lundi 31 décembre 2012

QUINTON COMPLÈTE DARWIN L'ÉVOLUTIONNISTE


Cette conception scandalise, car elle va contre la religion scientifique de l’époque, qui est un état provisoire de la conception darwinienne de l’évolution.  Certes, Quinton ne nie aucunement l’évolution. Mais il nie que l’évolution se trouve uniquement déterminée par le jeu mouvant des forces extérieures, que le monde vivant évolue docilement selon les bouleversements du milieu cosmique, en s’y adaptant.

Il refuse que la matière vivante soit seulement une substance plastique se pliant, pour survivre, au jeu des forces aveugles et inconhérentes de l’univers physique, la faculté d’adaptation qui fonde la sélection naturelle étant alors le fruit du simple hasard.  Pour Quinton, au contraire, la vie, dans ce qu’elle a d’essentiel, refuse de s’adapter et la modification des organismes au cours du l’évolution est précisément l’expression de ce refus.  Mais à quoi s’adresse un tel refus?  À une dégradation de la vie, à un lent retour au chaos de l’inorganisé, donc à l’anéantissement.  Une image saisissante de Quinton définit l’évolution telle qu’il la conçoit, non pas comme une obéissance aux forces hostiles du cosmos, mais comme une insurrection de la vie contre l’ensemble de ces forces dans ce qu’elles ont de préjudiciable.

Dans le cours de l’évolution, la cellule refuse donc le genre d’adaptation qui entraînerait sa déchéance; elle construit des barrages, grâce à des formes et à des appareils physiologiques nouveaux, suscite indéfinitement des victimes sur les conditions du milieu ambiant, de sorte que, finalement, c’est le milieu qu’elle adapte à elle-même.

Ainsi Quinton complétait Darwin en postulant, et démontrant ensuite par des expérimentations, que, si les formes anatomiques sont changeantes, c’est précisément pour permettre aux valeurs biologiques de se maintenir dans leur pleine intensité.

En octobre 1906, après la publication de l’Eau de mer, milieu organique, les grandes lignes de la théorie Quintonienne étaient présentées à l’institut de France, au cours d’une séance solennelle où siègeaient les cinq académies.  Le présentateur était Pierre Dastre, disciple préféré de Claude Bernard et secrétaire de l’Académie des sciences : “Darwin nous apprend que l’obéissance à la  loi d’adaptation régit les formes animales.  Quinton nous apprend que la résistance à l’adaptation régit la vie animale.”

René Quinton, un demi-siècle avant Schrödinger et son école, a donc prouvé par la biologie que la deuxième loi de la thermodynamique ne s’appliquait pas au monde vivant, et que la vie, loin d’obéir au processus entropique défini par Carnot-Clausius, s’en nourrissait pour créer justement un processus contraire, anentropique.  En même temps, bien avant Teilhard de Chardin et grâce à des démonstration scientifiques irréfutables, Quinton montrait que le fait de la conscience humaine était à la fois le fruit et la charnière de l’évolution, puisque cette conscience assurait à l’animal humain la maîtrise de son environnement cosmique.

Dans son livre, la science de la sensibilité (inédit) Quinton prétend : “Le feu trouvé, je ne crois pas que la nature ait à poursuivre la transformation des espèces. L’homme tient dans sa main le poids qui balancera dans le plateau l’aggravation du refroidissement terrestre.  L’homme semble devenir à la fois le maître de Soi et de la vie des espèces..... Cela est-il risquer une bien vaste hypothèse que d’avancer qu’au jour où le soleil s’éteindra, l’homme possédera un pouvoir de vivre tel que, si le secours solaire reparaissait alors, il relèverait de l’inutile?  Ce que l’on nomme la fin du monde ne me paraît pas avoir un très juste sens.”  (SIC)

De cette “résistance de la vie dont parle Dastre en 1906, Quinton a postulé dix ans auparavant puis expérimente ensuite les causes primordiales: la vie intensive de la cellule n’est possible que dans certaines conditions qui sont l’existence d’un milieu aquatique marin, la concentration saline de ce milieu, une haute température.  Les résultats des expérimentations ont été si probants qu’ils lui ont permis de transformer les hypothèses de travail en lois de constance marine, constance thermique et constance osmotique.

La loi de constance marine s’appuie sur les travaux de Claude Bernard concernant le milieu intérieur.  C’est le grand physiologiste français qui enseigna que les cellules de l’organisme animal continuent à vivre dans les conditions originelles de l’organisme unicellulaire, c’est-à-dire dans un véritable milieu liquide intérieur.  En élargissant peu à peu ses définitions, Claude Bernard avait conclu définitivement que ce milieu intérieur était constitué par la totalité des liquides circulant dans l’organisme.

L’intégrité de la vie cellulaire est donc fonction de l’équilibre physicochimique du milieu intérieur. Et cet équilibre est assuré par des actions régulatrices : les êtres vivants, dès qu’ils atteignent un certain niveau de complexité, se défendent contre les variations et perturbations du milieu extérieur cosmique en maintenant les conditions du milieu intérieur constantes grâce à ces mécanismes; c’est pourquoi Claude Bernard a pu compter au nombre de ces mécanismes régulateurs la respiration, la digestion, la circulation, les secrétions externes, un grand nombre de secrétions internes, les actions du système nerveux végétatif.

Au moment où Quinton examine les développements de sa loi de constance générale, il est déjà admis que le milieu d’origine de la vie, le lieu d’apparition de la première cellule, c’est la mer.  La logique même de son hypothèse l’amène à considérer que le milieu intérieur du vertébré, cette matrice liquide qui est en nous, c’est de l’eau de mer!  L’hypothèse, qui deviendra une loi pour Quinton après les expérimentations, sera formulée ainsi :

“La vie animale, apparue à l’état de cellule dans la mer, tend à maintenir, pour son haut fonctionnement cellulaire, à travers la série zoologique, les cellules constitutives dans le milieu marin des origines.”

Afin de le démontrer, le penseur doit maintenant se transformer en savant et en expérimentateur. Dans ce nouveau rôle qu’il endosse immédiatement dès 1896, Quinton montre en génie égal, reconnu par toute l’élite de l’époque.

Allant au plus pressé, il se livre, au laboratoire du collège de France, dans le service du célèbre Marey, à des expériences classées en groupes. Le premier groupe consiste à saigner un chien à blanc, reflexe cornéen aboli, puis à lui injecter de l’eau de mer.  Malgré le caractère risqué de l’expérience, puisque les globules rouges ont été soustraites en même temps que le sérum, elle réussit parfaitement: le chien ressuscite littéralement et, quelques jours plus tard, est même beaucoup plus vif qu’auparavant.

De même, contre l’avis de ses maîtres au collège de France, qui lui prédisent l’échec, Quinton veut faire vivre dans l’eau de mer des globules blanches qui ne subsistent dans aucun milieu artificiel.  L’expérience porte sur les poissons, les batraciens, les reptiles, les mammifères (homme, lapin, chien), les oiseaux, donc toutes les classes de l’embranchement des vertébrés.  Le succès est total : dans tous les cas, les globules blanches baignées du liquide marin ont continué, chez toutes les espèces expérimentées, à présenter les signes divers d’une vie normale.

Les expériences de ce groupe démontrent à leur tour la persistance du milieu marin original comme milieu vital des cellules.

Il faudra plusieurs années à Quinton pour apporter aussi les preuves chimiques de la théorie marine, car il doit se livrer à un travail de bénédictin pour confronter une multitude de travaux dispersés.  Finalement, en rapprochant les chiffres des analyses, il peut prouver que les profils chimiques de l’eau de mer et du milieu intérieur sont identiques: Dans notre organisme, écrira-t-il, le milieu intérieur, et lui seul, a la même personnalité minérale, le même “faciès” marin que l’eau de mer.”  Cette recherche lui a d’ailleurs permis d’établir la présence, dans l’eau de mer aussi bien que dans le milieu intérieur animal, de dix-sept corps rares que l’on n’y soupçonnait pas, et dont il souligne la probable importance.

La pensée de Quinton, en avance d’un demi-siècle sur son époque et dont on découvre aujourd’hui seulement certains aspects, est comme une pyramide colossale qui, de la plus fine pointe philosophique, descend , par la philosophie des sciences, puis les sciences naturelles, puis la biologie marine, puis la physiologie, pour aboutir à sa base où elle concerne alors la masse des hommes, c’est-à-dire à une thérapeutique.

Tout de suite, en concevant ce monumental ensemble, Quinton avait vu en effet que sa conception marine débouchait directement sur une possibilité thérapeutique n’ayant rien à voir avec la thalassothérapie d’alors, qui n’était rien de plus qu’une branche de la climatothérapie.

Somme toute, la cellule vit dans l’organisme comme le poisson dans les eaux, elle se trouve dans un véritable aquarium à l’intérieur de notre corps, mais un aquarium marin.  L’eau de mer, introduite dans l’organisme humain, devait, donc logiquement pouvoir y jouer un rôle utile dans tous les cas où le milieu intérieur était vicié par une cause quelconque, empoisonnement chimique ou infection microbienne, insuffisance des organes éliminateurs, défauts de certains apports alimentaires, etc.

René Quinton, qui avait la plus profonde estime pour les travaux de Pasteur, explorait pourtant une voie inverse.  Le fondateur de la microbiologie avait consacré sa vie à la recherche du microbe, de l’agent pathogène.  Quinton envisageait une thérapeutique de défense de l’organisme, au niveau fondamental du mileu intérieur, contre cet agent.

Là encore, il fallait expérimenter sur l’homme cette fois.  À la suite d’un premier résultat sensationnel, Quinton put travailler dans divers hôpitaux, dès 1896, avec des jeunes médecins; plus tard, des professeurs collaboreront et signeront des communications avec lui.  Sa méthode consiste en des infections intratissulaires d’eau de mer ramenée à l’isotonie.  Elle n’est pas si simple qu’on peut le croire au premier abord, car la question du dosage, suivant les diverses indications, a une importance capitale.  Par exemple, en dermatologie, l’eczéma et le psoriasis exigent des doses exactement opposées, très faibles ou très fortes.

