusquement déniché des Haïtiens aptes à devenir supérieur de leurs institutions.  De plus sous son gouvernement les grandes cures se sont enfin ouvertes aux Haïtiens.  La promotion du clergé autochtone a été si fulgurante que les bénéficiaires eux-mêmes doivent encore en être étourdis!

Prix de Cette Harmonie

Mais malheureusement cette venue de l’haÏtien à sa majorité a lieu dans une atmosphère d’intrigues assez louches et en fonction d’une stratégie du pouvoir.  Beaucoup de nominations relèvent de motifs purement politiques.  Duvalier lui-même, d’ailleurs, ne s’en cache pas!  Il a choisi ceux dont-il sait que ni la révolution ni lui n’auront à rougir, quoi qu’il advienne (SIC!). Il attend donc fidélité et reconnaissance de ses Élus, au détriment même de leur fidélité à l’Évangile. Il ne suffit point par conséquent d’avoir une Église au service des Haïtiens, témoin pour eux de l’Évangile de vérité, de justice et de liberté!

Il est donc regrettable qu’on ait attendu d’être forcé de faire une meilleure place aux fils du pays dans la conduite spirituelle de leurs concitoyens.  Car les fruits mûris sous pression, gardent toujours un arrière-goût aigre.  Les renversements forcés de situations laissent souvent des traumatismes et des rancoeurs.  Il n’est pas improbable que l’émiettement actuel de l’unité de l’Église haïtienne soit dû en grande partie à ce retournement des choses.  Un Évêque haïtien reconnaissait avec stupeur qu’il n’y avait en Haïti ni épiscopat, ni presbyterium, ni laïcat; chacun suivait sa propre voie chrétienne.  Ainsi Duvalier ne compte plus devant lui qu’une poussière de chrétiens profondément divisés.

Toute prise de position évangélique commune, par conséquent, s’avère imposible. On va même jusquà laisser les autres tirer les marrons du feu pour les croquer ensuite soi-même: on prend gaiement la place vacante des disgraciés ou des exilés parfois pour services rendus ou sous promesse de soumission inconditionnelle.  Les communautés religieuses elles-mêmes ne boudent pas toujours ce genre de compétition.


Pour des raisons peu évangéliques, on s’entrebat encore sur des questions aussi vitales que celles de la non-reconduction ou plutôt de la dénonciation du Concordat en 1860. Ce Concordat asservit l’Église à l’État.  Mais qu’importe! Il stipule aussi des garanties et des obligations envers les institutions ecclésiastiques qui sont nécessaires, se dit-on, dans un pays aussi pauvre qu’Haïti et de tradition libérale ténue.

vendredi 15 novembre 2013

CLIN-D’OEIL SUR L’HISTOIRE D’HAÏTI - Période 1957 à nos jours

L’Église, Une Force?

Duvalier s’y consacrera avec d’autant plus de soin que cette Église lui apparaît comme une force et comme une force hostile.  Avant Duvalier, tout le monde répétait sur le mode du dicton qu’un gouvernement qui oserait s’attaquerà à l’Église provoquerait lui-même sa propre chute.

En 1950 l’archevêque de Port-au-Prince, Monseigneur Poirier, fut expulsé sans coup férir.  Le test était passé : réussite parfaite, la preuve du contraire venait d’être faite sans frais aucun.

Les jours suivants, la Radio d’État triomphait:  Papa Doc avait frappé l’Église à la tête et était devenu encore plus puissant.

