lundi 17 août 2009

Émotion - Regard Culturel - 12e partie

INVALIDER LA VIE ÉMOTIONNELLE DE L’AUTRE


Le plus grand danger est cependant moins de manquer les distinctions que de ne pas reconnaître les émotions là où elles apparaissent. Les discours des classes éduquées et des thérapeutes à l’égard des classes défavorisées sont parfois déconcertants. Lors d’une conversation avec un bourgeois de la ville de Quito en Équateur, j’ai eu l’occasion de lui parler de la nature de mes recherches concernant la tristesse et les émotions dans les villages de montage. Cet homme de bonne foi rencontrait probablement presque quotidiennement des Amérindiens, peut-être même avait-il été élevé par une femme en provenance de ces régions. Il se montra néanmoins extrêmement surpris d’apprendre que je perdais mon temps à chercher des choses qui n’existaient pas. « Ces Indiens sont-ils tristes? Comment peuvent-ils l’être? Ils vivent comme des bêtes là-haut ». Ces propos sont souvent repris avec moins de naïveté mais avec tout autant de force dans certains écrits et dans certains comportements de cliniciens. On entend dire que les gens de tel groupe ethnique ne font jamais référence à leurs émotions, qu’ils n’ont pas conscience de leur vie intérieure, qu’après tout ils n’ont peut-être pas de vie psychologique. Au mieux, ils vivent tout à travers leur corps, c’est-à-dire qu’ils psychosomatisent. Ils ne parlent que de leurs maux de ventre, que de leur cœur qui ne cesse de battre, jamais d’anxiété ou de dépression.



* à suivre *

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