La publication du livre de Quinton, en 1904, malgré le caractère nécessairement rébarbatif pour le lecteur d’un gros ouvrage purement scientifique, avait soulevé une émotion considérable dans le monde entier.

Le même phénomène se produisit en 1907. La presse de masse se passionna à son tour lorsque Quinton commença à ouvrir des dispensaires. On peut à peine s’imaginer aujourd’hui l’effet de stupeur que chacun éprouvait, médecins, journalistes, donc le public informé par ceux-ci, devant les résultats obtenus dans les dispensaires Quinton en matière de lutte contre les maladies infantiles.

vendredi 28 décembre 2012

LA FORCE DE NOS PENSÉES


LA FORCE DE NOS PENSÉES

Il n’est pas possible de vivre heureux si on ne mène pas une vie belle, juste et sage, ni de mener une vie belle, juste et sage sans être heureux. ~ Épicure

Notre vie est composée “d’agréable” et de “désagréable”.  Ceci est le résultat direct de nos schèmes de pensée actuels.

Parmi nos pensées actuelles, certaines sont bénéfiques, d’autres maléfiques.  La question que nous nous posons maintenant est : “Pouvons-nous transformer le “désagréable” de notre vie en “agréable” au moyen de nouveaux schèmes de pensée?  Pouvons-nous transformer nos “mal-aises” et “mal-adies” en santé parfaite?

TRANSFORMER LE “DÉSAGRÉABLE”

Chaque acte que nous posons, et même chacune de nos pensées, dépend directement d’un schème de pensée sous-jacent.  Ces schèmes créent notre réalité et notre vie. Il nous est possible en les modifiant de transformer notre vie.

Nos malaises et maladies se manifestent et continueront à se matérialiser dans notre vie aussi longtemps que les schèmes ne seront pas effacés ou retirés de notre esprit.

Quelle joie j’ai éprouvé lorsque j’ai enfin découvert cette nouvelle façon de penser, cette nouvelle compréhension des malaises et maladies que j’éprouvais sur le plan physique.  J’ai compris que c’était moi-même qui les avais créés, à mon insu, il est vrai.  Cette nouvelle conscience produisit un grand changement dans ma vie.  Je pouvais désormais cesser de blâmer la vie et les autres pour mes déboires et prendre l’entière responsabilité de ce qui m’arrivait.  Sans alors me reprocher quoi que ce soit ou me culpabiliser en aucune façon, je pouvais maintenant éviter de me créer de nouveaux schèmes de pensée susceptibles d’engendrer de nouvelles maladies.

Par exemple, je ne comprenais pas pourquoi j’avais le torticolis. J’ai découvert que le cou réprésentait cette partie mobile de mon corps qui me permettait la flexibilité nécessaire pour pouvoir envisager plusieurs aspects d’une même question.  J’étais une personne rigide, refusant souvent de voir d’autres points de vue que les miens.  À mesure que ma pensée devint plus flexible, je devins plus souple, plus compréhensif et aimant.  J’en vins à voir le point de vue des autres, et mon cou cessa de m’importuner.  Si mon cou raidit à nouveau, je vérifie à quel endroit ma pensée s’est raidie et durcie.

REMPLACER LES VIEUX SCHÈMES DE PENSÉE

Quand on veut vraiment se débarrasser de quelque chose de désagréable dans sa vie, on doit travailler à en dissoudre la cause.  Trop souvent, vu que nous ignorons cette cause, nous ne savons pas par où commencer.  Vous êtes-vous déjà demandé : “Comment se fait-il que cette maladie m’arrive “à moi”?  Dans ce cas, cet article vous orientera vers les causes “probables” de votre mal.  Il vous suggérera en outre de nouveaux schèmes de pensée générateurs de meilleure santé.

Nos BESOINS créent notre réalité. Point de besoin, point de réalité.  Nos symptômes ne sont que les manifestations extérieures de nos besoins.  Partons donc de “l’intérieur” si nous voulons enrayer les effets extérieurs. En ce cas, la volonté et la discipline seules n’opèrent pas. Elles ne servent qu’à combattre les effets extérieurs.  C’est comme couper l’herbe continuellement au lieu de la déraciner une fois pour toutes.  Avant donc d’implanter de nouveaux schèmes de pensée, appliquez-vous à consentir à vous DÉFAIRE DE VOTRE BESOIN.  BESOIN de cigarettes, BESOIN d’avoir un surplus de poids, BESOIN d’avoir mal à la tête, etc.

Quand le BESOIN disparaît, la manifestation du besoin disparaît également.  Est-il possible pour une plante de vivre sans racines?

Les schèmes de pensée qui causent  plus de maux au corps que tous les autres réunis sont : la critique, la colère et le ressentiment.  La critique nourrie dégénère souvent en arthrite, la colère devient brûlure et inflammation et déborde dans le corps.  Le ressentiment entretenu ronge et envenime et provoque à long terme tumeurs et cancers.  Mettez-vous à l’oeuvre dès maintenant.  Il est tellement plus facile de changer ses schèmes négatifs de pensée lorsqu’on est bien et en santé, plutôt que d’attendre d’être malade ou menacé par le scalpel du chirurgien.

J’ai compilé la liste suivante des maladies et de leurs schèmes équivalents suite à plusieurs années d’étude, de conférences et suite à mon expérience personnelle en tant que thérapeute.  Cette liste peut vous servir de guide rapide et vous permettre de repérer rapidement les schèmes mentaux négatifs sous-jacents à vos maladies.  Je vous offre cette liste avec amour  Je désire ardemment partager avec vous les effets bénéfiques de vos nouveaux schèmes de pensée.

Les enfants et les animaux sont très sensibles et peuvent ressentir fortement les états de conscience des personnes qui les entourent.  C’est pourquoi lorsque vous travaillez avec les enfants ou les animaux, appliquez-vous à clarifier la conscience de leurs parents, professeurs et de tous ceux qui ont une influence directe sur eux.

Le mot “métaphysique” veut dire: aller au-delà du physique pour atteindre le mental.  Voilà le genre de thérapie que j’exerce auprès de mes clients.  Si vous veniez me consulter par exemple pour un problème de constipuation, cela m’indiquerait que votre esprit est habité par des pensées de restriction et de manque.  Je déduirais aussi que votre esprit est habité par la peur que si vous vous départiez de quoi que ce soit, il ne vous serait pas possible de le remplacer.  Ceci peut aller plus loin qu’une attitude  mesquine par rapport à l’argent.  Il peut s’agir de la peur de perdre une amitié devenue stérile, un emploi qui ne vous satisfait plus, ou des biens devenus inutiles.  Je tenterais de vous faire comprendre qu’un poing fermé, tout comme une attitude hermétique, ne laissent aucune place à quoi que ce soit de neuf.  J’essaierais de vous amener à faire confiance à un univers d’abondance qui pourvoit à tous vos besoins.  Je vous inviterais à développer la sensationde la Vie qui coule en vous aisément.  Je vous aiderais à acquérir la conviction qu’il existe un cycle perpétuel de bonnes choses qui passe et repasse, de telle sorte que vous pouvez choisir ce dont vous avez besoin et laisser librement le reste, afin de faire encore de la place pour des choses nouvelles.  Ensuite, je vous suggérerais de retourner à la maison et de faire le grand ménage de vos placards, vous débarrassant de tout ce qui ne vous sert plus, afin de faire de la place pour du neuf.  Et tout en accomplissant ces choses, dites à haute voix: “Je me défais de mes vieilles choses afin de faire de la palce aux choses nouvelles.  Petit à petit, en appliquant à votre vie le principe du “lâcher prise” et du “je me défais de”, votre constipation, qui était pour vous votre façon de vous accrocher, de retenir et de vous agripper, disparaîtra.  Votre corps sera alors en mesure de se débarraser par lui-même et d’une façon normale et facile de ce qui ne lui sert plus : ses déchets.

Vous avez sans doute remarqué que les concepts les plus fréquemment utilisés dans ce cahier sont : l’Amour, la Joie et la Paix.  Quand on arrive à vivre à même cet espace d’amour qui prend sa source dans notre coeur, la paix et la joie s’Installent dans notre vie et les maladies et l’inconfort sous toutes ses formes cessent de nous importuner.

Il n’existe pas de remède plus puissant que l’Amour.  L’Amour dissout la colère, l’Amour fait fondre les ressentiments.  L’Amour dissipe la peur.  L’Amour ouvre la Voie, l’Amour débloque la Voie, l’Amour, c’est la Voie.

Si vous réussissez à vous connecter à l’espace d’Amour total de vous-même, votre vie dans sa totalité s’écoulera dans l’aisance et l’harmonie, la santé, la prospérité et la Joie.

Je vous invite à tenter cette petite expérience pendant une semaine  Commencez chacune de vos phrases en vous disant doucement à vous-même: “Je m’aime, donc....”.  Cet exercice est destiné à vous éclairer sur vous-même.  Quand on pratique cet exercice d’une façon consistante, il nous révèle d’abord que nous faisons preuve de très peu d’amour envers nous-mêmes, et surtout, si vous persistez à le faire jusqu’à la fin de la semaine, votre façon de penser et de sentir changera totalement.  Quand on s’applique à développer en soi une attitue vraiment aimante, nos expériences de Vie changent comme par miracle.  C’est difficile de dire : “Je m’aime, donc, je déteste celui-ci ou celui-là”, ou “Je m’aime, donc, je vais me rendre malheureux”.

Je terminerai en vous donnant un exemple de traitement par l’Amour. Il existe au coeur de mon être un puits d’Amour infini. Je laisse désormais cet Amour jaillir à la surface de ce puits.  Cet Amour remplit mon coeur, mon corps, mon esprit, ma conscience, tout mon être.  Cet Amour rayonne ensuite de moi en toutes directions et me revient multiplié.  Plus je puise à ce puits d’Amour, plus je dispense l’Amour avec générosité, plus j’en ai en abondance, car la provision est illimitée. L’Amour me fait ME SENTIR BIEN : c’est l’expression de ma Joie intérieure.