Mais outre ce vieux dicton populaire, un autre signe de la puissance de l’Église a toujours été l’usage de l’excommunion.  Cette sanction qu’utilisait l’Église Primitive comme un moyen charitable de correction et de conversion contre des frères chrétiens qui rompaient la charité et la communion chrétiennes, était vite devenue dans la suite un instrument d’humiliation et de triomphalisme.  Henri IV à Canossa - elle avait fini par perdre sa pointe de charité et par devenir une arme vindicative. Aussi après l’expulsion de Monseigneur Poirier, l’Église d’Haïti la tournait-elle contre le persécuteur.  Mais une fois de plus elle dut s’avouer vaincue : le Président et excommunié continuait de plus belle d’imposer, tel que prévu par le concordat, que soient dits à son intention prières et te-Deum.  Non pas du tout comme actes liturgiques mais comme actes politiques, comme signes extérieurs d’allégeance et de soumission de l’Église.  Car Papa-Doc croit flairer une sourde opposition cléricale à son impéccable Régime.  Traditionnellement l’Église en Haïti - comme d’ailleurs dans toute l’amérique latine - est une force réelle plutôt l’alliée des puissants, capable de ruiner pour jamais la carrière d’un homme politique qui n’aurait pas sa bénédiction. 

Par ses réseaux de paroisses et de Chapelles implantées à travers tout le pays, elle est la seule force unifiée qui contrôle effectivement toute la population à 95% catholique, or Duvalier, à son avènement n’avait pas l’appui officieux de la hiérarchie catholique, et pour cause.  Très tôt en effet il protestait contre la mise à sac de la culture haïtienne par un clergé occidental tolérant et prônant avec d’autres le retour à l’Africa-Mater.  Accusé d’être vaudouisant, crime impardonnable, crime de lèse religion, s’entend la religion occidentale.

Quand on sait par ailleurs qu’il n’a pas été le candidat de l’élite, mais qu’il s’est donné comme le représentant des aspirations du peuple, on comprend qu’il ait interprété la moue du clergé à son élection comme une franche hostilité.

Quant au clergé on ne sait pas trop bien, en tout cas, si en abondant Duvalier dès le départ, il défendait sa religion et l’élite traditionnelle, ou bien la justice et la vérité de l’Évangile en faveur des toujours-opprimés: son action a été pour le moins ambigüe  et souterraine.

Au commencement donc était le conflit, point du tout “l’harmonie”.  Vint ensuite la lutte ouverte, mieux justifiée cette fois-ci, devant la mise en place de la machine de répression.  L’un des deux camps doit céder.  Duvalier va s’employer à force l’Église d’abord à la retraite, puis de plus en plus à la soumission servile.  Chantage, pression, prison, expulsion, corruption, délation, tout est mis en oeuvre pour la domestification du spirituel.  Papa Doc n’entend pas simplement abattre cette force, il la veut en harmonie avec le temporel, c’est-à-dire à son service.

Une Force Divisée

Les défauts mêmes et les divisions internes de l’Église ont favorisé sa propre mise en tutelle.  La structure écclésiale reproduit à peu de choses près la structure sociale des classes.  Une hierarchie autoritaire, distante, paternaliste commande à ses prêtres, ses sujets et ses subordonnés. Dans leurs paroisses les curés sont les maîtres de leurs vicaires et de leurs paroissiens.  Quant à ceux-ci, en majorité analphabètes, on les considère souvent comme de grands enfants à qui l’on contribue à profusion sacrements et dévotions.  Le paternalisme tient lieu de charité et de justice et le sacramentalisme, comme pratique de Salut, dispense de voir les injustices sociales.  L’Église semble d’abord s’attacher à sauver des âmes et non les hommes.


Polarisation ensuite en hiérarchie étrangère et clergé autochtone.  Jusqu’à Duvalier, les mandarins occidentaux, soucieux de garder pur le christianisme occidental, ne se résignaient guère à l’haïtianisation de l’Église: les néophytes haïtiens, même après un siècle de Christianisation, étaient encore jugés peu aptes aux responsabilités.  Le clergé étranger partageait le préjugé occidental sur l’incapacité congénitale des indigènes. Cette ségrégation pratiquée jusqu’au sein de l’Église devait tranquillement créer des distances et des frustrations et miner de l’intérieur l’unité du clergé.

mardi 12 novembre 2013

CLIN-D’OEIL SUR L’HISTOIRE D’HAÏTI - Période 1957 à nos jours

CLIN-D’OEIL SUR L’HISTOIRE D’HAÏTI
Période 1957 à nos jours

Duvalier accède à la présidence dans un contexte de conflit ouvert; en septembre 1957 il est porté au pouvoir par une fraction de l’armée, après toute une année de luttes électorales et d’exacerbation des passions.

