mercredi 28 décembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 20e partie

Soumise aux contraintes historiques de la guerre, de l'exil, et de la réinstallation, la société vietnamienne (qui bien que traditionnelle n'en demeure pas moins une société complexe) s'est modifiée et réorganisée pour s'adapter aux exigences de la transplantation.  Désormais, l'espace social vietnamien au Canada ne se réduit plus aux seules valeurs traditionnelles, l'acculturation ayant fait son office on assiste à une "occidentalisation" des discours et des pratiques.  La persistance des traditions s'estompent semble-t-il chez les plus jeunes, au grand désespoir des plus âgés.  Toutefois en dépit de ces changements, les réseaux familiaux et collectifs qui fondent la structure traditionnelle vietnamienne se maintiennent dans l'exil, et coexistent avec une organisation sociale géographiquement plus ouverte et éclatée.  Cette prégnance d'un "noyau" traditionnel se manifeste plus volontiers dans les situations concrètes, dans les expériences individuelles et collectives, plutôt que dans les discours généraux, le plus souvent désabusés, que les Vietnamiens tiennent sur leurs compatriotes au Canada.  À ce titre, il est d'ailleurs singulier de constater que, dans cette population soumise à tant de drames, brutalement déplacée (alors que les Vietnamiens n'avaient pas l'habitude de changer de pays) et exposée par là-même à un risque psychopathologie sévère, c'est précisément autour des expressions "pathologiques" liées à ces drames qu'émergent les expériences et les validations collectives d'expériences qui ressortissent, au-delà du temps et du lieu, à l'univers Vietnamien traditionnel.  Sans doute, le rapport du sujet à la conception du monde de sa culture est plus tenace que les autres éléments culturels.  Toutefois, ce n'est la persistance de "croyances" ou de "superstitions" "désuètes" qui caractérise la spécificité vietnamienne de cet espace social, mais bien plutôt la relation singulière qui unit le sujet aux conceptions du monde que sa culture véhicule.  La maladie, l'affliction, sont sans doute les moments privilégiés au cours desquels cette relation s'exprime avec la force de "l'évidence" et se présente pour le malade et pour ses proches comme la réalité elle-même, attestant ainsi de la nature sociale de "l'évidence" qui unit l'expérience à son explication.

mercredi 21 décembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 20e partie

Dès lors, on pourrait admettre cette première formulation selon laquelle: ce n'est pas parce qu'un parent est mort qu'il revient, mais c'est parce qu'il revient que l'on sait être dans la situation d'un défaut de sépulture honorable, ou d'un manquement aux rites propitiatoires.  C'est l'expérience de la "rencontre" qui définit a posteriori la situation du sujet aux regards des défunts.  Parmi le catalogue vietnamien des causes et des origines de la maladie, du malheur, ou des simples expériences "surnaturelles", le retour des décédés de malemort est une explication toujours forcement répandue dans le contexte de la transplantation.  Toutefois, les exemples précédents montrent que si la conception vietnamienne affirme que les décédés de malemort, ou que les ancêtres non honorés, sont susceptibles de venir "hanter" les vivants, force est de reconnaître que tous les décédés de malemort ne reviennent pas.  D'une certaine manière ce n'est pas la "croyance" au "retour des fantômes" qui s'exprime dans le discours des immigrants, mais c'est l'expérience qu'ils vivent qui confirme la réalité du phénomène.  Les expressions même des immigrants semblent traduire ce phénomène.  Lorsqu'un patient "voit un fantôme" la nuit, il n'applique pas la théorie locale du retour habituel des décédés de malemort, pour conclure au retour du fantôme, mais lorsque cette image (et quelle que soit sa valeur pour un occidental) s'impose à lui, il sait qu'il s'agit d'un fantôme.  Or, ce savoir sur la réalité de la rencontre avec un fantôme semble correspondre chez celui qui l'énonce, et chez ceux qui l'écoutent et l'approuvent, à un fait d'expérience, plutôt qu'à l'application d'une croyance.  "Ce n'est pas tellement le croyant, (....), qui affirme sa croyance comme telle, c'est plutôt l'incroyant qui réduit à une simple croyance ce qui pour le croyant est comme un savoir".

mardi 20 décembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 19e partie

À chaque fois qu’il était fait mention d’une rencontre avec un esprit, on pouvait pressentir que le patient se trouvait dans un rapport particulier avec le défunt et avec son entourage, au moment du décès et même actuellement. En effet, il apparaît que toutes les situations traumatiques, ainsi que tous les décédés de malemort ne donnent pas lieu à un retour de fantômes; certains immigrants ne parleront jamais de fantômes, tandis que d’autres évoqueront alternativement des mauvais rêves et des fantômes pour caractériser des phénomènes radicalement différents. On ne saurait donc supposer que tous les immigrants traduisent leurs “cauchemars” par des énoncés standards, culturellement déterminés, au moyen de représentations traditionnelles de la maladie. À ce titre, l’alternance des énoncés chez un même patient nous incite à croire que le “mauvais rêve”, bien que moins “exotique”, serait aussi une représentation traditionnelle traduisant pour le sujet une expérience d’une toute autre nature.

lundi 19 décembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 18e partie

DÉTRESSE DES HOMMES - RÊVES POST-TRAUMATIQUES

Monsieur X, plus âgé, vivant en France depuis plus de dix ans, consultait régulièrement pour une tristesse profonde, associée à une grande fatigue. Il était depuis un an en arrêt de travail, et n’envisageait plus de reprendre une quelconque acitvité professionnelle, tant il se sentait faible. Au Vietnam, il habitait Hanoi et enseignait le français dans un lycée : marié et père de six enfants dont trois filles et trois garçons, il vécût heureux jusqu’à l’arrivée des Viet Cong. Dès les premiers mois du nouveau régime, la famille fût séparée et déportée, et Monsieur X, ne devait plus jamais revoir ses fils et sa femme. Il ne doit d’avoir survécu qu’à sa force personnelle, et grâce à l’aide de certains villageois qui, à plusieurs reprises le protègerent contre la barbarie des Viet Cong. Depuis son arrivée au Canada, il reste hanté par ses souvenirs, et rêve régulièrement de ses enfants, et il revit intensément les moments d’une déchirante séparation. D’autres cauchemars l’agitent souvent - c’est le terme qu’il emploie - au cours desquels il “revit” les scènes de violences auxquelles il assista comme témoin impuissant. Jamais, dit-il, il n’a rêvé de sa femme, et pourtant, “elle est revenue” plusieurs fois pendant qu’il dormait, cherchant à l’étranger pour l’emmener avec lui. Il décrivît ces expériences avec une intense émotion, allant même jusqu’à nous mimer l’étranglement qu’il avait ressenti et maglré sa parfaite connaissance du français, il ne trouvait pas les mots pour désigner ce phénomène. Cependant, il distinguait fort bien cette expérience des cauchemars précédents; en effet, il s’agissait pour lui d’une tout autre expérience, car il ne dormait pas, ni rêvait, mais participait à une réalité dont le vocabulaire français était inapte à rendre compte. Certes, un clinicien pourrait y voir l’effet d’une hallucination, ou d’un cauchemar, et compatible avec le diagnostic de névrose traumatique : mais il nous semble que la compréhension d’un tel phénomène ne se réduit pas à sa seule traduction et langage psychiatrique. En effet, il lui arrivait de voir ses fils lors de ses rêves, parfois même il recherchera le concours d’un devin pour les interpréter, mais jamais il ne considéra qu’il puisse s’agir de la visites des esprits de ses défunts enfants: il est vrai qu’il refusait d’admettre qu’ils puissent être morts, supposant qu’un d’entre eux au moins était toujours vivant. Par contre, il était convaincu de la mort de sa femme, et cela lui avait été encore confirmé récemment. Il ne s’agit pas, à ce stade de l’étude, de conclure que seuls les esprits de parents ou de proches, dont on est certain de la mort, reviennent chez les traumatisés, mais il conviendrait plutôt de s’interroger sur les raisons et les conditions qui aboutissent au fait que dans certains cas on puisse parler de mauvais rêves, et que dans l’autres, apparemment similaires pour le clinicien, il soit question d’une rencontre avec un esprit de malemort.

mardi 13 décembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 17e partie

DISCUSSION CLINIQUE SUITE

Une jeune femme africaine et bouddhiste, rapportait qu'à la pire époque du régime congolais, elle avait vu sa belle-soeur se faire assassiner par des soldats africains, alors qu'elle était cachée non loin de là.  Elle avait pu quittter le Congo juste après cet événement.  Dès son arrivée au Canada, elle fût adressée à la consultation psychiatrique pour des céphalées, des troubles de la concentration, et une hyperémotivité avec de brusques variations de l'humeur.  À aucun moment elle ne fit mention de mauvais rêves; son sommeil était bon, disait-elle, sauf que régulièrement sa belle-soeur défunte venait, dans sa chambre, lui dire et lui faire des choses terribles.  Il ne s'agissait ni d'un rêve, ni d'un cauchemar, mais bien d'une expérience vécue, puisqu'elle ne survenait pas pendant son sommeil, affirmait-elle.  Devant la force de cette sensation, les catégories du sommeil et du rêve semblaient n'avoir aucune pertinence pour cette patiente; en effet, elle ne disait pas "je crois que", ni même "je vois ou je pense que", mais elle affirmait, avec conviction, que sa belle-soeur venait, était présente, et qu'elle agissait dans la pièce.  Par contre, elle réfutait tout lien entre les visites de sa belle-soeur et les symptômes dont elle se plaignait.  Pour ses proches aussi, deux réalités distinctes semblaient se juxtaposer: d'une part, les déboires nocturnes occasionnés par l'esprit de malemort (bien qu'eux-mêmes ne l'avait jamais rencontré), et d'autre part, une grande fatigue, un malaise général, et des modifications de son comportement: et si tous s'accordaient à la reconnaître comme malade, aucun ne laissait entendre que cette maladie fût causée par l'esprit de la belle-soeur.  Aussi, l'énonciation par la patiente ou par ses proches d'une rencontre avec un "fantôme" ne nous semble pas traduire une cause, mais à ce stade une expérience.

lundi 12 décembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 16e partie

DISCUSSION

Tous les immigrants n'ont pas eu recours aux mêmes interprétations,  certains ont parlé de mauvais rêves, puis de fantômes, pour traduire des expériences différentes et pourtant apparemment identiques pour le clinicien.  L'expression même de ces interprétations semblait étroitement liée au contexte et pas seulement aux déterminants psychopathologiques du "malade", et dans tous les cas, il existait un concensus sur l'interprétation développée par les patients et les autres immigrants interrogés.  Plusieurs caractéristiques de la "rencontre avec un fantôme" sont régulièrement apparues dans le discours des patients et dans celui de leurs proches.  Il est apparu une nette distinction entre ce qui relevait du "retour des fantômes" et l'ensemble des signes cliniques que nous pouvions relever.  En d'autres termes, la peur de devenir "fou", traduisant un changement de comportement ,n'était jamais imputée à une possession par l'esprit "revenant", ni à un effet quelconque de cette expérience; il n'a jamais été dit, par un malade, ou par un proche, que les troubles manifestés étaient causés par les "fantômes".  L'interprétation selon laquelle un esprit "malfaisant" venait toutes les nuits, et parfois même le jour, ne se présentait pas comme un énoncé causal de la maladie, mais comme une expérience relevant d'un registre différent de celui de la 'maladie' pour laquelle les immigrants consultaient. Il convient encore de distinguer la peur de devenir fou exprimée par le patient qui constate un changement dans son comportement, de la désignation par le groupe qu'Untel est "possédé" par un esprit.  Dans le premier cas, c'est le sujet qui craint de devenir fou, puisque c'est la seule explication qui rendrait compte des abérrations de son comportement sans lui imputer une responsabilité délibérée qu'il craint que le groupe lui accorde.  Tandis que dans le deuxième cas, c'est le groupe qui considère qu'Untel est Bôcô (prêtre vodou), alors que le bôkô en question ne prétend qu'être possédé, et ne se considère nullement comme fou.  Nous prendrons deux exemples pour éclairer ces faits.

vendredi 9 décembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 16e partie

LES AUTRES SIGNES

On peut retrouver derrières ces formulations des traits caractéristiques des sociétés asiatiques comme par exemple, le souci de ne pas faire "perdre la face" à son interlocuteur, et l'attente que celui-ci se comporte pareillement pour ne pas perdre la face soi-même, qui s'associe au respect des aînés et des étrangers. Ces rapports entre aînés et cadets, ce souci de garder la face régissent l'établissement d'une relation sociale et sont hautement valorisés, tandis que l'inverse est péjorativement connoté et même réprimé. Celui qui manque à ces règles sociales est un déviant ou, si son comportement n'est pas intentionnel, c'est qu'il est "fou".