Je m’aime, donc je traite mon corps avec Amour. Je lui donne des boissons et des aliments nourrissants.  Je l’habille et l’entretiens avec Amour.  Mon corps me répond avec amour, en me faisant jouir d’une santé resplendissante et d’une énergie sans bornes. Je m’aime, donc je me procure une maison confortable, celle-ci répondant à tous mes besoins et c’est toujours avec plaisir que je m’y retrouve.  Je remplis toutes les pièces de ma maison de vibrations d’Amour, afin que chacun qui y pénètre, moi le premier, se sente rempli d’Amour et en reparte nourri.  Je m’aime, donc j’ai un emploi que j’aime vraiment, un emploi qui utilise mes talents créateurs et mes dons, travaillant avec et pour des gens que j’aime et retirant un bon revenu.  Je m’aime, donc, je me conduis et pense d’une façon aimante envers tous, parce que je sais que tout ce qui sort de moi me revient multiplié. Dans mon milieu, je n’attire que des personnes aimantes, parce qu’elles sont le reflet de ce que je suis.  Je m’aime, donc je pardonne.  Je me libère totalement de mon passé, et de toute expérience passée, et je suis libre.  Je m’aime, donc j’aime totalement, ici, maintenant, et je fais l’expérience de vivre chaque moment comme étant un moment privilégié, qui est bon pour moi, et qui me reconstruit. Je sais que mon avenir s’annonce sûr, brillant et rempli de Joie, parce que : je suis un enfant bien-aimé de l’Univers, et que l’Univers prend soin de moi avec Amour, maintenant, et pour tous les temps à venir.  ET C’EST AINSI.

mardi 25 décembre 2012

SUPERSTITIONS


Habiter au 13e étage, croiser un chat noir, passer sous une échelle, verser accidentellement du sel, trouver un fer à cheval, partir du pied gauche… Croyances d’hier et d’aujourd’hui, certaines superstitions ont la vie dure.

« Elles ne connaissent pas de limites, pas de frontières; elles s’imposent ou elles s’estompent selon les circonstances », nous précise l’écrivain et journaliste Bernard Beaudoin qui a signé chez De Vecchi la magie des superstitions, comprenant un lexique des superstitions les plus connues, leurs origines et leurs significations.
Ainsi, au chapitre des superstitions les plus connues, l’auteur nous démontre que certaines d’entre elles varient parfois d’un pays à l’autre alors que certaines autres auront par l’imagerie populaire été détournées de leur sens primitif, voyons voir!

Les esprits à tête de crocodile
Ce sont des initiés qui élaborèrent, plus 2000 ans avant Jésus Christ, une technique qui, croyait-on, permettait au défunt de diriger son existence posthume. Les textes reproduits ici sont donc de ces «  incantations », qu’on devait utiliser dans des buts précis, notamment pour : unir l’âme au corps, conduire une barque dans l’Au-delà, Être transformé en Prince des Dieux, ne pas subir le châtiment, repousser les esprits à tête de crocodile, etc. Intéressant, fascinant même, quoique…
Quoiqu’avant de m’aventurer dans ce genre d’incantations, j’aimerais bien auparavant m’enquérir un peu plus sur les grands principes mystiques de l’Égypte antique de l’époque des Pharaons.

Comment? Simplement en me tapant les quelques 300 pages de cette « brique », Magie et initiation en Égypte pharaonique (Dangles) de René Lachaud.
Ce spécialiste reconnu de cette riche période de l’histoire humaine ouvre ici toute grande la porte sur plein de mystères. De la géographie mystique aux neuf constituants de l’être du bien encore mystérieux entre magie et médecine égyptienne, de la poudre de momie à la symbolique du Temple aux trois grands corpus funéraires et, enfin, de l’envol du scarabée à la description initiatique dans la grande pyramide.

La « poudre de momie »
Oui, oui, je sais! Comme moi, vous êtes restés accrochés au terme poudre de momie. Eh bien, pour satisfaire notre curiosité (et la mienne) voici ce que vous en dévoile l’ouvrage :
Il s’agit d’un remède, formé à partir de corps de momies arrachés à leurs demeures d’éternité, qui fit fureur en Europe entre le XIe et le XVIIe siècle. On rapporte même que François 1er se soignait essentiellement avec cette poudre.

Car elle fut longtemps considérée comme une panacée. Voici d’ailleurs quelques unes des vertus qu’on lui attribuait : soulager les ecchymoses et les ulcères de la vessie, ouvrir l’appétit et combattre les fièvres les plus malignes.

On disait aussi de cette fameuse poudre de momie qu’elle était excellente pour les hommes défaillants et qu’elle pouvait même conférer à l’éternité. C’était en somme, l’eau de jouvence des alchimistes.

Voilà qui démontre bien la fascination qu’ont exercés, de tous temps, les fameux mystères d’Égypte. Desquels  René Lachaud a bien voulu nous livrer quelques uns des secrets :

Chat noir : contrairement à la croyance populaire, depuis toujours le fait de voir un chat noir aurait été un bon présage. Il est synonyme de chance, notamment si l’on fait immédiatement en le voyant un vœu.
Échelle : Il faut éviter de passer sous une échelle, cela porterait malheur. Exact! Quoique la majorité d’entre nous ignorons sûrement que cette superstition est basée sur le fait qu’une échelle, posée contre un mur, créerait un triangle magique. Et le pénétrer serait ni plus ni moins qu’une profanation

Trouver le fer et non le chercher

Fer à cheval : le fer à cheval est sensé attirer la chance « à condition qu’on le trouve et non pas qu’on cherche délibérément à s’en procurer un ».

L’auteur indique par ailleurs que la personne qui fait cette trouvaille doit jeter le fer dans son dos  tout en formulant un souhait. Mais l’histoire ne dit pas si l’on récupère ensuite le fer ou si on le laisse là… afin qu’il puisse porter chance à d’autres.

Miroir : En briser un équivaudrait à sept ans de malheur. Cette superstition prend sa source dans la croyance voulant que l’âme d’une personne pouvait se refléter dans un miroir. Casser le miroir pouvait donc signifier « faire voler l’âme en éclats, donc à engendrer le malheur pour des années ».

Pour tenter d’éviter le pire on conseille de ramasser les morceaux du miroir brisé puis d’aller les jeter dans la rivière. Afin que les flots emportent avec eux le malheur.
Parapluie : Ne jamais l’ouvrir dans un endroit couvert; ni à l’extérieur lorsqu’il fait beau. Superstition qui prend à sa source en Orient où l’ombrelle était jadis associée au soleil et à la royauté « et que nul ne pouvait impunément influer sur le devenir de l’un ou l’autre ».

Pied gauche : On sait que se lever du pied gauche est, depuis longtemps, considéré comme un présage négatif. Mais il y aurait un antidote nous indique Bernard Beaudoin : «Si cela arrive par inadvertance, il faut rapidement se signer trois fois, puis se recoucher immédiatement, avant de se relever, cette fois en posant le pied droit le premier sur le sol».

Deux grands classiques : le sel et le treize

Sel : Voici sans doute l’une des superstitions les plus répandues, qui consisterait à s’attirer le mauvais présage après avoir renversé le sel d’une salière. Mais là aussi, il y aurait une cure, bien connue celle-là : on conjure en effet le mauvais sort en jetant par-dessus son épaule quelques pincées du sel renversé!

Treize : Le plus tenace de tous, sans aucun doute. À tel point que de nombreux hôtels n’affichent pas de treizième étage tout comme la plupart des compagnies aériennes vont éviter ce chiffre pour désigner des vols.

Cette croyance remontrerait au dernier repas des apôtres et du Christ. « Cela explique qu’on évite toujours d’avoir treize convives à table… le premier des treize à se lever risquant de mourir avant la fin de l’année ».

Voici pour les « classiques »,  mais il y eu bien d’autres : les superstitions et la religion, les superstitions et les métiers, les superstitions et les rythmes du temps, les superstitions et les animaux. Décidemment, l’auteur a fait le tour complet. Ce qui l’aurait d’ailleurs amené à ce constat, à l’effet que l’existence des superstitions résulte d’un manque à combler, d’un besoin à remplir, des peurs que le monde génère en nous.

« Ne serait-il pas alors temps de ralentir, conclut-il, de nous arrêter de poser notre sac de voyageur impénitent pour prendre seulement le temps de regarder, d’écouter les autres, de produire des échanges réellement enrichissants avec nos semblables… ».

Socrate, Jésus, Bouddha que sait-on de leur existence, de leur personnalité, de leur pensée? Qu’est-ce qui les réunit? En quoi sont-ils actuels? S’interroge Frédéric Lenoir?
Parce qu’il a vécu en un temps lointain et dans une société où l’écriture était peu répandue, c’est du Bouddha que nous disposons le moins de traces historiques proches et fiables. (…) Les premières traces écrites datent d’à peu près deux siècles et demi après sa mort. Il ne s’agit pas de textes, mais de stèles royales : celles du roi Ashoka, qui a régné sur une grande partie du sous-continent indien entre environ 269 et 232 avant notre vie. D’abord souverain tyrannique, Ashoka s’est converti à la loi bouddhiste (dharma) alors qu’il avait à peine une vingtaine d’années. Dès lors, il a fait graver sur des stèles, des parois de caverne, des colonnes et des blocs de granit des sentences proclamant son aversion pour la violence et son adhésion aux enseignements du dharma (…). Les premiers écrits bouddhistes datent seulement du 1er siècle avant notre ère.
Rédigés en Pali, la langue parlée dans le nord de l’Inde, assez proche du Magadhi qui était en usage à l’époque du Bouddha. (…) La source la plus ancienne concernant Socrate est d’autant plus fiable qu’elle lui est contemporaine… et hostile! Nous sommes à Athènes, en Grèce, au Ve siècle avant notre ère. Socrate approche de la cinquantaine, quand paraît la première œuvre à faire explicitement référence à lui. Elle est loin d’être laudative! En effet, dans les « nuées », une comédie écrite vers 425 avant notre ère, le poète comique Aristophane pourfend  avec mordant le philosophe en ce qu’il voit la personnification de tous les Sophistes, ces maîtres de la rhétorique qui parcouraient la Grèce, enseignant l’art de découvrir en public et de défendre avec subtilité toutes les thèses, même les plus contradictoires.

Dans sa pièce, Aristophane accuse Socrate de « charlatanisme », le qualifie de « va-nu-pieds », caricature ses enseignements, dénonce leur vacuité. (…) Mais l’essentiel de ce que nous savons de Socrate provient de ceux qui furent ses disciples, au premier rang desquels figure Platon. (…) La deuxième source abondante dont nous disposons est Xénophon (…) auteur des « Mémorables ». Cette œuvre se présente à la fois comme une traité philosophique et comme un récit historique de la vie de Socrate. Xénophon y présente Socrate en honnête homme, respectueux des rites et des dieux, tout comme dans son « Apologie de Socrate », consacré à la mort du maître. (…)

L’essentiel des références écrites concernant Jésus provient de ses disciples, mais il existe aussi des indices extérieurs à ce cercle. Le plus important est celui de l’historien juif Flavius Josèphe, qui a consacré quelques lignes au personnage dans son principal ouvrage. « Antiquités juives », rédigé vers la fin du I e siècle (…). Pour ce qui est des autres sources non chrétiennes, citons les « Annales »  de l’historien romain Tacite (…). Mais l’essentiel de ce que nous savons de Jésus et de son message provient de sources chrétiennes rédigées vingt ans au moins après sa mort. Les premiers textes sont les lettres (ou épîtres) de Paul, un lettré juif qui a persécuté les disciples de Jésus avant de se convertir et de devenir un fervent propagateur de la foi chrétienne (…). Viennent ensuite d’autres lettres d’apôtres, comme Pierre ou Jacques, qui dirigeaient la première Église de Jérusalem. Mais ce n’est qu’après leur mort, survenue une trentaine d’années, après la crucification de Jésus, que les Chrétiens ressentirent le besoin de mettre par écrit le témoignage oral de ces témoins oculaires. C’est ainsi que sont écrits les quatres Évangiles de Marc, Mathieu, Luc et Jean, qui entendent raconter la vie et rapporter les paroles de Jésus.

Vie privée
Socrate appartient à une famille de la petite bourgeoisie; il est marié, comme le veut la coutume (…). Des récits, de ses disciples, on comprend que Socrate avait peu de commerce avec la gent féminine, fréquentant plus volontiers les jeunes gens, comme nombre de ses concitoyens (…). Socrate le reconnaît dans le « Giorgias » quand il avoue à Calliclès être « épris de deux objets : Alcibiade, fils de Clinias, et la philosophie », Socrate aimait assurément les jeunes garçons. Mais il n’est dit nulle part explicitement qu’il soit physiquement allé jusqu’au bout de sa passion : au fil des dialogues apparaît plutôt, en dépit des démonstrations d’affection, la volonté de philosophe de refuser l’amour du corps en profit du seul amour de l’âme.

Dans son palais, le jeune prince Siddhârta jouissait de tous les plaisirs de la vie, y compris de la présence de courtisanes qui, selon ses biographes, lui dispensaient toutes sortes de soins corporels, des bains parfumés, des massages sophistiqués auxquels il prenait grand plaisir. Il a tout juste 17 ans quand il se choisit une épouse, sa cousine la princesse Yasodara, et se dote d’un gynécée, comme le veut la coutume. Le jeune homme ne rejette ni les bonheurs charnels ni l’opulence; durant treize ans, il vit pleinement les plaisirs raffinés qui lui sont prodigués, il ne dénigre pas non plus les orgies. C’est d’ailleurs après une nuit de fête que le prince décide de tout abandonner pour se mettre en quête de la  voie. Une nuit qui fut animée par les musiciennes, les danseuses et les courtisanes, nuit au cours de laquelle il jouit jusqu’à plus soif de tous les plaisirs, au point de s’endormir au milieu des femmes à moitié dénudées. Quand il se réveille, alors que tout le Palais dort encore, il est brutalement révulsé par la vision de ces corps en quoi il perçoit plus qu’un amoncellement de cadavres (…).

Jésus a toujours été très entouré de femmes, y compris dans le groupe de disciples qui le suivaient(…). Les femmes qui suivaient Jésus étaient parfois sulfureuses : des marginales, des veuves, des prostituées, des « femmes qui avaient été guéries d’esprits mauvais et de maladies; Marie, appelée la Magdalénienne, de laquelle étaient sortis sept démons, Jeanne, femme de Chouza, intendant d’Hérode, Suzanne et plusieurs autres, qui les assistaient de leurs biens » (Luc, 8, 2-3).

Les rapports qu’il entretient avec elles ne sont pas toujours bien perçus par certains observateurs de l’époque. Dans la demeure d’un pharisien qui l’invite à sa table, Jésus laisse ainsi une « pécheresse » arroser ses pieds de parfums et de larmes, avant de les essuyer (geste au combien sensuel) avec ses cheveux, puis de les couvrir de baisers, à la stupéfaction de son hôte (Luc, 7, 36, 39). (…).

Jésus a-t-il été marié? Selon ses propres dires, le mariage est un état naturel et noble. Pour autant, il est quasi certain que Jésus ne s’est pas marié (…).

Caractères bien trempés 
(Au sujet de Socrate) la tradition rapporte un curieux mélange de maîtrise de soi et de violents accès de colère. Diogène Laërce, dans ses « vies et doctrines des philosophes illustres », décrivant les discussions de Socrate « dans les boutiques et sur place publique », rapporte, citant un dénommé  Démétrios : « Souvent au cours de ses recherches, il discutait avec véhémence, lançait les poings en avant, ou s’arrachait les cheveux, ne se souciant aucunement de rires qu’il soulevait, le supportant au contraire avec calme » (…). Les écrits de Platon laissent entendre que le maître aurait été souvent prémuni contre les mouvements d’humeur par son ironie, qui avait le pouvoir de mettre les autres en couleur, y compris  ses juges : excédés de ses traits d’esprit, ils finiront par le condamner à mort (…).

Ayant atteint la paix et dépassé ses passions, Bouddha ne peut plus selon la définition bouddhiste de l’Éveil, être sujet à des emballements ou atteint par les souffrances de la vie. Ainsi, (…) on ne connaît pas des larmes ni d’éclats de rire du Bouddha, on ne sait rien de ses plaisirs ni de ses répugnances, aucune anecdote ne rapporte ses joies ni ses impatiences. On le sait compassionnel, bienveillant, mais ses gestes de compassion n’interviennent pas en réaction à un sentiment  ou une émotion. Le Bouddha s’observe en pleine conscience et insiste sur le caractère transitoire de toute chose, ce qui explique certainement son détachement (…).

Les évangiles ne cherchent pas à donner de Jésus une image surhumaine. Il apparaît bien au contraire comme pleinement humain, avec sa sensibilité, ses luttes, ses émotions, ses sentiments. On découvre par exemple un homme capable d’être « bouleversé » d’une émotion profonde » quand il voit Marthe pleurer la mort de son frère Lazare. Lui-même, face à cette femme en pleurs, « frémit », « pleurs » puis frémit à nouveau (Jean, 12, 32, 43) (…). Mais ses colères aussi sont fréquentes. On connaît surtout son coup de sang au Temple à la vue des marchands, quand il s’en prend physiquement à eux.

Lutte de la vérité
Quand Socrate soumet ses interlocuteurs au feu de ses questions pour atteindre la vérité, il les entraîne à philosopher, c'est-à-dire à exercer leur discernement, car telle est, selon lui, la seule voie d’accès à la connaissance. Et quand il interroge l’homme de la rue, l’artisan, le général ou l’orateur, il exerce avec eux la maïeutique.   De quoi les accouche-t-il? D’eux-mêmes. Et, au-delà d’eux-mêmes, de leur nature profonde, de leur essence par-delà l’individualité. À travers l’homme singulier, c’est à l’humanité de l’homme qu’il entend accéder, à ce qui fait la spécificité de la nature humaine. (…) Car si le vrai est universel, c’est d’abord parce que la nature humaine, en ce qu’elle recèle une parcelle de divin, est elle-même universelle. Or, prisonniers du visible, les hommes ne sont pas capables de voir d’emblée la vérité. Ils n’en perçoivent d’abord qu’un reflet énorme (…). 
Là où Socrate met surtout en avant l’outil de la raison tout en s’appuyant sur l’introspection, le Bouddha préfère la seule expérience intérieure (…). Siddhârta part de sa propre nature pour explorer en lui-même les mécanismes de la souffrance, les démontrer, les comprendre. Il va observer ses passions, ses émotions, passer de longues heures en méditation, probablement à s’autoanalyser. Même si les textes ne le disent pas ainsi. Se désintéressant de la métaphysique, de ses questions insolubles pour un esprit humain, il consacre tous ses efforts à la recherche de ce qu’on pourrait appeler une « méthode » de libération dont il décrit ainsi l’action : «  De même que la pluie pénètre dans une maison au toit mal entretenu, de même le désir pénètre dans un esprit mal entraîné. De même que la pluie ne pénètre pas dans une maison au toit bien entretenu, de même le désir ne pénètre pas dans un esprit bien entraîné » (Dhammapada 1, 13, 14).
De même que Bouddha et Socrate, Jésus est convaincu de l’existence d’une vérité ultime par opposition à un monde d’illusions, une vérité qui peut être reçue par chaque individu pour peu qu’il prenne la peine d’aller vers elle (…). Son approche de la vérité est en ce sens d’un tout autre ordre. Il vient révéler la vérité ultime  -  Dieu – parce qu’il vient de Dieu et qu’il a été envoyé par lui dans le monde. Jésus n’apporte pas une connaissance rationnelle de Dieu ou des preuves philosophiques de son existence. Il le « révèle », il en témoigne par sa propre présence (…). Quelle est la vérité ultime que Jésus entend révéler?  Elle tient en trois mots : Dieu est amour.

