mercredi 19 septembre 2012

LITTÉRATURE HAÏTIENNE - 4e partie


LES DEUX TENDANCES

Dès 1986, dans un article de LA JEUNE HAÏTI, Seymour Pradel écrivait déjà parlant de la littérature haïtienne:

“...il semble que nous en avons deux : l’une qui s’attache à l’histoire nationale, qui va y puiser ses inspirations, qui est purement haïtienne; l’autre à qui ne déplait pas la peinture de la grande famille humaine; qui a en elle quelque chose de plus large, de plus universelle et que nous appelerons franco ou humano-haïtienne...”

Ces deux tendances de la littérature haïtienne ne feront pas s’accentuer avec les oeuvres des écrivains de la Génération de la Ronde.  Et les théories littéraires que nous venons d’exposer, ne font que les justifier.  En effet au sein de la génération de la ronde on trouve deux tendances:

  1. Tendance à l’imitation

Tous les représentants de la première tendance ne conçoivent pas l’imitation de la même manière.
  1. Ussol identifie la littérature haïtienne à la littérature française.  Il nie l’existence de l’une en faveur de l’autre.  Il prône donc une imitation  servile.
  2. E. Vilaire veut assujettir étroitement notre littérature à celle de la mère patrie.  Mais est pour une imitationi très large.  Il conseille de s’inspirer de toutes écoles littéraires passée en refaisant le travail de l’abeille qui butine le sucre de toutes les fleurs pour produire le miel.  Son imitation originale débouche sur l’universel.  L’originatlité ne peut être que dans la manière et non dans la matière.

“Que sont vos nouveautés sinon des renaissances”.

  1. Georges Sylvain est pour une imitation franchement originale.  La littérature haïtienne est liée à la littérature française, mais, produit des variétés nouvelles de fleurs et de fruits.
  1. Sans l’affirmer, tous les représentants de cette tendance font une large place au fait social haïtien dans leurs oeuvres.

  1. Tous sont dominés par le souci de l’oeuvre parfaite, écrite dans un style artiste.  Cette source d’inspiration multiple qui se veut originale est connu au sein du mouvement de la Ronde sous le nom d’ÉCOLE ÉCLECTIQUE et proné par Vilaire dans son poème CREDO LITTERAIRE.

Première tendance : Une littérature humano-haïtienne avec

L’ÉCOLE ÉCLECTIQUE 
  1. L’École éclectique a pour chef de file, Georges Sylvain et Ezter Vilaire et ne groupe que des poètes : Edmond Laforêt, Seymour Pradel, Damoclès Vieux, Constantin Mayard, Thimothé Paret....

  1. L’élargissement et l’enrichissement de la matière littéraire prôné par tous les théoriciens de la génération portent les poètes surtout à s’intéresser davantage à la littérature française et aux grands écrivains européens.

Sans cesser d’admirer des ainés comme Durand et Coicou, les jeunes éclectiques de la génération de la ronde ne les critiquent pas moins.

  1. Ils dénoncent l’idéal étroit des patriotes. L’inspiration d’un écrivain ne doit pas être bornée.  Se confiner aux élans patriotiques et aux fastes de notre nature c’est d’oublier qu’avant d’être des haïtiens nous sommes des hommes qui aiment, souffrent et meurent.  D’ailleurs en s’alimentant à ces deux sources, exclusivement l’inspiration risque de s’épuiser.

  1. Il fallait non seulement aller à l’encontre des théories étriquées des poètes de l’École Patriotique, mais aussi de celles des tenants de l’École Nationale. On reprochait à f. Marcelin de faire intervenir dans sa doctrine la notion d’originalité suspecte à plus d’un titre.

  1. Les éclectiques craignaient de tomber dans le réalisme primaire et superficiel d’un Alcibiade Pommeyrac ou autre.  L’originalité pensent Vilaire et ses amis n’a rien à voir avec la couleur locale.  Seul l’homme doit nous intéresser, car dit Vilaire:

“Les conditions même du milieu impriment généralement à la poésie haïtienne un caractère plus subjectif qu’objectif. Ce n’est pas par la peinture des objets extérieure qu’elle révèle sa marque originale, mais par l’évocation de nos états d’âme particuliers (Poèmes de la Mort : Introduction).

  1. L’esthétique des écrivains de l’École Patriotique était d’après eux fort superficiel.  Rien n’est comparable à notre merveilleuse nature, à la luminosité de notre ciel.  Certes, oui.  Mais est-ce bien là ce qui nous caractérisent? En allant au plus profond des choses, on verra que nous sommes “les esprits les plus foncièrement mélancoliques, les plus intérieurement agités”.
  2. Pour pénétrer donc à travers les moindres aspérités du coeur humain, les poètes de la ronde se mettent à l’école des grands écrivains, pas seulement de la France, mais du monde : de Shakespeare à Pascal, de Goethe à Hugo, de Byron à Nerval, de Cervantès à Racine, en passant par les grands classiques des littératures grecque et latine.

Dans son poème GREDO LITTÉRAIRE, Etzer Vilaire précise ainsi sa conception littéraire:

Éclectisme, à présent tu dois régner dans l’art.
Il nous faut tout savoir, tout sentir et tout fondre,
Être un, oui, mais divers et vaste.

“Ainsi l’écrivain ne doit plus être astreint à une discipline, ni soumis aux régles d’une école. Il sera éclectique, c’est à dire qu’il recevra et fondra toutes les tendances au “creuset de son âme” (D. G. Gouraige, Histoire de la littérature Hne).

La poésie haïtienne doit donc trouver sa voie, sa voie originale dans “L’évocation de nos états d’âme particuliers”.  Il ne sert à rien d’écrire dit Vilaire pour les amateurs d’exotisme; j’ai parlé, j’ai écrit pour ceux que tournent le drame de la vie, les problèmes de la destinée et de l’âme”.

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