dimanche 27 juillet 2008

CAPSULE 4

La mort chez le paysan haïtien
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La mort est un phénomène de groupe. Spontanément à l’annonce d’un décès, un certain nombre d’individus se rassemble pour vivre ensemble un moment intense chargé d’émotions, de solidarité, de partage.

C’est aussi la réaction d’un ensemble de personnes face à un phénomène inexpliqué, irrationnel. Si les gens s’organisent pour réagir face à un événement, cela implique un certain dynamisme. On peut donc dire que le groupe est un corps qui vit, qui subit des tensions, des agressions, à l’intérieur duquel on peut repérer différents types de regroupements. On a pu constater lors d’une veillée, il y a répartition spatiale des individus en trois sortes de regroupement :
-un, autour du mort,
-un autre, dans la maison mais éloigné du mort,
-l’autre, à l’extérieur.

Autour du mort

On remarque une concentration de force qui par le biais de prières, de cantiques et de litanies sert à introduire le défunt dans la « vie surnaturelle ». Ces prières ne permettent-elles pas d’exorciser notre angoisse par rapport à la mort, ne nous renvoient-elles pas à notre propre mort? Aider à délivrer l’âme du défunt n’est-ce pas contribuer à nous aider nous-mêmes?

Espace intermédiaire

Dans l’espace éloigné du mort, des groupes se constituent pour parler de choses de la vie n’ayant pas forcément un rapport avec le disparu. Ces personnes ne sont elles pas trop organisées pour rester près du mort? La prière ne jouant pas pour elles son rôle d’apaisement. Mais elles ne sont peut-être pas assez libérées pour exprimer leurs émotions en se joignant aux personnes extérieures.

Le regroupement à l’extérieur

Par contre, les personnes qui se trouvent dehors sont en général moins concernés par la perte du défunt. Elles peuvent jouer, danser, chanter, etc…
Cela ne signifie pas pour autant qu’elles soient insensibles à ce que renvoie la mort. Tous ces actes, auxquels elles s’adonnent sont des simulacres propres à susciter l’excitation et leur permettre d’exprimer aussi leur émotion.
La répartition spatiales des groupes autour de la veillée renvoie aux notions d’intérieur et d’extérieur, dedans et de dehors. L’intérieur fait appel à l’introspection, et à la vie spirituelle, d’où l’utilisation des prières, des cantiques, des litanies, du chapelet.
L’extérieur, fait référence à l’extraversion et à la vie terrestre d’où les danses, les jeux de carte, de besicles et de dominos.
Cette répartition spatiale fait aussi appel à la diversité des traditions culturelles.
Le regroupement à l’extérieur fait penser aux pratiques négro-africaines, celui à l’intérieur nous renvoie à la culture judéo-chrétienne. La culture judéo-chrétienne apparaît à maintes reprises à travers les réponses. Ne dit-on pas quelque part dans la bible qu’il faut « rester éveillé pour que la mort ne vous surprenne, car celle-ci viendra comme un voleur! Veiller et prier pour ne pas tomber en tentation ».
Nous nous sommes rendus compte qu’autour de la mort existent aussi des pratiques dites superstitieuses pour se débarrasser du disparu. Exemples : l’eau du bain jetée après le départ du corps, garder ses vêtements pendant 9 jours, ramener le mort chez lui après l’enterrement…
Ces pratiques dénoncent une ambivalence dans nos rapports avec nos morts.
Tant que le corps est présent, il est honoré, soigneusement gardé et on aide l’âme à se libérer. Parallèlement, tout est fait pour s’assurer que le mort est bien mort (assiette sur le ventre, épingles attachant les chaussettes…) et tout est aussi fait pour l’expédier, le liquider, lui et toutes ses affaires.
En dernier ressort, on peut dire que la cérémonie mortuaire représente un ensemble de conduites socialisées, ritualisées qui servent à canaliser les angoisses des paysans.

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