Idéal de l’amour
Pour Socrate, l’amour est désir de quelque chose qui nous manque. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle l’amour ne peut être divin : les dieux n’éprouvent aucun manque! Partant de ce constat, le philosophe va parler de l’amour en évoquant le mythe d’Éros. (…) Toujours insatisfait, toujours en mouvement, toujours en quête de son objet, toujours mendiant, Éros conduit les hommes à désirer des choses aussi diverses que la richesse, la santé, les honneurs, les plaisirs des sens, etc. Mais, de manière ultime, ce qu’ils désirent par-dessus tout, c’est l’immortalité. C’est la raison pour laquelle ils font les enfants et créent des œuvres, qu’elles soient d’art ou de l’esprit.

Malgré tout cela, chacun sait au fond de lui-même que la mort demeure une réalité incontournable, et que ni l’amour de nos enfants ni celui de nos œuvres ne nous conduira jamais vers un bonheur durable (…). S’élevant par degrés ; c’est par l’amour de la beauté que l’âme accède au Beau et au Bien suprême qui sont les deux faces d’une même réalité. L’âme s’attache d’abord à un beau corps en particulier, puis à la beauté des corps en général. S’élevant toujours plus, elle s’attache ensuite à la beauté des âmes, puis à la beauté de la vertu, des lois et des sciences, avant d’accéder enfin, au terme de ce long parcours initiatique, à la beauté en soi, qui est divine. (…)

Jésus ne renierait pas cette définition de l’Éros, mais il donne ainsi un tout autre sens au mot « amour », et, ce faisant, il en fait, contrairement à Socrate, la vertu suprême. (…) Pour Jésus, l’amour est le nom même de Dieu. L’amour dont il est ici question n’est pas un manque, c’est au contraire une plénitude d’être. Jésus affirma que Dieu aime tous les hommes d’un amour totalement désintéressé et inconditionnel. (…) Pour Jésus, Dieu ne fait pas de différence entre les êtres humains. Il est un « père » juste et bon, qui aime équitablement tous ses enfants, qu’ils soient bons ou mauvais, juste ou ingrats. C’est la raison pour laquelle Jésus franchit un pas de plus et affirme que l’amour doit s’étendre jusqu’aux ennemis, ce qui constitue un choix profond pour son auditoire. (…)

Le Bouddha
Condamne sans équivoque l’amour-désir. Son enseignement vise même à l’éradiquer puisque le désir-soif est cause de la souffrance, il convient d’y renoncer de manière radicale. L’ascèse est la pratique de la méditation bouddhiste visant à supprimer tout désir, toute soif, tout manque et tout attachement. (…) Dans ces conditions, peut-il exister encore une forme d’amour dans le bouddhisme? (…) Bouddha a enseigné le respect absolu de tout être vivant, qui implique le refus de tuer tout être sensible. Ce respect envers toute vie, qui se manifeste par une non-violence radicale, est en principe même du message bouddhiste, puisque la violence reste liée au désir et à l’attachement. On peut donc parler dans le message original du Bouddha d’un amour de bienveillance, maître en Sanskrit. Pour se libérer de Samsara et épuiser son Karma négatif, l’individu ne doit avoir aucune pensée négative, ne commettre aucun acte malveillant. Il doit vouloir le bien de tout être vivant et agir en conséquence.



lundi 17 décembre 2012

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 42e partie


Les conséquences de cette politique sociale et économique de développement ont cristalisé le pays dans une situation de grande misère économique dont les effets sur la santé et le confort psychologique sont évidents.  6 Millions d’habitants en 1980 avec une densité au 180 kilomètre carré (Basso) et, pour 83, l’ONU parle de 9,3 millions d’habitants.

La population  haïtienne est jeune et les femmes sont plus nombreuses: 100 femmes pour 96 hommes.  La pyramide d’âge s’établit comme suit: 15 ans, 42%; moins de 20 ans, 52%; 15 à 64 ans, 54%; 64 ans, 4% (Jacques Barros).

Les statistiques de l’ONU nous disent que le taux annuel d’accroissement de la population de 73 à 83 est de 1,8%, le taux de mortalité infantile de 0 à 1 an est de 130 pour 1,000 en 1983.  Le taux de mortalité juvéno-infantile (moins de 5 ans) est de 190 pour 1,000 en 83.  Pour 41 natalités en 83, il y a 14 mortalités.  L’indice synthétique de fécondité est de 5,7 en 83 et 27% de la population est urbaine.  L’espérance de vie est de 53 ans en 83.

On pourrait s’étendre sur la description de ce portrait mais là n’est pas notre propos. Ce qu’il est important de savoir ici, c’est l’état déplorable de la population haïtienne dans son organisation de vie matérielle qui l’a conduite dans des problématiques de santé extrêmement graves.  Ceux-ci relèvent le plus souvent de problèmes hygiéniques et épidémiques et c’est là que le projet de soins de santé primaires de L’O.M.S. trouve toute sa légitimité d’être.


Pour saisir comment Haïti se pose dans sa mise en relation avec l’institution médicale occidentale, nous l’envisageons dans la problématique de l’hétéro culture.

Pour ce concept, nous nous référons à Jean Poirier lorsqu’il nous dit :

“Nous appelons hétéroculture une culture métisse en porte-à-faux entre ses deux fondements, incapable de choisir entre les deux, et sensibilisée à sa condition par l’action incessante des médias de masse.”

(Poirier, 1978, 47)

Dans le cas d’Haïti, la classe dirigeante s’identifie très fortement à la culture moderne occidentale (Labelle, 75).  Cela s’exprime par une adhésion inconditionnelle aux institutions d’éducation de type européen ou américain, une identification aux institutions religieuses catholiques ou protestantes, à l’usage du français comme marque de prestige et à un mépris vis à vis de la culture créole.  L’écart existant entre ces classes sociales et la classe paysanne est à la fois économique, politique, social et culturel.

“Les classes dominantes, qui se donnent elles-mêmes l’étiquette pompeuse, “élite”, n’appellent-elles pas souvent les autres “Moun ou déhò”, “Ces gens du dehors”.  Et en vérité ils sont niés comme membres de la société; ils en sont symboliquement exclus; ils sont “en dehors” d’elle.  Elle les appelle aussi “viyé moun”, “vieilles gens”, non pas dans le sens d’anciens mais dans le sens “d’inutiles” comme dans “vieilles choses”.”

(Smarth, 84, 127)

L’état de l’identité collective semble s’inscrire dans cet entre-deux cristalisé historiquement et maintenu par diverses procédures d’exclusion où le paysan est toujours placé en-deçà de la classe dirigeante.

“(...) est un concept socio-historique qui désigne: 1) une réalité très anciennement constituée et généralement stable (d’où facteurs de tradition et de conservation), 2) mais en transformation permanente (d’où facteurs de novation et de changements), 3) et qui entretient des rapports dialectiques avec ses voisins (proches ou lointains).(Michaud, 78, 115)

Les scènes qui les définissent sont l’usage du créole dans l’entièreté de leurs activités, l’occupation de l’espace rural en tenant compte des migrants vers la ville, un style d’habitation, de techniques de travail, de vêtement et d’alimentation et la pratique religieuse du vaudou et du catholicisme qui influencent les arts, les symbolisations et les manières de penser.

La classe dirigeante se tient hors de la culture paysanne dans sa gérance des affaires de l’État.  Sa référence culturelle est toutefois traversée par de nombreuses ambiguïtés et paradoxes.  Par exemple, malgré son refus de la langue créole, elle en fait tout de même usage dans sa communication intime (Lirus, 79).  Et son mépris de la religion vaudou ne l’empêche pas de consulter le houngan ou la mambo lorsqu’elle se retrouve en situation de perte et d’anxiété (Pierre, 90). Un fait demeure, c’est que la culture créole a toujours eu à lutter contre l’invalidation continue et multiforme des classes dirigeantes à son égard.  Par ailleurs, cet exercice historique d’exclusion a contribué au renforcement mais aussi aux transformations des pratiques et des discours liés à la religion vaudou.  En parlant du Vaudou, Henock Trouillot dit ceci:

“Quant au vaudou, c’est plutôt une condition inhumaine qui l’a créé où dominait un esclavage atroce basé sur le préjugé du Blanc contre le Noir.  (...) l’anthropomorphisme de ces dieux a donc pris une autre mentalité: celle des hommes et des femmes vivants, non plus dans une condition de guerre mais de lutte sociale et économique pour la vie.”

(Trouillot, 78)

mardi 11 décembre 2012

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 41e partie

La modernité haïtienne

L’histoire d’Haïti est construite dans cette rencontre de civilisation où expatriations, enfermements, assujettissements, alliances, échanges, luttes, ruptures, ségrégations et oppressions tissent l’historicité de sa coexistence actuelle avec la modernité occidentale.

La littérature sur HaÏti, qu’elle soit sociologique, politique, culturelle ou économique, reprend toujours l’histoire de la relation maître-esclaves pour montrer son enracinement dans la structuration de ces dimensions.  En effet, inscrite dans la rémanence historique mais aussi inscrite dans un devenir imaginé dans sa singularité, Haïti, comme tous les autres pays devenus sujets de leur histoire par leur indépendance, est tenu, dans le rapport de force international, à se débattre vis à vis de l’impérialisme culturel occidental.  Les multiples projets politiques d’indépendance économique mis en discours depuis la proclamation de l’indépendance d’Haïti en 1804, n’ont pas cessé d’être traversés par les multiples contradictions qui sont endogènes et exogènes au pays.  Cette indépendance des pays économiquement pauvres se montre toujours impossible à s’approprier et les années 60 sont ponctuées par une conscientisation par rapport à leur échec politique et économique et par une indépendance culturelle revendiquée (Poirier, 78).