Derrière cette peur de perdre la face et l'angoisse de devenir fou il semble aisé au clinicien de retrouver les brusques accès de colère, les troubles de la concentration, le sentiment de devenir étranger aux autres et les réactions de sursauts exagérés qui caractérise le PTSD. Mais on comprend aussi que le contexte culturel donne à ces symptômes une résonance toute particulière et probablement "pathogène", tandis qu'il n'est pas certain que le retour des "fantômes" présente le caractère "pathogène" que l'on accorde aux cauchemars de répétition en Occident. En effet, il est probable que le "travail de la culture", pour reprendre le terme forgé par Arthur Kleinman, puisse permettre d'attribuer une signification non pathologique et peut-être même non pathogène à des cauchemars de répétition, par l'intermédiaire des représentations traditionnelles de la mort et des rites funéraires; tandis que pour les signes traduisant un changement de comportement fortement dévalorisé dans la société traditionnelle, les significations qui s'y attachent, ne correspondant pas à un état habituel de l'individu, ne favoriseraient pas la banalisation des symptômes.

Ces considérations sont probablement utiles aux cliniciens, et elles permettent, très certainement, d'améliorer la qualité de l'écoute transculturelle et de la thérapeutique qui en découle; toutefois, elles ne nous renseignement pas sur les conditions de production de ces interprétations dans une situation sociale précise.

mercredi 7 décembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 15e partie

Les autres signes

Les immigrants consultants essentiellement pour des troubles du comportement qu'ils jugeaient pathologiques comme les brusques accès de colère, les troubles de la concentration, l'hyperhémotivité, les sursauts exagérés....

Mais il est frappant de constater que de nombreux immigrants ont exprimé ces troubles du comportement sous la forme d'une peur angoissante de devenir fou. Ils remarquaient qu'ils n'étaient plus en mesure de se contrôler, qu'ils se mettaient fréquemment et violemment en colère pour des broutilles, qu'ils ne supportaient plus leurs enfants, ni les règles coutumières, et que leur souhait était de s'exclure de la collectivité (notamment asiatique). Un fort sentiment de honte était associé à ces manifestations, et seule leur "folie" pouvait expliquer qu'ils perdent ainsi la face, qu'ils ne parviennent plus à se concentrer, ou à avoir des relations sociales. Et même le simple fait de relater ces changements de comportements dans le cadre de l'entretien psychiatrique était péniblement vécu.

mardi 6 décembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 14e partie

Les cauchemars

Dans le DSM III, l'accent est mis sur l'aspect pénible de la réminiscence du souvenir traumatique qui s'accompagne d'un "sentiment de détresse" (DSM III). Or, rarement une telle détresse était présente chez les nouveaux immigrants. En effet, lorsque les cauchemars étaient présents, ils étaient rarement évoqués spontanément. Ce n'était que lorsque les patients étaient interrogés sur la qualité de leur sommeil que certains reconnaissaient en avoir fréquemment. Peu de nouveaux immigrants semblaient préoccupés par ces rêves, même lorsqu'ils leur reconnaissaient les caractéristiques d'un cauchemar, ou plus exactement d'un mauvais rêve.

En fait le plus souvent, les nouveaux immigrants ont exprimé, avec une certaine réticence, l'idée que des fantômes venaient les déranger la nuit. Ces fantômes représentaient généralement les esprits de parents, ou de proches, décédés sous leurs yeux ou encore qui n'avaient pu bénéficier des rituels funéraires appropriés. On reconnaîtra dans ces propos l'expression d'une conception qui se rencontre souvent chez les immigrants et qui fait appel à un fond commun chez eux où le rêve et la réalité sont perçus en étroite relation.

Il sembleraient donc que ces immigrants exprimaient leurs "angoisses" ou leurs "cauchemars" au moyen de représentations traditionnelles du pays concerné. Cependant, il y aurait un risque à réduire trop vite ce "retour de fantômes" à la simple catégories des cauchemars. En effet, ces patients ne présentaient pas ces "visites nocturnes" comme quelque chose de pathologique; au contraire, ils insistaient sur le caractère "normal" de cette expérience, qui selon eux ne constituait pas la raison de la consultation, puisqu'elle traduisait un rapport "d'évidence" entre la venue de fantômes ou d'esprits et l'absence de rite funéraire.

lundi 5 décembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 13e partie

LE SENTIMENT DE DÉTRESSE

Le DSM III met en valeur cinq critères diagnostiques spécifiques de ce trouble. D'emblée il est important de noter que c'est le permier manuel qui définit le traumatisme parmi les critères diagnostiques, en se référant à des caractéristiques générales de l'événement, décrit comme "hors du commun", et surtout susceptible d'engendrer "des symptômes évidents de détresse chez la plupart des individus et (qui) dépasse généralement le domaine des expériences communes, telles que le deuil, la maladie chronique, les mauvaises affaires ou les conflits conjugaux. Ainsi les catastrophes naturelles, ou causées par l'homme, les guerres et la torture peuvent conduire à ces troubles. Les quatre autres critères sont : 1) "l'événement traumatique est constamment revécu" : ce critère recouvre les cauchemars et les reviviscences diurnes. 2) "Évitement persitant des stimuli associés au traumatisme ou émoussement de la réactivité générale", 3) "Présence de symptômes persistants traduisant une hperactivité neurovégétative" : sursauts, colères...., 4) "la perturbation persiste au moins un mois".

dimanche 27 novembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 12e partie

SE FAIRE VIOLENCE

L'homme en détresse se confond et ne se choisit pas. Comment alors subir ces violences sans que monte une colère, voire une rage intérieure qui cherche des issues pour éclater? « Ce qui est enfermé dans le cœur devient grande colère » dit un grand maître japonais. Certains êtres écorchés survivent : ils vivent dans leurs fonctions biologiques mais ils agonisent parfois dans leur vie psychique….Être mort vivant, ne pas pouvoir développer ses ressources endormies parce que le vécu d’enfant a dépassé les capacités d’absorption : n’est-ce pas là la pire violence qu’un être humain peut subir? Nous pouvons alors mieux comprendre que des victimes deviennent à leur tour bourreaux, qu’ils s’arment contre le ressentir douloureux et passent à l’attaque à leur tour, comme s’ils criaient dans l’agir : « Voyez ce qu’on m’a fait! »

Comment, alors, briser le cycle répétitif de cette course à relais d’une génération à l’autre? Des cliniciens chevronnés se sont penchés sur ce phénomène humain, à commencer par Sigmund Freud, puis Silma Fraiberg, Arthur Janov, Jack Lee Rosenberg, Alice Miller et d’autres. Touts ont parlé de l’importance de liquider les émotions liées au souvenir douloureux afin de pouvoir vivre enfin le présent d’une façon dégagée, et ainsi éviter de reproduire le scénario stérile.

Selon moi, la voie royale pour la prévention de la répétition intergénérationnelle est, par conséquent, de permettre aux enfants, dès leur jeune âge, de s’exprimer sur les événements qu’ils vivent et les émotions liées, leur livrant ainsi le message qu’il est permis de ressentir, et qu’il est bienfaisant d’exprimer ce ressentir pour s’en délivrer. La parole prend sens de communication; elle ne se limite pas à un langage utilitaire ou exhibitionniste. À chaque fois qu’elle se présente, une telle communication par la parole pleine devient un pas de plus vers la confiance dans les relations humaines, donc une prévention contre la fermeture sur et par là même, contre la répétition. Et la présence de cet espoir est essentielle lorsqu’arrive un coup dur.

Mais lorsque la répétition est déjà installée, l’antidote – i.e. le moyen de briser ce cycle de douleur subie et infligée – est, selon moi, l’engagement dans une démarche personnelle vers un changement de cap…démarche très difficile parce qu’elle implique un déséquilibre majeur entre le connu et l’inconnu : la personne désirant mettre fin à la reproduction de comportements problématiques se retrouve acculée à l’évidence de devoir effectuer des modifications importantes dans sa vie. Il s’agit d’une démarche lourde d’exigences en temps et en énergie, lourde aussi en conséquences; elle requiert souvent une aide professionnelle appropriée. Les trajets empruntés ne se font pas nécessairement de façon successive, mais ils représentent des portes d’accès possibles au changement:

Prendre conscience de la répétition
Constater l’emprise du cycle répétitif; être déterminé à en sortir, c’est d’abord prendre conscience de ce qui se rejoue dans sa propre vie et des moyens adoptés jusque là pour se protéger de la souffrance. En considérant ce qui est répété, comment où et avec qui, on peut dire que déjà, l’exorcisme du passé est commencé.

S’autoriser à se souvenir
Reconnaître son histoire, en revenant sur les faits passés, au risque de briser ainsi l’illusion d’une enfance totalement heureuse. Se souvenir des blessures subies (physiques, psychologiques), et peut-être aussi infligées à d’autres; mettre en images et en mots, sans minimiser, sans nier les passages difficiles; reconnaître les failles du système familial, les siennes aussi bien que celles des objets d’amour idéalisés….Cette démarche ne se fait pas sans un sentiment désagréable de manquement à la loyauté, mais aussi de reconnaissance de ses propres limites.

Toutefois, mettre à jour le passé ne le transforme pas ou ne l’efface pas; croire que le fait de s’en souvenir puisse en « débarrasser » le sujet, serait en nourrir une autre illusion tout aussi dommageable.

S’autoriser à ressentir
Retourner un passé laissé en suspens. Laisser monter les sentiments douloureux liés à certains souvenirs et les exprimer, c’est faire place au devenir, dégager un espace pour construire, vivre sa génération plutôt que d’emprunter les dédales tortueux et stériles transmis par la précédente.

samedi 26 novembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 11e partie

L'HOMME - QUÊTEUR D'AMOUR

L'homme en détresse se laisse contaminer par la vérité de l'autre, vit toujours une incontinence affective. Son corps souffrant exprime ce qu'il ne peut nommer dans sa relation conjugale. Il s'illusione sur la femme de sa vie et voilà là où le bât blesse.

"Il y a de l'animal, du spirituel, du mythologique dans l'amour. L'ensemble forme un 'complexe' et toute réduction à l'une de ces dimensions mutilerait sa richesse et son mystère. Pour autant, il n'est pas indéchiffrable."

"Lorsque je parle de complexe d'amour le mot complexe doit être pris dans son sens littéral: complexe, ce qui est tissé ensemble. L'amour est quelque chose de 'un', comme une tapisserie qui est tissée de fils extrêmement divers, et d'origine différente."

"Derrière l'unité évidente d'un 'je t'aime', il y a une multiplicité de composants tout à fait divers qui fait la cohérence du 'je t'aime’. À un extrême, existe une composante physique et dans le mot 'physique' s'entend la composante 'biologique' qui n'est pas seulement la composante sexuelle, mais aussi l'engagement de l'être corporel".

"À l'autre extrême, il y a la composante mythologique, la composante imaginaire; et je suis de ceux pour qui le mythe, l'imaginaire n'est pas une simple superstructure, encore moins une illusion, mais une réalité humaine, profonde. Ces deux composantes sont modulées par les cultures, par les sociétés".

"La Rochefoucauld disait que, s'il n'y avait pas eu les romans d'amour, l'amour serait inconnu. Alors, est-ce que la littérature est constitutive de l'amour, ou bien est-ce que simplement elle catalyse et le rend visible, sensible et actif? De toute façon, c'est dans la parole que s'expriment à la fois la vérité, l'illusion, le mensonge, qui peuvent entourer ou constituer l'amour."

"L'amour est enraciné dans notre être corporel, ô paradoxe et, dans ce sens, on peut dire que l'amour précède la parole. Mais l'amour est en même temps enraciné dans notre être mental, dans notre mythe, lequel suppose évidemment le langage, et on peut dire que l'amour procède de la parole. L'amour à la fois procède de la parole et précède la parole."

"Le fait de dire que l'amour est un complexe nécessite un regard polyoculaire. Les constituants de l'amour précèdent sa constitution même. On peut voir l'origine de l'amour dans la vie animale. Cela est justifié parce que nous sommes des mammifères évolués et nous savons que l'affectivité s'est développée chez les mammifères. Il y a donc une source animale incontestable dans l'amour. Les oiseaux manifestent des phénomènes plus proches des nôtres que ceux des primates ou de la plupart des mammifères. Pensons à des couples, à ces oiseaux qu'on appelle 'inséparables' qui passent leur temps à se bécoter, d'une façon quasi obsessionnelle. Comment ne pas voir là l'accomplissement dans des potentialités de cette relation si intense, si symbiotique entre deux êtres d'un sexe différent qui ne peuvent s'empêcher de se donner sans cesse des charmants petits coups de bec."

