mardi 23 mars 2010

JOUEURS PATHOLOGIQUES - 1e partie

On Sait déjà que les jeux de hasard et d’argent, lorsqu’ils sont pratiqués de façon abusive, peuvent avoir des conséquences dramatiques dans la vie des joueurs et dans celle de leur entourage. Des habitudes de jeu délétères ou la perte de contrôle durant cette activité entraînent de nombreux problèmes sur les plans personnel, relationnel, financier ou professionnel. Quelles sont donc les raisons qui motivent enfin le joueur à entreprendre des démarches pour s’en sortir? Qu’est-ce qui peut le décider – et le motiver – à reconnaître ses limites, à accepter qu’il a un problème de jeu et à demander de l’aide pour changer l’état des choses?

Pour répondre à ces questions, nous verrons dans un premier temps avec les chercheurs tels que Catherine Geoffrion, Serge Chevalier (sociologue), Elisabeth Papineau (Anthropologue), le contexte dans lequel évoluent les joueurs qui décident d’entreprendre un traitement pour le jeu ainsi que le modèle conceptuel et la méthodologie utilisés dans la présente recherche. Il sera ensuite question du cheminement des usagers avant la thérapie et des raisons qui les ont motivés à entreprendre celle-ci. Puis, une discussion et des pistes de réflexion touchant le cheminement des joueurs seront dégagées.

Problématique

Les recherches dans le domaine ont montré que les joueurs pathologiques qui font une démarche pour obtenir des services le font pour une quantité de motifs. Poirier(2001, voir aussi Poirier et Lindsay, 2001) a classé les motifs de demandes d’aide de la clientèle masculine du Centre CASA – un centre de réadaptation privé qui fournit des traitements tant internes qu’externes aux joueurs pathologiques – qui a suivi des traitements externes selon deux catégories : les motifs intrinsèques, qui incluent la détresse psychologique insoutenable et les idées suicidaires, et les motifs extrinsèques, où il est plus question des craintes de perdre son emploi, sa relation conjugale ou de compromettre irrémédiablement les relations avec ses enfants. D’autres études identifient des aspects quelque peu différents. Cromer (1978), dans une étude où il a passé six mois à observer un groupe Gamblers anonymes (GA) en Israël, identifie les motifs suivants : de sérieux problèmes d’argent; les personnes sentent qu’il y a quelque chose qui ne va pas avec leur vie; ils sentent que le temps leur glisse entre les mains et, à l’instar des résultats de Poirier, ils ressentent des effets adverses sur les aspects conjugaux, familiaux et les autres relations significatives. Cromer conclut que, selon la perspective des joueurs l’argent peut être remplacé, mais pas le temps ni les relations affectives. Brown (1986) a étudié un groupe de GA à Glasgow. Il regroupe les motifs d’une première visite ou présence à une réunion GA selon trois rubriques : 1) des raisons subjectives relatives aux émotions et aux attitudes du joueur envers lui-même (désespoir, sentiment d’inadéquation, besoin d’aide, le dégoût de soi-même); 2) des raisons relatives à des problèmes extérieurs (par exemple, des problèmes financiers ou domestiques); 3) des raisons relatives à la prise de conscience que le problème de jeu affecte négativement les autres. De fait, cette nomenclature n’est pas sans rappeler celle de Poirier qui identifiait des motifs intrinsèques (correspondant à la première catégorie de Brown) et des motifs extrinsèques (les deux dernières catégories). Selon Orford et McCartney (1990) dans leur étude à Exeter, les principales raisons évoquées pour aller en traitement sont la crainte du futur et les problèmes financiers. Tout récemment, Hodgins et ses collaborateurs (2002; voir aussi Hodgins et el-Guebaly, 2000) ont eux aussi quantifié les motifs qui ont poussé des joueurs pathologiques à une première consultation. L’échantillon utilisé se subdivisait en deux groupes : les joueurs pathologiques qui ont suivi un traitement récent (durant la dernière année) et les joueurs pathologiques dont le traitement est moins récent. Les joueurs pouvaient identifier autant de motifs de recours au traitement qu’applicables à leur situation. Les deux principaux motifs évoqués sont les problèmes financiers et les facteurs émotionnels; deux autres facteurs sont aussi identifiés fréquemment par les deux sous-groupes, soit avoir atteint le bas-fond et désirer le maintien des relations familiales. Les auteurs concluent que « the most frequently cited reasons were all internal and included negative emotions, financial concerns, family influence, and acting in a fashion that was incompatible with their self-image ». (p.216).

En résumé, malgré les finalités et les approches différentes ainsi que les limites méthodologiques des différentes études consultées, il ressort distinctement que les joueurs vont principalement faire appel aux services de traitement pour le jeu à cause de motivations intrinsèques, au nombre desquelles on retrouve la préservation de relations émotionnelles significatives ainsi que l’atténuation ou la disparition de conditions émotives et psychologiques insoutenables : détresse psychologique (désespoir, dégoût de soi-même, atteinte du bas-fond, etc.), dépression, anxiété, idées suicidaires et autres. Poirier (2001) considère la situation financière en tant que motif extrinsèque alors que Hodgins et ses collaborateurs (2002) la considèrent comme intrinsèque ; quoiqu’il en soit, la situation financière extrêmement détériorée s’avère probablement la motivation la plus prégnante dans la littérature. Arrêter de jouer dans la littérature. Arrêter de jouer semble subsidiaire pour le joueur qui recherche un traitement.


* à suivre *

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