En ce sens, le pouvoir duvaliériste instauré en Haïti en 1957 s’est servi de ce courant international d’affirmation culturelle pour valider son pouvoir politique.

En effet, les discours et les pratiques liées à l’idéologie noiriste et à la religion vaudou lui ont fourni le matériel pour assurer un contrôle symbolique de la population.  À celui-ci se superposait le contrôle de l’armée de la milice (les cagoulards puis les tontons macoutes) pour briser toute forme d’opposition (Laennec, 79).  Lorsqu’en février 86, Jean-Claude Duvalier renonce au pouvoir à cause du soulèvement populaire, l’espérance de reconstruction du pays va se heurter au maintien des tontons macoutes au pouvoir et à l’absence de moyens économiques.

Querelles internes, résistance paysanne, lutte raciste pour le pouvoir, occupation américaine de 1915 à 1934, exportation massive des capitaux, fluctuation du marché international, ralentissement de l’activité économique, inflation et corruption sont les effets de la rémanence et de la répétition historiques qui perdurent et marquent le déchirement social en Haïti. Ce qui est entre la classe dirigeante et la classe paysanne.  Eddy Pierre, dans son excellent travail sur “dieux Vaudou de salut dans la religion Vaudou (1973)”, attire notre attention sur la persistance répétitive de l’écart tenu entre les classes sociales. Il nous dit “qu’en 1784 il y avait 7% de colons, 13% d’affranchis et 80% d’esclaves, en 1963 il y avait 5% de bourgeois, 15% de classe moyenne et 80% de prolétaires”.  En 1984, ces prolétaires, qu’il faudrait nommer paysans, représentant encore 80% de la population et, selon les statistiques de l’ONU, publiées dans l’ouvrage de L’UNICEF en 86, 78% de la population rurale est en 1983 en-dessous du seuil de la pauvreté.  La situation actuelle est dramatique et les jeunes de Gonaïve présentent bien, dans cette lettre adressée aux députés en mai 85, les effets produits par le pouvoir de Duvalier sur leurs conditions de vie.

“Vous avez contribué à faire de nous le peuple le plus pauvre du continent américain, les parias de la Caraïbe, les esclaves des Bateyes, les “boat people” des océans, les mendiants de la planète.... Vous nous avez privés de nos droits les plus élémentaires, et vous avez pactisé avec le terrorisme d’État (....)”

(Gilles, 10, 86)

Ce pays agricole n’arrive pas à surmonter les contraintes qui se posent dans son développement. Aucune politique nationale n’a encore envisagé des procédures de stratégie économique et sociale pour traverser ces contraintes.  Jacques Barros (84) nous en parle et en dresse une nomenclature: les contraintes institutionnelles sont dues, par exemple, à une limite dans les cadres techniques compétents, à une imprécision des statistiques concernant le monde rural, une mauvaise coordination entre les services responsbles, l’insuffisance des moyens matériels et financiers, la faiblesse des organisations paysannes, etc.  Puis, des contraintes naturelles qui ne sont pas contrôlées et qui se caractérisent par une dégradation continuelle de l’environnement, une faible fertilité des sols et peu de terres arabes.  Les contraintes économiques seraient liées à la faiblesse des investissements, à l’inadéquation des réseaux de distribution, à l’absence d’une politique de commercialisation, à une faiblesse du pouvoir d’achat de la population rurale.  Enfin, les contraintes technologiques sont portées par un outillage agricole précaire et des méthodes de production non rentables tel le grapillage, etc.  À cette nomenclature, il faut rajouter le pillage du gouvernement Duvalier qui a été maintes fois dénoncé par les Haïtiens et l’état d’exploitation des paysans.

lundi 3 décembre 2012

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 40e partie


À la crise gouvernementale permanente, sous le régime des baïonnettes s’ajoutait l’instabilité constitutionnelle dans laquelle le pays se trouvait plongé par la faute de dirigeants incapables et insouciants, par les erreurs d’une élite turbulente dont l’impuissance à régler les grands problèmes du moment a terni les chances du pays d’assurer sa prospérité, sa grandeur, son indépendance et sa survie.  Cette situation, on le sait, n’a pas manqué de soulever et sa survie.  Cette situation, on le sait, n’a pas manqué de soulever un certain nombre d’appréhensions.  Que d’occasions perdues par une élite sans conviction, quant à une action salutaire entre les composantes de la nation haïtienne, parce qu’une certaine perception de la réalité nationale, qui remonte à l’époque coloniale, a empêché le développement d’une interaction entre les couches sociales séparées par des intérêts divergents.


Si, comme on peut le croire, l’intérêt national réside dans la consolidation d’une communauté éloignée des avatars de la discorde et de l’exploitation, il est essentiel que nous options pour une existence collective forgée dans la paix et la convivialité, pour qu’enfin s’estompe le jeu brutal de la destruction permanente et que commence le temps de la réparation des maux et des ruines, et enfin celui du développement national.  Ce rôle échoit aux élites haïtiennes engoncées dans leurs préjugés féroces. Qu’elles assument leurs responsabilités pour que ce pays, aux ressources médiocres, puisse assurer son ascension économique ainsi que la promotion sociale des masses urbaines et rurales. “Une mission s’impose donc aux élites, celle d’élever, de hausser l’étiage social, moral de ce peuple, pour que celui-ci, tout au moins, puisse les suivre dans leur ascension vers plus de lumière”, souhaitaient Duvalier et Denis.

Ce changement ne peut se faire sans un mûrissement des facteurs psychologiques et matériels qui ont rendu la cohabitation assez difficile et occasionnent tant d’angoisses, de douleurs et de tragédies, depuis des lustres. Il faut élargir aux dimensions de la nation tout entière le champ à ensemencer, pour en retirer les valeurs indispensables à l’essor de la communauté et pour créer, au bénéfice de l’ouvrier, du paysan, du bourgeois, du riche, du pauvre, de l’étudiant, de la ménagère et de l’artisan, l’opportunité de s’associer de manière plus étroite et plus rationnelle dans une action de dépassement continu, pour que les buts conjugués demeurent le renouvellement de l’entité haïtienne.

Pour participer à cette rénovation, tournons nos regards vers nos collines dénudées, nos plaines rabougries où gît la foi en la Patrie, où se dressent comme des remparts la dignité de notre peuple et la solidarité de nos paysans. Car, c’est en conjuguant nos efforts que s’affermira cette foi en la vocation éternelle de la Patrie immortelle.

“Le salut d’Haïti, conlut Paul Moral, se trouve encore dans ces campagnes si attachantes, si riches d’une humanité méconnue, accueillantes par avance à tous les progrès.  Mais il faut avant tout que ceux que les publicistes de la ville ont coutume de nommer “nos frères des campagnes” soient appelés à participer largement à l’activité nationale.  Qu’après avoir été les “cultivateurs” frustes, méprisés et redoutés à la fois de 1840, les bons et les naïfs habitants de 1900 et les “Nègres authentiques” de 1940, ils deviennent enfin les paysans de la terre haïtienne. C’est là que se trouve la seule vraie revanche sur le passé.  Et peut-être la chance ultime de la République d’Haïti.”  Si la République d’Haïti laisse passer cette chance, elle est condamnée à entériner son déclin, à travers les périls et malgré les espérances que comporte la vie en commun.  Il ne lui restera alors qu’à s’enfermer dans un isolement pénible qui favoriserait immanquablement le recours à des solutions de désespoir, militaires ou terroristes. Mais écartons-nous de ce flot de haine et de vengeance qui se propage à la charnière de deux aristocraties engoncées dans des préjugés ridicules, et ne laissons pas tomber en déshérence le rêve grandiose des Pères Immortels de la Patrie Immuable.

samedi 1 décembre 2012

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 39e partie


Avec la disparition progressive des emplois dans le secteur de la sous-traitance, on assistait, dans la capitale, à un accroissement du nombre de vendeurs ambulants, de brouettiers et d’artisans, les uns aussi inefficaces que les autres, mais toujours soucieux d’attirer l’attention sur le désespoir qui les assaillait.

Une redistributioni équitable des moyens de production s’imposait au nom du progrès et de la justice sociale.  Mais comment entreprendre une redistribution radicale de la propriété foncière en Haïti sans provoquer une violente lutte des classes et susciter un chambardement de l’ordre social existant?

Pour éviter les distorsions inutiles qui entravaient l’économie nationale, il convenait de mettre en place la dynamique du développement, génératrice d’évolution sociale.  Restait à savoir si l’interaction entre la bourgeoisie haïtienne et les masses urbaines et rurales pouvait se faire de façon harmonieuse, sans entraîner de conséquences fâcheuses qui déboucheraient sur une situation anarchique, peu propice à une amélioration dans le domaine de l’enseignement, du logement, de la santé, de la nutrition.

Or, de tout temps, on s’est contenté de demi-mesures. On a privilégié les solutions faciles qui n’ont fait qu’aggraver la situation.  “La politique de l’autruche suivie par les élites au pouvoir, qui se refusent à agir aujourd’hui même et avec énergie, risque de précipiter la catastrophe.”

La catastrophe est venue à travers les milles images monstrueuses du “déchoukage”, à travers le profil de la misère insupportable et révoltante qui hante et détruit les enfants en bas âge, à travers la violence aveugle qui abrutit l’homme haïtien et prophétise notre décadence, à travers nos querelles politiques interminables qu’évoque la horde des politicailleurs abrutis, amateurs d’expériences hypothétiques et forgeurs d’avenir nébuleux.  La démagogie et la veulerie sont devenues les deux formes assez répandues de l’activité politique ; d’où les relations difficiles que les politiciens entretiennent avec les masses, avec la représentation qu’ils se font du pouvoir, par quoi ils se définissent. L’idée que l’homme politique haïtien se fait de sa mission, la phraséologie qu’il utilise pour soudoyer les masses, son attitude devant les grands problèmes nationaux sont en étroite relation avec sa perception de la réalité sociale haïtienne.