"Avec les mythes, dès l'humanité archaïque, apparaissent des personnages divinisés, et autour d'eux des phénomènes de culte, de vénération et d'adoration. Nous avons déjà les ingrédients anthropologiques de l'amour, mais ils ne sont pas encore assemblés, ils existent du point de vue physique, biologique, mythologique. Ces consistants vont se cristalliser en amour."

"L'amour se fonde non seulement sur l'union, mais aussi sur la séparation. Lorsqu'il s'accomplit, on peut reprendre la formule que Hegel appliquait à un autre propos: 'c'est l'union de l'union et de la désunion'. L'amour peut comporter le désir, le sexe. Il peut se fixer aussi bien sur la prostituée, qui dès lors se sacralise dans le rôle qu'on lui fait jouer. Mais le véritable amour se reconnaît en ce qu'il survit au coït, alors que le désir sans amour se dissout dans la fameuse tristesse post-coïtale. Vous connaissez l'adage 'homo triste post coitum', celui qui est sujet de l'amour est 'felix post coitum'."

"La bipolarité de l'amour, si elle écartèle l'individu entre amour sublimé et désir infâme, se trouve aussi en dialogue, en communication: il y a des moments bien heureux où à la fois la plénitude du corps et la plénitude de l'âme vont se rencontrer".

"Comme tout ce qui est vivant et tout ce qui est humain, l'amour est soumis au deuxième principe de la thermodynamique qui est un principe de dégradation et de désintégration universel. Mais les êtres vivants vivent leur propre désintégration en la combattant."

"Héraclite disait: 'Mourir de vie et vivre de mort' nos molécules se dégradent et meurent, et sont remplacées par d'autres. Nous vivons en utilisant le processus de notre décomposition pour nous rajeunir, jusqu'au moment où évidemment nous n'en pouvons plus. À la différence d'une machine artificielle qui se dégrade dès qu'elle commence à fonctionner, nous nous usons à force de rajeunir et, à la fin, on en meurt. Il en est de même de l'amour qui ne vit qu'en renaissant sans cesse."

"L'amour, c'est la régénération permanente de l'amour naissant. Tout ce qui s'institue dans la société, tout ce qui s'installe dans la vie commence à subir des forces de désintégration ou d'affadissement. Le problème de l'attachement dans l'amour est souvent tragique, car l'attachement s'approfondit souvent au détriment du désir."

"On peut se demander si ce long attachement du couple qui le consolide, qui l'enracine, qui crée une affection profonde ne tend pas à détruire effectivement ce qui avait apporté l'amour à l'état naissant. Mais l'amour est comme la vie, paradoxal, il peut y avoir des amours qui durent, de la même façon que la vie dure. On vit de mort, on meurt de vie. L'amour devrait pouvoir, potentiellement, se regénérer, opérer en lui-même une dialogique entre la prose qui se répand dans la vie quotidienne et la poésie qui donne de la sève à la vie quotidienne."

" Ce qui est tout à fait remarquable, c'est que l'union du mythologique et du physique se fait dans le visage: les yeux. Dans le regard amoureux, il y a quelque chose qu'on aurait tendance à décrire en termes magnétiques ou électriques, quelque chose qui relève de la fascination du boa sur le poulet, mais qui peut être réciproque. En même temps, dans ces yeux qui portent une sorte de pouvoir extraordinaire, un pouvoir physique, la mythologie humaine a mis des localisations de l'âme."

"Notre visage permet donc de cristalliser en lui toutes les composantes de l'amour. D'où le rôle dès l'apparition du cinéma, de la magnification du gros plan du visage qui, comme l'hologramme, contient la totalité de l'amour. La catégorie du sacré, du religieux, du mystique et du mystère est entrée dans l'amour individuel et elle s'y est enracinée au plus profond."

"On dit de l'amour que c'est une illusion, une folie, une pathologie: le sexe, la jalousie, le plaisir, l'amitié, la tendresse, oui ; mais l'amour est un délire. De fait, la froide raison tend non seulement à dissoudre l'amour, mais aussi à le considérer comme illusion et comme folie. Dans la conception romantique, l'amour devient la vérité de l'être. Y-a-t-il une raison amoureuse comme il y a une raison dialectique, qui dépasse les limitations de la raison glacée?"

"L'amour, c'est le comble de l'union de la folie et de la sagesse. Comment démêler cela? Il est évident que c'est le problème que nous affrontons dans notre vie, et qu'il n'y a aucune clé qui puisse trouver une solution extérieure ou supérieure. L'amour porte justement cette contradiction fondamentale, cette co-présence de la folie et de la sagesse. On peut dire la même chose de l'amour et du mythe. Dès qu'un mythe est reconnu comme tel, il cesse de l'être."

"Nous sommes arrivés à ce point de la conscience où nous nous rendons compte que les mythes sont les mythes. Mais nous nous rendons compte en même temps que nous ne pouvons pas nous passer de mythes. On ne peut pas vivre sans mythes, et j'inclurai dans 'mythes' la croyance à l'amour, qui est un des plus nobles et des plus puissants, et peut-être le seul mythe auquel nous devrions nous attacher. Et pas seulement, alors, amour interindividuel, mais dans un sens beaucoup plus élargi, sans évidemment scotomiser l'amour individuel."

"On ne peut pas prouver empiriquement et logiquement la nécessité de l'amour. On ne peut que parler pour et sur l'amour. Avoir avec notre foi, avec notre mythe l'attitude du pari, c'est être capable de dialoguer, de nous donner à lui, tout en étant critique à son égard. Nous avons aussi un besoin profond, intime, qui tisse notre sens de la vie (nous ne pouvons pas vivre uniquement dans la prose), d'une dialogique permanente entre la prose et la poésie. L'amour fait partie de la poéticité de la vie. Nous devons vivre cette poésie, qui ne peut pas se répondre sur toute la vie parce que, si tout était poésie, tout ne serait que prose. Il n'y aurait pas la différence qui fait la différence. De même qu'il faut de la souffrance pour connaître le bonheur, il faut de la prose pour qu'il y ait de la poésie."

"Dans l'idée de pari, il faut savoir qu'il y a le risque de l'erreur ontologique, le risque de l'illusion. Il faut savoir que l'absolu est en même temps l'incertain. Il faut que nous sachions que, à un certain moment donné, nous engageons notre vie, d'autres vies, souvent sans le savoir et sans le vouloir. L'amour est un risque terrible car ce n'est pas seulement soi que l'on engage. On engage la personne aimée, on engage aussi ceux qui nous aiment sans qu'on les aime, et ceux qui l'aiment sans qu'elle les aime."

"Mais, comme disait Platon de l'immortalité de l'âme, c'est un beau risque à courir. L'amour est un très beau mythe. Évidemment, il est condamné à l'errance et à l'incertitude: 'Est-ce bien moi? Est-ce bien elle? Est-ce bien nous?' "

"Avons-nous la réponse absolue et cette question? L'amour peut aller du foudroiement à la dérive. Il possède en lui le sentiment de vérité, mais rien n'est plus trompeur que le sentiment de vérité qui est à la source de nos erreurs les plus graves. Combien de malheureux (ses) se sont illusionné(e)s sur la 'femme de leur vie', l' 'homme de leur vie' !"

"Mais rien n'est plus pauvre qu'une vérité sans sentiment de vérité. Nous constatons la vérité que deux et deux font quatre, nous constatons la vérité que cette table est une table, et non pas une chaise, mais nous n'avons pas le sentiment de la vérité de cette proposition. Nous en savons seulement l'intellection. Or, il est certain que, sans sentiment de vérité, il n'est pas de vérité vécue. Mais justement, ce qui est la source de la plus grande vérité est en même temps la source de la plus grave erreur."

"C'est pour ça que l'amour est peut-être notre plus vraie religion et en même temps notre plus vraie maladie mentale. Nous oscillons entre ces deux pôles aussi réels l'un que l'autre. Mais dans cette vérité, ce qu'il y a d'extraordinaire. C'est que notre vérité personnelle est révélée et apportée par l'autre. En même temps, nous voyons et nous découvrons la vérité de l'autre dans l'amour."

"L'authenticité de l'amour, ce n'est pas seulement de projeter notre vérité sur l'autre et finalement ne voir l'autre que selon nos yeux, c'est de nous laisser contaminer par la vérité de l'autre. Il ne faut pas être comme ces croyants qui trouvent ce qu'ils cherchent parce qu'ils ont projeté la réponse qu'ils attendaient. Et c'est ça, aussi, la tragédie: nous portons en nous un tel besoin d'amour que parfois une rencontre au bon moment ou peut-être au mauvais moment déclenche le processus du foudroiement, de la fascination."

"À ce moment-là, nous avons projeté sur autrui ce besoin d'amour, nous l'avons fixé, durci, et nous ignorons l'autre qui est devenu notre image, notre totem. Nous l'ignorons en croyant l'adorer. C'est là, effectivement, une des tragédies de l'amour. L'incompréhension de soi et de l'autre. Mais la beauté de l'amour, c'est l'interprétation de la vérité de l'autre en soi, de celle de soi en l'autre, c'est de trouver sa vérité à travers l'altérité."

"La question de l'amour revient à cette possession réciproque: posséder ce qui nous possède. Nous sommes des individus produits par des processus qui nous ont précédés: Nous sommes possédés par des choses qui nous dépassent, et qui iront au-delà de nous mais, d'une certaine façon, nous sommes capables de les posséder. Nous ne les utilisons pas pour nous égoïstement mais pour constituer la trame et l'expérience même de la vie. La recherche de l'amour est, selon la formule de Rimbaud, la recherche d'une vérité qui soit à la fois dans une âme et dans un corps."

"L'amour n'est-il qu'une chimère? N'est-il que le résultat d'un calcul intéressé? Rien ne permet de penser que ceux qui disent s'être mis à vivre ensemble par amour n'éprouvent pas ce sentiment. Mais il serait erroné de limiter le sentiment amoureux à des préférences inexplicables ou à des besoins mystérieux se développant hors de toute inscription sociale. Le lien qui se forme entre deux personnes lors d'une rencontre amoureuse a un contenu social."

"En somme, l'amour ne révolutionne guère la structure sociale, parce qu'il est lui-même structuré par des contraintes invisibles. Le jeu ségrégatif de la sociabilité, la distribution sociale des goûts et des préférences, la structure inégalitaire des rapports entre hommes et femmes orientent avec fermeté les choix conjugaux, aussi spontanés et romanesques qu'ils paraissent."

"On peut se dire en amour même si le couple va très mal. La notion d'amour est très abstraite. Des femmes battues vont dire 'je l'aime quand même'..."

"F. Benoît et co. notent dans le vocabulaire actuel sur le couple un rapprochement entre rapports amoureux et rapports marchands.
Aujourd'hui, on déclare 'investir dans une relation'; 'se caser, c'est un placement'; 'se fiancer, c'est se financer'; 'on fait des ententes avec son partenaire, on passe un marché mais il arrive que celui-ci ne soit plus rentable'; c'est alors qu'on parle d'échec et même de la 'faillite de la relation'."

vendredi 25 novembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 10e partie

RÉSUMÉ DE LA SITUATION MARITALE:

Monsieur Renaud et Madame Lorette ont vécu maritalement durant vingt-neuf (29) ans. De cette union sont nés deux (2) enfants soit Roger, aujourd’hui âgé de vingt (20) ans, et Josette aujourd’hui âgée de onze (11) ans dont la garde est actuellement confiée à la mère.

Aux dires de Madame Lorette, un climat de violence aurait régné à la maison longtemps avant la séparation du couple. Le 20 novembre, sentant sa sécurité et celle de sa fille menacée par le comportement présumément agressif de Monsieur Renaud, Madame a fait appel aux policiers. Afin d’éviter que la situation ne dégénère et ne conduise à des actes de violence plus graves, Madame aurait alors choisi de se réfugier avec sa fille Josette dans un centre d’hébergement pour femmes en difficultés où elles seraient demeurées.

Durant cette période, Josette qui craignait de subir des menaces et du harcèlement de la part de son père dans son milieu scolaire, aurait été transférée temporairement d’école près du centre d’hébergement. Me T.P. a été nommée procureure de Josette, et ce dans le but que l’enfant renoue des liens et reprenne contact avec son père dès que possible.

