lundi 3 décembre 2012

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 40e partie


À la crise gouvernementale permanente, sous le régime des baïonnettes s’ajoutait l’instabilité constitutionnelle dans laquelle le pays se trouvait plongé par la faute de dirigeants incapables et insouciants, par les erreurs d’une élite turbulente dont l’impuissance à régler les grands problèmes du moment a terni les chances du pays d’assurer sa prospérité, sa grandeur, son indépendance et sa survie.  Cette situation, on le sait, n’a pas manqué de soulever et sa survie.  Cette situation, on le sait, n’a pas manqué de soulever un certain nombre d’appréhensions.  Que d’occasions perdues par une élite sans conviction, quant à une action salutaire entre les composantes de la nation haïtienne, parce qu’une certaine perception de la réalité nationale, qui remonte à l’époque coloniale, a empêché le développement d’une interaction entre les couches sociales séparées par des intérêts divergents.


Si, comme on peut le croire, l’intérêt national réside dans la consolidation d’une communauté éloignée des avatars de la discorde et de l’exploitation, il est essentiel que nous options pour une existence collective forgée dans la paix et la convivialité, pour qu’enfin s’estompe le jeu brutal de la destruction permanente et que commence le temps de la réparation des maux et des ruines, et enfin celui du développement national.  Ce rôle échoit aux élites haïtiennes engoncées dans leurs préjugés féroces. Qu’elles assument leurs responsabilités pour que ce pays, aux ressources médiocres, puisse assurer son ascension économique ainsi que la promotion sociale des masses urbaines et rurales. “Une mission s’impose donc aux élites, celle d’élever, de hausser l’étiage social, moral de ce peuple, pour que celui-ci, tout au moins, puisse les suivre dans leur ascension vers plus de lumière”, souhaitaient Duvalier et Denis.

Ce changement ne peut se faire sans un mûrissement des facteurs psychologiques et matériels qui ont rendu la cohabitation assez difficile et occasionnent tant d’angoisses, de douleurs et de tragédies, depuis des lustres. Il faut élargir aux dimensions de la nation tout entière le champ à ensemencer, pour en retirer les valeurs indispensables à l’essor de la communauté et pour créer, au bénéfice de l’ouvrier, du paysan, du bourgeois, du riche, du pauvre, de l’étudiant, de la ménagère et de l’artisan, l’opportunité de s’associer de manière plus étroite et plus rationnelle dans une action de dépassement continu, pour que les buts conjugués demeurent le renouvellement de l’entité haïtienne.

Pour participer à cette rénovation, tournons nos regards vers nos collines dénudées, nos plaines rabougries où gît la foi en la Patrie, où se dressent comme des remparts la dignité de notre peuple et la solidarité de nos paysans. Car, c’est en conjuguant nos efforts que s’affermira cette foi en la vocation éternelle de la Patrie immortelle.

“Le salut d’Haïti, conlut Paul Moral, se trouve encore dans ces campagnes si attachantes, si riches d’une humanité méconnue, accueillantes par avance à tous les progrès.  Mais il faut avant tout que ceux que les publicistes de la ville ont coutume de nommer “nos frères des campagnes” soient appelés à participer largement à l’activité nationale.  Qu’après avoir été les “cultivateurs” frustes, méprisés et redoutés à la fois de 1840, les bons et les naïfs habitants de 1900 et les “Nègres authentiques” de 1940, ils deviennent enfin les paysans de la terre haïtienne. C’est là que se trouve la seule vraie revanche sur le passé.  Et peut-être la chance ultime de la République d’Haïti.”  Si la République d’Haïti laisse passer cette chance, elle est condamnée à entériner son déclin, à travers les périls et malgré les espérances que comporte la vie en commun.  Il ne lui restera alors qu’à s’enfermer dans un isolement pénible qui favoriserait immanquablement le recours à des solutions de désespoir, militaires ou terroristes. Mais écartons-nous de ce flot de haine et de vengeance qui se propage à la charnière de deux aristocraties engoncées dans des préjugés ridicules, et ne laissons pas tomber en déshérence le rêve grandiose des Pères Immortels de la Patrie Immuable.

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