Les candidats défaits se retranchent dans la clandestinité et aussitôt organisent la rébellion. S’engage alors jusqu’à la mort une épreuve de force brutale.

A) Luttes de factions avant tout!  Le peuple de partout sollicité, n’y comprend rien.
Personne au fond ne lutte pour les intérêts de la nation.  Lutte plutôt pour le pouvoir et la reconquête des privilèges traditionnels menacés avec l’avènement de Duvalier.  N’ayant l’appui d’aucune classe sociale, le Président, pour contrôler la situation, sera obligé de concentrer tout le pouvoir entre ses mains et de mettre en marche la machine de la terreur: Présidence  à vie, chef suprême et effectif des forces armées, chef des tontons macoutes. Ce n’est plus alors un gouvernement, c’est une force de répression et un pouvoir personnel.

B) L’opposition systématique a précipité Duvalier dans la tyrannie. Mais il y allait déjà de lui-même sûrement.  Depuis toujours, en effet, il rêve d’une âme mystique pour son peuple.  Devenu Président de la République, il est d’abord hanté par l’unité morale de la nation haïtienne (SIC!) plutôt que préoccupé de l’équité sociale dans la nation.
Il se voudrait plus Prêtre du pays qu’administrateur de la République. C’est précisément en vertu de cette tendance profonde qu’il peut se vanter, contre tous les faits, l’harmonie du temporel et du spirituel.

C) Leader Spirituel de la Nation (SIC!), il ne souffre par conséquent aucune résistance qui puisse entraver l’accomplissement de la mission spirituelle.  Il lui faut tout le pouvoir, une sorte de force spiritualiste, toujours plus de pouvoir pour écraser les pouvoirs d’opposition naissants; d’où qu’ils viennent.  Dans la mesure où l’Église peut constituer et susciter un corps d’opposition elle va être, elle aussi, prise en chasse et désorganisée.

Pour pénétrer dans la forteresse spirituelle, Duvalier n’aura même pas besoin de cheval de Troie!  La route est déjà grande ouverte.  Les contradictions internes de l’Église d’Haïti vont lui faciliter la tâche d’Épuration du Spirituel jusqu’à ce que s’ensuive harmonie parfaite avec le temporel.

D) Le Clergé
Tout d’abord le clergé haÏtien comme partout ailleurs, n’a pas dédaigné la course aux privilèges ni résisté à la pression des sympathies des grands.

Dans une Haïti où le bovarysme a fleuri en haut lieu du savoir et de la puissance comme herbes folles, ce clergé venu pour la plupart de l’étranger échappait difficilement à l’hospitalité et au rapt des puissants raffolant d’étiquette européenne.  Bien sûr, il se prétendait au service des pauvres et des petits.

Dommage, toutefois, que l’on ne puisse pas servir à la fois même en religion - le maître et l’Esclave!

Au sein même de l’organisation eclésiastique s’institua la course aux privilèges et aux titres honorifiques.  Cela permet d’inventer des rangs distinctifs, certes n’ayant rien de fonctionnel, juste propres à créer des distances sociales.

Presque chaque prêtre, curé ou vicaire, rêvera un jour qu’il est nommé curé ou vicaire de la paroisse la plus productive.  Il aura aussi sa petite ambition sacerdotale de devenir un jour chanoine et qui sait!

Comme consolation de vieillesse, camérier secret du pape.