Entre-temps, Madame qui devait quitter le centre d’hébergement, désirait que son enfant puisse réintégrer son environnement usuel. Elle aurait trouvé un logement dans un H.L.M. situé dans son ancien quartier. Ne pouvant prendre possession de son logement, Madame déposait une requête à la Cour afin d’obtenir la garde de son enfant ainsi qu’une pension alimentaire. Elle demandait que Monsieur qui co-habitait alors avec leur fils Roger dans la résidence familiale lui cède la maison pour une période temporaire d’un (1) mois, et ce, afin de permettre à l’enfant de retourner fréquenter son école.

Les parties se sont entendues pour partager l’usufruit de la résidence de façon exclusive, hors de la présence de l’autre, à savoir pour Madame et sa fille, les jours de semaine de 16h15 à 8h00 le lendemain matin, ainsi que durant toute la fin de semaine du vendredi 16h15 au lundi 8h00. Il fut aussi convenu que Monsieur pourrait occuper le domicile familial de 8h00 à 16h00 durant les jours de semaine, cette entente étant valide pour le mois de mars 2001 seulement.

Vers le mois, la fillette aurait eu des contrats avec son père à raison de trois (3) dimanches consécutifs, contacts qui se seraient avérés satisfaisants selon le père. Une requête pour changement de garde intérimaire était présentée à la Cour par Monsieur.

L’enfant aurait avisé son père qu’elle ne pourrait le voir comme prévu, pour cause de maladie. Par la suite, il semble que la fillette ait refusé d’avoir d’autres contacts prévus avec son père, et que Madame se soit objectée à ce que Monsieur ait des droits d’accès auprès de sa fille. Dans sa requête, Monsieur allègue que Madame n’aurait pas à cœur le meilleur intérêt de Josette, qu’elle ne serait pas apte à en assumer la garde, et qu’elle tenterait d’aliéner l’affection du père à l’égard de l’enfant de l’enfant. De plus, Monsieur stipule que Madame a créé, par son attitude, un climat de peur entre lui et son enfant, faisant de celle-ci l’objet de sa propre vengeance envers Monsieur.

Les parties auraient convenu d’une entente stipulant que Monsieur pourrait bénéficier de droits d’accès avec l’enfant Josette tous les dimanches entre 11h00 et 17h30 et qu’il aille la chercher et la reconduire à un endroit convenu entre les parties; que Madame s’engageait à favoriser le droit d’accès entre Josette et son père; que les parties s’engageaient à ne pas parler de l’autre partie ou du dossier à l’enfant; et à ce qu’une expertise d’évaluation psychosociale soit réalisée par nous dans le cadre du présent dossier.

Monsieur nous dira croire que Madame aurait eu « une aventure » à un certain moment parce que le couple s’était chicané. Il explique : « Il fallait que cela aille mal avec moi pour justifier ses gestes », signifiant que Madame, incapable de porter ses responsabilités, lui « faisait porter le chapeau ». Celui-ci raconte qu’étant jeune, Madame faisait des fugues à ses parents adoptifs, et qu’à l’âge de treize (13) ans ou quatorze (14) ans, elle avait été laissée à elle-même. Il dira : « Elle n’a pas eu une enfance facile, elle s’est débrouillée toute seule ». On sent dans les propos de Monsieur que celui-ci a tendance à blâmer Madame pour leurs difficultés conjugales.

Sur sa vie de couple avec elle, il nous dira : « Elle ne voulait pas revenir sur les situations conflictuelles, n’admettait pas des torts ». Monsieur nous dit attribuer la hargne de Madame à son endroit au fait que quelqu’un lui aurait fait du mal, « sans doute son petit blond en la quittant, mais c’est pas moi ». Il dira croire qu’il « paie à la place de l’autre ». Il ajoute avec beaucoup d’émotion : « Je ne m’en remettrai jamais… (faisant référence à la séparation du couple) C’est comme pour mon frère… (faisant référence à son décès) ». Interrogé sur ses agirs agressifs, Monsieur précise que « ce sont les émotions qui lui font faire des choses… ».

Sur les circonstances qui auraient mené à la séparation, Monsieur dira simplement que Madame faisait tout pour démontrer qu’il n’était pas correct. Monsieur se dit persuadé que le départ de Madame avec sa fille était un geste planifié. Madame aurait menacé de quitter Monsieur, et il semble qu’elle aurait alors fait une demande de location de H.L.M. La situation serait par la suite rentrée dans l’ordre ce qui aurait amené Monsieur à entretenir l’espoir que la situation s’améliore définitivement.

Durant cette période, Madame serait allée en thérapie, et Monsieur dira avoir constaté certains changements chez elle suite à cela. Par exemple, Madame aurait demandé à Monsieur de ne pas fumer à la maison. Monsieur dira qu’elle est devenue « hyper-menteuse », d’une « sincérité-douteuse ». Il ajoute que si Madame n’était jamais partie, il ne l’aurait jamais laissée.

Concernant ses capacités parentales, Monsieur dira considérer que ses forces principales sont la patience et l’amour. Sur ses faiblesses en tant que parent, Monsieur nous dira « avoir été trop pris par le travail par le passé et par les chicanes avec Madame. Questionné sur les forces de l’autre parent, Monsieur nous dira considérer Madame Lorette comme une « bonne mère de famille mais que celle-ci laisse peu ou pas de place pour les autres… ». Concernant les faiblesses de cette dernière, il dira qu’elle est « menteuse et manipulatrice », qu’elle aime faire croire toutes sortes de choses pour le discréditer auprès de sa fille et qu’elle ne travaille pas honnêtement… ». Interrogé sur ce que Madame pourrait dire de lui « qu’il fume de la marijuana et qu’il est agressif en paroles ».

Concernant sa fille, Monsieur la décrit comme une enfant qui aime beaucoup les animaux, qui aime jouer, qui est toujours souriante, qui pleure lorsqu’elle est fatiguée. Elle aime les poupées, le patin à roulettes, la bicyclette, la baignade, les jeux de Nintendo, et des émissions télé telles que « Watatatow » et « Radio enfer ». Monsieur mentionne que Josette aime aussi jouer au soccer, et qu’il serait allé la voir s’exécuter à trois (3) reprises. Monsieur considère que Josette ne présente aucun problème de comportement particulier.

Questionné sur les caractéristiques ou les besoins particuliers de Josette, Monsieur dira d’emblée qu’il est persuadé que l’enfant doit demeurer à la maison où elle a toujours vécu, près de son école et de ses amis. Comme il entend prendre sa retraite sous peu, il considère qu’il sera alors totalement disponible pour s’occuper de son éducation et assurer auprès d’elle une présence nécessaire. Monsieur croit que les parents devraient aider leurs enfants dans leurs travaux scolaires, spécifiant qu’il n’a jamais pu remplir ce rôle auprès des siens à cause de son horaire de travail. Il s’en est toujours remis à Madame pour ce faire étant donné sa grande disponibilité.

Interrogé sur son organisation personnelle dans l’éventualité où il obtiendrait la garde exclusive de sa fille, Monsieur nous dira qu’il vivrait avec l’enfant ainsi que son fils Roger, âgé de vingt (20) ans, et qu’il en assumerait la responsabilité durant le jour ainsi que le soir. Concernant la discipline qu’il imposerait à sa fille il répond : « Je lui expliquerais le gros bon sens, ou je la punirais en coupant certaines émissions ».

Monsieur nous dira constater que Madame Lorette ne démontre aucune ouverture dans le but d’aider ou d’améliorer leurs relations mutuelles face à leurs devoirs parentaux. Monsieur considère que Madame, par son attitude et par ses gestes, a contribué à ce que l’enfant le prenne en aversion. À ce titre il dira : « Il n’y a rien à faire… ». Il commente : « Après trois (3) mois passés dans un centre d’accueil pour femmes battues, ma fille e entendu tout ce qui pouvait être entendu par toutes ces femmes… Après, elle ne veut plus me voir… Tous les papas ne sont pas gentils aux yeux de ma fille… ». Il ajoute que Madame « cherche la chicane », et qu’elle l’aurait toujours considéré comme le principal responsable des problèmes familiaux ce qui aurait fortement marqué la perception de l’enfant à son égard. Monsieur dit éprouver beaucoup de difficulté à accepter le fait que sa fille le rejette. Monsieur raconte qu’après un (1) mois et demi de séparation sans avoir de contact avec sa fille, il serait allé la voir à l’école à une reprise ainsi qu’une autre fois la semaine suivante. Par la suite, il dira avoir reçu « des menaces » de la part de Madame qui l’accusait de faire du harcèlement à l’endroit de l’enfant.

Éléments d’évaluation des capacités parentales

En ce qui a trait à ses capacités parentales, celles-ci ont été évaluées en fonction de plusieurs critères, soit : le lien d’attachement mère-enfant, le profil psychologique, le mode de vie, la capacité de répondre aux besoins de l’enfant, la capacité de lui fournir l’encadrement dont il a besoin, la stabilité et la continuité de l’implication et la connaissance des étapes du développement d’un enfant.

En ce qui a trait à ses capacités parentales, Madame Lorette. est un individu sans aucune limite intellectuelle susceptible d’avoir un impact sur sa capacité à exercer son rôle. Pour ce qui est de la réponse aux besoins affectifs, le profil obtenu au P.S.I. (Parental Stress Index) s’avère sans particularité indiquant l’absence de facteurs de stress clairement significatifs susceptibles de venir jouer un rôle déterminant dans la prise en charge de l’enfant mis à part les difficultés particulières rencontrées par son enfant vis-à-vis de son père.

Au plan de la prise en charge de son enfant, elle apparaît capable d’assurer une stabilité et une continuité auprès de Josette mais se montre plutôt démunie au niveau de l’intervention en ce qui a trait aux difficultés relationnelles éprouvées par sa fille à l’égard de son père. Madame a aussi tendance à se montrer surprotectrice face à Josette ce qui n’encourage en rien le développement de son autonomie. De plus, Madame aurait avantage à démontrer par ses propres attitudes (conflit avec Roger) l’exemple pour Josette qu’il est possible de régler des situations problématiques et de développer des stratégies de résolutions de conflits.

ÉVALUATION DE L’ENFANT JOSETTE.

Josette est une jeune fille âgée de onze (11) ans, inscrite à l’école où elle est en cinquième année.

À la première entrevue, la jeune fille nous raconte les moments de grande tension qui ont coïncidé avec son départ du domicile familial avec sa mère. L’enfant nous raconte se souvenir des gestes de son père qui « frappait dans les murs la nuit…montait la musique au bout… » ainsi que des sentiments de peur qu’elle a ressentis et dont elle se dit encore affectée aujourd’hui à l’égard de son père. Josette nous parle de la fameuse nuit du 20 novembre où elle nous dira qu’elle entendait « cogner dans les murs et chuchoter… ». Elle nous dira avoir eu très peur et avoir crié cette nuit-là. Son père serait alors sorti dehors et elle serait alors allée rejoindre sa mère dans son lit.

Questionnée sur sa perception de sa situation familiale, Josette rapporte que « son père criait beaucoup après sa mère » et qu’elle aurait assisté à plusieurs disputes entre ses parents. Elle mentionne en parlant de son père : « Je devais toujours aller lui donner un bec le soir », insinuant qu’elle s’y sentait obligée. Elle l’entendait répondre : « C’est moi qui l’ai faite vivre, et elle ne vient même pas m’embrasser… ». La fillette nous dira qu’il est arrivé que son père lui dise : « Ta mère va voir des hommes ».

Quant au type de relations entre les membres de la famille avant la séparation, Josette nous dit avoir constaté un grand attachement du père envers son frère comparé aux sentiments démontrés envers elle. Au quotidien, la famille se réunissait au souper : son père parlait de son travail, son frère allait parfois souper chez des amis. Aux dires de l’enfant, Monsieur Renaud faisait davantage d’activités (particulièrement centrées sur la pratique de la chasse et de la pêche) avec son frère Roger mais très peu avec elle. Elle ajoute : « Ou mon père s’arrangeait pour que tout le monde aille avec lui, ou il s’en allait seul avec Roger ». La jeune fille raconte que les activités qu’elle faisait avec son père se limitaient à aller « dans le champ des chevreuils » pour les nourrir ou d’aller à la chasse en compagnie de sa mère et de son frère. Elle explique : « Il a jamais voulu être avec moi, m’emmener à nulle part. Moi je voulais y aller. Ça me faisait de la peine, je pleurais. Il me répondait crisse de braillarde. Et là, il disait t’es juste une crisse de braillarde, c’est pour ça que je ne t’emmène pas ». Elle conclue : « Quand j’y vais, il est pas fin ». Ou encore, « C’est toujours moi qui devais faire les premiers pas, comme pour aller lui donner un bec le soir. Même s’il était tard, c’était toujours moi qui devait aller le voir ». Josette ne nie pas ressentir un attachement plus grand envers sa mère, avec qui elle joue à des jeux de société, fait du magasinage et dit passer beaucoup de bon temps.