Il n’existe pas de schéma simple pour caractériser la lutte des classes avec le gonflement d’une classe moyenne promue à un échelon important de la vie nationale, à la faveur des événements de 1946 et de 1957. Il est cependant indubitable que, durant les dernières années du gouvernement du Dr François Duvalier, l’évolution des masses rurales et urbaines a marqué les lignes de clivage d’une époque ouverte à la réflexion et à l’action.  La bourgeoisie elle-même, mieux imbue de la nature du contexte socio-politique national, a participé ou assisté aux débats sourds de l’époque, en essayant d’exploiter en sa faveur les violentes passions politiques des années soixante.

Les Haïtiens avaient vécu ces années dans une atmosphère irréelle, provoquée par la peur du lendemain et par une triste impression d’impuissance. Ils se voyaient soumis aux graves difficultés que le pays affrontait.  Paul Moral, dans son magistral ouvrage Le Paysan Haïtien nous a dressé un tableau saisissant d’une Haïti dépourvue des moyens d’action effectifs pour assurer son essor. “1959, écrivait-il, le pays encore engagé dans une crise d’une exceptionnelle gravité, au fort de laquelle, en 1956-1957, beaucoup entrevoyaient la désagrégation même de la nation, montre un bien triste bilan: les richesses naturelles saccagées par l’exploitation anarchique du sol et une coupable inconséquence gouvernementale, l’accroissement alarmant de la population, la misère générale et son cortège de calamités, la situation précaire d’une culture d’élite isolée au milieu d’une masse analphabète.”

jeudi 29 novembre 2012

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 38e partie


Les paradoxes de l’occupation américaine n’avaient pas affecté profondément le contexte d’une expérience qui se déroulait entre les classes sociales depuis l’indépendance.  La bourgeoisie haïtienne avait réagi comme si elle avait rencontré l’occasion d’un grand destin; les classes moyennes avaient vécu avec les masses urbaines et rurales les événements tragiques de l’époque; et, ensemble, elles avaient retrouvé, dans le contexte des situations politiques délicates, tout ce qui les rapprochait et tout ce qui les séparait.

La ville non plus n’avait pas changé.  La force primait le droit dans les milieux urbains comme dans les sections rurales.  À la campagne, la vénalité des juges allait de pair avec l’arrogance des grands propriétaires fonciers.  Dans le monde rural, les chefs de section régnaient en maîtres.  La pauvreté du pays était devenue proverbiale, avec la rareté du numéraire, la pénurie des matières premières et le chômage.

Le pays, dépourvu de ressources, se trouvait à la merci du plus puissant chef de bande qui pouvait à n’importe quel moment donner le coup de grâce au régime pourri de Port-au-Prince et s’y installer sans encombre.  Il existait donc une volonté politique évidente d’ignorer les nécessités pratiques, pour aller aveuglément dans la voie de la division et de la discorde.  L’agriculture et le commerce gardaient leur caractère féodal.  La situation sanitaire sur tout le territoire était à son niveau le plus bas.  Le pian, la lèpre, la petite vérole, la malaria, la typhoïde et la tuberculose décimaient une population confrontée à la malnutrition et souvent à la famine.  L’espérance de vie, réduite à moins de 45 ans, résultait de la malnutrition et des conditions d’hygiène rudimentaires qui favorisaient les maladies endémiques et les épidémies saisonnières.  Le taux de mortalité infantile était l’un des plus élevés de l’Amérique latine et des Caraïbes.  La fameuse triptyque - l’ignorance, la misère et la maladie - s’installait dans ce pays pour anéantir les plurs belles espérances et contrecarrer, avec l’action destructrice des néo-colonialistes et de leurs acolytes locaux, l’aménagement d’une société civile jouissant des bienfaits de l’éducation, de la santé, de la justice et de la paix.

Par l’existence misérable qu’elle menait, la population subissait les conditions défavorables imposées par la nature et par l’égocentrisme aveugle de la bourgeoisie féodale.  Ainsi se déployait, de génération en génération, la vie haïtienne dont l’assombrissement et les vicissitudes s’extériorisaient dans la rupture entre le citadin et le rural,  entre le riche et le pauvre, entre le Noir et le Mulâtre, séparés par une sélection injuste et abusive qui excluait les uns et privilégiait les autres.

Ce pays gouverné par la violence était réduit à la plus complète impuissance.  Le nombre des agriculteurs marginaux et des paysans sans terre augmentait au fil des ans, en vertu des effets néfastes du Code Rural de 1826 et de la politique agraire tracassière des gouvernements successifs, qui déniaient aux groupes sociaux démunis l’accès aux facteurs de production et aux ressources agricoles productives.

Le problème de la paysannerie haïtienne est la conséquence du système colonial, de la mauvaise application ou de l’inexistence d’une politique de développement rural.  Il en est résulté un déséquilibre dans la répartition de la propriété foncière, mais aussi une accentuation de la prolétarisation du paysan haïtien.  Les problèmes de l’agriculture haïtienne se compliquent encore par la fragilité des sols, par les obstacles techniques, financiers et sanitaires qui freinent l’exploitation des terres cultivables, aggravent la précarité des conditions de vie paysanne, facilitent la séchresse et la désertificaiton des terres.  À cet égard, Haïti ne dispose pas d’une politique adéquate de mise en valeur du sol et du sous-sol qui soulagerait le prolétariat rural du lourd fardeau des dettes et des charges fiscales et le pays tout entier de la pauvreté endémique.

La bourgeoisie “compradore” haïtienne s’est substituée aux colonisateurs, au lendemain de la Guerre de l’Indépendance.  Depuis, elle n’a cessé de défendre les droits acquis et les privilèges d’une minorité au détriment des intérêts du plus grand nombre, ne laissant, à la masse des métayers, des artisans et des ouvriers agricoles, que l’occasion de retirer une maigre subsistance d’exploitations insignifiantes pour ne pas crever de faim.  L’exode a été la réponse appropriée du paysan aux handicaps qui nourrissent le malaise dans le milieu rural.  L’exode rural résulte de l’inadaptation du paysan dans un environnement qui étouffe ses aspirations et ne lui laisse que le poids des injustices, des abus et des outrages pour apaiser sa soif d’espérance et son ambition de participer aux décisions concernant sa vie et son pays. Victime de l’insécurité, du chômage, de la pauvreté, de la pénurie et de l’expropriation, le paysannat haïtien montrait “partout les stigmates de la misère, le souci du lendemain et la méfiance même.”

Tous ces handicaps se combinaient pour produire des conséquences fâcheuses sur la productivité.  Puisqu’il n’est pas facile de générer ou de trouver des emplois rémunérateurs dans le milieu rural, l’exode des paysans se poursuivit sans relâche, provoquant l’afflux de réfugiés dans les bidonvilles, alimentant ainsi le phénomène des “Canters” dont l’implication sur le plan international a fait ressortir l’ampleur et la gravité du problème haïtien.  L’une des conséquences néfastes de l’exode rural fut de provoquer l’effondrement des structures sanitaires et éducationnelles du pays.

Au fil du temps, aucune stratégie rationnelle de développement n’a été mise en application pour atténuer le dénuement des masses rurales, parce que, dans l’ensemble, cette démarche aurait impliqué la réorientation des ressources vers les ruraux pauvres, ainsi que la restructuration radicale de la société haïtienne, en s’attaquant aux privilèges des nantis.  “Il est évident, en fin de compte, souligne Paul Moral, que c’est l’assise solide de la vie rurale qui permet à l’élite de se livrer avec entrain à la dilapidation des fonds publics, aux entreprises concussionnaires, aux complots et prises d’armes, ainsi qu’aux créations de la plus authentique culture française.”

Dès lors, les faibles palliatifs au mal offerts par les régimes du passé, inclus ceux des deux Duvalier, ne suffirent pas pour arrêter la détérioration des conditions de vie et la “bidonvillisation” de la capitale et des villes du Cap-Haïtien, des Cayes et des Gonaïves.  Dans ce même ordre d’idées, mentionnons qu’aucune politique sérieuse de l’emploi n’a été mise en train pour absorber la main-d’oeuvre en provenance des campagnes démunies ou encore pour arrêter le trafic honteux des braceros vers Cuba et la République Dominicaine.

De plus, la croissance démographique vertigineuse a accru la dépendance de la population vis-à-vis de l’agriculture, exacerbant ainsi les tensions entre la ville et la campagne.  Malgré tout, les idées sociales de 1946 n’ont pas atténué l’isolement de la classe paysanne, parce que les théoriciens politiques de l’époque n’ont pas su comprendre que les belles idées socialisantes et progressistes ne suffisaient pas pour entreprendre une réforme agraire, ni pour créer, au bénéfice des ouvriers et des paysans, un environnement favorable à l’amélioration des structures économiques viables, à l’aménagement des structures économiques viables, à l’aménagement du crédit agricole et de la sécurité sociale.

Employés dans le secteur de la sous-traitance, les ouvriers se heurtaient  à des attitudes politiques et sociales incompatibles avec la croissance de l’emploi.  Les goulets d’étranglement imposés à l’économie haïtienne avaient détruit l’effet d’entraînement dans le processus d’amélioration des conditions de vie dans le milieu urbain comme dans le milieu rural.

mardi 27 novembre 2012

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 37e partie

SON ENFERMEMENT DANS L'HISTOIRE

La République d’Haïti a le culte de l’anarchie.  Deux siècles d’Histoire représentent une bien longue période de guerres civiles, de coups d’État, de coups fourrés, de coups d’éclat, de violations de droits humains, de discordes continues qui avilissent la conscience nationale.  Le climat social, marqué par les événements politiques et par une crise économique permanente, offre une caricature féroce des joies éphémères et des douleurs atroces éprouvées par une communauté d’hommes qui semble n’avoir guère évolué.