Duvalier, en tout cas, se fera un devoir de satisfaire ce petit penchant aux privilèges; il distribuera volontiers promotions et attentions, prébendes et distinctions et se liera ainsi plus d’un apôtre de l’Évangile, du sommet de la Hiérarchie jusqu’à la base. Il aura ainsi exaspéré la division dans l’Église pour mieux se l’asservir.

lundi 11 novembre 2013

SOCIÉTÉ HAÏTIENNE

La société haïtienne issue du régime colonial est essentiellement divisée entre noirs et mulâtres.

Ces derniers, détenant le pouvoir économique, et contrôlant jusqu’à tout récemment (1946) le pouvoir politique, continuent d’être les oppresseurs de l’immense majorité noire de la population.  C’est la thèse noiriste, essentiellement fondée sur la question de couleur et défendue par les Duvaliéristes de l’époque.

La société haïtienne est la superposition de deux mondes: le monde rural où les paysans ignorants, analphabêtes, superstitieux, téchniquement arriérés, à la merci des féodaux, vivent en marge de la vie moderne, et le monde des villes, plus dynamique, où la tension sociale artificiellement entretenue entre noirs et mulâtres favorise l’action démagogique des politiciens.  C’est la thèse soutenue par les téchnocrates qui rêvent de modernisation, d’intégration des deux mondes par l’expansion économique.

La société haïtienne est de type semi-féodal et semi-colonial.  La classe des propriétaires fonciers, alliée aux bourgeois compradors, exerce une domination féroce sur la paysannerie et la classe ouvrière.  Elle constitue le rempart social le plus assuré pour l’impérialisme.  Dans cette société des classes fondamentalement marquée par l’hégémonie des féodaux et la domination impérialiste, il existe des groupes sociaux marginaux dont la bourgeoisie nationale et la petite bourgeoisie avec son cortège de problèmes.  Telle est la thèse traditionnelle des organisations maxistes.

La compléxité et la situation sociale haïtienne repose sur des facteurs historiques qui n’ont pas toujours été dégagés.  Notre pays n’a connu qu’une véritable révolution (1791-1804) la destruction des rapports coloniaux esclavagistes. Il faut donc remonter assez loin pour trouver les racines et les assises de notre régime économique et social.



samedi 9 novembre 2013

RAPPORTS ENTRE LE CRÉOLE ET LE FRANÇAIS

Haïti n’est pas un pays bilingue.  Il n’y a pas d’un côté un groupe d’individus dont la langue maternelle est le français et d’un autre une majorité dont la langue maternelle est le créole.

Il n’y a plutôt ce fait brutal et honteux : 90% d’analphabètes dont la langue maternelle est le créole et 10% de lettrés dont la langue maternelle est aussi le créole, capables d’utiliser le français.

Quand M. Pompilus affirmait que pour l’haïtien, le français est une langue d’emprunt. Langue d’emprunt!....Emprunt suggère de près ou de loin l’idée de profit.  Le français langue d’emprunt, instrument d’échange avec l’extérieur, donc en quelque sorte : outil.  Qui possède cet outil, s’impose.