Malgré certaines critiques exprimées à l’endroit de son grand frère Roger âgé de vingt et un (21) ans, (la jeune fille nous ayant dit à la première entrevue le trouver « méchant » car celui-ci lui disait que « sa mère était méchante », nous constatons néanmoins un sentiment d’attachement réel de l’enfant envers lui. Lors d’une deuxième entrevue, elle dira déplorer le fait d’être séparée de lui et s’en ennuyer. Le temps qu’ils étaient réunis, nous dira-t-elle, il l’emmenait partout, chez Canadian Tire…, il jouait avec elle. Elle nous dira regretter de ne plus l’avoir à ses côtés, « mais il criait après sa mère et moi j’allais souvent pleurer dans ma chambre ».

Sur les directives de son avocate, la jeune fille aurait eu trois (3) contacts avec son père depuis la séparation. Selon les dires de l’enfant, il semble que son père lui aurait fait cette mise en garde : « Si tu dis que je parle en mal de ta mère, on ne pourra plus se voir ». Cependant, Josette nous dit qu’il continue de parler contre sa mère. Elle précise : « J’y suis retournée trois (3) fois, ça faisait trois (3) fois qu’il était pareil ». Elle mentionne aussi des appels téléphoniques où son père aurait sollicité de la voir et qu’elle décrit comme suit : « Ça n’a pas l’air naturel, ça vient pas de lui on dirait, ça paraît qu’il n’est pas naturel ». Elle ajoute « Je ne me sens pas à l’aise, et tout ça… ». Josette nous mentionne à plusieurs reprises ressentir de la peur en présence de son père.

En entrevue elle nous dira : « Je ne pense pas que mon père m’aime ». Elle ajoute que sa performance ainsi que ses résultats scolaires ont été affectés depuis la séparation parce qu’elle avait peur que son père aille la relancer à l’école.

L’enfant nous dira « aimer son père un peu, mais… ». Manifestement, l’enfant semble démontrer un attachement davantage tourné vers la mère. Récemment, son père l’aurait invitée pour aller voir le chat dont il venait de faire l’acquisition. Sur ce, la jeune fille commente : « Avant, il ne voulait même pas que je puisse avoir des animaux. Maintenant il dit que c’est OK ». Elle nous dira avoir peur de lui, et ne pas avoir le goût d’aller le voir. Elle ajoute : « Je ne vois pas pourquoi il aurait changé. Il a toujours été méchant ave moi, il ne s’est jamais occupé de moi ».

Josette nous parle d’activités auxquelles elle s’adonne dont le soccer. Son équipe a gagné une médaille d’argent lors d’un dernier tournoi. Elle se dit contente de vivre en appartement avec sa mère, et nous dit avoir maintenant un cochon d’Inde comme animal de compagnie. Josette nous dira que sa mère souhaite que son père vienne la voir à l’occasion. Il arrive que Roger aille la voir au sortir de l’école ce qu’elle dit apprécier. Il se serait présenté un jour avec Monsieur Renaud La jeune fille raconte que son père lui aurait tiré sur le chandail pour la forcer à rentrer dans le camion, et elle dit craindre que la même chose ne se reproduise. Elle nous dira : « Ma mère disait il va se calmer, mais il ne se calmait pas ».

Au moment de notre évaluation, l’enfant s’est rendue dans un camp de vacances auquel sa mère l’avait inscrite. Elle n’y est demeurée que quelques jours parce qu’elle dit-elle, elle ne se sentait pas bien. Madame Lorette est alors allée la chercher.

RECOMMANDATIONS

Nous sommes en présence d’une situation familiale très détériorée. D’une part, les parents quoique présentant tous les deux des ressources intéressantes bien que différentes, entretiennent encore des conflits dont ils arrivent mal à se dégager. Conséquemment, ils ont tendance à se faire porter mutuellement la responsabilité de la détérioration de la situation actuelle.

La dynamique relationnelle entretenue entre les parents demeure très problématique et se trouve agie sur un mode agressif voire destructeur. La communication est inexistante rendant ainsi difficile voire impossible toute négociation et/ou entente pour le meilleur intérêt de l’enfant et alimentant la perception de la mauvaise fois de l’autre partie. La réalité quotidienne semble constamment interprétée comme de la mauvaise foi et de façon négative par chacune des parties.

Ainsi, les parents n’arrivant pas à résoudre adéquatement leur rupture et les désaccords conséquents, l’enfant se retrouve au cœur même de leurs conflits. Conséquemment, cette enfant est donc placée dans une position inconfortable et insupportable pour son âge chronologique et son niveau de maturité. Cette situation entraîne donc des malaises importants pour Josette et pourrait, si ce n’est déjà fait, altérer considérablement tant son développement que son mode de fonctionnement si elle demeurait inchangée.

À l’étude exhaustive de ce dossier, il ressort que les problèmes depuis la rupture du couple existaient bien avant leur séparation. Cette situation de crise familiale existait depuis plusieurs années et a engendré beaucoup de stress, et une désorganisation généralisée au sein de la famille se traduisant par un clivage important et la formation de deux
(2) clans distincts. Il ressort que les différences individuelles et les caractéristiques inhérentes à chacun sont si grandes qu’il s’est avéré impossible de réconcilier ces différences ou de les aplanir de sorte à ce que la poursuite de la vie commune soit encore possible.

Que ce soit face aux décisions importantes à prendre concernant l’éducation des enfants, les méthodes éducatives ou la façon de gérer le quotidien et le mode de vie, ce couple a vécu dans des querelles quasi quotidiennes depuis les dernières années qui ont engendré des conflits d’allégeance énormes chez les deux (2) enfants. Ces conflits d’allégeance ont amené les enfants à prendre parti pour un parent contre l’autre ce qui, à notre avis, s’avère très dévastateur pour leur développement global et ce, tant au plan émotif que social. Les enfants (Roger et Josette) ne représentent pas un bien matériel qu’il faut se séparer ni un moyen de pression ou de négociation entre les ex-conjoints ce qui malheureusement est le cas dans la dynamique qui prévaut aujourd’hui. Dans ce contexte, une garde partagée en ce qui concerne Josette s’avère difficilement envisageable.

L’étude de la littérature démontre clairement que la garde partagée peut être tout à fait contre-indiquée pour les enfants qui sont pris à témoin dans des conflits conjugaux. De même, il ressort que plus les conflits conjugaux persistent et impliquent directement ou indirectement les enfants, moins la garde partagée est indiquée, la qualité de l’interaction entre les conjoints, avant et après la rupture jouant un rôle important dans l’adaptation de l’enfant après un divorce.

À notre avis, cette enfant doit être soustraite aux conflits parentaux ainsi qu’à toute forme de violence et/ou de dénigrement à l’égard de l’un ou l’autre des parents afin de lui permettre de vivre un répit face à sa situation familiale. Il est essentiel que cesse l’escalade des représailles dirigées contre l’une ou l’autre des parties.

Il nous apparaît clair que dans le meilleur intérêt de cette enfant, les contacts avec le père doivent être encouragés mais il faudra de l’aide professionnelle pour Josette afin de désensibiliser ses peurs et d’interpréter au père les besoins affectifs de son enfant. Monsieur devra améliorer son contrôle interne, apprendre à mieux gérer son deuil afin que Josette ne soit plus soumise à des agirs pouvant avoir des répercussions majeures sur son développement.

Afin d’établir les modalités de garde, il faut tenir compte du lien d’attachement entretenu entre l’enfant et son parent et du niveau d’investissement (Primary caretaker) que le parent a entretenu avec son enfant depuis sa naissance. Plusieurs recherches démontrent clairement que l’ajustement des enfants suite au divorce est relié significativement à la qualité de la relation qu’ils entretiennent avec leurs parents.

Dans la famille demeurée intacte, le fait d’avoir une bonne relation avec au moins un (1) des deux (2) parents agit comme facteur de protection contre les effets néfastes liés à une mauvaise relation avec l’autre parent. Toutefois, quand les relations entre un parent et un enfant sont problématiques et/ou tendues ou que le parent ne démontre pas les habiletés nécessaires pour répondre aux besoins de l’enfant, le fait de se retrouver seul au quotidien pour s’occuper de l’enfant peut s’avérer très difficile. Les recherches démontrent que si un enfant n’entretient pas une bonne relation avec un de ses parents, il est préférable pour cet enfant de demeurer avec le parent avec qui il entretient une bonne relation avec des visites occasionnelles chez l’autre parent.

De même, les résultats de recherche visant à examiner l’effet du conflit parental sur l’ajustement des enfants en garde unique et en garde partagée démontrent que les enfants ont tendance, dans un tel contexte de conflit, à présenter plus de traits dépressifs, à se trouver plus en retrait, à être moins communicatifs et souvent plus agressifs. De plus, les enfants n’apprennent pas à résoudre les conflits de façon appropriée et risquent de développer des troubles de comportement, dont des conduites antisociales. Il semble que l’anxiété du parent et les faibles aptitudes parentales qui y sont reliées, de même que l’hostilité et l’agression parentale constituent des facteurs de risque ce qui entraîne que les enfants sont plus à risque de développer des dysfonctions.

À partir des données recueillies au cours de la présente évaluation et des observations que nous avons effectuées, nous soumettons donc les recommandations suivantes :

• Nous suggérons à la Cour de confier à Madame Lorette la garde principale de l’enfant. Nous suggérons aussi à Madame de recourir à de l’aide professionnelle, possiblement par le biais des services de son C.L.S.C. afin d’améliorer ses capacités parentales, régler le conflit existant avec son fils Roger et afin de fournir à Josette le support dont elle a besoin dans les circonstances particulières dans lesquelles elle se trouve actuellement;
• Des droits d’accès à raison d’une (1) fin de semaine sur deux (2) pour Monsieur, du vendredi soir 18h00 au dimanche soir 18h00, et ce, après que l’enfant et le père aient pu bénéficier de l’aide professionnelle requise pour instaurer un climat de sécurité chez l’enfant;
• Le partage du congé de la période des Fêtes de façon à ce que l’enfant puisse bénéficier de la présence de ses parents pour une période d’une (1) semaine, en alternance d’une année à l’autre pour la Fête de Noël et du Jour de l’An;
• Concernant les vacances estivales, une période d’une (1) à deux (2) semaines pourrait être envisagée;
• Que l’enfant puisse passé la Fête des Mères avec sa mère;
• Que l’enfant passe la Fête des Pères avec son père;
• Des contacts téléphoniques réguliers entre le parent et l’enfant devraient être privilégiés;
• Toute discussion entre les parties en présence de l’enfant devrait être évités en tout temps que ce soit lors des transitions ou lors des contacts téléphoniques;
• Il va sans dire que tout autre contact convenu entre les parties pourra être mis en place pour le bénéfice de Josette;
• Que les parents recourent à des services professionnels pour eux-mêmes et pour Josette.

dimanche 20 novembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 9e partie

Éléments d’évaluation des capacités parentales - 3ième cas (suite)
Au plan des capacités parentales, celles-ci ont été évaluées en fonction de plusieurs critères, soit : le lien d’attachement père-enfant, le profil psychologique, le mode de vie, la capacité de répondre aux besoins de l’enfant, la capacité de lui fournir l’encadrement dont il a besoin, la stabilité et la continuité de l’implication et la connaissance des étapes du développement d’un enfant.

En ce qui a trait à ses capacités parentales, Monsieur Renaud est un individu sans aucune limite intellectuelle susceptible d’avoir un impact sur sa capacité à exercer son rôle. Pour ce qui est de la réponse aux besoins affectifs, le profil obtenu au P.S.I. (Parental Stress Index) s’avère sans particularité indiquant l’absence de facteurs de stress clairement significatifs susceptibles de venir jouer un rôle déterminant dans la prise en charge mis à part une difficulté manifeste du père à se montrer à l’écoute des besoins de son enfant.

