mardi 29 septembre 2009

Punkitude - 4e partie

Mutilations et violences corporelles font également partie de la culture punk. Le signe le plus connu est l’épingle de nourrice qu’on arbore sur les vêtements déchirés, mais qu’on s’enfonce également dans la joue. Lors des fêtes par exemple, la perforation de la joue revêt un caractère rituel. Rite d’initiation, seuls les plus concernés s’y soumettent, mais aussi préliminaire : en début de soirée, trois ou quatre copains se serrent devant la glace de l’appartement bourgeois où ils sont invités pour s’enfiler leur épingle à nourrice dans la joue.

La célèbre coiffure, qui en France s’appelle « un iroquois », est au Canada « un mohawk » (dénominations différentes qui dénotent peut-être l’éloignement des Indiens pour les Européens, la rencontre avec un groupe proche pour les Canadiens), peut s’analyser comme une quasi-mutilation : on se rase tout le crâne, à l’exception d’une bande de cheveux dressés sur le milieu. Si dans notre société la mise à nu du crâne dénote une certaine violence symbolique, il faut pourtant remarquer que le rasage de la chevelure ne présente aucun caractère définitif. Renouvelé aussi longtemps qu’on le désire, il ne laissera aucune trace quand l’adolescent décidera de cesser. Par contre, les tatouages resteront les témoins corporels d’une rébellion passée. Nous ne les considérons pourtant pas ici en tant que trait spécifique de la sous-culture punk : ils ne sont que le fait de quelques individus, mais surtout ils sont largement employés par d’autres groupes de marginaux : motards, délinquants…

Enfin, les pratiques de sévices corporels se déroulent souvent lors de fêtes, l’alcool agissant alors comme facteur désinhibant. Dans toutes les scènes dont j’ai été témoin ou qui m’ont été rapportées, un garçon était la victime, se faisant fouetter dans la salle de bains (le choix du lieu qui impliquait une certaine intimité autorise à parler de transgression contrôlée), écraser des mégots de cigarettes sur la peau, ou couper la main avec des débris de verre par la fille avec qui il passait la nuit.

La sauvagerie est une dimension de la punkitude qui recoupe partiellement le thème des mutilations. C’est un véritable masque de sauvage que se compose le punk, grimé à la manière des sauvages qui s’ornent visage et corps de peintures rituelles. C’est aussi un art de l’ornementation dont l’outrance est à l’opposé des principes du maquillage des gens « normaux » ou « straight » : non pas cacher ses défauts et mettre en valeur ses yeux ou ses lèvres, mais bien donner à voir le décor en tant que tel, soi-même caché derrière le masque.

La coiffure surtout évoque le sauvage par excellence, l’Indien : une crête de cheveux dressés sur la tête, tous les côtés étant rasés. La hauteur des cheveux dressés sur la tête peut aller, surtout en Angleterre où l’outrance est maximale, jusqu’à dix à quinze centimètres. Les cheveux sont mouillés et enduits de savon, produit que l’on se procure facilement et gratuitement. Plus rarement, on utilise de la laque ou du gel.

Même si l’on ne se « fait pas un iroquois », les cheveux dressés sont un signe de la punkitude. On les teint aussi de plusieurs couleurs et l’on peut aller jusqu’à se constituer un véritable damier sur la tête, fait de carrés de couleurs contrastées, ou élaborer d’autres formes géométriques.

Ces dernières versions toutefois sont souvent le début de la récupération de l’art brut capillaire des punks, pour en faire un « punk art » plus consommable. Le « punk de base », limité par sa propre habileté, va rarement plus loin qu’un mélange barbare de couleurs, changeant de couleur de chevelure à chaque fois que l’envie lui en prend, c’est-à-dire for souvent.

Alors que la normalité tend à « ar-ranger », sa chevelure, la chevelure punk se présente dé-rangée, hirsute, coupée, symbolisant une fois de plus le défi, affichant le mépris des normes. On peut également provoquer le dégoût, en exhibant ce qui se cache, en enfreignant un tabou, en simulant quelque rite effroyable par une mise en scène sur le thème du sang menstruel. Les bijoux, et en particulier les boucles d’oreilles, fabriquées par le porteur ou un ami, se composent toujours du matériel le plus hétéroclite et insolite : lames de rasoir, tournevis, porte-clefs publicitaires détournés de leurs usages habituels. Le plus beau fleuron que j’aie pu admirer consistait en un tampon périodique, coloré du plus beau rouge sanglant (en le trempant dans l’éosine) et porté par un jeune garçon homosexuel.

Une nouvelle version dérisoire du combat écologique :
Se vêtir de déchets industriels.

Le style « poubelle » consiste à porter n’importe quel vêtement, en lambeaux de préférence, amis aussi tout à fait littéralement, à se vêtir de sacs-poubelle en plastique en pratiquant des ouvertures pour la tête et les bras.
Quelques garçons, dont l’un au moins était issue de la punkitude la plus pure, mais qui glissait dangereusement sur la pente de la création ont un jour dans un club parisien organisé un défilé de « basse couture ». Ce concept, créé par opposition à la « haute couture », était essentiellement axé sur la récupération des déchets. Tous les vêtements éphémères présentés avaient été créés à partir de matériaux uniquement récupérés dans les poubelles de la ville.

* à suivre *

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