Si nos ancêtres révoltés contre la France ont chassé les colons à coups de fusils, le français en tant que langue est resté notre maître, exigeant un sacro-saint respect de ses usages et de ses règles.  Ceux qui l’ont idolâtré ont dicté leur volonté aux autres et réussi, par la magie réelle ou fictive d’une syntaxe qui n’appartient pas au créole, à rétablir les barrières coloniales. Le Français langue d’emprunt est à l’origine de bien des préjugés en Haïti.  Combien d’hommes politiques ont été hués à la chambre non pour leurs prises de position, mais simplement à cause d’une malencontreuse concordance, d’un croc-en-jambe aux multiples règles du participe passé!  On a vu des sénateurs perdre du jour au lendemain leur prestige parce qu’un féminin consacré s’était virilisé dans leur bouche!  Vous vous souvenez, il y a de cela quelques années, le feu Duvalier, dans une entrevue accordée à l’ORTF et retransmise sur les ondes d’Haïti, avouait candidement qu’il se laissait arrêter par un mot; il pouvait, disait-il, passer 2 semaines sur une phrase, recherchant les termes exacts.  Le président puriste!......alors qu’Haïti a des problèmes bien plus urgents et importants qu’une phrase équilibrée.  Cela a pu choquer, ou faire sourire.  Pourtant cet aveu est très symptomatique, l’Haïtien instruit, parlant français, se voit paré de toutes les qualités et ce n’est pas pour rien que l’A-vie (le président à vie) se prétendait homme de lettres, journaliste et écrivain!  Si Haïti avait été dès le début alphabétisé disons  à 70%, ce respect généralisé pour la langue n’aurait-il pas pu donner naissance à un peuple de français bâtards? On se demande dans quelle mesure notre analphabétisation ne nous a pas été salutaire. L’ignorance dans laquelle nos gouvernements successifs ont maintenu le peuple, a été très certainement un rempart à la submersion complète, à l’aliénation par la langue. Une langue, ce n’est pas seulement un tas de mots, c’est ainsi et surtout une manière de vivre, une philosophie.  Mais la cohabitation forcée entre une élite nourrie de culture française, catholique et la grande masse s’exprimant par le Créole et à travers le vaudou, nous a sauvés d’un assujetissement culturel, en permettant la formation d’un peuple bien caractérisé, avec une culture propre née du contact et des échanges incessants entre les traditions Africaines et les coutumes européennes.  Loin de nous l’intention de justifier, par ces remarques, l’attitude obscurantiste de la classe dirigeante, nous voulions seulement souligner l’importance de la dette de l’écrivain Haïtien envers ses compatriotes analphabêtes l’originalité de son oeuvre, et la doit à cette immense majorité d’illétrés.




vendredi 1 novembre 2013

LES PHÉNOMÈNES DU NÉGATIF ET LA PULSION LÉTHIQUE

CONCLUSION

Ce texte a cherché à décrire les processus internes inhérents à la position concrète et ainsi à explorer dans leur dynamisme commune plusieurs groupes des patients habituellement conceptualisés comme très différents. Ce fonctionnement se caractérise par une absence d'élaboration symbolique réelle, des processus défensifs d'agrippement au réel, et une néantisation des représentations de Soi et de la relation à l'autre. Le patient concret tend ainsi vers un vide interne et une platitude relationnelle, conséquences de l'absence de structures internes stables permettant de délimiter, différencier et définir le soi en l'objet et de les investir de manière libidinale. La discussion a porté sur le concept de pulsion léthique et ses destins. L'origine de la pulsion et son action ont été rapportés à la relation à l'objet primaire. Pour reprendre et résumer les choses autrement, la présence d'une pulsion léthique qui exerce une poussée faible et temporaire, implique nécessairement un équilibre avec la pulsion libidinale, et contribue à créer des écrans d'(auto) conservation, lesquels constituent un frein à l'action éventuelle d'une poussée léthique plus forte. Le désir inconscient sous-jacent à la poussée léthique, inhérent à la position concrète, se place conséquemment davantage sous le thème du besoin (l'autoconservation) que du désir véritable, si ce n'est un désir d'être reconnu dans son être propre. Par contraste, le désir au sens classique se trouve du côté de la pulsion libidinale. Dès lors que le besoin n'est pas satisfait, cependant la pulsion léthique devient libre d'exercer son action et, en s'intensifiant, arrive à détruire les écrans protecteurs. Lorsqu'une transaction avec l'environnement évolue de manière mortifiante et que les écrans d'(auto) conservation sont transversés, l'objet et le soi sont alors fortement repoussés ¨derrière¨, ou au-delà des écrans  d'(auto) conservation sont transpercés, l'objet et le soi sont alors fortement repoussés ¨derrière¨, ou au-delà des écrans d'(auto) conservation et ils sont surinvestis d'énergie léthique. Le ¨repli¨, s'il n'est plus soutenu par une expérience de satisfaction, ne peut plus être créateur des écrans d'(auto) conservation et devient purement ¨destructeur¨ de soi et de l'appareil psychique.