Au cours du processus d’évaluation, nous avons organisé une rencontre entre l’enfant, son père et son frère à nos bureaux. Josette a montré des résistances importantes face au fait de se trouver dans la même pièce que son père. Elle nous avait téléphoné à deux (2) reprises pour tenter de remettre la rencontre. Nous avions alors demandé à la mère de demeurer à l’extérieur de nos bureaux (et même de la salle d’attente) pour la durée de l’entrevue. Nous avons alors demandé à l’enfant d’exprimer ce qu’elle ressent face au fait de se rendre à la maison pour visiter son père et son frère. L’enfant a alors pleuré abondamment et a exprimé à son père toute la difficulté qu’elle vit et/ou a vécu face au fait qu’elle considère que celui-ci ne s’est jamais occupé d’elle, qu’il ne lui trouvait jamais de qualité, qu’il passait tout son temps avec son frère qu’il se chicanait tout le temps avec sa mère etc…. La rencontre a duré près d’une heure et l’enfant a pleuré pendant presque toute la session se trouvant visiblement aux prises avec des sentiments de peur face à son père. Celui-ci est demeuré calme et semblait très surpris des propos de sa fille. Quant au frère, celui-ci nous dira par la suite ne jamais avoir vu sa sœur exprimer tout cela.

Nous croyons tout de même que le lien d’attachement de Monsieur envers sa fille est indéniable. Par ailleurs, le lien d’attachement de l’enfant envers son père apparaît présent mais très fragile. Monsieur ne semble pas avoir suffisamment de notions pour répondre aux besoins d’encadrement d’un enfant.

Les interactions interpersonnelles ne semblent pas empreintes d’amour, d’affection, de respect et d’écoute des besoins de son enfant. Le mode de vie de Monsieur semble adéquat mais la qualité et la continuité de son implication auprès de l’enfant apparaissent de moindre qualité. Le profil psychologique actuel du sujet peut interférer avec sa capacité de répondre adéquatement aux besoins de l’enfant surtout en ce qui a trait à la compréhension des besoins affectifs de son enfant surtout en ce qui a trait à la compréhension des besoins affectifs de son enfant. Monsieur semble démontrer peu d’autocritique face à son comportement et face à ses attitudes. Il devra démontrer plus d’autocritique et une motivation à se réajuster le cas échéant. De plus, le degré de conflit avec Madame place cette enfant dans une position de vulnérabilité qui semble d’ores et déjà lui être préjudiciable.

HISTOIRE RELATIONNELLE ET DÉVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE DE Madame Lorette
Données d’entrevue et impressions cliniques
Madame Lorette est âgée de quarante-six (46) ans. Les parents de Madame sont décédés à tour de rôle, au terme de trente-cinq (35) ans de vie commune. Madame a un frère aĝé de quarante-cinq (45) ans qui exerce le métier de mécanicien, ainsi qu’une sœur âgée de soixante-dix (70) ans, professeure à la retraite. Le frère et la sœur de Madame sont célibataires. Aux dires de Madame, ses parents semblaient avoir une relation harmonieuse.

Madame rapporte qu’elle s’entendait bien avec ses parents, mise à part la période de l’adolescence où Madame a voulu « voler de ses propres ailes ». Concernant la discipline imposée à la maison, Madame dira : « Il n’y avait pas beaucoup de dialogue, il fallait écouter et c’était OK ». Madame dira qu’avec du recul, la bonne façon serait de « faire comprendre pourquoi il faut faire telle chose au lieu d’une autre ».
Madame n’occupe pas d’emploi actuellement. Par le passé, elle avait occupé le poste d’empaqueteuse de biscuits, de gardienne, de journalière-caissière dans une boulangerie, ainsi que celui de cuisinière et préposée au service médical à la résidence-Joelle. Aujourd’hui, Madame dira avoir pour passe-temps la cuisine, la marche ainsi que la lecture. Elle aime les jeux de société, jouer aux cartes, et aller au parc assister à des parties de soccer. Elle a le désir de suivre des études en cuisine afin d’obtenir un diplôme de cuisine d’établissement. Elle désire aussi compléter ses études secondaires.

Madame dira avoir toujours aimé fréquenter l’école. Cependant, à l’étape des deuxième ou troisième secondaires, Madame dira avoir considéré l’école comme une perte de temps et avoir préféré intégrer le marché du travail. Elle mentionne avoir aussi toujours aimé travailler. Elle dira : « J’ai toujours eu envie d’aller travailler à chaque matin », ajoutant : « Quoique je fasse, je m’investis à fond et j’aime ça ». Madame se dira désireuse de suivre des cours de cuisine afin de se trouver un bon emploi dans ce domaine.
Sur ses fréquentations actuelles, Madame nous dira avoir des amies qui lui font un grand bien et qui la comprennent sans la juger.
Concernant ses relations affectives, Madame n’aurait pas eu d’autre union significative avant ses années de vie conjugale avec Monsieur Renaud. Elle nous dira avoir entretenu plutôt des relations ponctuelles.

Madame Lorette et Monsieur Renaud auraient débuté leur relation alors qu’ils étaient respectivement âgés de seize (16) et de dix-huit (18) ans. De leur union est né un premier enfant, aujourd’hui âgé de vingt et un ans (21). Une deuxième enfant naquit plusieurs années plus tard, aujourd’hui âgée de onze (11) ans. Madame nous dira que cette grossesse était non planifiée, et que Monsieur ne la désirait pas.

Il semble que dès les premières années de leur vie commune, Madame ait craint son conjoint qui se serait rapidement comporté, selon elle, comme « un homme violent, manipulateur, jaloux, qui l’accusait injustement, lui interdisait de sortir, la surveillait constamment, la suivait… ».

Par ailleurs, Madame nous dira que pendant seize (16) ans, elle apportait le petit-déjeuner au lit à son conjoint tous les matins. Elle dira : « J’étais dans ma bulle, j’étais heureuse comme ça… ».

Elle nous confie que son conjoint l’accusait souvent de le tromper avec son frère. Elle attribue cette interprétation de Monsieur au fait que la mère de celui-ci aurait par le passé commis les gestes qu’il lui reprochait, en spécifiant qu’il faisait là « un genre de projection ». Madame nous dira que durant toute leur vie commune, son ex-conjoint lui faisait des reproches, voire des menaces et du harcèlement parce qu’il lui reprochait qu’elle « couchait avec des garçons avant de le connaître ». elle ajoutera « ne pas comprendre pourquoi elle a enduré tout ça… ».

Madame explique les circonstances ayant mené à la séparation comme suit : une altercation serait survenue entre Madame et son fils Roger relativement à la consommation de marijuana de celui-ci. Madame nous dira que le père et le fils s’y adonnaient ensemble et qu’ils étaient très complices sur cette question. À ce propos, Madame raconte que son ex-conjoint se serait approprié de leur fils lors de la mort de son frère. À cette époque, il semble que Monsieur fumait de sept (7) à huit (8) joints par jour et avait pris Roger sous son aile. C’est à ce moment qu’ils auraient commencé à consommer ensemble.

Lors de l’incident du premier décembre, - Madame avait pris la décision de sortir les sacs de « pot » de la maison – Roger serait devenu très violent envers sa mère, ce qui l’aurait amenée à craindre pour sa sécurité. Madame nous dira : « il a pris son camion, m’a regardée avec des yeux de démon et a foncé sur moi…Il était devenu fou ». Madame aurait alors fait appel à la police, craignant que son fils ne mette à exécution les menaces qu’il venait de lui proférer, à savoir : « Souhaite que je crève avant toi, je vais t’en faire arracher toute ta vie… »

Le lendemain matin, il y aurait eu une autre altercation cette fois avec Monsieur Renaud qui aurait traité Madame de « putain » et de « salope ». C’est suite à cela que celle-ci aurait décidé de quitter le domicile familial pour se faire héberger dans un centre pour femmes en difficultés, avec sa fille Josette. Elle serait retournée à son domicile chercher leurs effets personnels accompagnée de la police.

Au cours du mois de mars, une entente serait intervenue entre elle et Monsieur Renaud afin que la mère et la fille puissent bénéficier du domicile familial les soirs et fins de semaine en l’absence de Monsieur. Madame raconte que son fils Roger demeurait à la maison, bien que les contacts aient été froids, ils demeureraient néanmoins corrects. Le jeune homme semblait passer beaucoup de temps au téléphone avec son père ou demeurait couché dans la chambre de Josette. Madame dira qu’elle avait depuis longtemps constaté que le père et le fils étaient « de connivence ». Elle mentionne que son fils lui aurait dit un jour : « Papa m’a tout conté sur sa vie…C’est normal que je prenne pour papa ». Elle ajoute : « Mon fils est violent physiquement et verbalement….Il a une colère contre moi…Il partait avec son père physiquement et verbalement…Il a une colère contre moi….Il partait avec son père et revenait enragé… ». Elle raconte qu’il lui aurait déjà « mis le poing sur le cou ».

Madame raconte que l’année avant son départ de la maison elle aurait suivi une thérapie au C.L.S.C. « pour savoir si elle était correcte ». Il semble qu’à cette époque son conjoint lui disait fréquemment : « Qu’est-ce que tu attends pour foutre le camp? ». Concernant leur enfant Josette, Madame explique qu’elle ne s’oppose pas à ce que Monsieur reprenne les contacts avec sa fille mais que celle-ci est terrorisée à l’idée de revoir son père. Madame se dit inquiète de l’attitude de sa file à l’endroit de son père. Il arrive à l’enfant d’être malade (vomissement, maux de tête, forte anxiété) lorsqu’il est question d’éventuelles rencontres avec son père. En entrevue, Madame nous dira que Josette avait toujours été malade, qui vomissait facilement.
Depuis la séparation, Madame dira qu’il est arrivé à Josette de se cacher dans le fond de la voiture pour éviter de voir son père. Madame avait constaté pour sa part que Monsieur avait toujours été un peu froid à l’égard de l’enfant et qu’il ne s’avançait pas beaucoup vers elle. Madame nous mentionne. « C’était la première fois, qu’il s’avançait pour embrasser Josette ». Madame nous relate que quelque temps après la séparation, le père et le fils se seraient rendus à l’école pour rencontrer Josette. Selon le récit de Madame, Monsieur aurait alors tiré l’enfant par le bras pour qu’elle entre de force dans le camion. Elle relate aussi une autre occasion où l’enfant avait été voir son frère au domicile familial et se serait « dépêchée » de revenir avant le retour du père à la maison, de peur d’avoir à le rencontrer.

Sur sa situation actuelle, Madame dira passer aujourd’hui beaucoup de temps avec sa fille qu’elle « adore », et fréquenter son frère, sa sœur et des amis qui lui apportent beaucoup de réconfort, de compréhension et d’entraide.

Madame décrit Josette comme une enfant « fine et très responsable, respectueuse et honnête, qui n’a besoin d’aucun soin particulier sinon de recevoir de l’amour sincère. L’enfant aime s’amuser aux jeux de Nintendo, aux jeux de société en général, elle aime la lecture, et aime se poster devant la télévision. Elle aime aussi pratiquer les sports tels que le soccer, le badminton, et aime jouer au ballon.

Josette n’aurait aucun problème de comportement particulier. Madame perçoit sa fille comme une enfant « qui a une bonne assurance et qui a confiance en elle, « côtés de sa personnalité que l’enfant développe davantage » depuis que Madame et son ex-conjoint sont séparés, dira-t-elle. Elle ajoute qu’il s’agit d’une enfant « fière, gentille, généreuse, joyeuse. Elle dénote chez elle une grande sensibilité et se dit convaincue que sa propre relation avec son ex-conjoint a une influence néfaste sur sa fille, « elle aussi ayant vécu ce pattern », faisant référence au conflit familial.

Concernant la discipline que Madame exerce sur l’enfant, Madame nous dira : « Je n’ai pas besoin d’imposer une discipline à Josette; elle est facile. Sauf pour ses leçons et ses devoirs, il faut que je pousse sans arrêt pour qu’elle finisse ses travaux à temps ».

Interrogée sur ce qu’elle croit posséder comme forces en tant que parent, Madame nous répond qu’elle a confiance en elle-même, et qu’elle enseigne à l’enfant à reconnaître ses propres capacités. Concernant ses faiblesses en tant que parent, Madame se décrira comme étant « couveuse », car, dit-elle, elle souhaite qu’il n’arrive rien de mal à ses enfants. Elle dit tenter de plus en plus laisser à l’enfant « ce qui lui appartient parce que cela la responsabilise ». Questionnée sur les forces et les faiblesses de l’autre parent, Madame dira simplement qu’elle ne veut pas répondre à cette question. À notre question à savoir ce qu’elle croit que son ex-conjoint pourrait dire à son sujet qui pourrait nuire à son image de parent, Madame dira être persuadée que Monsieur veut démontrer qu’elle n’est pas « une bonne mère et ce, par n’importe quel moyen ».

