vendredi 3 septembre 2010

IDENTITÉS CULTURELLES - 2e partie

UN SENTIMENT D’INSÉCURITÉ

Sa collègue Micheline Labelle, directrice du Centre de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la citoyenneté (CRIEC), n’est pas d’accord. Elle insiste sur le caractère émancipateur des revendications afro-américaines, du mouvement des femmes ou des peuples autochtones, qui reposent sur des valeurs universalistes de justice et d’égalité, et dénonce la montée, depuis une vingtaine d’années, d’une pensée conservatrice qui perçoit les revendications identitaires comme des facteurs de fragmentation sociale et politique. « Plus récemment, souligne la sociologue, les attentats du 11 septembre 2001 ont engendré un discours réducteur sur le choc des civilisations, contribué au durcissement des politiques d’immigration et alimenté un sentiment d’insécurité au sein de la population. »


« Ce qui m’inquiète surtout, c’est moins le fait de permettre à des jeunes
filles de porter le hidjab à l’école, par souci d’inclusion, que l’augmentation
du nombre d’écoles confessionnelles privées financées par l’État. Ces écoles
sont passées d’une trentaine, il y a quelques années, à une soixantaine
aujourd’hui. » - Micheline Labelle, professeure au Département de sociologie et
directrice du Centre de recherche sur l’immigration, l’ethnicité et la
citoyenneté »


Mais comment expliquer que les Québécois francophones, en particulier, réagissent si vivement aux accommodements raisonnables? Selon Jacques Beauchemin, cette sensibilité exacerbée est liée à un sentiment de fragilité identitaire propre aux petites nations. « Bien que les Québécois francophones aient appris à s’affirmer depuis 40 ans, ils vivent encore une profonde insécurité, note-t-il. Un Américain ne se demande pas s’il pourra encore, dans 50 ans, parler anglais dans son pays, alors que de nombreux Québécois s’inquiètent pour la survie de la langue française. »

Le fait que les Québécois forment une minorité au Canada et en Amérique du Nord contribue certainement à leur malaise identitaire, admet Micheline Labelle. « C’est le cas également d’autres populations minoritaires, tels les Catalans et les Irlandais qui doivent, eux aussi, intégrer de nouveaux arrivants tout en cherchant à préserver leur identité nationale. »

D’origine égyptienne, la chercheuse Yolande Geadah, membre associée de l’institut de recherches et d’études féministes (IREF) de l’UQAM, vit au Québec depuis 40 ans. Oeuvrant dans le domaine du développement international et des relations interculturelles, elle est l’auteure d’un essai intitulé Accommodements raisonnables. Droit à la différence et non différence des droits, qui critique sévèrement cette notion juridique qualifiée de « logique individualiste des droits ». « Tout en visant l’inclusion restreinte des immigrants à court terme, on ignore les objectifs d’intégration à long terme », dit-elle, ajoutant que le gouvernement a le devoir de financer adéquatement des programmes qui facilitent l’intégration économique des nouveaux arrivants, condition importante pour éviter la ghettoïsation.


* à suivre *

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