Le malaise de la bourgeoisie haïtienne est de n’avoir éprouvé aucune culpabilité devant l’échec de l’idée nationale et de continuer à exercer une responsabilité qui débouche sur le néant.  Ainsi, elle a conduit la nation sur le chemin du chaos, en privilégiant une vie de coteries et de désoeuvrement, avec pour corollaire ce que Germaine Brée appelle “un affairisme dépourvu de scrupules.”

Cette bourgeoisie, plus française qu’haïtienne par les valeurs aristocratiques qu’elle cultive, est frappée d’un sentiment d’ambivalence qui apporte le trouble dans les esprits.  De génération en génération, elle s’est complue dans les moeurs dépravées de l’Occident, dédaignant les coutumes locales pour extérioriser une fausse identité retraçant les conflits et les tourments d’une existence sans objet.

Ecartelée entre l’argent et le pouvoir, la bourgeoisie haïtienne épouse une vision balzacienne de la réalité sociale, avec ce que Maurice Sachs appelle “un désordre général de toutes espèces de valeurs....une évidente corruption des moeurs, un manque de grandeur très remarquable.”

Cette bourgeoisie affairiste veille avec une religiosité soutenue au maintien de la hiérarchie des classes, en vue de préserver les voies d’accès à l’éducation, aux affaires, à la fortune, aux carrières libérales et à l’exercice du pouvoir politique.  Tout est mis en place pour éviter que le climat social ne change.  C’est toujours la même rengaine, c’est-à-dire, une routine caractérisée par le maintien des privilèges d’une classe égoïste, parasitaire et exclusiviste.

Si la bourgeoisie haïtienne s’investit d’une mission, c’est pour éviter qu’une réforme sociale ne vienne changer les structures archaïques dans lesquelles s’enferme une minorité sélectionnée par le sort, par les circonstances, par les lois et par la force, au détriment des classes moyennes, des paysans, des ouvriers relégués à leur situation de parias, sans espoir d’ébranler le statu quo.

Ainsi la bourgeoisie haïtienne a partie liée avec notre misère chronique et notre sous-développement.  Obsédée par l’argent, elle montre dans la spéculation un instinct morbide, continuant à servir de foyer d’incubation pour les basses oeuvres, les activités lucratives et l’intrigue.  Elle transforme le pays en un milieu opaque où la corruption, l’agitation, l’appât du gain ponctuent la vie nationale. Elle s’est fait l’alliée des trafiquants de tout poil, venus d’horizons divers.  Elle fait pacte avec des agitateurs, des intrigants et des aventuriers internationaux qu’elle héberge en son sein pour soutenir des escroqueries qui rendent l’argent facile et qui multiplient les audaces.  La politique, qu’elle feint de dédaigner pour se consacrer aux spéculations financières, est le laboratoire d’où découlent les événements qui font la une de l’actualité.  Se complaisant dans son cercle fermé, la bourgeoisie montre peu d’idéal et d’aspiratioin pour conduire la nation en dehors des sentiers de l’incertitude et du chaos.

Malgré les drames individuels, malgré les occasions manquées et les signes de décadence, la bourgeoisie haïtienne a survécu au choc des événements, grâce à une souplesse sereine et une habileté liée à une certaine conscience nouvelle manifestée par des éléments avancés d’une classe “qui se perpétue, vivotant dans l’illusion, dévouée en paroles aux hautes vertus traditionnelles, mais en fait plongée dans l’avarice, à la remorque des puissances d’argent.”

Dans leur brillante étude sur la mission des élites haïtiennes dans l’organisation du pays, le Dr François Duvalier et Lorimer Denis avaient dénoncé avec acrimonie “le sectarisme des élites, sectarisme qui les porte toujours à placer la suprématie de leur classe au-dessus des intérêts patriotiques et nationaux.”  Dans l’ensemble, ils ont conclu que cette mission a été un échec.

Le dilemme de la bourgeoisie haïtienne, vouée à une culture qui exclut les masses populaires du fait national, trouve sa source dans l’incurie du système social, lequel creuse un fossé assez large entre la classe privilégiée et le prolétariat urbain et rural.  Les exemples abondent dans l’histoire nationale de ces “fils de certaines familles, pour la plupart légèrement teintés ou frottés de culture classique qui se libèrent volontiers de toute contrainte morale quand il s’agit de réussir” imposent au pays des vicissitudes atroces.

Les fondements même de l’empire dessalinien furent détruits, parce que l’empereur avait voulu équilibrer les rapports entre les différentes catégories sociales en présence, parce qu’il avait essayé de donner une nouvelle dimension au statut de la propriété coloniale et d’établir, au lendemain de l’indépendance, un nouveau système d’exploitation de la terre, basé sur l’équité et la justice.

“Nous avons fait la guerre pour les autres, s’était écrié Jean-Jacques Dessalines.  Avant la prise d’armes contre Leclerc, les hommes de couleur, fils de Blancs, ne recueillaient point la succession de leurs pères, comment se fait-il que depuis que nous avons chassé les colons, leurs enfants réclament leurs biens.... Les Noirs dont les pères sont en Afrique n’auront-ils donc rien?....Prenez garde à vous, Nègres et Mulâtres.  Nous avons combattu contre les Blancs.  Les biens que nous avons conquis en versant notre sang appartiennent à nous tous; j’entends qu’ils soient partagés avec équité.”

En inaugurant l’ère du drame agraire haïtien, cet avertissement offrait un saisissant tableau de la dure réalité qui devait s’imposer dans le pays, au lendemain du crime crapuleux du 17 octobre 1806. Une politique agraire agressive et inéquitable s’établit dans le pays sous le couvert d’un libéralisme fallacieux avec Pétion, d’un caporalisme agraire devenu oppressif avec Christophe, d’un système coercitif avec Jean Pierre Boyer.  La politqiue obscurantiste du successeur de Pétion alimentait la vie sans issue de la classe paysanne, victime de la cupidité des politiciens et des grands propriétaires fonciers, et abandonnée aux spéculations brutales d’une poignée de trafiquants sans vergogne.

La politique de doublure chère aux Ardouin recherchait, avec la montée au pouvoir de Noirs ignorants et incapables, un assouplissement dans les revendications populaires.  L’insurrection de Jean-Jacques Acaau dans la Grande-Anse s’enchaînait dans la foulée d’une lutte de castes qui devait emporter le régime de Boyer.  Malgré son caractère militant et populiste, le mouvement d’Acaau fut écrasé par les représentants de l’aristocratie terrienne.  Cependant, l’armée souffrante avait réussi à secouer l’imagination du petit paysan indépendant et créé en Haïti l’exemple d’une jacquerie permanente contre la classe des privilégiés.

Le mot d’ordre d’Acaau “Negre rich ce mulate, mulate pauvre ce negre” (Un nègre riche est un mulâtre, un mulâtre pauvre est un nègre) apportait une nouvelle dimension à la question de couleur en Haïti. C’est ce qui poussa Horace Pauleus Sannon à écrire très judicieusement : “Après la révolution morale qui venait de s’accomplir, et qui était l’oeuvre d’une portion notable de la bourgeoisie, apparaissait la révolution matérielle aux tendances quasiment socialistes effectuée par des hommes du peuple.”  Acaau avait exprimé, durant sa lutte contre les privilèges, le refus de la classe paysanne haïtienne d’accepter la politique de “zombification” à outrance qui ouvrait l’ère des déchirements au sein de la société haïtienne.

La politique de doublure reflétait la sensibilité du moment.  La voix profonde de la nation, en 1843, s’était fait entendre, mais la réponse des classes dirigeantes ébranlées et inquiètes fut de consolider la paralysie du pays.  L’administration de Geffrard, après la liquidation de l’empire faustinien fortifia les incertitudes de l’avenir.  Les fossoyeurs de la nation ne désarmèrent pas pour autant.  Les luttes de Salnave et de Salomon contre une oligarchie sans entrailles avaient pour but d’assurer, aux exploités du pays haïtien, une place adéquate dans une société bloquée.  L’échec de ces deux tentatives, comme plus tard celui du Firminisme, montrait que la grande bourgeoisie haïtienne “ancrée dans ses traditions et privilèges de classe” continuait à imposer les hiérarchies traditionnelles, en barrant la route aux idées nouvelles et aux forces de l’avenir.

L’occupation américaine posa le problème des classes sociales haïtiennes dans une perspective nouvelle.  Les débats de l’heure avec les tenants de La Revue Indigène et plus tard avec les jeunes du Mouvement Les Griots présentaient les paramètres de la crise de l’identité haïtienne. Pour le milieu intellectuel bourgeois, l’ouvrage monumental du Dr Jean Price Mars Ainsi Parla l’Oncle posait le thème de la condition haïtienne, en dénonçant “ le bovarysme collectif”, qui conduisit la nation au désastre du 28 juillet 1915.

Si la prise de conscience de la génération de l’occupation annonçait un climat intellectuel nouveau, dans les cercles bourgeois, la survivance des vieux schémas engoncés  dans un nationalisme étroit, fermé à l’éveil des idées nouvelles qui, entre les deux guerres mondiales, privilégiaient l’esprit porteur “d’un humanisme destiné à tous les hommes, de tous les temps” empêchait que le terrain fût déblayé.

Dans cette situation, le pays pouvait-il aller hardiment du côté de la concorde? Le monde rural, lui-même, n’avait pas changé.  Il vécut le drame de Marchaterre et l’épopée de Charlemagne Péralte et de Benoît Batraville dans la certitude qu’il incarnait le mieux l’esprit d’Acaau, ainsi que cette volonté de rupture avec les conventions désuètes et les idées archaïques.

Le roman paysan avec Jacques Roumain, Jacques Stephen Alexis et Edriss Saint-Armand, plus particulièrement, dénonçait la culture mystificatrice de l’époque qui maintenait un profit du citadin le mythe de l’infériorité du monde rural.  Gouverneurs de la Rosée dégage un message de paix, d’amour et de réconciliation, annonciateur de la transformation profonde d’une société jusqu’ici imperméable au changement.