dimanche 11 septembre 2011

VIOLENCE FAMILIALE 44e partie

Des exercices pour soutenir l’intervention

Afin que la cliente puisse voir plus clairement sa position de victime, regardons quelques informations qui peuvent soutenir sa réflexion


L’enseignement de l’escalade de la violence.
En comprenant le déroulement du cycle de la violence, la femme violentée réussit à mieux comprendre sa relation avec l’agresseur. Elle parvient à mieux analyser les événements et à se distancier de la situation. En réduisant sa culpabilité, la cliente réalise que la violence existe depuis un certain temps et qu’elle se sent responsable de son évolution. Cette information rend son analyse plus objective. La femme violentée peut également constater le cercle vicieux dans lequel elle évolue.

Pour compléter l’information, vous dessinerez l’escalade de la violence avec, à chaque palier, les différentes formes de violence. De plus, vous lui confirmerez la forte probabilité d’un accroissement des brutalités et le danger qu’elle court. La femme violentée pourra alors évaluer le degré de violence qu’elle subit, reconnaître l’urgence de sa situation et se mobiliser.

Finalement, elle tentera d’établir les pertes psychologiques et émotives qu’elle a subies jusqu’alors. Elle réalisera que sa vie dans un tel contexte a affecté l’estime qu’elle a d’elle-même.

Le Fonctionnement d’un agresseur
Puisque la victime se sent responsable des pertes de contrôle de son agresseur et qu’elle a intégré les justifications de ce dernier, vous résumerez le fonctionnement d’un agresseur, afin qu’elle modifie son regard sur la situation. À partir de ces informations, la réalité du danger qu’elle court deviendra plus nette.

Vous l’informerez qu’un agresseur n’est pas nécessairement un homme à l’allure menaçante, ni un malade mental. Il a toutefois de la difficulté à contrôler son agressivité et exprime peu son émotion. Il exige beaucoup de la part de sa partenaire. Celle-ci doit répondre à ses moindres attentes, il surveille ses fréquentations et ses sorties. Il a souvent tendance à isoler sa victime et exige, pour cela, qu’elle passe le maximum de temps au domicile familial.

Il démontre beaucoup d’impatience et tolère peu les erreurs de sa conjointe ou de ses enfants. Il manque de respect envers sa partenaire, la considère comme sa servante, ridiculise ce qu’elle fait et ne valorise aucune de ses réussites. Il se montre excessivement jaloux et va même jusqu’à douter constamment d’elle.

Parfois, il souffre d’un problème de consommation d’alcool. Toutefois, les comportements violents ne disparaissent pas quand il est sobre. Prendre un verre lui sert souvent d’excuse pour justifier sa perte de contrôle. Il tient sa victime responsable de ses gestes violents. Elle l’a toujours provoqué, elle a toujours eu une attitude qu’il ne pouvait tolérer, etc.

Il a très peur de perdre sa victime, il tentera donc de la récupérer rapidement après l’agression, fera des promesses, s’excusera, promettra de ne plus recommencer, etc.

Vous confirmerez à la cliente que les facteurs déclenchants – retard du souper, stress, conflit avec les enfants, etc, - n’ont pas véritablement de lien avec le fait qu’elle soit maltraitée. Les pertes de contrôle sont plutôt reliées au vécu de l’agresseur – il est triste, en colère, déçu, etc – et non aux événements comme tels. Ceux-ci ne représentent que la goutte qui fait déborder le vase.

Identifier les différents fonctionnements des agresseurs permet à la cliente de démystifier sa situation, de relativiser les justifications de son agresseur et de découvrir qu’elle a intégré un bon nombre de ces justifications. Ces informations l’aident à se questionner sur les raisons qu’elle donne pour expliquer les pertes de contrôle de son conjoint.

Le Tableau des conséquences de la position de victime

Maintenant qu’elle se reconnaît comme une victime, la cliente dressera un tableau des conséquences du maintien de son attitude de passivité. Elle essaiera également de nommer les pertes liées à son comportement de retrait. Ces pertes sont souvent interprétées, par la victime, comme des gains à court terme puisqu’elles entraînent une réduction des affrontements dans le couple (elle garde le silence, ne revendique aucun besoin), une diminution des agressions (Cela ne contredit pas les énoncés de l’agresseur et répond à ses demandes) et une baisse des tensions (elle assume seule l’éducation des enfants, elle se retire lorsqu’il consomme de l’alcool). Elle assure la survie, sans plus. La femme battue ne réalise pas qu’elle n’a que peu ou pas de gains réels. Ce tableau procure à la cliente un moyen de réviser son évaluation : les tensions ont diminué, mais son inconfort personnel s’est accru.

La cliente est maintenant invitée à regarder comment l’agresseur interprète son attitude de passivité. Comment reçoit-il ses comportements de retrait? Vous accompagnerez sa réflexion en identifiant quels sont les avantages que son attitude accorde à l’agresseur. Il se voit confirmé dans ses exigences, la victime répond dans sa position de domination de même que dans le droit qu’il accorde d’imposer ses règles et ses normes de fonctionnement. Elle découvre que, dans cette position, l’agresseur obtient d’elle le rendement qu’il impose. Elle réalise également qu’il se sent justifié de ne pas la respecter.

La passivité maintient la position de dominée et renforce l’agresseur dans son rôle d’oppresseur. Certaines violences peuvent être évitées à court terme. Mais cette inaction assure le maintien des règles de violence et une perte de terrain certaine de la femme battue. De plus en plus, elle devra réduire ses besoins, se faire petite, voire inexistante pour éviter les agressions. Vous informez la cliente qu’elle ne pourra mettre fin à la violence de cette façon. Le pouvoir appartient à l’agresseur. La puissance de celui-ci augmentera en fonction de la perte de pouvoir de la victime. Aucune limite ne peut être fixée puisque la victime réduit progressivement son espace personnel. De son côté, l’agresseur ne s’imposera de limites que lorsqu’il rencontrera une résistance ou qu’il fera face à la perte imminente de sa partenaire. Vous confirmez alors à la cliente qu’elle n’a pas le pouvoir de changer les comportements de l’agresseur. Cette démarche n’appartient qu’à lui seul. Toutefois, elle peut refuser sa position de victime et ne plus la maintenir. L’agresseur décidera de son côté, s’il désire modifier ses attitudes pour ne pas perdre sa partenaire.

Cette analyse de la passivité de la victime doit être resituée dans l’ensemble de la dynamique de la violence. Bien souvent, la cliente connaît cette réalité. Elle a parfois besoin d’obtenir une confirmation des doutes qu’elle a et n’ose s’avouer.

La femme battue connaît très bien le prix de ses pertes personnelles. Elle sait qu’elle perd constamment de la confiance en elle, qu’elle craint pour sa sécurité mentale et physique. Elle reconnaît rapidement les difficultés somatiques qu’elle éprouve. Elle nomme aussi les problèmes que cela crée chez les enfants. Prendre le temps de faire l’addition de ces pertes permet à la cliente de voir le cul-de-sac dans lequel elle se trouve. Elle peut mieux se représenter ce qu’implique sa position de victime.

La perte d’estime de soi est associée aux vécus de violence. C’est pourquoi il est pertinent de parler, avec les femmes battues, de la position de victime. Ces dernières peuvent alors se déculpabiliser de leur perte de confiance en elle et recommencer à se « privilégier » pour restaurer leur estime de soi.

S’il est important que la femme battue reconnaisse sa position de victime, il est aussi nécessaire qu’elle se réapproprie ses émotions afin d’augmenter son estime de soi.

Aucun commentaire: