mardi 24 janvier 2012

LA DÉTRESSE DES HOMMES - 34e partie


INQUIÉTUDE

Le sujet en détresse qui est constamment sur la défensive, craignant toujours être l’objet de malveillances de la part d’autrui, entretient fatalement une sourde agressivité qui éclate de temps en temps au cours d’une colère, ou qui fermente dans une certaine rancune.
Il accumule insensiblement des motifs de rancoeur, et ce pour des vétilles.  Puis un moment vient où il se présente différemment vis à vis de certaines personnes. Il a perdu à leur égard sa courtoisie et son dévouement, en même temps que sa politesse.
L’offenseur s’étonne de son attitude nouvelle et ne parvient pas à se remémorer la cause du ressentiment.
L’analyse de ce changement d’attitude, comme tout le comportement du sujet en détresse, met en lumière une quête continuelle de sécurité.  Le sujet en détresse s’efforce d’attirer l’attention par une exigence d’attentions de la part d’autrui.  Il est essentiellement dépendant de l’attention des autres et multiplie les occasions de se faire remarquer.  Le sujet en détresse qui craint pour sa santé cherchera une compensation à son insécurité en multipliant des précautions excessives, le scrupuleux en s’accusant éternellement de ses fautes....
L’homme en détresse qui souffre d’un profond sentiment d’insécurité éprouvera un malaise dans un groupe où il ne joue, par sa faute, aucun rôle, où il n’arrive pas à trouver sa vraie place.  Il se sent isolé, instable. Avant de perdre tout à fait pied, il essaie de récupérer une revalorisation certaine et continue en essayant d’attirer l’attention, même si elle est dédaigneuse.  Il a besoin des autres pour sentir qu’il existe une vie, une valeur au sein de son individualité.
L’individu en détresse, dont l’enfance n’a pas été marquée par une bonne dose d’assurance dans le domaine des relations sociales, peut attirer l’attention d’autrui par un comportement susceptible qui trouble considérablement son émotivité et son équilibre.
Il peut être le plus brillant causeur tant qu’il n’imagine pas que sa dignité est menacée.  Si un tiers, lui paraissant, sans raison, antipathique, lui fait craindre une mauvaise plaisanterie ou un affront, il perd pied et toute sa contenance.
La gorge contractée, il a la sensation, en un instant, de se vider. Il est impuissant à répondre quoi que ce soit à n’importe quelle attaque. Il perd subitement ses moyens de défense au profit de l’offenseur.
Il éprouve une espèce de torpeur, et éprouve au premier moment une anesthésie psychique, comme un candidat timide qui, en présence du jury, sent sa mémoire se vider et sa gorge se contracter.  Puis suit une réaction émotionnelle intense.  Il a chaud ou froid, de multiples pensées affluent dans sa tête, plus ou moins confusément, mais impossible qu’aucune ne s’extériorise.  Les réponses à l’offense, trop nombreuses et trop violentes, ne trouvent plus le vocabulaire nécessaire pour les véhiculer et se condensent dans l’intimité d’une rancune.  Le sujet, en détresse, qui craint tant l’ironie, la manie pourtant dangereusement et avec beaucoup d’adresse jusqu’à sa susceptibilité ne soit heurtée.  Son agressivité déborde dans les deux sens, même s’il y a non sens, mais cherche une compensation à l’insécurité initiale par n’importe quel moyen.  Se hisser au-dessus d’un groupe ami pour le faire rire ou chercher à se noyer dans ce même groupe, qui ne comprend plus rien, pourvu qu’on le remette en lumière.
L’homme en détresse est un émotif qui ressent avec une intensité outrée les plus petits incidents qui lèsent sa personnalité et même celle de ses proches.

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