Les activités habituelles de Madame avec sa fille ont trait principalement aux leçons et aux devoirs auxquels Madame dit participer activement. Madame considère qu’il est bon que les parents aident leurs enfants dans leurs travaux scolaires. Ainsi, lorsque par exemple Josette a une recherche à faire et a besoin de documentation, elle l’accompagne à la bibliothèque ou se rend chez une amie qui a accès à l’internet. Si l’enfant ne comprend pas quelque chose, ou encore que celle-ci a des mots à mémoriser, elle l’accompagne dans ce processus.

Madame entrevoit très bien son avenir avec sa fille, et, dans l’éventualité où elle obtiendrait la garde exclusive de celle-ci, la vie ne serait pas différente d’aujourd’hui, dit-elle. Elle assumerait la responsabilité de sa fille durant la journée, ou si Madame travaille, elle la confierait alors à une amie ou une gardienne. Le soir, c’est Madame qui s’en occuperait.

mercredi 16 novembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 8e partie

RÉSUMÉ DE LA SITUATION - Troisième cas de détresse (suite)

HISTOIRE RELATIONNELLE ET DÉVELOPPEMENT PSYCHOLOGIQUE DE MONSIEUR RENAUD

Monsieur Renaud est âgé de quarante-huit (48) ans. Il est le troisième d’une famille de quatre (4) enfants comprenant trois (3) garçons et une fille aujourd’hui âgés entre vingt-neuf (29) et cinquante-quatre (54) ans. L’un des frères de Monsieur est décédé il y a quelques années. La cadette de la famille serait la demi-sœur de Monsieur.

Monsieur n’aurait pas connu son père, celui-ci étant décédé avant la naissance de Monsieur. Les membres de la famille auraient toujours été assez solidaires, et Monsieur aurait toujours eu et continuerait d’entretenir avec sa mère, ses frères et sa sœur d’excellentes relations.

Interrogé sur la forme de discipline qui était exercée à la maison durant son enfance, Monsieur nous répond : « Ma mère ne voulait pas que je sorte et c’était très bien comme ça ». Il mentionne que ses frères ont beaucoup remplacé le père qu’il n’avait pas et qu’étant le dernier de la famille, il n’aurait pas trop souffert de la situation. Il dira avoir un attachement particulier envers l’un d’eux avec qui il passait beaucoup de temps, « un mois et demi dans le bois » par exemple, et avec lequel il nous dira « avoir fait sont cheminement personnel ». Il nous dira avoir été très perturbé suite au décès de celui-ci.
Côté académique, Monsieur nous dira qu’il aimait bien l’école, « jusqu’à ce qu’on m’envoie à l’école anglaise », dira-t-il.

Monsieur occupe actuellement un poste de répartiteur à l’emploi de la Ville et ce, depuis de nombreuses années. Il travaille de nuit et sera d’ici peu admissible à la retraite. Auparavant, il aurait occupé un poste de journalier et de chauffeur. Il nous dira ne pas avoir beaucoup aimé ces emplois et préférer de beaucoup son travail actuel. Il nous dira « bien s’entendre avec tout le personnel à l’exception de mes gérants qui ne sont pas toujours d’accord avec mes décisions ».
Dans ses loisirs, Monsieur dit apprécier la marche en forêt, la chasse et la pêche, et pratiquer ces activités le plus souvent possible.

Sur sa vie conjugale, Monsieur décrit les vingt-cinq (25) premières années passées auprès de son ex-conjointe comme ayant été des années de « parfait bonheur », et des années de « grande complicité » dans le couple. C’est en 2009 que la situation aurait commencé à se détériorer suite à la relation privilégiée que Monsieur entretenait avec son frère jusqu’à son décès. Selon les propos de Monsieur, Madame avait de la difficulté à accepter leur relation de proximité et avait alors commencé à traiter Monsieur d’égoïste et d’égocentrique.

Monsieur nous fera croire que Madame aurait eu « une aventure » à un certain moment parce que le couple s’était chicané. Il explique : « Il fallait que cela aille mal avec moi pour justifier ses gestes », signifiant que Madame, incapable de porter ses responsabilités, lui « faisait porter le chapeau ». Celui-ci raconte qu’étant jeune, Madame faisait des fugues à ses parents adoptifs, et qu’à l’âge de treize (13) ou quatorze (14) ans, elle avait été laissée à elle-même. Il dira : « Elle n’a pas eu une enfance, facile, elle s’est débrouillée toute seule ». On sent dans les propos de Monsieur que celui-ci a tendance à blâmer Madame pour leurs difficultés conjugales.

Sur sa vie de couple avec elle, il nous dira : « Elle ne voulait pas revenir sur les situations conflictuelles, n’admettait pas ses torts ». Monsieur nous dit attribuer la hargne de Madame à son endroit au fait que quelqu’un lui aurait fait du mal, « sans doute son petit blond en la quittant, mais c’est pas moi ». Il dira croire qu’il « paie à la place de l’autre ». Il ajoute avec beaucoup d’émotion : « Je ne m’en remettrai jamais… (faisant référence à la séparation du couple) c’est comme pour mon frère…(faisant référence à son décès) ». Interrogé sur ses agirs agressifs, Monsieur précise que « ce sont les émotions qui lui font faire des choses… ».

Sur les circonstances qui auraient mené à la séparation. Monsieur dira simplement que Madame faisait tout pour démontrer qu’il n’était pas correct. Monsieur se dit persuadé que le départ de Madame avec sa fille était un geste planifié. En octobre, Madame aurait menacé de quitter Monsieur, et il semble qu’elle aurait alors fait une demande de location de H.L.M. La situation serait par la suite rentrée dans l’ordre ce qui aurait amené Monsieur à entretenir l’espoir que la situation s’améliore définitivement.

Durant cette période, Madame serait allée en thérapie, et Monsieur dira avoir constaté certains changements chez elle suite à cela. Par exemple, Madame aurait demandé à Monsieur de ne pas fumer à la maison. Monsieur dira avoir même soupçonné Madame d’avoir changé d’orientation sexuelle. Il dira qu’elle est devenue « hyper-menteuse », d’une « sincérité douteuse ». Il ajoute que si Madame n’était jamais partie, il ne l’aurait jamais laissée.

Concernant ses capacités parentales, Monsieur dira considérer que ses forces principales sont la patience et l’amour. Sur ses faiblesses en tant que parent, Monsieur nous dira « avoir été trop pris par le travail par le passé et par les chicanes avec Madame. Questionné sur les forces de l’autre parent, Monsieur nous dira considérer Madame comme une « bonne mère de famille mais que celle-ci laisse peu ou pas de place pour les autres… ». Concernant les faiblesses de cette dernière, il dira qu’elle est « menteuse et manipulatrice, qu’elle aime faire croire toutes sortes de choses pour le discréditer auprès de sa fille et qu’elle ne travaille pas honnêtement… ». Interrogé sur ce que Madame pourrait dire à son sujet auprès d’un évaluateur impartial, Monsieur croit que Madame pourrait dire de lui « qu’il fume de la marijuana et qu’il est agressif en paroles ».

Concernant sa fille, Monsieur la décrit comme une enfant qui aime beaucoup les animaux, qui aime jouer, qui est toujours souriante, qui pleur lorsqu’elle est fatiguée. Elle aime les poupées, le patin à roulettes, la bicyclette, la baignade, les jeux de Nintendo, et des émissions télé. Monsieur mentionne que Josette aime aussi jouer au soccer, et qu’il serait allé la voir s’exécuter à trois (3) reprises. Monsieur considère que Josette ne présente aucun problème de comportement particulier.

Questionné sur les caractéristiques ou les besoins particuliers de Josette Monsieur dira d’emblée qu’il est persuadé que l’enfant doit demeurer à la maison où elle a toujours vécu, près de son école et de ses amis. Comme il entend prendre sa retraite sous peu, il considère qu’il sera alors totalement disponible pour s’occuper de son éducation et assurer auprès d’elle une présence nécessaire. Monsieur croit que les parents devraient aider leurs enfants dans leurs travaux scolaires, spécifiant qu’il n’a jamais pu remplir ce rôle auprès des siens à cause de son horaire de travail. Il s’en est toujours remis à Madame pour ce faire étant donné sa grande responsabilité.

Interrogé sur son organisation personnelle dans l’éventualité où il obtiendrait la garde exclusive de sa fille, Monsieur nous dira qu’il vivrait avec l’enfant ainsi que son fils, âgé de vingt (20) ans, et qu’il en assumerait la responsabilité durant le jour ainsi que le soir. Concernant la discipline qu’il imposerait à sa fille il répond : « je lui expliquerais le gros bon sens, ou je la punirais en coupant certaines émissions ».

Monsieur nous dira constater que Madame Lorette ne démontre aucune ouverture dans le but d’aider ou d’améliorer leurs relations mutuelles face à leurs devoirs parentaux. Monsieur considère que Madame, par son attitude et par ses gestes, a contribué à ce que l’enfant la prenne en aversion. À ce titre il dira : « Il n’y a rien à faire »….Il commente : « Après trois (3) mois passés dans un centre d’accueil pour femmes battues, ma fille a entendu tout ce qui pouvait être entendu par toutes ces femmes….Après, elle ne veut plus me voir….Tous les papas ne sont pas gentils aux yeux de ma fille… ». Il ajoute que Madame « cherche la chicane », et qu’elle l’aurait toujours considéré comme le principal responsable des problèmes familiaux ce qui aurait fortement marqué la perception de l’enfant à son égard. Monsieur dit éprouver beaucoup de difficulté à accepter le fait que sa fille le rejette. Monsieur raconte qu’après un (1) mois et demi de séparation sans avoir de contact avec sa fille, il serait allé la voir à l’école à une reprise ainsi qu’une autre fois la semaine suivante. Par la suite, il dira avoir reçu « des menaces » de la part de Madame qu’il l’accusait de faire du harcèlement à l’endroit de l’enfant.

lundi 14 novembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 7e partie

RÉSUMÉ DE LA SITUATION - Troisième cas de détresse
Monsieur Ronald et Madame Lorette ont vécu maritalement durant vingt-neuf (29) ans. De cette union sont nés deux (2) enfants soit Roger, aujourd’hui âgé de vingt(20) ans, et Josette aujourd’hui âgée de onze (11) ans dont la garde est actuellement confiée à la mère.

Aux dires de Madame Lorette un climat de violence aurait régné à la maison longtemps avant la séparation du couple. Le 1er décembre, sentant sa sécurité et celle de sa fille menacée par le comportement présumément agressif de Monsieur, Madame a fait appel aux policiers. Afin d’éviter que la situation ne dégénère et ne conduise à des actes de violence plus graves, Madame aurait alors choisi de se réfugier avec sa fille dans un centre d’hébergement pour femmes en difficultés où elles seraient demeurées 2 décembre au 1er mars.
Durant cette période, Josette qui craignait de subir des menaces et du harcèlement de la part de son père dans son milieu scolaire, aurait été transférée temporairement d’école près du centre d’hébergement. Le 31 janvier, Me Rina D a été nommée procureure de Josette et ce dans le but que l’enfant renoue des liens et reprenne contact avec son père dès que possible.

Entre temps, Madame qui devait quitter le centre d’hébergement le 1er mars, désirait que son enfant puisse réintégrer son environnement usuel. Elle aurait trouvé un logement dans un H.L.M. situé dans son ancien quartier. Ne pouvant prendre possession de son logement avant le 1er avril, Madame déposait le 15 février une requête à la Cour afin d’obtenir la garde de son enfant ainsi qu’une pension alimentaire. Elle demandait que Monsieur qui co-habitait alors avec leurs fils dans la résidence familiale lui cède la maison pour une période temporaire d’un (1) mois, et ce, afin de permettre à l’enfant de retourner fréquenter son école.

Le 20 février, les parties se sont entendues pour partager l’usufruit de la résidence familiale de façon exclusive, hors de la présence de l’autre, à savoir pour Madame et sa fille, les jours de semaine de 16h15 à 8h00. Il fut aussi convenu que Monsieur pourrait occuper le domicile familial de 8h00 à 16h00 durant les jours de semaine, cette entente étant valide pour le mois de mars seulement.

Vers le mois de février, la fillette aurait eu des contacts avec son père à raison de trois (3) dimanches consécutifs, contacts qui se seraient avérés satisfaisants selon le père. Le 19 mars, une requête pour changement de garde intérimaire était présentée à la Cour par Monsieur.

Le 25 février, l’enfant aurait avisé son père qu’elle ne pourrait le voir comme prévu, pour cause de maladie. Par la suite, il semble que la fillette ait refusé d’avoir d’autres contacts avec son père les 11 et 18 mars, et que Madame se soit objectée à ce que Monsieur ait des droits d’accès auprès de sa fille. Dans sa requête, Monsieur allègue que Madame n’aurait pas à cœur de sa fille. Dans sa requête, Monsieur allègue que Madame n’aurait pas à cœur le meilleur intérêt de Josette, qu’elle ne serait pas apte à en assumer la garde, et qu’elle tenterait d’aliéner l’affection du père à l’égard de l’enfant. De plus, Monsieur stipule que Madame a créé, par son attitude, un climat de peur entre lui et son enfant, faisant de celle-ci l’objet de sa propre vengeance envers Monsieur.

Le 21 mars, les parties auraient convenu d’une entente stipulant que Monsieur pourrait bénéficier de droits d’accès avec l’enfant Josette tous les dimanches entre 11h00 et 17h00 et qu’il aille la chercher et la reconduire à un endroit convenu entre les parties; que Madame s’engageait à favoriser le droit d’accès entre Josette et son père; que les parties s’engageaient à ne pas parler de l’autre partie ou du dossier à l’enfant; et à ce qu’une expertise psychosociale soit réalisée par nous dans le cadre du présent dossier.

jeudi 10 novembre 2011

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 6e partie

Deuxième cas de détresse : Éléments d’évaluation de la personnalité
L’évaluation de la personnalité de Monsieur Laurent présente un profil où le sujet à se présenter sous un jour plutôt favorable. Les caractéristiques qui ressortent au niveau de ce test indiquent que le sujet se présente d’une façon moraliste, vertueux à l’excès, attitude qui pourrait sous-tendre une tendance à sous-évaluer ses problèmes psychologiques. L’estime de soi apparaît chancelant. Les résultats obtenus à certaines échelles suggèrent que Monsieur présenterait des difficultés au niveau de son contrôle émotif et qu’il aurait tendance à faire porter le blâme sur autrui en ce qui a trait à ses propres difficultés. Le sujet s’affiche conciliant quoique quelque peu rebelle, et ses réactions s’apparenteraient davantage à un état de résistance passive plutôt qu’à celui d’une agressivité active. Au moment de sa rencontre, le sujet semblait aux prises avec un vif sentiment de culpabilité. On notait chez lui une propention à croire qu’il devait être puni pour ses erreurs.

Le profil du sujet semble démontrer des variations élevées au niveau des échelles cliniques comparativement à la moyenne, ce qui laisse supposer que si le sujet passait à nouveau le test dans quelques temps, les résultats pourraient être davantage significatifs au plan des tendances présentées actuellement par exemple au niveau de son humeur dépressive et de sa moralité. Le sujet présenterait une certaine aisance dans ses rapports sociaux, mais ses relations inter-personnelles avec des proches seraient plutôt superficielles et quelque peu instables, de type « passive-agressive ». Le sujet ne serait pas enclin à se reconnaître une responsabilité à ce niveau.

Au plan du tableau clinique, le sujet aurait rapporté plusieurs problèmes personnels dont son humeur dépressive ainsi que des attitudes qui pourraient être considérées comme une forme de mésadaptation, ce qui laisse présager que le sujet aurait une histoire personnelle de carence affective au niveau du tableau clinique.

L’analyse quantitative met en relief que le sujet présente des traits marqués d’immaturité au niveau de son fonctionnement psychologique ainsi qu’une faible estime personnelle qui serait reliée à sa difficulté d’atteindre ses objectifs et à voir ses attentes non réalisées. Il présenterait une assez grande difficulté à s’adapter au stress qu’il soit de type situationnel ou temporaires qui, combinées à un déficit de ressources au niveau de l’expression ou de l’idéalisation entraîneraient chez lui une grande vulnérabilité face au changement ainsi que de l’instabilité. L’analyse du test met en relief un indice d’humeur dépressive élevé qui pourrait être le résultat d’une situation externe comme d’une perte récente, sans quoi il faudrait considérer ces traits comme une situation chronique chez le sujet. Celui-ci présentait au moment de la rencontre des signes évidents de pessimisme, des attitudes mentales négatives ainsi qu’une attitude défensive.

Sa façon de faire face aux difficultés serait en soit pour le sujet une source de tension. Celui-ci présenterait un déficit au niveau de ses ressources personnelles, au plan cognitif ainsi qu’au plan de ses relaitons inter-personnelles. À ce titre, le sujet présente à la fois un manque d’intérêt auprès des personnes, une sorte d’ambivalence, et, paradoxalement, de profonds besoins pour une forme d’intimité inter-personnelle dangereusement hypothéquée par une grande vulnérablité et un contrôle émotionnel déficient. Monsieur aurait une propension à se lier aux autres non pour ce qu’ils sont, mais dans un but plus ou moins conscient de matérialiser ses propres désirs, ses besoins ou ses projections. Une détresse intérieure pourrait être le résultat de la solitude vécue par le sujet, combinée à l’échec dans sa recherche de proximité avec l’autre et de rapports humains insatisfaisants.

Il s’agit d’une personne comportant des traits de perfectionnisme, lente à réagir, qui prend un temps énorme à intégrer toute information relative à une situation avant d’agir. Avant de prendre des risques, il préférera s’assurer d’avoir des bases solides. C’est aussi quelqu’un qui peut avoir de la difficulté à établir ses priorités, mais qui peut être très productif et capable de fournir beaucoup d’attention et de concentration.

Éléments d’évaluation des capacités parentales
Au plan des capacités parentales, celles-ci ont été évaluées en fonction de plusieurs critères, soit : le lien d’attachement père-enfant, le profil psychologique, le mode de vie, la capacité de répondre aux besoins de l’enfant, la capacité de lui fournir l’encadrement dont il a besoin, la stabilité et la continuité de l’implication et la connaissance des étapes du développement d’un enfant.

En ce qui a trait à ses capacités parentales, Monsieur Laurent est un individu sans aucune limite intellectuelle susceptible d’avoir un impact sur sa capacité à exercer son rôle. Pour ce qui est de la réponse aux besoins affectifs, le profil obtenu au P.S.I. (Parental Stress Index) s’avère sans particularité indiquant l’absence de facteurs de stress, clairement significatifs susceptibles de venir jouer un rôle déterminant dans la prise en charge de l’enfant mis à part une difficulté manifeste du père à se montrer à l’écoute des besoins de son enfant.

Nous croyons de même que le lien d’attachement de Monsieur envers sa fille est indéniable. Par ailleurs, le lien d’attachement de l’enfant envers son père apparaît présent mais très facile. Monsieur ne semble pas suffisamment de notions pour répondre aux besions d’encadrement d’un enfant.

Les interactions interpersonnelles ne semblent pas empreintes d’amour, d’affection, de respect et d’écoute des besoins de son enfant. Le mode de vie de Monsieur semble adéquat mais la qualité et la continuité de son implication auprès de l’enfant apparaissent de moindre qualité. Le profil psychologique actuel du sujet peut interférer avec sa capacité de répondre adéquatement aux besoins de l’enfant, surtout en ce qui a trait à la compréhension des besoins affectifs de son enfant. Monsieur semble démontrer plus d’autocritique et une motivation à se réajuster le cas échéant. De plus, le degré de conflit avec Madame place cette enfant dans une position de vulnérabilité qui semble d’ores et déjà lui être préjudiciable.

Nous pouvons nous résumer : Laurent présente les caractéristiques d’un homme dépendant, un sentiment d’inadéquat et une faible estime de lui-même. Peu d’habiletés sur le plan social, il fait preuve de peu d’empathie et son surmoi défectueux l’amène à avoir des comportements d’exploitation et de manque de respect envers les autres.

Il semble avoir un besoin inhabituel d’exercer contrôle et pouvoir dans ses relations sexuelles et avoir des fantasmes sexuels concernant sa belle-fille.

Confronté à des échecs professionnels, recherche-t-il un soulagement de ses tensions dans des rapports sexuels avec sa belle-fille. Cette relation ne viserait pas la satisfaction de ses pulsions sexuels mais un besoin de vivre une illusion de pouvoir et de contrôle.

De plus, sa motivation à développer un intérêt sexuel envers sa belle fille est en réaction à la détérioration de sa relation avec sa conjointe.

Dans ce contexte, il en viendrait à percevoir sa belle-fille comme ayant les mêmes qualités que sa conjointe, sauf que sa belle-fille l’admirait de façon inconditionnelle et qu’il pouvait facilement la manipuler et ainsi satisfaire ses besoins sexuels et émotifs.

Dépendant émotionnellement, Laurent se sent dévalorisé et utilise sa belle-fille pour s’affirmer et obtenir un certain soutien. Il recherchait plus une intimité qu’une satisfaction sexuelle.

En dernier lieu, il est important de souligner que les inhibitions de Laurent à abuser sexuellement de sa belle-fille peut être atténuée par la consommation d’alcool. L’étude de Régina et Lebos (1999) montre en effet que dans les 80% des familles incestueuses, les parents présentent des problèmes relativement à la consommation de cette substance.
À la lumière de ce sombre constat, Laurent présente des pathologies psychiatriques telles que la probabilité de récidive est extrêmement élevée.
Dans les éléments de sa personnalité, Laurent est un homme présentant des difficultés importantes d’ajustement personnel qui sont à la fois attribuables à son histoire personnelle et familiale perturbée et aux multiples stress auxquels il était confronté dans les mois qui précédaient l’initiation de la relation incestueuse.

Aux cours de son enfance, Laurent a été soit victime d’autorisation paternel d’abandon ou de rejet sur le plan social. Son histoire personnelle perturbée peut expliquer, du moins en partie, pourquoi il fait preuve d’empathie à l’égard des autres, il a une faible estime de lui-même, il a de la difficulté à établir des liens d’intimité et il est dominateur.
Que la relation incestueuse de Laurent sa belle-fille apparaissait dans les moments où ce dernier était confronté à certaines perturbations extrafamiliales (stress économique, difficultés professionnelles, conflit, interpersonnels) et intrafamiliales (conflits conjugaux, insatisfaction sur le plan sexuel, l’intérêt de sa femme pour l’église). Ce qui est également important de souligner, c’est que la relation conjugale n’offre pas ou n’offre plus le soutien attendu et ne permet pas ou peu la satisfaction des besoins sexuels. Elle ne constitue donc pas un facteur de protection pour faire face aux différents événements de la vie. Enfin, puisque cet homme a de la difficulté à établir des liens d’intimité avec les personnes de son entourage immédiat, le réseau social de soutien ne constitue pas non plus un facteur de protection pour faire face au stress. Isolement conjugal et social et conditions adverses amènent cet homme vulnérable et démuni à trouver réponse à ses besoins de contrôle, de valorisation, d’intimité et de sexualité chez sa belle-fille. Pour lui, la relation incestueuse qu’il a initié avec sa belle-fille lui procurait de l’excitation sur le plan sexuel, une impression de contrôle et lui permet de sortir de son isolement social et familial, pour éviter de se sentir honteux, il a tendance à nier l’impact négatif de sa conduite sur sa belle-fille.

Cette relation incestueuse a eu des conséquences sur la mère qui se sentait complètement mis à l’écart par son conjoint ou complètement baillonnée par celui-ci.

OBJECTIFS D’INTERVENTION
Connaître le fonctionnement des abus de pouvoir dans le couple et la famille à partir de sa propre expérience.

Comprendre comment fonctionnent les relations complémentaires de type dominant/dominé, maître/esclave, comment se construisent la reproduction et la régulation de ces formes primaires de relations. Saisir comment de telles relations contraignent le développement de la démocratie dans notre société.

Apprendre un nouveau mode de communication fondée sur le respect de Soi, sur le respect de la liberté et de l’autonomie des personnes avec qui on vit.
Restaurer un nouveau mode de communication fondée sur le respect de Soi, sur le respect de la liberté et de l’autonomie des personnes avec qui on vit.

Restaurer et renforcer une estime de soi-même et une confiance en soi suffisamment forte pour se distancer des comportements primaires de soumission et de victime.
Construire une affirmation de soi-même qui permet de renouveler son rapport au Monde.
Apprendre à contrôler son stress et connaître le lien interactif entre le corps et la vie psychique.
Reprendre du pouvoir sur sa vie en s’appropriant ses émotions, en se distançant de la plainte et en prenant en charge ses propres besoins de réparation.